L’arche sainte de l’erreur libérale [Réflexions sur la Constitution belge] par Pierre Moreau, 23 octobre 1975 On rencontre fréquemment l’opinion selon laquelle la Constitution, dont l’État belge est doté depuis 1831, fut à l’origine d’une véritable renaissance dans tous les domaines de la vie sociale, pour les provinces méridionales des Pays-Bas. Celles-ci venaient de s’établir, l’année précédente, dans l’indépendance. « Des siècles et des siècles d’esclavage », dit la chanson, débouchaient enfin, grâce à la loi fondamentale en question, sur la paix, la prospérité, la concorde et, bien sûr, la liberté. Selon cet avis très répandu, il faudrait donc souscrire sans réserve à la déclaration du ministre catholique Jules Malou, du 1er décembre 1875, devant la Chambre : « La Constitution, mais c’est elle seule qui est pour nous un rempart contre les atteintes indirectes que l’on porte tous les jours à nos libertés constitutionnelles ! Nous l’aimons comme le soldat aime son arme, comme nous aimons la forteresse qui nous sert d’abri. » Le sens évident de ce morceau d’éloquence parlementaire est le suivant : la Constitution belge est un document exemplaire, le seul garant d’une organisation sociale acceptable et souhaitable par des hommes libres. L’année dernière encore, la revue française Permanences publiait en son numéro 112 d’aoûtseptembre 1974 une étude intitulée « Les catholiques belges face à la Constitution : participer ou se retirer ? » Rédigé par feu le comte Capelle, ce texte fourmille, paraît-il, de leçons profitables. Quoi qu’il en soit, le sujet est important. Toujours actuel, il n’est pas circonscrit aux événements qui ont fait naître la loi fondamentale, ni aux controverses extrêmement animées et même acerbes auxquelles cette loi a donné lieu dans les milieux catholiques belges. La Constitution se rapporte à de nombreuses questions que la doctrine sociale de l’Église ne permet pas à chacun de trancher à sa guise. Les constituants belges furent des précurseurs et ils furent universellement imités. L’influence qu’ils exercèrent par là est d’autant plus importante qu’ils étaient en grande majorité catholiques. Il ne fait aucun doute que leur comportement détermine celui de générations entières d’hommes politiques d’obédience catholique qui, à l’origine, se référaient explicitement à ce précédent mais qui, plus tard, continuèrent à en recevoir l’impulsion, tacite mais indéniable. Il n’est donc pas inopportun de faire sur la Constitution belge quelques réflexions. Les antécédents historiques Depuis 1579, par l’affiliation des princes catholiques à la Confédération d’Arras en vue de faire pièce aux princes protestants groupés dans l’Union d’Utrecht, les « Pays de par-deçà » se trouvaient divisés en deux : protestants au nord et catholiques au sud. Ceux-ci purent continuer, sous la conduite de leurs seigneurs naturels, à jouir des libertés ancestrales qui leur étaient traditionnellement et effectivement garanties par les chartes, franchises, joyeuses entrées et constitutions nombreuses qui obligeaient lesdits princes. En 1648, au terme de la guerre de Trente Ans, les traités de Westphalie, ou plus exactement le traité de Munster, allait, d’une manière très moderne, consacrer l’ « indépendance » des provinces rebelles du nord. Au siècle suivant, sous le régime autrichien, les idées des « philosophes » s’introduisirent dans les provinces méridionales et y accomplirent leur travail de sape parmi l’aristocratie, la bourgeoisie et, bien entendu, le clergé (cfr Bertrand Van der Schelden, La Franc-Maçonnerie belge sous le régime autrichien, Uystpruyst, Louvain 1923). Mais les institutions sociales se maintenaient et, avec elles, chez le peuple, la foi et les mœurs. La Révolution brabançonne, en 1789, sous la direction de Vonck et Van der Noot, ne constitue qu’un intermède, une réaction assez brouillonne de quelques-uns contre le caractère tracassier des ordonnances de Joseph II. Elle ne constitue nullement un acte d’opposition de principe ; contrairement à ce que l’on a prétendu et que l’on prétend encore, elle n’exprime aucunement une volonté de retour aux traditions sociales héritées de la chrétienté. La France conventionnelle allait régler la question en annexant purement et simplement les provinces belges qui furent réduites, durant vingt ans, à la condition de neuf départements français. Après l’écroulement de l’Empire, leur sort fut fixé d’autorité par le traité de Paris [30 mai 1814]. Elles servirent à accroître le royaume de GeorgesFrédéric d’Orange-Nassau, qui régna sous le nom de Guillaume Ier. Le traité de Vienne, en 1814, selon lequel les chancelleries remodelaient l’Europe à leur guise, décréta qu’une constitution serait attribuée par les Hollandais au nouveau Royaume des Pays-Bas, de commun accord avec les Belges. La commission qui élabora la loi fondamentale des Pays-Bas fut d’avis de régler séparément les intérêts religieux de la Belgique catholique et ceux de la Hollande protestante. Elle émit comme résolution, en attendant un concordat avec le Saint-Siège : « que la religion catholique, apostolique et romaine continuera à jouir de tous les droits, usages et coutumes ainsi que de sa hiérarchie, dans les provinces méridionales, dont elle a joui sous ses princes souverains catholiques conformément aux lois et concordats. 1. » Cette commission, composée pour moitié de Belges et pour moitié de Hollandais, était d’avis de consulter le Souverain Pontife. Un premier projet, non publié, fut approuvé par le roi. Mais bientôt survint la victoire des armées alliées à Waterloo, qui eut pour effet d’affermir l’autorité de Guillaume et d’attiser son sectarisme calviniste. Il fit secrètement remanier le projet constitutionnel, mais plusieurs dispositions de la nouvelle mouture parvinrent à la connaissance des évêques qui, sous la conduite morale de l’évêque de Gand, Monseigneur de Broglie, transmirent au roi, à leur sujet, des représentations respectueuses. Ce fut sans effet. Cinq jours plus tard, le 2 août 1815, Monseigneur de Broglie publia une instruction pastorale dont il n’est pas sans profit de méditer cet extrait : « Quels justes reproches n’aurait-on pas à nous faire dans la suite si, lorsqu’il était encore en notre pouvoir d’empêcher les ouailles qui nous sont confiées, de tomber dans un précipice, dont il leur serait ensuite devenu impossible de sortir, nous aurions, par une lâche condescendance, trahi un de nos devoirs les plus sacrés ? Que nous resterait-il alors, sinon de nous écrier avec le prophète : ‘Malheur à moi, parce que j’ai gardé le silence ! » Grâce à cette intervention vigoureuse, la loi fondamentale fut rejetée par une majorité de 269 voix. « Le rejet de la loi était d’autant plus significatif, remarque Th. Abner 2, que les membres du clergé, qui formait autrefois le premier ordre dans l’État, n’avaient pas été compris parmi les notables chargés d’accepter ou de rejeter la loi fondamentale. Ces notables étaient nommés par le roi ; ils étaient loin d’être tous recommandables par leur religion, leur science et leur probité ; les uns étaient imbus des erreurs philosophiques en vogue ; d’autres étaient des acquéreurs de biens ecclésiastiques ; d’autres enfin, bien qu’honnêtes, manquaient du courage et de l’intelligence qu’exigeaient les circonstances.» Guillaume ne manqua pas de reconnaître que le projet de constitution avait échoué sur la question religieuse, ou, pour reprendre ses propres termes, « sur les articles relatifs au culte ». Mais il imputait 1 Théodore Abner, Études sur le catholicisme libéral et le serment constitutionnel, Van Cortenbergh, Bruxelles, 1878, p. 148. 