LE DROIT FISCAL INTERNATIONAL : UNE NECESSITE POUR LE DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES AMEDJAR Abderrahim AIT OUAKRIM Jalal Université Hassan 1er- Settat 1 Le Droit fiscal international : Une nécessité pour le développement des relations économiques internationales AMEDJAR Abderrahim AIT OUAKRIM Jalal Université Hassan 1er- Settat Résumé Durant ces dernières décennies, il y avait un essor considérable des échanges internationaux et ce dans le cadre de la mondialisation des économies caractérisée par la globalisation financière, l’extension du marché international, la libéralisation des échanges, des investissements et des mouvements financiers. Par voie de corollaire, les questions de la fiscalité internationale sont devenues de plus en plus déterminantes pour se placer au premier plan des préoccupations des opérateurs économiques qui réalisent des opérations internationales. En effet, pour toute opération internationale il y a, au moins, deux souverainetés fiscales qui se prétendent être appliquées, si pas plus dans certains cas, pour l’imposition de ladite opération. L’objet de cet article est de s’interroger sur la pertinence de la fiscalité internationale pour régler les problèmes fiscaux soulevés par les activités ou situations économiques de caractère international et les dispositions adoptées en vue de leur règlement. Pour régler tous ces problèmes fiscaux, on a mis en place un Droit fiscal international qui trouve ses origines dans le Droit interne d’un Etat et éventuellement dans les conventions fiscales internationales que signe ce dernier avec les pays du reste du monde. Mots clés Droit fiscal international (DFI), double imposition, établissement stable, représentants à l’étranger, cycle commercial complet. 2 INTRODUCTION Durant les dernières décennies, on a assisté à un développement considérable de l’économie mondiale et ce pour plusieurs raisons : - L’ouverture de plus en plus intensive des économies des différents pays ; - L’augmentation du nombre de multinationales qui investissent au niveau international ; - La mise en place des accords de libre-échange au niveau international. Mais force est de signaler que ce développement n’est pas réalisé sans l’apparition de diverses distorsions : - Des inégalités flagrantes au niveau international entre les pays développés, pays émergents et pays en voie de développement ; - Des déséquilibres au niveau monétaire du fait du libéralisme des marchés monétaires et financiers ; - Des problèmes juridiques internationaux lorsqu’il s’agit des conflits qui concernent des personnes physiques et/ou morales qui n’ont pas la même nationalité ; - Des problèmes fiscaux (Gouthière. B. 2004) liés aux activités et situations économiques à caractère international lorsque l’intervention de plusieurs souverainetés pour l’imposition d’un revenu, d’un produit ou d’un bénéfice issus des opérations internationales devient nécessaire et entraîne par conséquent une double imposition (Gutman D. 2004) ; - Manipulation des prix de transfert par les multinationales ; - Les paradis fiscaux ; - Etc… Autant de questions qui montrent la nécessité de développer un Droit fiscal international adéquat pour traiter toutes ces questions afin d’assurer toutes les conditions nécessaires favorables au développement des relations économiques internationales. Dans cet article, on va traiter les particularités de la fiscalité internationale en répondant aux questions suivantes : - Quel est l’objet du Droit Fiscal International (DFI) ? - Quelles sont les opérations concernées par le DFI ? 3 - Quelles sont les problématiques à résoudre par le DFI ? - Quelle est la portée des solutions prévues ? I- Quel est l’objet du DFI ? De prime abord, il faut signaler que l’objet du DFI est de fixer les conditions d’imposition des opérations internationales c'est-à-dire non seulement les opérations faites par un résident d’un Etat sur le territoire d’un autre Etat ou avec un résident d’un autre Etat, mais également les règles relatives à l’imposition des biens et du capital détenus par un résident d’un Etat sur le territoire d’un autre Etat (Castagnède.B , Toledano .S., 1987). On ne peut donc entamer de questions de fiscalité internationale que lorsqu’une opération est assujettie, au moins, à deux ou plusieurs souverainetés fiscales distinctes et entraîner par conséquent une double imposition. Le DFI est un droit particulier car chaque Etat conserve son entière souveraineté fiscale et par conséquent les règles qui régissent les aspects fiscaux des opérations internationales résultent du Droit interne et éventuellement des conventions fiscales internationales. Donc la nécessité de mettre en place un DFI est bien ressentie dès le moment où une entreprise est bien confrontée à deux ou plusieurs souverainetés fiscales : le système fiscal de l’Etat de résidence et le système fiscal de l’Etat de la source (Ayadi H. (2001). Au titre des objectifs du doit fiscal international, cette discipline vise : − à éviter la double imposition internationale ; − à éviter la fraude et l’évasion fiscales internationales ; − à permettre et favoriser la coopération entre les administrations fiscales. Parmi ces objectifs, le premier, à savoir éviter la double imposition internationale est le plus important car il est à la base de la naissance de cette discipline et est toujours traité dans les conventions fiscales. II- Quelles sont les opérations concernées par le DFI ? Dans cet article, on va se limiter à traiter les opérations réalisées par les sociétés et on aura l’occasion, ultérieurement et dans un autre article, d’examiner les particularités des opérations internationales réalisées par des personnes physiques. 