Une photo certainement prise dans la période
de Noël montre quelques guirlandes au plafond
ainsi qu’un petit sapin habillé à gauche. Un homme
se tient au premier plan, un autre au troisième plan,
tous les deux regardent dans une direction opposée.
Ils semblent absorbés. La photo met le spectateur
face à une forme de vide : le peu de décoration
renforce l’absence de mouvement et d’excitation qui
accompagnent habituellement noël.
Les photos au discours probatoires ont normalement tendance à donner des indices de lecture, au
sein de l’image ou dans le paratexte, afin de certifier que celles-ci sont la trace d’un évènement passé.
En réalité, le fait que cet ouvrage soit réalisé trente-deux ans après que les photos aient été prises
changent la donne. Ces « asiles de fous » en particulier ont été fermés, et cette entreprise de fermeture
était même déjà engagée lorsque Depardon a pris ces photos. Contrairement à Lewis Hine et son projet
National Child Labor Committee (1907-1919), le combat n’est donc pas dans la preuve photographique
pour qu’elle serve de preuve juridique, puisque la justice s’est déjà occupée de ces lieux.
Raymond Depardon veut dénoncer l’enfermement et non montrer du doigt la folie. Le lien entre
photographie et folie est étroit. La photographie a très vite servi au monde hospitalier pour catégoriser
les différentes pathologies selon les caractéristiques physiques, c’est la physiognomonie. La psychiatrie
quant à elle s’empare de la photographie pour illustrer les différentes crises possibles et capturer sur la
pellicule la folie de l’âme. Charcot crée le service photo de l’hôpital de la Salpêtrière en 1978 pour
reproduire et ordonner les différents états de crise de folie qu’il remarque chez ses patients, et qu’il
propose de traiter notamment par l’hypnose. Hypnose qui sert d’ailleurs à reproduire et maintenir ces
états de folie pour la prise de vue photographique. Charcot fait l’usage de ce que Michel Foucault
appelle, dans Les mots et les choses, le « rectangle intemporel, [...]où, dépouillés de tout commentaire, de tout langage
d'alentour, les êtres se présentent les uns à côté des autres, avec leurs surfaces visibles, rapprochés selon leurs traits
communs, et par là déjà virtuellement analysés, et porteurs de leur seul nom. [...] » (p143). La photographie
demande ici à remettre en scène la folie, et à retrouver cet instant critique qu’est une crise d’épilepsie
ou d’hystérie. La photo est au service du moment de folie. Paul Richer, Georges Gilles de la Tourette et