2 Loc. cit. p. 129. son échec à l’intervention néfaste et perturbatrice « de quelques hommes de qui le corps social devait au contraire attendre l’exemple de la charité et de la tolérance évangéliques ». Quels étaient donc ces « articles relatifs au culte », qui constituaient le cœur du litige ? C’étaient, d’après le « Jugement doctrinal sur le serment prescrit par la Constitution », document publié conjointement par tous les évêques belges, les articles suivants : Art. 190 — La liberté des opinions religieuses est garantie à tous. Art. 191 — Protection égale est accordée à toutes les communions religieuses qui existent dans le royaume. Art. 192 — Tous les sujets du roi, sans distinction de croyance religieuse, jouissent des mêmes droits civils et politiques, et sont habiles à toutes les dignités et emplois quelconques. Art. 193 — L’exercice public d’aucun culte ne peut être empêché, si ce n’est dans le cas où il pourrait troubler l’ordre et la tranquillité publique. Art. 196 — Le roi veille à ce que tous les cultes se contiennent dans l’obéissance qu’ils doivent aux lois de l’État. Que pouvait encore faire Guillaume devant le refus des notables et l’opposition vigoureuse des évêques ? Passer outre. C’est ce qu’il fit en prenant un arrêté, le 24 août 1815, par lequel il décrète formellement que le projet de loi qui avait été remis de sa part aux états généraux et aux notables aura force de constitution pour le royaume. En vertu d’une conception très calviniste de la charité et de la tolérance évangéliques, il n’eut de cesse que Monseigneur de Broglie, qu’il considérait à juste titre comme son plus redoutable adversaire en cette affaire, ne fût destitué de son siège épiscopal et banni. L’évêque devait en effet mourir en exil à Paris en 1821. Tous les prélats n’avaient pas même rigueur. Et notamment le prince de Méan, qui devait être appelé en 1817 au siège de l’archevêché de Malines. Guillaume l’avait nommé comme membre de la première Chambre des états généraux en 1815, sans doute en raison de ce caractère ondoyant auquel il rendait expressément hommage, dans une lettre qu’il lui adressait dès le 16 septembre 1815 et où il écrivait notamment : « Protéger l’entière liberté des cultes existants est un des principaux devoirs que la Constitution m’impose, et, à moins de méconnaître l’esprit de la Constitution et de mal interpréter les expressions y contenues, on ne peut craindre que ceux qui s’obligent avec moi à l’observer et à la maintenir soient jamais dans le cas de porter la moindre atteinte aux dogmes et à la discipline de l’Église catholique. En hâtant par vos leçons et votre exemple l’époque où cette conception sera universelle, vous rendrez un vrai service à la patrie, et vous acquerrez de nouveaux titres à mon estime. » Méan prêta le serment constitutionnel et ne consentit jamais à apporter à ce serment les restrictions univoques que pourtant le Saint-Siège avait réclamées de lui avant de le nommer au siège de Malines. Toute sa souplesse ne devait pas lui épargner la disgrâce de Guillaume. Si bien que l’on retrouva Monseigneur de Méan dans le camp des opposants au roi en 1830. Il mourut subitement en 1831, à la veille de la naissance de cette Constitution belge qu’il avait patronnée par son exemple. D’une constitution à l’autre La comparaison entre le texte de la Constitution de Guillaume et celle du Congrès est tellement riche d’enseignements de toutes sortes, que l’on peut s’étonner de voir une personnalité comme le Comte Capelle, dans le document mentionné plus haut, ne pas y prêter une attention sérieuse. À première vue, pourtant, le changement radical de l’attitude des notables en ce court laps de temps de seize années, devant la question identique des rapports entre l’Église et l’État devrait pousser un esprit curieux à quelque enquête. Comment expliquer que, d’une part en 1815, une assemblée composée comme on l’a vu refusât, et que, d’autre part en 1831, une autre assemblée à majorité de catholiques acceptât avec enthousiasme de rejeter l’Église et toute préoccupation religieuse hors de la vie politique ? Ce qui était proposé aux uns comme aux autres était ni plus ni moins que la laïcisation de l’État et l’introduction, dans les lois, de ce qu’on persiste à appeler — non sans quelque noire ironie — les libertés modernes. La perplexité s’accroît si l’on observe que, sous le régime hollandais, les notables étaient l’objet de pressions, tandis que ceux qui siégeaient au Congrès comme constituants avaient accepté librement de reprendre à leur compte ce contre quoi les Belges prétendaient et prétendent encore s’être révoltés en 1830. Tout s’explique dès qu’on décèle la modification, d’un cas à l’autre, de deux éléments de la situation. Le premier, le plus déterminant, est la fermeté doctrinale de Monseigneur de Broglie en 1814, qui fit place au laxisme de Monseigneur de Méan en 1830. Sous l’impulsion de l’évêque de Gand, les chefs des diocèses avaient, le 28 juillet 1815, adressé au roi une réclamation conçue en ces termes : « Sire, l’état de la religion et les libertés de l’Église catholique dans cette partie de votre royaume ne peuvent subsister avec un des articles du projet de la nouvelle Constitution en vertu duquel une protection et une faveur égales sont accordées à tous les cultes. « Jamais, depuis la conversion des Belges au christianisme, on n’a introduit cette dangereuse nouveauté dans ces provinces que par la violence 3. » C’était là une fin de non-recevoir on ne peut plus nette. Les évêques s’opposaient aux principes, comme le veut et l’enseigne la morale catholique depuis les temps apostoliques. En 1825, Guillaume prit des arrêtés relatifs à l’instruction publique. C’était fort habile, parce qu’il savait que, sous la conduite d’un archevêque libéral, l’opposition des catholiques se fixerait et s’épuiserait sur les modalités de leur soumission pratique aux idées modernes. Guillaume avait eu l’occasion d’apprécier l’attachement de ses nouveaux sujets à la religion qu’il détestait, à la fois comme protestant et comme protecteur émérite de la franc-maçonnerie 4. Il se souvenait de son échec à leur faire accepter les principes nouveaux, ouvertement présentés comme tels. Cette fois, il s’y prendrait d’une autre manière en vue d’effacer insensiblement la marque catholique. Et, en effet, encore sous l’empire des lumineux et solides enseignements de l’ancien évêque de Gand : « notre clergé, écrit Gerlache, tenait le même langage que Mgr de Broglie en 1815, avec cette différence que Mgr de Broglie repoussait la loi fondamentale et qu’en 1825 on s’y soumettait, mais en persistant à se tenir toujours en dehors. Il faut noter ces nuances et les transitions habilement ménagées, si l’on veut se rendre bien compte du changement profond qui s’opère en peu de temps dans I’attitude et les sentiments des catholiques 5. » Oui, ce changement profond dans l’attitude et les sentiments des catholiques, voilà le deuxième élément qui devait amener les constituants belges à appeler de leurs vœux l’inscription dans la loi de ces libertés oppressives contre lesquelles ils s’étaient, prétendument, insurgés quelques mois plus tôt, lors de la « révolution » de 1830. Blanc de Saint-Bonnet devait écrire à propos de ce phénomène : 3 Th. Abner, La Constitution belge, Van Cortenbergh, Bruxelles, 1875, p. 12. Woordenboeck voor vrijmetselaren, Brinkman, Amsterdam, s.d., tome III, pp. 25-27. 