Les sources de croissance de l’économie marocaine
Critique économique n° 2 • Eté 2000 47
Deux populations de même taille ne constituent pas deux “stocks” de capital
humain équivalents. Alors, ce qui est souhaitable, c’est d’avoir la population
active occupée par catégorie (degré de qualification, niveau d’instruction)
et les taux de salaire qui rémunèrent le travail de chacune de ces catégories,
ou la masse salariale par catégorie pour permettre l’agrégation. Mais étant
donné le manque de séries de telles données, on a eu recours à des hypothèses
simplificatrices, à savoir qu’entre les différents recensements, où on a une
estimation de la population active occupée, cette dernière a évolué, toute
proportion gardée, et que le capital se réduit à la taille de la population.
L’information la plus importante qui manque est celle relative à la
rémunération de chaque catégorie de la population active. Tant que cette
estimation fera défaut, le stock de capital restera mal approché. Les autres
éléments nécessaires peuvent êtres estimés à travers les enquêtes et
recensements, sauf peut-être le milieu rural où les enquêtes qui peuvent
renseigner sur le stock de capital sont rares.
2.3. Mesure du stock de capital matériel
La théorie du capital est l’une des plus difficiles de la théorie économique.
On peut dire même qu’elle constitue la pierre angulaire de la théorie de la
croissance. Plusieurs économistes ont essayé de définir la notion de capital.
Il l’ont considérée comme du travail figé, une consommation différée, un
stock de biens durables, ou comme un flux de services de facteurs. Son
agrégation aussi pose autant, sinon plus de problèmes. Cependant, les
économistes ont besoin dans leurs études et analyses d’une mesure du capital.
Comment peut-on apprécier le processus de croissance si on ne sait pas
comment mesurer un facteur aussi important que le stock de capital ?
Comment peut-on expliquer le ralentissement de la productivité observé
dans les économies industrialisées depuis 1970 sans avoir recours aux mesures
des facteurs de la croissance, dont le capital est de loin le moins négligeable ?
Deux aspects font la différence entre le capital (y compris humain) et
le facteur primaire : le capital en tant que moyen de production, qui lui-
même est produit et le capital en tant que bien durable. Le premier aspect
constitue la première controverse de Cambridge, mais le second aspect est
à la base des énormes difficultés qu’on rencontre en mesurant le capital.
La durabilité signifie que les biens en capital serviront plusieurs fois dans
l’opération de production. Donc, une distinction doit être faite entre la
valeur de son utilisation ou sa location une année donnée et la valeur qu’a
ce capital en le possédant.
Cette distinction n’aurait pas conduit à des problèmes de mesure si les
services rendus par le capital une année donnée avaient été rémunérés cette
même année. Tout le capital aurait été loué, dans ce cas, les prix et les
quantités de capital seraient déterminés par le marché de location du capital
de la même manière que le marché du travail fixe le taux de salaire et la
quantité de la main-d’œuvre par les mécanismes de l’offre et de la demande.