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Telechargé par driss salem
Critique économique n° 2 Eté 2000 43
Ce papier présente un modèle de la productivité globale des facteurs. Il se
base sur le principe de la comptabilité de la croissance selon la méthode
élaborée par Denison. Les résultats empiriques obtenus déterminent la
contribution de chaque facteur (capital, travail, productivité globale des
facteurs) à la croissance globale.Ces contributions sont de 39,8 % pour le
travail, 48,1 % pour le capital et 12,1 % pour la productivité globale des
facteurs. Celle-ci révèle quatre cycles de croissance économique assez
significatifs.Néanmoins, ce papier n’explique pas l’origine de ces cycles.Il
se contente de les mettre en évidence. Nous tenterons d’apporter des
explications à ces cycles de croissance dans un prochain papier.
Mots-clés : croissance,capital, emploi, travail,productivité globale des
facteurs.
1. Introduction
La théorie de la croissance traditionnelle a été développée par Denison
(1967) dans son livre Why growth rates differ. Sur cette base, le Prix Nobel
Robert Solow a construit un modèle de croissance dans lequel il soutient
que la croissance économique est déterminée par l’évolution technologique,
qui dépend de facteurs non économiques telle la découverte scientifique, et
non de la politique économique. Pour infléchir la courbe de la croissance
potentielle, il faudrait accélérer le progrès technique qui élèverait la
productivité. Cette théorie offrait donc deux possibilités pour une politique
économique de croissance : d’une part, accélérer temporairement le rythme
de la croissance, c’est-à-dire en augmentant les investissements en capital
humain et matériel ; d’autre part, une hausse du taux de croissance à long
terme en favorisant une accélération du progrès technique, par exemple, en
encourageant la recherche et le développement (R&D) et l’esprit d’entreprise.
A l’aide de méthodes empiriques basées sur cette théorie, des chercheurs
ont montré que la fin des années soixante et le début des années soixante-
dix étaient marqués par un ralentissement de la croissance de la productivité
dans les pays industrialisés. C’est le changement le plus significatif dans
l’évolution économique de ces pays depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale.
Les sources de croissance
de l’économie marocaine
Abdesselam
Bouhia
Chargé d’études auprès
du Premier ministre
Abdesselam Bouhia
44 Critique économique n° 2 Eté 2000
Ces résultats empiriques ont montré que le progrès technique compte
pour environ la moitié de la croissance du produit par tête, ce qui revient
à dire que le ralentissement de la croissance est induit principalement par
le ralentissement de la croissance de la productivité globale des facteurs,
qui est dû au comportement du progrès technique. Plusieurs phénomènes
structurels et conjoncturels sont suspectés d’être derrière ce phénomène.
Le premier phénomène suspecté est le choc pétrolier de 1973.
W. Jorgenson (1988) a fait des calculs détaillés sur la croissance de la
productivité. A travers des fonctions de production désagrégées, il affirme
que le ralentissement de la croissance de la productivité durant la période
1973-1979 peut être attribué largement à l’augmentation du prix de l’énergie.
Il estime que l’augmentation de l’utilisation de l’énergie dans la plupart
des industries améliore le progrès technique. Donc, pour la plupart des
industries, la diminution de l’utilisation de l’énergie s’accompagne d’une
réduction de la croissance de la productivité globale des facteurs.
Griliches (1988), quant à lui, soupçonne la variation du « taux de création
de nouvelles connaissances ». Le nombre de brevets d’invention a
effectivement diminué depuis 1960. Cependant, il est sceptique quant à
l’importance de ce facteur. Il n’écarte pas, non plus, l’effet des erreurs de
mesure sur les résultas obtenus. Devant ce problème de mesure, il attribue
le ralentissent de la croissance de la productivité à la réduction du niveau
de la demande, qui opère en partie par la réduction de la capacité productive.