5 Cité par Th. Abner, Le Catholicisme libéral, p. 131. 4 « Ce fut seulement à partir de 1830, qu’à la suite de M. de Lamennais on vit des esprits religieux céder à l’illusion du libéralisme. Aussi, tout en croyant porter la Foi au sein des idées libérales, un certain nombre, comme on le sait, y ont perdu la leur. Lorsque les idées libérales et les idées chrétiennes pénètrent à la fois dans la même tête, les idées libérales finissent ordinairement par étouffer les idées chrétiennes 6. » Il n’y avait plus, pour les ennemis de l’Église, qu’à laisser se dérouler le processus désormais indépendant des meilleures intentions chez les personnes qui y prenaient part. C’est une méthode contre laquelle les victimes restent sans défense. Le baron de Gerlache, qui avait présidé le Congrès (mais qui abjura le libéralisme lorsque l’encyclique Mirari vos en 1834 lui eut ouvert les yeux), était particulièrement bien placé pour en analyser les effets : « Il y a quelque chose de pire que le despotisme, écrivait-il, c’est l’excès de la liberté. Le despote opprime et persécute ceux qui lui sont opposés ; mais l’absence de frein déprave en peu de temps toute une population. L’autorité trop absolue abuse de sa force, mais elle contient et elle effraie les malveillants ; tandis que l’esprit démagogique conduit au relâchement de tous les liens politiques et moraux en favorisant l’anarchie. On peut opposer la patience au despote, on attend qu’il change ou qu’il passe ; mais la licence populaire ne laisse après elle que des ruines. Quand on peut tout dire et tout écrire, on peut tout faire : les mauvaises pensées sont mères des mauvaises actions ; c’est ainsi qu’on arrive, sous couvert de liberté, à la dissolution complète de la société et de la religion. Quoiqu’on nous dise merveille des progrès de l’intelligence humaine, les premières vertus de ce monde seront toujours la foi, l’espérance, la charité et la soumission aux puissances. Ce n’est pas à des prêtres qu’il appartient de changer cet ordre divin 7. » Ce n’est pas pour rien que Gerlache s’en prend, en passant, aux prêtres libéraux. Il les connaissait pour les avoir vus à l’œuvre dans l’assemblée qu’il présidait et où ils siégeaient au nombre de treize parmi les constituants. Le plus grand malheur « Surtout, écrivait Monseigneur de Ségur dans son petit ouvrage sur Le Libéralisme catholique, méfiez-vous grandement des ecclésiastiques imbus de libéralisme. » Et, à ce propos, il cite la réflexion suivante, faite par Pie IX à un évêque de France : « Le plus grand malheur qui puisse arriver à un chrétien laïque, c’est d’avoir pour conseiller et ami un prêtre de mauvaise doctrine. Un prêtre qui a de mauvaises mœurs, on le méprise, on le repousse, mais un prêtre qui a de mauvaises doctrines, il vous séduit d’autant plus facilement que ses opinions flattent les idées du jour 8. » Depuis un siècle que ces réflexions ont été publiées, les occasions n’ont pas manqué aux catholiques de vérifier leur bien-fondé. Et l’on pourrait même ajouter, sans crainte de trahir la pensée du Souverain Pontife, que le plus grand malheur, pour un diocèse ou pour un peuple, est d’être gouverné par un évêque gagné aux idées modernes. Le règne de prélats libéraux fit lever un clergé ivre d’esprit révolutionnaire. Écoutez ce langage de forcené, c’est celui de l’abbé Mathan s’adressant au Congrès en 1830 : « Une fois qu’un peuple s’est soulevé, qu’il a brisé ses fers, qu’il ne veut plus de ses oppresseurs, qu’il a accompli sa légitime révolution, alors, Messieurs, sa volonté est sa raison ! Son courroux est la justice ! » Et encore : 6 Cité par Th. Abner, loc. cit., p. 40. Cité par Th. Abner, loc, cit., p. 132. 8 Cfr Th. Abner, Histoire du peuple de Dieu, Vancortenbergh, Bruxelles, 1877, p. 108. 7 « Le seul gouvernement raisonnable est celui où l’Église et l’État se trouvent complètement séparés 9. » Parlant, dans les mêmes circonstances, de l’union des catholiques et des libéraux, l’abbé de Haerne proclamait : « Cette union seule sauvera le monde si le monde peut être sauvé. Représentant d’une nation entièrement catholique, c’est pour elle que je demande la république ; sous ce régime, les catholiques n’auront plus à craindre ni protection ni privilèges ; ils se soutiendront de leurs propres forces, ils vivront de leur propre vie ; la Religion se séparera entièrement de l’État 10. » Et l’abbé Verbeke : « Par là même que l’État déclare ne professer aucun culte, aux yeux de la loi, la religion lui est indifférente, le temple est un édifice, les cérémonies religieuses, les sacrements, il ne les connaît pas ; le prêtre est un citoyen et rien de plus. Oui, Messieurs, l’État ignore le sacrement, il connaît le contrat civil ; il en règle les effets, voilà son domaine ; l’Église ne s’en mêle pas ; mais que l’État ne vienne point s’immiscer dans l’administration du sacrement de mariage. Le contrat civil et le mariage religieux sont des choses si différentes qu’un homme peut être concubinaire devant l’Église et époux légitime devant la loi. C’est là l’effet inévitable, nécessaire de la séparation de l’Église d’avec l’État, séparation que tous les catholiques et libéraux ont intérêt à maintenir et à consolider. (…) Y a-t-il rien de plus absurde, en notre siècle de libéralisme, que la prétention qu’aurait le gouvernement de vouloir à toute force invoquer la loi religieuse pour appuyer la loi civile, et assurer son exécution ? Qu’on y réfléchisse, messieurs ! Que dirait-on si les catholiques invoquaient le glaive de la loi civile pour faire respecter les lois de leur culte ? Ne crierait-on pas avec raison à l’intolérance, au fanatisme 11 ? » Toujours sur le même sujet et devant la même assemblée, l’abbé J. De Smedt s’écrie : « Nous voulons la séparation entière de l’Église et de l’État, nous voulons la liberté religieuse d’une manière réelle, afin que dans notre Belgique aussi la Constitution soit une vérité 12. » Déjà, la grande crainte de tous les novateurs travaillait les ancêtres du progressisme actuel. La même crainte viscérale de manquer le coche apparaît sous l’écaille des expressions obsolètes et du style désuet. « Messieurs, disait l’abbé de Foere au