4 Dans les développements qui suivent on distinguera entre les sociétés marocaines qui réalisent des affaires internationales à l’étranger et les sociétés étrangères qui réalisent des affaires internationales au Maroc (Chakiri M. (2003). A- Cas des sociétés marocaines qui réalisent des affaires internationales à l’étranger : Une société est dite « marocaine » quand elle dispose de son siège social au Maroc. Une société marocaine peut réaliser des affaires à l’étranger des différentes manières. Elle peut, notamment, exporter ses produits ou services à l’étranger, acquérir et exploiter des biens mobiliers ou immobiliers à l’étranger ou encore créer une succursale ou même une filiale à l’étranger. B- Cas des sociétés étrangères qui réalisent des affaires internationales au Maroc : Les sociétés étrangères sont soumises à l’impôt au Maroc à raison de l’ensemble de leurs produits, bénéfices et revenus se rapportant aux biens qu’elles possèdent, aux activités qu’elles exercent et aux opérations lucratives qu’elle réalisent au Maroc, même à titre occasionnel( article 5 du CGI). III- Quelles sont les problématiques à résoudre par le DFI : Le DFI concerne les opérateurs économiques nationaux et étrangers qui investissent sur le territoire nationale et/ou à l’extérieur du pays (Douvier P-J, Gelin B., Gelin S., Gibert B., Le Boulanger A. ,2008). Ces opérateurs réalisent des opérations d’investissement, de production, de spéculation, de distribution de revenus… (Makmani M. 2007), et par conséquent ils sont concernés par la réglementation fiscale en vigueur qui cherche par tous les moyens à accroître les recettes fiscales de l’Etat. La particularité du DFI réside dans le fait que plusieurs souverainetés fiscales sont impliquées dans l’imposition des opérations internationales. Dans ce cadre, on distingue entre l’Etat de la source et l’Etat de résidence qui peuvent se prétendre avoir le droit d’imposition. 5 Cette situation génère une double imposition qui doit non seulement pénaliser les opérateurs nationaux et étrangers mais surtout entraver le développement de l’économie mondiale. Les Etats conscients de l’importance de promouvoir les échanges commerciaux, les investissements étrangers…, ont mis en place un DFI qui trouve ses origines dans deux sources importantes : le Droit interne et les conventions fiscales internationales. IV- Quelle est la portée des solutions prévues ? Au Maroc, le Droit interne a prévu un traitement fiscal pour les opérations internationales réalisées par les sociétés marocaines et étrangères. - La réglementation fiscale en vigueur (Le Code Générale des Impôts 2016) a bien défini les modalités d’imposition des opérations internationales. En effet l’article 5 du CGI détermine les bénéfices imposables à l’IS en précisant que : - « I- Les sociétés, qu’elles aient ou non leur siège au Maroc, sont imposables à l’IS en raison de l’ensemble des produits, bénéfices et revenus : Se rapportant aux biens qu’elles possèdent, à l’activité qu’elles exercent et aux opérations lucratives qu’elles réalisent au Maroc, même à titre occasionnel ; Dont le droit d’imposition est attribué au Maroc en vertu des conventions tendant à éviter la double imposition. II- Les sociétés n’ayant pas leur siège au Maroc, appelées sociétés non-résidentes sont, en outre, imposables à raison des produits bruts (énumérés à l’article 15 du même code) qu’elles perçoivent en contrepartie de travaux qu’elles exécutent ou de services qu’elles rendent, soit pour le compte de leurs propres succursales ou leurs établissements au Maroc, soit pour le compte de personnes physiques ou morales indépendantes, domiciliés ou exerçant une activité au Maroc. » (Hdid M. (2005). Dans ce qui suit on distinguera entre les modalités d’imposition des opérations internationales réalisées par des sociétés marocaines et celles réalisées par les sociétés étrangères au Maroc. A- L’imposition des affaires internationales des sociétés marocaines : Pour présenter le mode d’imposition des bénéfices, produits et revenus que tirent les sociétés marocaines des affaires qu’elles réalisent à l’étranger, il est primordial d’analyser la règle de territorialité de l’IS pour définir les critères que la législation fiscale marocaine en vigueur adopte pour soumettre ces sociétés à l’impôt au Maroc (Rédaction Francis Lefebvre 2002). 