tion en trois groupes à laquelle nous avions déjà procédé d’entrée de jeu :
le lapsus linguæ avec les formes connexes du lapsus calami, du lapsus de lec-
ture, du lapsus auditif ; l’oubli […] ; enfin, le geste manqué 7.»
Voilà les seules occurrences dans l’œuvre freudienne du signifiant
Verhören qui prend du coup valeur d’apax (ou de double apax) 8. Plus
encore, il est remarquable que pas un exemple historique ou cas concret ne
soit fourni par Freud pour illustrer ce genre de lapsus, alors même que foi-
sonnent les exemples d’erreurs d’écriture, de lecture, d’articulation et de
tout autre type d’acte manqué spécifié par lui. L’Index des actes manqués et
des actions symptomatiques de la Gesammelte Werke 9recense ainsi une
longue liste de tous ces cas concrets de formations de l’inconscient, mais il
n’y est mentionné absolument aucun exemple de Verhören. Pas un.
D’ailleurs, J. Laplanche et J.-B. Pontalis reproduisent l’oubli freudien
de 1901 dans leur Vocabulaire de la psychanalyse : le Verhören est curieuse-
ment absent de la longue énumération des types de Fehlleistung dressée
dans leur article « acte manqué 10 ». Il n’est pas non plus mentionné par
E. Roudinesco et M. Plon dans l’article « acte manqué » de leur Dictionnaire
de la psychanalyse 11 mais sans doute est-il inclus dans le « etc. » final, ce qui
apparenterait plutôt ce choix à celui du Freud de 1916 et à son peu d’inté-
rêt pour le Verhören. Toutefois, dans un troisième ouvrage de référence,
L’apport freudien, la rédactrice de l’article « acte manqué » inclut le Verhören
dans la liste qu’elle dresse 12.
Devant ce silence freudien (cette gêne ?), on poursuivra ici quatre
objectifs : construire le Verhören comme catégorie d’acte manqué de façon
satisfaisante et à l’aide d’exemples ; montrer son intérêt théorique ; discu-
7. Ibid., p. 87.
8. J’ai utilisé à cette fin de recension le tome XVIII de la G.W., le Gesamtregister.
9. Register der Fehlleistungen und Symptomhandlungen, G.W. XVIII.
10. « La langue allemande met en évidence ce qu’il y a de commun dans tous ces ratés par le préfixe
ver– qu’on retrouve dans das Vergessen (oubli), das Versprechen (lapsus linguae), das Verlesen (erreur
de lecture), das Verschreiben (lapsus calami), das Vergreifen (méprise de l’action), das Verlieren (fait
d’égarer un objet) », J. Laplanche et J.B. Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1998,
p. 6.
11.«Dans ses Conférences d’introduction à la psychanalyse, [Freud] fera d’ailleurs remarquer que cette
unité [entre les actes manqués] est mise en évidence dans la langue allemande par le préfixe ver
commun à tous les mots désignant ces « accidents » : das Vergessen (l’oubli), das Versprechen (lap-
sus linguae), das Vergreifen (méprise de l’action), das Verlieren (le fait d’égarer un objet), etc. »,
M. Plon et E. Roudinesco, Dictionnaire de la psychanalyse, op. cit., p. 860.
12. « Il s’agit en fait d’un acte où le corps est en jeu (fausse lecture, fausse audition, ne pas retrouver
un objet, pertes) dans un instant donné ou d’un acte de parole ou d’écrit remplacé par un autre. »
Si la disjonction énoncée par l’auteur semble enlever au Verhören sa qualité d’« acte de parole »,
la suite de l’article corrige cette impression : « Ces actes ont une fonction de langage doublement :
ils témoignent tout d’abord de la mise au jour d’un désir inconscient ; en même temps, ils répon-
dent d’un inconscient structuré comme un langage (condensation, déplacement, métaphore,
métonymie) et peuvent à ce titre être décryptés comme un message. » M. Andrès, dans P. Kauf-
mann (sous la direction de), L’apport freudien, Paris, Larousse-Bordas, 1998, p. 4.
228 • Essaim n° 11
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