Congrès, si je viens réclamer, avec mon honorable collègue M. l’abbé Verduyn, la liberté de la presse dans toute son intégrité et dans toute son étendue, c’est pour vous donner une nouvelle preuve publique que, sans exclusion, sans catégorie, sans restriction aucune, comme sans arrière-pensée, nous voulons la liberté la plus pure, en tant qu’elle est conciliable avec la conservation de la société. Nous serons et nous voulons être conséquents en tout jusqu’au bout. Pour dissiper les craintes que quelques personnes pourraient éprouver à l’égard des influences pernicieuses que la liberté entière de la presse pourrait exercer sur l’ordre social, j’établirai en principe que, si nous continuons à poser dans la Constitution les droits de tous, et de garantir leurs libertés sans restriction aucune, comme nous l’avons fait jusqu’à présent, j’établis qu’alors les résultats de la presse seront, en thèse presque générale, favorables à l’ordre social et à sa stabilité. La raison en est évidente : tous seront intéressés au maintien et à la consolidation d’un ordre de choses dans lequel tous trouveront la garantie de leurs droits et de leurs libertés. La malveillance n’aura aucun succès ; elle sera étouffée par l’opinion générale, qui sera intéressée au maintien de l’ordre social, tel que nous l’aurons libéralement établi 13. » Vraiment, Jean-Jacques Rousseau lui-même n’aurait pas pu mieux dire que ces abbés politicards qui, pour leur malheur, avaient trouvé un auditoire à la fois digne et complaisant à accueillir leurs élucubrations. Si encore ils en avaient été réduits à se produire, déguisés, dans quelque cabaret, 9 Th. Abner, Histoire du peuple de Dieu, p. l06. Th. Abner, Le catholicisme libéral, pp. 51-52. 11 Th. Abner, loc, cit., p. 52. 12 Idem, p. 523. 13 Idem, p. 137. 10 devant une demi-douzaine de poivrots ! Mais non, ils vaticinaient tranquillement devant un vaste aréopage de notables et ils travaillaient à doter des provinces, jusque là exclusivement catholiques, d’un appareil légal qu’elles subissent encore après un siècle et demi. Pour apprécier les effets d’aussi beaux discours et de cet art de penser, il suffit d’ouvrir les yeux aujourd’hui. Il suffit de relever les positions que les catholiques tiennent encore en tant que tels dans les institutions. L’inventaire sera vite fait : il n’en reste plus une seule. Et qu’on ne vienne pas dire que ceci n’est pas la conséquence de cela, ou bien encore que ces conséquences étaient imprévisibles. Bien avant que ne siègent les constituants belges, Bonald avait écrit ces lignes d’une terrifiante lucidité : « Si le peuple est souverain légitime, toutes les lois faites par le peuple ou au nom du peuple sont bonnes, et la loi de l’infanticide que porte ou que souffre un peuple pour borner l’excès de sa population, est aussi bonne que celle qu’il porte pour encourager les mariages 14. » Si demain, ce qu’à Dieu plaise, il est possible de faire échouer le projet sanglant de l’infanticide prénatal, ce n’est pas dans la Constitution qu’on en aura trouvé les moyens ; ce ne pourra être, au contraire, qu’en enrayant le déroulement fatidique du processus mis en branle par le Congrès national de 1830. Des veilleurs assoupis D’après le comte Capelle, les congressistes catholiques, en 1830, auraient essayé en vain d’améliorer la loi fondamentale de 1815 15. A l’entendre, le seul moyen dont ils disposaient aurait été de recourir à la politique de Gribouille et d’accorder, aux ennemis de l’Église tout comme à ses fidèles, cette fameuse liberté illimitée qui devait, à ce qu’il paraît, tourner forcément à l’avantage des plus nombreux, c’est-à-dire des catholiques. L’auteur donne clairement à entendre que les adversaires de la méthode miracle n’étaient que quelques irréductibles réactionnaires, chasseurs de sorcières tombés sans emploi, « grands pourfendeurs de bonnet rouge, de révolutionnaire et de démocrate ». N’était-ce pas le début d’une ère idyllique où la Belgique indépendante faisait l’envie et l’admiration de l’Europe ? Léopold Ier, notoirement protestant et notoirement franc-maçon, n’allait-il pas jusqu’à encourager les bons pères, et avec eux tout l’enseignement religieux, en allant rendre visite à leur collège de Namur ? Le même souverain ne daignait-il pas honorer de sa présence la cérémonie de couronnement d’une statue de la Vierge en l’Église de la Chapelle à Bruxelles ? Le nonce apostolique, Monseigneur Pecci, ne laissait pas d’être édifié par autant de déférence. Nul doute qu’il ne s’en souvienne encore, bien des années plus tard, lorsqu’il régnera comme Souverain Pontife sous le nom de Léon XIII. En attendant, ses rapports à Rome doivent être flatteurs puisqu’on en perçoit comme l’écho dans le discours que le Cardinal Pacca prononce pour l’ouverture solennelle de l’Académie de religion catholique à Rome : « L’Angleterre nous offre des consolations au milieu des douleurs de l’Église, disait le Cardinal ; mais nos consolations et notre joie s’accroissent encore lorsque nous considérons l’état de l’Église en Belgique. » Hélas ! ces consolations et ces joies académiques restaient sans fondement bien sérieux. Dans le même temps, en effet, les évêques belges s’effrayaient des premiers dangers que la liberté de la 14 Œuvres de M. de Bonald, A. Le Clere, Paris, 1817, tome III, p. 22. Comte Capelle, « Les catholiques belges face à la Constitution : participer ou se retirer ? », Permanences, n°112, août-septembre 1974, p. 117. 15 presse commençait à faire courir à la foi et aux mœurs de leurs ouailles, et publiaient, en 1843, une instruction pastorale qui fit quelque bruit, même au-delà de nos frontières. « Hélas ! remarque Monseigneur Pelletier, il était trop tard. C’est en 1830 et en 1831 qu’il ne fallait pas laisser ‘s’établir en Belgique un foyer d’irréligion et d’impiété’ ; car alors, sous l’abri de la Constitution, on a permis ‘aux prédicants d’incrédulité et d’immoralité de répandre leurs poisons et d’infecter les âmes’. » Cet avis serait-il jugé trop « ultramontain », qu’il resterait celui du Cardinal Sterckx, selon lequel « les catholiques auraient pu restreindre, en 1830, les libertés accordées aux cultes dissidents ; ils auraient même pu les supprimer totalement. Si les treize prêtres qui figuraient au congrès et leurs nombreux amis avaient voulu se concerter, rien n’eût été plus facile ». Il serait malvenu, connaissant les positions conciliantes du cardinal, de le taxer ici de parti pris. Cet avis a d’ailleurs reçu la caution supplémentaire et irréfutable du fondateur de l’Université Libre de Bruxelles, Théodore Verhaegen, qui, en 1842, déclarait à la tribune nationale : « Je vais, messieurs, faire une concession bien large à mes adversaires ; je suis d’accord avec eux qu’il y aurait eu peut-être des raisons, en 1831, alors que le pouvoir constituant était appelé à décréter des principes fondamentaux, qu’il y aurait eu peut-être des raisons pour décréter la religion catholique religion de l’État, et pour cela on aurait pu invoquer le fait que la grande majorité des Belges professent cette religion. » L’aveu