Schelden, La Franc-Maçonnerie belge sous le régime autrichien, Uystpruyst, Louvain 1923). Mais les
institutions sociales se maintenaient et, avec elles, chez le peuple, la foi et les mœurs. La Révolution
brabançonne, en 1789, sous la direction de Vonck et Van der Noot, ne constitue qu’un intermède,
une réaction assez brouillonne de quelques-uns contre le caractère tracassier des ordonnances de
Joseph II. Elle ne constitue nullement un acte d’opposition de principe ; contrairement à ce que l’on a
prétendu et que l’on prétend encore, elle n’exprime aucunement une volonté de retour aux
traditions sociales héritées de la chrétienté. La France conventionnelle allait régler la question en
annexant purement et simplement les provinces belges qui furent réduites, durant vingt ans, à la
condition de neuf départements français. Après l’écroulement de l’Empire, leur sort fut fixé
d’autorité par le traité de Paris [30 mai 1814]. Elles servirent à accroître le royaume de Georges-
Frédéric d’Orange-Nassau, qui régna sous le nom de Guillaume Ier. Le traité de Vienne, en 1814, selon
lequel les chancelleries remodelaient l’Europe à leur guise, décréta qu’une constitution serait
attribuée par les Hollandais au nouveau Royaume des Pays-Bas, de commun accord avec les Belges.
La commission qui élabora la loi fondamentale des Pays-Bas fut d’avis de régler séparément les
intérêts religieux de la Belgique catholique et ceux de la Hollande protestante. Elle émit comme
résolution, en attendant un concordat avec le Saint-Siège :
« que la religion catholique, apostolique et romaine continuera à jouir de tous les droits, usages et
coutumes ainsi que de sa hiérarchie, dans les provinces méridionales, dont elle a joui sous ses princes
souverains catholiques conformément aux lois et concordats.
. »
Cette commission, composée pour moitié de Belges et pour moitié de Hollandais, était d’avis de
consulter le Souverain Pontife. Un premier projet, non publié, fut approuvé par le roi. Mais bientôt
survint la victoire des armées alliées à Waterloo, qui eut pour effet d’affermir l’autorité de Guillaume
et d’attiser son sectarisme calviniste. Il fit secrètement remanier le projet constitutionnel, mais
plusieurs dispositions de la nouvelle mouture parvinrent à la connaissance des évêques qui, sous la
conduite morale de l’évêque de Gand, Monseigneur de Broglie, transmirent au roi, à leur sujet, des
représentations respectueuses. Ce fut sans effet. Cinq jours plus tard, le 2 août 1815, Monseigneur
de Broglie publia une instruction pastorale dont il n’est pas sans profit de méditer cet extrait :
« Quels justes reproches n’aurait-on pas à nous faire dans la suite si, lorsqu’il était encore en notre pouvoir
d’empêcher les ouailles qui nous sont confiées, de tomber dans un précipice, dont il leur serait ensuite
devenu impossible de sortir, nous aurions, par une lâche condescendance, trahi un de nos devoirs les plus
sacrés ? Que nous resterait-il alors, sinon de nous écrier avec le prophète : ‘Malheur à moi, parce que j’ai
gardé le silence ! »
Grâce à cette intervention vigoureuse, la loi fondamentale fut rejetée par une majorité de 269 voix.
« Le rejet de la loi était d’autant plus significatif, remarque Th. Abner
, que les membres du clergé, qui
formait autrefois le premier ordre dans l’État, n’avaient pas été compris parmi les notables chargés
d’accepter ou de rejeter la loi fondamentale. Ces notables étaient nommés par le roi ; ils étaient loin d’être
tous recommandables par leur religion, leur science et leur probité ; les uns étaient imbus des erreurs
philosophiques en vogue ; d’autres étaient des acquéreurs de biens ecclésiastiques ; d’autres enfin, bien
qu’honnêtes, manquaient du courage et de l’intelligence qu’exigeaient les circonstances.»
Guillaume ne manqua pas de reconnaître que le projet de constitution avait échoué sur la question
religieuse, ou, pour reprendre ses propres termes, « sur les articles relatifs au culte ». Mais il imputait
Théodore Abner, Études sur le catholicisme libéral et le serment constitutionnel, Van Cortenbergh, Bruxelles,
1878, p. 148.
Loc. cit. p. 129.