Évolution du trait de côte de Tabarka-Bouterfess, nord-ouest de la Tunisie

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22/06/2020 Évolution du trait de côte de Tabarka-Bouterfess, nord-ouest de la Tunisie
https://journals.openedition.org/mediterranee/192 1/12
Méditerranée
Revue géographique des pays méditerranéens / Journal of Mediterranean geography
108 | 2007 :
Risques littoraux en Méditerranée
Érosion, enjeux et aménagements
Évolution du trait de côte de
Tabarka-Bouterfess, nord-ouest
de la Tunisie
Shoreline changes at Tabarka-Bouterfess bay, northwest Tunisia
N H, F S, M G 
J F
p. 131-137
https://doi.org/10.4000/mediterranee.192
Abstracts
Français English
Le littoral sableux de Tabarka-Bouterfess (nord-ouest de la Tunisie), entre le port de Tabarka à
l’ouest et un cap rocheux à l’est (Borj Arif), présente une morphologie caractéristique de plage de
baie. Ce secteur est alimenté en sables par l’oued El Kébir et l’oued Bouterfess. Dans cet article
nous précisons les dynamiques sédimentaires du littoral de Tabarka au moyen d’une analyse
diachronique des variations de la position du rivage en 1963, 1989 et 2001 et d’une analyse des
variations longitudinales de la granulométrie de la zone du jet de rive. La digue portuaire,
construite en 1985 joue un rôle majeur dans l’évolution du rivage entre 1963 et 1989, car elle
modifie la propagation de la houle (diffraction) ce qui induit un recul du rivage dans la partie
centrale de la baie et une avancée du rivage contre son flanc. Le rôle des barrages sur la
diminution de la charge sédimentaire transportée par les oueds est aussi évoqué. Nous concluons
sur le rôle déstabilisateur des aménagements sur les dynamiques du littoral de la baie de
Tabarka-Bouterfess, qui cherche un nouvel équilibre en réadaptant la position de son rivage. Ce
littoral est un bon exemple des équilibres fragiles d’une zone littorale l’on cherche à
développer des activités touristiques.
Between the Tabarka harbour to the west, and the Borj Arif rocky cap to the east, the Tabarka-
Bouterfess sandy coastline (northwest Tunisia) displays a typical beach bay morphology. The
wadi El Kébir and the wadi Bouterfess deliver sands to this bay. In this paper we describe the
sedimentary dynamics of this coastline by historical shoreline changes (1963-1989-2001) and
longitudinal grain sizes (swash zone) analyses. The harbour dike, built in 1985, controls the
shoreline changes between 1963 to 1989. The dike increases wave diffraction, leading to shoreline
erosion in the center of the bay and shoreline accretion in the western part. The role of the dams
on the reduced sediment content of the wadis is also discussed. We conclude with the impact of
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the artificial structures influencing Tabarka-Bouterfess bay constrained to reach a new
equilibrium in modifying the position of its coastline.
Index terms
Geographical index : Tunisie, Tabarka
Full text
1 - Introduction
Fig. 1 - Plage d’El Morjène. La flèche et le rond signalent l’épave de l’Auvergne.
El Morjène beach. The arrow and the circle indicate the Auvergne wreak position.
Encore à l’état naturel il y a quelques décennies, le littoral nord-tunisien connaît
aujourd’hui une urbanisation et un aménagement croissants par des extensions ou
créations portuaires et le développement de stations balnéaires. Ce littoral, se
succèdent des pointements rocheux qui délimitent des baies sableuses, est
naturellement alimenté par des sédiments transportés durant les crues de nombreux
oueds. Ces derniers ont subi des aménagements (barrages, digues, calibrage...) qui
modifient les équilibres naturels en se traduisant notamment par une diminution des
apports sédimentaires aux plages. Le littoral de la baie de Tabarka, au N.O. de la
Tunisie, est caractéristique de cette évolution avec une extension portuaire réalisée en
1985 et plusieurs infrastructures balnéaires développées sur le cordon dunaire et en
bordure des deux oueds qui alimentent cette baie. Ces infrastructures contribuent à
modifier les équilibres naturels et se traduisent par une augmentation du recul du
rivage dans ce secteur (P, 1992 ; O, 1994). Par exemple, dans la partie
centrale de la baie, la plage d’El Morjène, sur laquelle est bâti le complexe touristique
de Montazeh Tabarka (B, 1997), présente des signes de démaigrissement
rapide. En effet, d’une part, la dune bordière est souvent taillée en falaise et les fonds
marins sont devenus de plus en plus profonds après la construction du nouveau port
(J, 1993). D’autre part, l’épave de l’Auvergne qui était accolée au rivage en 1885 se
trouve maintenant à une quarantaine de mètres de la côte (P, 1985) (Fig. 1).
Cependant, aucune étude quantitative n’a été proposée jusqu’à présent, l’évolution du
littoral de Tabarka étant essentiellement étudiée à travers des rapports d’études
(BCEOM/STUDI, 1981; HP, 1995) ou des travaux universitaires tunisiens (M,
1987; J, 1993 ; B, 1997).