de Verhaegen permet d’affirmer que les congressistes catholiques ont trahi leur propre cause. Mais pour en tirer quel avantage ? Aucun. Sous l’effet de quelle crainte ? Aucune. Où est alors l’explication de ce comportement ? Réponse : « Les catholiques du Congrès étaient, comme l’observe Mgr Pelletier d’après les révélations de M. de Gerlache, sous l’influence du journal L’Avenir 16 ; ils tombèrent aisément d’accord avec les libéraux. Ainsi, ce ne fut ni par nécessité, ni dans une pensée d’apaisement et à l’occasion d’un traité devant mettre fin à une guerre, ni pour éviter de plus grands maux, que la majorité catholique vota les articles anticatholiques de la Constitution ; ce fut uniquement par suite des graves erreurs dont les esprits étaient alors malheureusement imbus 17. » Une leçon aussi claire et aussi solennelle a-t-elle été entendue ? Cette instruction pastorale des évêques en 1843 n’a-t-elle pas marqué chez ces auteurs le début du retour à la chrétienne sagesse et à la rigueur doctrinale ? Pensez-vous ! Ce n’était qu’un entracte. Ils avaient réservé leur fidélité définitive à la ligne que leur avait fixée un Prince de Méan, « affaibli par l’âge et oublieux de la doctrine » 18. Comment avaient-ils réagi dix ans plus tôt aux deux encycliques de Grégoire XVI, celle du 15 août 1832, Mirari vos, contre le catholicisme libéral, l’autre du 25 juin 1834, Singulari nos, contre les œuvres de Lamennais ? De deux manières. Les évêques commencèrent par ne pas publier ces documents dans leurs diocèses. Ensuite, ils soutinrent directement ou indirectement les théories fort spécieuses mises au point par les catholiques-libéraux, pour contourner les traverses jetées sur leur route par le Saint-Père. On en vint ainsi à de subtiles distinctions pour permettre de se soulager la conscience à peu de frais. Devant la fermeté de Pie IX, qui n’entendait pas renoncer à combattre les libertés modernes et qui restait résolu à condamner la démocratie comme système de gouvernement, les catholiques libéraux crurent habile d’élaborer toute une théorie selon laquelle les principes, d’une part, et l’application de ces mêmes principes, d’autre part, se rangeaient dans des 16 « Le 17 octobre 1830, Lamennais fondait avec Lacordaire, Montalembert et Gerbet un quotidien L’Avenir, avec pour devise Dieu et Liberté — qui est considéré comme le prototype des journaux démocrates chrétiens » (cfr Henry Coston, Dictionnaire de la politique française, t. I, pp. 92-93). 17 Th. Abner, Le catholicisme libéral, pp. 81-82. 18 Cfr Th. Abner, op. cit., p. 132. catégories parfaitement étrangères l’une à l’autre, que l’on finit par baptiser respectivement la « thèse » et « l’hypothèse ». On vit ainsi quantité de personnes se réclamer — avec, sans doute, beaucoup de sincérité — de la « thèse » (entendez de la doctrine) catholique, tout en agissant selon l’ « hypothèse » (c’est-à-dire le comportement pratique) des libéraux. Les évêques ne sont pas restés étrangers à ces nouveautés. Ainsi, Monseigneur Dechamps écrit, dans sa brochure Le Libéralisme (Dessain, Malines, s.d.) : – p. 60, note 1 : « Nous écrivions ceci en 1856, et nous énoncions ce qu’on appela plus tard la thèse, c’està-dire la formule du droit et du devoir de l’autorité. » – p. 60, note 2 : « Il s’agit ici de l’hypothèse, c’est-à-dire de la manière dont l’autorité doit user de son droit, dans telle ou telle situation, dans telle ou telle hypothèse. » L’archevêque de Malines se vante donc d’avoir été l’un des promoteurs, sinon l’un des inventeurs, d’un compartimentage de la conscience, qui devint fort utilisé pour échapper aux scrupules et même tout bonnement aux devoirs les plus élémentaires de refus et de combat contre les doctrines libérales. C’était la porte ouverte à toutes les concessions et, dès lors, en effet, les concessions n’ont plus jamais cessé d’exténuer la religion et la morale d’un peuple qui s’était nourri pendant plus de mille ans de sève chrétienne. Détournée de la rigueur de la doctrine, l’attention des catholiques s’est égarée dans la vaine chicane sur « les détails d’organisation » 19, pour reprendre la vigoureuse expression de Jaurès. Et notre époque n’a pas fini d’apprécier à quel degré de veulerie peuvent tomber les hommes qui ont troqué, avec la complicité de leurs pasteurs, les préceptes chrétiens contre les maximes approximatives de la philanthropie libérale. Qu’on n’aille pas dire que la chute est accidentelle. Le baron de Gerlache la constatait déjà, chez les libéraux de son temps, en des termes que plus de cent cinquante ans n’ont pas marqués d’une seule ride : « Les voilà (ces hommes qui s’efforcent de tirer les dernières conséquences des libertés modernes), les voilà tombés dans la plus épouvantable des barbaries : c’est une barbarie raisonneuse, savante et incurable si Dieu n’y met la main. » Ce que Gerlache avait compris, échappait encore au comte Capelle l’année dernière, lui qui faisait siens les reproches cent fois formulés depuis, contre les catholiques : « En 1876, écrit ce dernier, les attaques des ultras contre la Constitution reprennent avec vigueur. Alarmé devant les divisions qui s’accroissent entre catholiques, le cardinal Dechamps réunit les évêques en présence du nonce Vannutelli 20. » D’après le comte Capelle, ce sont les « ultras », comme il dit, qui sont responsables de semer la division — pourquoi pas le schisme ? — parmi les catholiques. C’est un genre d’argument qui a beaucoup servi. Il conviendrait quand même de mettre en garde le lecteur contre ce sophisme à la fois éculé et toujours vigoureux. Que l’on veuille donc bien observer une fois pour toutes que ce sont les erreurs qui divisent. Elles divisent de deux manières. D’abord, en séparant leurs victimes de l’unique vérité et des fidèles de cette vérité, et ensuite, par leur multiplicité et leur inconstance, en opposant entre eux leurs sectateurs. Dès lors, de deux choses l’une : ou bien les catholiques se 19 « Nos adversaires nous ont-ils répondu ? Ont-ils opposé doctrine à doctrine, idéal à idéal ? Ont-ils eu le courage de dresser contre la pensée de la Révolution l’entière pensée catholique qui revendique pour Dieu, pour le Dieu de la révélation chrétienne, le droit non seulement d’inspirer et de guider la société spirituelle, mais de façonner la société civile ? Non, ils se sont dérobés ; ils ont chicané sur des détails d’organisation. Ils n’ont pas affirmé nettement le principe même qui est comme l’âme de l’Église. » Jean Jaurès, apostrophe à l'Assemblée aux députés catholiques en 1905. 