6 La notion de la source de bénéfice ou de revenu est d’une importance capitale en droit fiscal international, puisqu’elle présente le critère adopté par la réglementation fiscale marocaine pour l’imposition des affaires internationales. Cette notion de la source peut également être utilisée dans le sens inverse et servir, ainsi, comme critère d’exclusion de bénéfice ou de revenus déterminés du champ d’application de l’impôt. La doctrine administrative marocaine considère que ne sont pas soumis à l’IS au Maroc, les bénéfices qu’une société marocaine réalise à l’étranger dans les trois cas suivants : - Lorsqu’il s’agit de bénéfices réalisés par le biais d’un établissement stable situé à l’étranger ; - Lorsque ces bénéfices, par l’entremise de représentants à l’étranger, n’ayant pas de personnalité distincte de la société marocaine ; et enfin ; - Quand il s’agit de revenus qui proviennent de la réalisation d’un cycle commercial complet d’opération à l’étranger. Donc par voie de corollaire, tous les revenus, bénéfices et produits réalisés en dehors des trois situations précitées et qui se rapportent à des biens que ces sociétés possèdent et qui sont inscrits dans leurs actifs, la réglementation fiscale en vigueur se réserve le droit d’imposition. B- L’imposition des affaires internationales des sociétés étrangères : Au regard du droit fiscal marocain, une société est dite étrangère quand elle n’a pas son siège sociale au Maroc ; on parle aussi de société non résidente. La doctrine administrative (Belkheiri M. 2006) intervient pour considérer que les bénéfices et revenus dont il est question sont ceux qu’une société étrangère réalise au titre de : − La possession de biens au Maroc ; − L’exercice d’une activité au Maroc ; − La réalisation d’opérations lucratives occasionnelles au Maroc ; − Ou encore la perception de produits bruts en contrepartie de l’exécution de travaux ou services au profit de personnes résidentes ou exerçant une activité au Maroc. 7 Il faut préciser, à ce niveau, qu’en règle générale, une vente de marchandises réalisée à partir de l’étranger n’est pas considérée comme affaire faite au Maroc et, par conséquent, cette vente est exclue du champ d’application de l’impôt. L’imposition au Maroc d’une exportation à partir de l’étranger n’est admise que dans le cas où il est établi que la vente en question est faite par l’entremise d’un représentant dépendant au Maroc de la société non résidente. D’autre part, force est de préciser que les sociétés étrangères qui possèdent des biens au Maroc, sont imposables sur les bénéfices et revenus tirés de ces biens qui sont inscrits dans leurs actifs ce qui paraît paradoxale par rapport au traitement fiscal prévu pour les mêmes opérations lorsqu’il s’agit des sociétés marocaines qui réalisent les mêmes bénéfices et revenus à l’étrangers pour les biens qui sont inscrits dans leurs actifs au Maroc. En effet, pour les sociétés étrangères, les bénéfices et revenus tirés de ces biens devraient échapper à l’imposition au Maroc dès lors que ces biens sont inscrits à l’actif de société à l’étranger (Ait Ouakrim J. 2010)). 8 Conclusion Force est de signaler que la mondialisation des économies de marché conduit de plus en plus les entreprises à rechercher une certaine dimension et à s’introduire sur de nouveaux marchés géographiques. Ce mouvement d’expansion, qui trouve avant tout son origine dans la volonté de perpétuer l’entreprise initiale, peut être bloqué par des considérations fiscales du fait que ces entreprises sont confrontées généralement à deux souverainetés fiscales : pays de la source et pays de résidence, ce qui peut entraîner une double imposition et entraver par conséquent le développement de l’économie mondiale. On doit constater que les sociétés marocaines sont imposables au Maroc sur l’ensemble de leurs bénéfices, produits et revenus à l’exception de ceux qu’elles réalisent dans des entreprises exploitées à l’étranger. Ces sociétés sont, par conséquent, soumises à un système de mondialité de l’impôt tempéré, toutefois, par l’exemption des bénéfices et revenus réalisés dans les établissements stables exploités hors du Maroc (Ait Ouakrim J. 2010). Ce système freine à notre avis le développement international des sociétés marocaines, empêchées d’imputer sur leurs bénéfices taxables au Maroc les pertes éventuelles générées par l’investissement dans des établissements stables à l’étranger. En plus, les sociétés marocaines se trouvent soumises à une double imposition de leurs revenus passifs en l’absence de conventions fiscales internationales Ceci dit, il est à notre avis, primordial que le législateur fasse le choix entre un régime de territorialité stricte et un régime de mondialité (Gutman D. 2004). Enfin, on doit dire que l’ambition de cet article est de présenter dans la mesure du possible et d’une manière synthétique les particularités de la fiscalité internationale et il reste encore d’autres éléments qui nécessitent des explications approfondies (conventions fiscales, les prix de transferts, TVA et opérations internationales, …) 9 BIBLIOGRAPHIE Ait Ouakrim J. (2010), "Etude et appréciation critique du système d’imposition des affaires internationales au Maroc", Thèse de Doctorat National ès Sciences économique, Université Hassan II Casablanca. Ayadi H. (2001), Droit fiscal international, Edition Centre de PU Tunis. Belkheiri M. 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Rédaction Francis Lefebvre (2003), Code pratique Francis Lefebvre, Edition Francis Lefebvre. Rédaction Francis Lefebvre (2005), paradis fiscaux et opérations internationales : pays et zones à fiscalité privilégiée. Mesure anti-évasion, Edition Francis Lefebvre. Rédaction Francis Lefebvre (2010), Memento Pratique - Fiscal, Edition Francis Lefebvre. 11