2. Le modèle
Bien que des différences méthodologiques subsistent encore, un large
consensus est formé autour du cadre conceptuel de Denison-Kendrick-
Jorgenson-Grilches-Solow pour mesurer la croissance de la productivité
globale des facteurs. Dans ce modèle, le taux de croissance du produit réel
est déterminé par deux composantes : la première est basée sur les taux de
croissance des facteurs, et la deuxième est une composante résiduelle
identifiée comme la variation due à l’efficacité de la production
(productivité globale des facteurs).
2.1. Modèle standard de la comptabilité de la croissance
Le cadre conceptuel pour l’estimation de la variation de la productivité
est dérivé des théories des fonctions de production. La forme générale de
la fonction de production agrégée est :
où Y(t) est un vecteur des quantités des extrants au temps t, X(t) est un
vecteur des quantités des intrants, et t est un paramètre introduit pour rendre
compte de la variation de l’efficience de la production. En adoptant une
représentation en un seul produit et deux intrant,s cette équation devient :
FY(t),X(t),t = 0
Les sources de croissance de l’économie marocaine
Critique économique n° 2 Eté 2000 45
(1)
Q(t), K(t) et L(t) sont respectivement – au temps t – le produit, les flux
des services du capital et du travail. A(t) est un paramètre d’efficience au
sens de Hicks qui rend compte du déplacement de la fonction de production.
Malgré cette restriction, ce modèle est suffisant pour la quantité et la qualité
de l’information statistique disponible au niveau national.
Le problème de base de l’analyse de la productivité globale est l’utilisation
des données sur les prix et les volumes pour répartir la croissance de Q(t)
selon ses sources, c’est-à-dire K(t), L(t), A(t). L’une des possibilités pour
accomplir cette tâche est de spécifier une forme paramétrique. On peut
procéder selon une méthode non paramétrique en calculant les différentiels
logarithmiques de (1) et obtenir :
(2)
Les points sur les variables indiquent les dérivées par rapport au temps,
alors que le terme à gauche de (2) indique le taux de croissance de Q. Ek
et El sont, respectivement, les élasticités du produit Q par rapport au capital
et au travail :
(3)
Les indices de temps sont omis pour rendre l’exposition des formules
mathématiques plus claires.
L’équation (2) détermine la contribution de A(t), K(t), et L(t) à la
croissance de Q, mais puisque les élasticités EKet ELdans (3) ne sont pas
observées, une hypothèse est nécessaire pour rendre possible l’application
empirique de ce cadre conceptuel. On suppose donc que les produits
marginaux sont égaux aux prix relatifs des flux des services des différents
intrants par rapport au prix de l’extrant :
(4)
C’est-à-dire que les intrants sont rémunérés aux produits marginaux.
P(t), Pk(t) et Pl(t) sont respectivement les prix de l’extrant et des services
du capital et du travail. En combinant (3) et (4) on obtient :
Q(t)
K(t) = PL(t)
P(t)
Q(t)
K(t) = PK(t)
P(t)
EK = Q
K K
Q
EL = Q
K L
Q
Q
Q = A
A +E
K K
K +E
L L
L
Q(t) = A(t)F K(t),L(t)
Abdesselam Bouhia
46 Critique économique n° 2 Eté 2000
(5)
Sket Slsont les parts, respectivement, des rémunérations du capital et
du travail dans la rémunération totale des facteurs de production. Elles sont
égales aux élasticités Eket ELd’après (2). Sous l’hypothèse de la constante
du rendement d’échelle, on a Sk+ Sl= 1, mais cette égalité n’est pas nécessaire
si une estimation indépendante de PKest disponible.
L’étape finale dans le modèle des sources de croissance consiste à combiner
(2) et (5). On obtient alors une équation dans laquelle toutes les variables
sont mesurables, à part qui peut être considérée comme une partie
résiduelle et mesurée par différence :
(6)
L’équation (6) est fondamentale en comptabilité de croissance sous sa
forme continue dans (6). Sont remplacés par les différences annuelles des
variables en logarithme, par exemple :
(7)
et les parts sont remplacées par leurs moyennes arithmétiques annuelles,
soient :
(8)
En utilisant (7) et (8), l’indice de obtenu est l’indice “tornqvist” ou
productivité globale des facteurs. L’indice “tornqvist” est exact si la
technologie a la forme d’une fonction de production Translog. On démontre
que la forme continue (6) est exacte pour toute fonction satisfaisant les
Conditions générales de régularité sur (1).