20 Comte Capelle, « Les catholiques belges face à la Constitution : participer ou se retirer ? », Permanences, n° 112, août-septembre 1974, p. 59. trompent en déclarant la Constitution belge formellement opposée à la doctrine, mais alors il conviendrait de le démontrer ; ou bien ils ont raison, et dans ce cas, on voit mal comment ils auraient pu semer la division. Pour échapper aux tenailles de ce dilemme, le comte Capelle ne craint pas de recourir à l’insinuation malveillante. Il relate l’envoi, par « la droite parlementaire », d’un document, daté du 10 août 1878, et adressé à la Secrétairerie d’État. Ce factum, rédigé dans le plus pur style catholique-libéral, a pour but d’inciter le Vatican à désavouer les outrances de ces catholiques qui osent dénigrer un aussi beau texte que la Constitution belge. Ses auteurs utilisent la fameuse distinction entre la thèse et l’hypothèse, qu’ils voudraient faire accréditer du même coup par les autorités romaines. Mais c’est un échec et Capelle le constatait encore avec dépit : « Le mémoire est mal accueilli à la Secrétairerie d’État où règne encore l’esprit réactionnaire de la fin du règne de Pie IX 21. » Pie IX a régné de 1846 à 1878. En 1864, il publie l’encyclique Quanta Cura et le Syllabus des erreurs modernes, qui lui est annexé. Nul doute que ce document ait déterminé l’esprit de toute la suite du pontificat. Lorsque le comte Capelle taxe cet esprit de réactionnaire, c’est en réalité le Syllabus qu’il vise et qu’il atteint. Les mots ont leurs sens et leurs nuances. Le dictionnaire attribue au terme « réactionnaire » une connotation presque toujours péjorative lorsqu’il signifie « opposé au progrès social issu des principes de la Révolution de 1789 ». Il est donc clair qu’en écrivant la phrase citée cidessus, le comte Capelle voulait donner à entendre qu’il partageait les idées et les sentiments des catholiques-libéraux. Les voies de la Révolution Si, à Rome, l’influence bénéfique de Pie IX lui survit de quelques mois, à Bruxelles, le Nonce Vannutelli a très bien et très vite flairé dans quel sens le pontificat suivant allait bientôt s’engager 22. Il prône le ralliement avant la lettre. En cela, il est certainement un grand précurseur, doué en outre d’un sens aigu du raccourci, comme lorsqu’il donne, en ces quelques lignes, un cours complet de pénétration révolutionnaire dans la société chrétienne : « Le problème est non théorique mais pratique. Les catholiques-libéraux considèrent les libertés modernes en tant qu’hypothèse et doivent, s’en servir le plus efficacement possible pour la défense de la religion. Si ce point de vue était rejeté, les catholiques-libéraux devraient renoncer à la vie publique 23. » Ces trois phrases avancent les trois propositions fondamentales du progressisme : – 1° Le problème est non théorique mais pratique. La Révolution se désintéresse de ce que vous pensez, elle ne propose pas une théorie mais une pratique, une action. Alors, bougez, agissez, défilez, protestez, bannière en tête, goupillon en main, si vous y tenez. Vous ne proclamez pas expressément la doctrine « qui est comme l’âme de l’Eglise » ? Vous quittez le souci rigoureux d’y conformer en même temps chacun de vos actes sans laisser place à l’équivoque ? Dans ce cas, vous n’abandonnez pas les voies de la Révolution et vous travaillez pour elle. 21 Idem, p. 59. « Il faudra attendre Léon XIII pour qu’un pape demande aux catholiques belges de soutenir la Constitution. » Henri Haag, Les origines du catholicisme libéral en Belgique (1789-1939), Nauwelaerts, Louvain 1950, p. 162, fin de la note 6. 23 Cité par Capelle, loc. cit., p. 59. 22 – 2° Les catholiques-libéraux considèrent les libertés modernes en tant qu’hypothèse et doivent s’en servir le plus efficacement possible pour la défense de la religion. C’est le grand air de la séduction : « Prenez donc cette main que vous tend – charitablement ou stupidement – l’adversaire et profitez de l’aubaine. L’ennemi conquiert les ‘libertés fondamentales’, mais il ne vous en prive pas. Faites-en donc usage contre lui. Vous êtes largement majoritaires, bien organisés, expérimentés. Qu’auriezvous donc à craindre de ces groupuscules qui ne représentent qu’eux-mêmes, anarchiques de surcroît et tard venus à la vie politique. » On connaît l’antienne. Malheureusement, c’est oublier la définition des libertés modernes, selon les libertaires eux-mêmes : « La liberté ne consiste pas seulement dans la faculté de faire le bien, mais aussi dans la faculté de faire le mal 24. » (M. Lebeau, au Congrès national). Il n’est donc pas concevable, pour un catholique, de faire usage de la liberté de pécher, sans cesser d’adhérer à la doctrine chrétienne. C’est un non-sens absolu que de prétendre voler au secours de la religion en aidant à son anéantissement. Il n’empêche que ce raisonnement, mis en honneur par le nonce Vannutelli, entre autres, est toujours de mode aujourd’hui. C’est par ce stratagème que les générations de catholiques qui se sont succédé depuis, ont été entraînées à des concessions de plus en plus fréquentes et de plus en plus importantes à leurs adversaires, sans que ceux-ci aient jamais manifesté l’ombre d’une intention d’accorder une contrepartie. Tant et si bien qu’aujourd’hui, les catholiques ne trouvent rien à répondre quand on leur sert la rengaine : la liberté de faire le mal ne saurait vous gêner puisque personne ne vous oblige à en user. L’autorisation de divorcer ne dissout pas un ménage uni. La légalisation de l’avortement ne contraint personne à se débarrasser de son enfant. Essayez toujours de répondre à ces absurdités, en vous appuyant sur les théories de Vannutelli, c’est-à-dire en considérant la liberté de divorcer et d’avorter comme un moyen efficace de défendre la religion. – 3° Si ce point de vue était rejeté, les catholiques-libéraux devraient renoncer à la vie publique. Vannutelli considérait évidemment ce renoncement des catholiques-libéraux à la vie publique comme l’abomination de la désolation 25, alors que le vide qu’eût laissé leur départ eût été comblé immédiatement par des libéraux déclarés, qui n’eussent pas été capables — et ils le savaient — de se maintenir au pouvoir sans les moyens de contrainte dont ils ne disposaient pas encore. Tout l’appareil juridique qui permettrait de faire passer — dans un premier temps — un peuple, du catholicisme traditionnel à l’athéisme pratique, puis — dans un deuxième temps — de l’athéisme pratique à l’apostasie raisonneuse et raisonnée, tout cet appareil ne pouvait être mis en place que par des notables acceptés par ce peuple, mais secrètement transformés en politiciens. Ce fut 24 Séance du mercredi 22 décembre 1830 [http://www.unionisme.be/cn18301222.htm]. Henri Haag, Les origines du catholicisme libéral en Belgique (1789-1939), Nauwelaerts, Louvain 1950, p. 160, note 1 : « ‘Rien n’est dangereux comme de s’appesantir trop sur certains principes considérés d’une manière abstraite, écrit Mgr Van Bommel en 1835. Prenons garde de recommencer le Jugement doctrinal de 1815, alors surtout que nous ne sommes plus dans la même position où étaient alors les prélats belges, car nous avons commencé par justifier, même près du Saint-Siège, le serment à la Constitution belge, avec tous ses articles les plus louches. Cependant qu’a produit le jugement sévère d’alors ? la retraite, pour motif de conscience, de tous les vrais catholiques, l’avènement du Libéralisme dans presque toutes les places, puis pour la clôture, le serment de l’archevêque et une méchante explication tardive du gouvernement, dont le Saint-Siège s’est contenté !’ : Copie d’une lettre de Mgr Van Bommel à Mgr Sterckx, du 26 avril 1835, A.E.L., Carton A, Affaires ecclésiastiques, Enseignement. Remarquons que Mgr Van Bommel écrit : Nous avons justifié le serment à la Constitution Belge. » 25 l’ouvrage des catholiques-libéraux 26. Leur travail constitue l’œuvre révolutionnaire la plus achevée, la contribution la plus précieuse à la laïcisation de la vie sociale. Et la Révolution n’a pas manqué de reconnaître leur mérite et de les récompenser selon son mode habituel, en les écrasant jusqu’au dernier. L’espèce catholique-libérale, en tant que telle, a disparu de ce qu’on appelle en jargon démocratique « la scène politique ». Les leçons d’une duperie Le moins qu’on puisse faire après avoir été grugé, c’est sans doute de le reconnaître. Il est donc permis de s’étonner de voir le comte Capelle reprendre un texte où Adolphe Deschamps fait un éloge sans réserve de la Constitution belge qu’il avait aidé à élaborer : « En Belgique, écrit Deschamps, après la loi fondamentale du gouvernement des Pays-Bas, après avoir passé par Joseph II, la Convention et Guillaume I, et apprécié ce qu’y a valu la protection du pouvoir (...), les catholiques, en 1830, ont compris que la liberté de l’Église, de ses associations, de son enseignement, ne pouvait être obtenue d’une manière durable qu’à la condition que cette liberté fît partie de la liberté générale... La majorité du Congrès (...) était catholique. Le programme de la Constitution, en ce qui concerne la liberté religieuse et politique, avait été indiqué d’avance par le Prince archevêque de Méan, dans sa lettre adressée au Congrès (...) On retrouve dans cette lettre les bases mêmes sur lesquelles repose notre Constitution. Les catholiques du Congrès et les membres du clergé qui y ont exercé beaucoup d’influence, ont donc été encouragés à suivre la voie dans laquelle ils ont marché, par le chef du clergé belge lui-même... La majorité catholique du Congrès, à laquelle s’était joint un groupe de libéraux sincères, a donc voté la Constitution comme le meilleur, à ses yeux, pour le pays et pour son temps. Elle ne l’a pas subie comme imposée par ses adversaires, elle l’a fait librement et en opposition avec une minorité libérale qui n’en voulait pas. » Cette profession de cléricalisme est déjà assez ahurissante par elle-même. Il s’y ajoute, avec le recul du temps, l’humour involontaire et grinçant d’un cri de victoire poussé par ceux qui avaient essuyé l’une des plus retentissantes raclées de l’histoire ; et aussi cette satisfaction d’avoir « marché » sous les compliments archiépiscopaux ; et enfin ce plaisir niais d’avoir rencontré « des libéraux sincères ». Mais le bouquet, c’est encore de se voir proposer, en 1974, ce fagot de bévues, de lâchetés et d’abandons, comme un modèle de clairvoyance politique, par quelqu’un qui était quand même particulièrement bien placé pour mesurer les ravages qu’il avait produits et qu’il continue de produire. Une pareille jobardise n’a qu’un seul remède : la conversion. Cette conversion fut accordée en tout cas à Adolphe Dechamps. Quelque temps avant sa mort, les écailles lui tombèrent des yeux et il écrivit alors, sur l’œuvre des constituants catholiques belges, dont il fut, ces lignes que le comte Capelle a malencontreusement omis de citer : « Nous avions trop l’air d’admettre que le monde moderne, datant de 89, était le progrès de la civilisation. Nous nous étions habitués à croire que la Révolution française, en la dégageant des crimes qui l’avaient souillée, était un bien. Sous la Restauration et la monarchie de juillet, on avait de grandes espérances libérales. Nous regardions la société moderne comme un progrès, comme une grandeur, et nous lui 26 Henri Haag, op. cit., pp. 149-150. [p. 150, note 2 : « Je me rappelle encore, écrit Raepsaet, que ces mots (idées libérales) n’ont acquis leur grande vogue que depuis ce fameux 18 brumaire, duquel date l’élévation de Bonaparte, parce qu’il semble qu’alors c’était le mot du parti pour se reconnaître. Le but était de donner à la France un gouvernement libéral. Le nom de philosophie avait perdu de son crédit, et parce qu’on n’osait plus le prononcer et que cependant on était bien déterminé à ne pas renoncer à ce système, il fallait de toute nécessité inventer un mot, inintelligible au moins pour le peuple, et donner ainsi le change à l’opinion, à la faveur d’un mot plus séduisant. Le mot libéral, fut donc adopté. Mais ce gouvernement libéral, qu’a-t-il fait ? Il a détruit la liberté religieuse et civile, etc. »] demandions de se réconcilier avec cette force ; nous faisions notre Église petite, nous demandions qu’on lui fit grâce et qu’on lui donnât une humble place dans le grand monde moderne, encensé, adoré, exalté... « Aujourd’hui tout cela est renversé ; les événements sont venus, et la société moderne, la Révolution française sont désarmées, renversées et livrées à la pitié. C’est notre Église qui est grande, et c’est le monde de 89 qui est petit et qui périt... » Plusieurs ne manqueront pas de ricaner en lisant cette dernière phrase : « C’est notre Église qui est grande, et c’est le monde de 89 qui est petit et qui périt. » Que ceux-là prennent garde de ne pas considérer les événements du monde à travers les yeux de ceux qui, il y a vingt siècles, sur le Golgotha, ricanaient eux aussi en agitant leurs barbes. Le troisième jour, ils ne ricanaient plus. Mais ils n’ont plus jamais cessé d’agiter leurs barbes. L’héritière des libertés traditionnelles ? À entendre beaucoup d’auteurs — et non des moindres — la Constitution belge de 1831 serait venue à point nommé dans l’histoire, pour recueillir et faire accéder au monde contemporain les libertés qui étaient honorées de temps immémoriaux dans les provinces des Pays-Bas. Les constituants se seraient contentés de codifier en termes modernes les pratiques en usage chez leurs ancêtres, assurant ainsi, à travers une évolution accidentelle, la continuité essentielle des mœurs sociales et politiques. L’historien belge Godefroid Kurth fournit un bon exemple de ce point de vue, lorsqu’il écrit : « Libres enfin après trente-cinq ans de domination étrangère, nous fîmes notre Constitution. Pour qu’elle fût bonne et féconde, il suffisait de puiser dans le trésor de nos traditions nationales et d’adapter à la société nouvelle les grands principes de liberté qui avaient fait notre force dans le passé : on n’y manqua point. 