2.2. Mesure du stock de capital humain
L’homme constitue l’acteur principal dans le processus de production.
C’est à travers lui que le progrès technique passe à la production en
augmentant la productivité de la main-d’œuvre.
Le capital humain est un stock déterminé par la quantité mais aussi la
qualité tels que le degré de qualification, le niveau d’instruction, etc.
A
A
1/2 SL(t) + SL(t – 1)
1/2 SK(t) + SK(t – 1) ,
Q(t)
Q(t) = LnQ(t) – LnQ(t – 1)
A
A = Q
Q –S
KK
K –S
LL
L
A
A
Les sources de croissance de l’économie marocaine
Critique économique n° 2 Eté 2000 47
Deux populations de même taille ne constituent pas deux “stocks” de capital
humain équivalents. Alors, ce qui est souhaitable, c’est d’avoir la population
active occupée par catégorie (degré de qualification, niveau d’instruction)
et les taux de salaire qui rémunèrent le travail de chacune de ces catégories,
ou la masse salariale par catégorie pour permettre l’agrégation. Mais étant
donné le manque de séries de telles données, on a eu recours à des hypothèses
simplificatrices, à savoir qu’entre les différents recensements, où on a une
estimation de la population active occupée, cette dernière a évolué, toute
proportion gardée, et que le capital se réduit à la taille de la population.
L’information la plus importante qui manque est celle relative à la
rémunération de chaque catégorie de la population active. Tant que cette
estimation fera défaut, le stock de capital restera mal approché. Les autres
éléments nécessaires peuvent êtres estimés à travers les enquêtes et
recensements, sauf peut-être le milieu rural où les enquêtes qui peuvent
renseigner sur le stock de capital sont rares.
2.3. Mesure du stock de capital matériel
La théorie du capital est l’une des plus difficiles de la théorie économique.
On peut dire même qu’elle constitue la pierre angulaire de la théorie de la
croissance. Plusieurs économistes ont essayé de définir la notion de capital.
Il l’ont considérée comme du travail figé, une consommation différée, un
stock de biens durables, ou comme un flux de services de facteurs. Son
agrégation aussi pose autant, sinon plus de problèmes. Cependant, les
économistes ont besoin dans leurs études et analyses d’une mesure du capital.
Comment peut-on apprécier le processus de croissance si on ne sait pas
comment mesurer un facteur aussi important que le stock de capital ?
Comment peut-on expliquer le ralentissement de la productivité observé
dans les économies industrialisées depuis 1970 sans avoir recours aux mesures
des facteurs de la croissance, dont le capital est de loin le moins négligeable ?
Deux aspects font la différence entre le capital (y compris humain) et
le facteur primaire : le capital en tant que moyen de production, qui lui-
même est produit et le capital en tant que bien durable. Le premier aspect
constitue la première controverse de Cambridge, mais le second aspect est
à la base des énormes difficultés qu’on rencontre en mesurant le capital.
La durabilité signifie que les biens en capital serviront plusieurs fois dans
l’opération de production. Donc, une distinction doit être faite entre la
valeur de son utilisation ou sa location une année donnée et la valeur qu’a
ce capital en le possédant.
Cette distinction n’aurait pas conduit à des problèmes de mesure si les
services rendus par le capital une année donnée avaient été rémunérés cette
même année. Tout le capital aurait été loué, dans ce cas, les prix et les
quantités de capital seraient déterminés par le marché de location du capital
de la même manière que le marché du travail fixe le taux de salaire et la
quantité de la main-d’œuvre par les mécanismes de l’offre et de la demande.
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