27. » Voilà. Une simple toilette de textes autrefois redigés en wallon et en thiois, une mise en forme de lois non écrites, peut-être, et le tour était joué. Qu’il soit permis de se demander si le grand historien ne se laissait pas emporter dans son apologie par cette subtile perversion de la pensée que l’on appelle le nationalisme. Il n’est rien de tel que cette sorte d’ébriété, pour faire tituber les esprits les mieux assurés. Lisez plutôt la suite du texte de Godefroid Kurth : « Mais les temps n’étaient plus les mêmes ; il y avait dans l’héritage du passé des éléments morts, et la Révolution française avait mis fin à l’unité morale et religieuse de la nation. Nos constituants tinrent compte des besoins nouveaux ; bien qu’en majorité catholiques, ils n’hésitèrent pas à inscrire dans notre loi fondamentale les articles qui garantissaient la liberté des cultes et celle de la presse, réclamées par les libéraux, en même temps qu’ils entouraient de garanties efficaces le droit d’association et la liberté d’enseignement, chers à l’immense majorité de la nation. Ils montraient ainsi qu’ils étaient les hommes de leur temps et non les aveugles tenants d’un régime suranné ; s’ils étaient fermement décidés à défendre leur foi, ils ne prétendaient pas l’imposer à ceux qui ne la partageaient point, et avec qui ils voulaient vivre unis sur le terrain politique 28. » 27 28 Godefroid Kurth, La nationalité belge, éd. Albert Dewit, Bruxelles, 1930, pp. 86-87. Idem, p. 87. Par sa candeur même, ce texte, rédigé en 1905, est très instructif. Pour commencer, il montre clairement que les catholiques-libéraux avaient fait leur deuil de la véritable liberté religieuse, qui consiste dans le libre exercice de l’unique vraie religion (avec éventuellement une tolérance raisonnable et prudente accordée aux autres). « Les temps n’étaient plus les mêmes », soupire l’historien, déjà converti à la « chronolâtrie ». Le temps qui passe gouverne tout, emporte les « éléments morts » et les opérations révolutionnaires ne sauraient être qu’irréversibles, ce qui est une autre manière de dire qu’elles sont infaillibles. Il serait vain de tenter de s’y opposer. L’unité morale et religieuse des peuples chrétiens a été mise à la casse par « la Révolution française », donc, sans doute, par les temps nouveaux. À temps nouveaux, besoins nouveaux. Cela se passe de démonstration. On en rend compte sans le moindre tressaillement qui pourrait trahir un doute de l’auteur envers les dogmes modernes. Pourquoi Kurth douterait-il, quand les constituants qu’il admire sont pleins d’assurance ? « Ils n’hésitèrent pas », nous dit-il, à introniser les libertés révolutionnaires des cultes et de la presse. D’où vient que cet historien considère comme une audace des concessions aussi graves, accordées sans contrainte et sans contrepartie ? D’où vient qu’il eût considéré comme un aveugle attachement à un régime suranné, le refus qu’auraient dû opposer les constituants aux libertés illusoires de la démocratie ? Kurth nous affirme que ces hommes étaient fermement décidés à défendre leur foi. C’est bien possible, mais il n’en savait rien. Par contre, leur inaptitude radicale à exécuter leurs résolutions en cette matière, appartient au domaine public et se trouve actée dans les manuels d’histoire. Moyennant quoi, il devient impossible de faire croire plus longtemps que les constituants auraient jamais songé à puiser dans le trésor des traditions et des libertés « qui avaient fait notre force dans le passé ». Loin de se vouloir en continuité avec la société chrétienne, la Constitution belge entendait marquer une rupture avec ce « régime suranné ». Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter aux lois et principes que cette Constitution a abolis et remplacés. Un des premiers monuments législatifs, témoin de l’esprit dans lequel les princes issus des Pays-Bas chrétiens légiféraient, est constitué par « les Assises de Jérusalem », recueil de lois rédigées en 1099 par Godefroid de Bouillon, roi de Jérusalem. Le cérémonial d’inauguration y est prescrit comme suit : « Lors était apportée l’Évangile, et le chef seignor se devait agenouiller et mettre la paume destre dessus ; et un des hommes devait deviser et dire enci : Sire, vous jurez sur saints Évangiles de Dieu, comme chrétien, que vous garderez et sauverez et aiderez et maintiendrez, de tout votre loyal pouvoir, sainte Église, veuves et orphelins, en leur raison et en leur droiture par ce royaume... 29. » On chercherait en vain, dans la Constitution de 1831, ce qui pourrait bien avoir subsisté de ces obligations, envers l’Église et envers les faibles, contractées, au nom de l’Évangile, par ceux qui assumaient le pouvoir, le jour même de leur entrée en charge. Près d’un demi-millénaire plus tard, dans son discours d’abdication prononcé à Bruxelles en 1555, Charles-Quint faisait à ses sujets ces recommandations : « Que la paix règne entre vous ! Soyez unis par des sentiments de bienveillance mutuelle ; accordez à la justice et aux lois l’obéissance et le respect qui leur sont dus. Prenez garde surtout que les sectes qui se répandent dans les pays voisins, ne viennent à pénétrer dans le vôtre. Si vous voyez qu’elles commencent à 29 Cfr Th. Abner, La Constitution belge, pp. 10-11 ; F. Parent, Dictionnaire d’histoire et de géographie, Bruxelles, 1855, tome I, col. 301. y pousser quelques racines, hâtez-vous de les extirper, car elles amèneraient bientôt un bouleversement général 30. » Peu avant sa mort, Philippe II accorda à sa fille préférée, l’infante Isabelle Claire Eugénie, « en advancement de son mariage avec l’Archiduc Albert, tous les pays d’en bas et la Bourgogne ». Mais, se souvenant des conseils de son père, docile aux objurgations reçues jadis du pape saint Pie V et en accord avec son propre comportement politique, il assortit cette cession de quelques conditions très strictes, stipulées par l’ordonnance royale du 6 mai 1598, et notamment : « Item à condition, et autrement, non, pour être icelle et de présente obligation sur toutes autres, que tous les enfants et descendants desdits mariants, imitant la piété et la religion qui reluit en eux, devront vivre et mourir en notre sainte foy catholique, telle que la tient et enseigne la sainte Église romaine. Et avant de prendre possession desdits pays d’en bas, auront à prester serment en la forme qui se trouve couchée après cet article. Et au cas (ce que Dieu ne veuille) qu’aucun desdits descendants se devoyât de notre sainte foy et tombât dans quelque hérésie, après que notre saint père le pape l’aura déclaré pour tel, il soit privé de l’administration, possession et propriété desdites provinces et que les sujets et vassaux d’icelles ne lui obéissent plus, ainsi qu’ils admettent et reçoivent le plus proche catholique suivant en degré, qui au cas de trespas de tel fourvoyé dans la foy, lui devrait succéder ; et sera tel hérétique réputé comme si réellement il fût décédé de mort naturelle. » Ce seul texte — mais il en est cent autres — met en pleine lumière tout ce qui oppose la cité chrétienne à l’État révolutionnaire. L’une est une cité d’hommes qui s’acheminent librement vers leur fin surnaturelle. L’autre est un conglomérat d’individus régis par la contrainte de conventions arbitraires. Entre les deux, il ne peut y avoir ni transition, ni échanges. Celui-ci ne saurait hériter de celle-là. La Constitution belge contredit les libertés mises en honneur par les chartes de Huy, de Fexhe, de Cortenberg, par exemple. Elle les contredit radicalement en les singeant en surface, mais la caricature n’a pas abusé que les naïfs. Tout le drame est là... 30 Cfr E.C. de Gerlache, Histoire du Royaume des Pays-Bas, Goemaere, Bruxelles, 1859, tome I, p. 90.