1
Dans cet article nous essayons de préciser les dynamiques sédimentaires du littoral
de Tabarka au moyen d’une analyse diachronique des variations de la position du rivage
entre 1963 et 2001 et d’une analyse de l’organisation granulométrique des sédiments
des plages. Le rôle des aménagements déjà anciens (port de Montazeh Tabarka) ou plus
récents (barrages El Kébir et El Moula) est intégré à l’analyse.
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2 - Présentation du site
La baie de Tabarka-Bouterfess, est située à l’extrême nord-ouest de la Tunisie (Fig.
2). La morphologie de ce littoral correspond à une plage sableuse large de plusieurs
décamètres à l’extrémité ouest, de 50 m dans la partie centrale en érosion la dune
bordière est souvent taillée en falaise et de 80 m dans la partie est de la baie. Sur ce
dernier secteur, la plage est interrompue par 7 pointements rocheux d’une dizaine de
mètres de large, qui s’étendent en mer jusqu’à 2 m environ. Ce substrat rocheux
perturbe la dérive littorale sans être suffisamment profond pour bloquer totalement le
transit sédimentaire. Plus à l’est, l’embouchure de l’oued de Bouterfess s’appuie sur une
avancée rocheuse de 150 m de large qui s’étend elle aussi en mer jusqu’à -2 m environ.
Entre ce dernier pointement rocheux et la falaise de Cap de Borj Arif, sur 300 m
environ, se trouve la dernière plage de la baie de Tabarka, la plage est de Bouterfess.
Les dunes bordières sont discontinues et atteignent 4 m de haut, tandis qu’en arrière de
cette première ligne de dunes, un large champ de dunes (barkhanes), fixées depuis
1987, apparaît dans la partie centrale de la baie en relation directe avec les forts vents
de mer qui affectent le nord-ouest de la Tunisie. La partie sous-marine présente des
barres d’avant-côte festonnées, dont la morphologie classerait ce littoral en “rythmic
bar and beach” ou en “transverse bar and rip” selon la terminologie de Wright et Short
(1984). La bathymétrie de la côte présente une pente de 1,6 % entre 0 et 5 m et de 2 %
entre -5 et -20 m. Les apports sableux proviennent des bassins versants à pentes fortes
du relief montagneux de Kroumirie, convoyés jusqu’à la mer principalement par l’oued
El Kébir au fond de la baie et l’oued Bouterfess à l’extrémité est. Sur l’oued El Kébir, 10
km au sud de Tabarka, le barrage d’El Kébir a été construit en 2002, et sur l’oued
Bouterfess, 13 km à l’est de Tabarka, le barrage d’El Moula a été construit en 2003. Ces
barrages n’ayant pas été mis en eau durant la période d’étude de cet article, il devient
alors difficile d’estimer si leur construction a eu une influence sur la charge grossière
transportée par les oueds.
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La faible amplitude de la marée sur la zone d’étude, comprise entre 45 et 60 cm (HP,
1994), ne se traduit pas par des courants de marée faibles et classe la baie de Tabarka
en côte la houle joue le rôle majeur sur la morphodynamique des plages. Les vents
les plus fréquents et les plus forts de la zone d’étude ont une direction NW et les houles
les plus actives sur les plages sont logiquement issues du même secteur (Fig. 2). Des
enregistrements de la houle au nord du port de Tabarka par une profondeur de -20 m
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3 - Matériels et méthodes
entre 1971 et 1980 indiquent que les houles significatives de tempêtes annuelles sont
hautes de 5,60 m tandis que les houles décennales atteignent 7.80 m (HP, 1995).
À la côte, les transits littoraux liés à la dérive littorale ont été étudiés par P
(1985), J (1993) et O (1994). Les houles de secteur O. et N.O. subissent une
réfraction et une diffraction, causées par l’île de Tabarka, qui se traduisent par un
transit littoral dirigé vers la digue (est-ouest) et vers le cap gréseux (ouest-est) à partir
d’un point de divergence localisé approximativement au niveau de l’oued El Kébir. Les
houles de nord arrivent de manière quasi frontale dans la baie, ce qui n’induit pas de
transit littoral significatif, hormis aux extrémités du secteur d’étude (plage du port à
l’ouest et plage proche de l’oued de Bouterfess à l’est). Les houles de secteur N.E. et E.
induisent un transit vers l’Ouest, sans divergence de direction. Les directions
dominantes et secondaires des transits littoraux n’ont pas encore été véritablement
définies et quantifiées sur le site d’étude, même si une organisation générale est
proposée par J (1993). À travers l’analyse des variations de la position du rivage et
de la granulométrie de la zone du jet de rive, nous tenterons donc d’apporter des
éléments sur la direction du transit sédimentaire.
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Fig. 2 - Présentation du littoral de Tabarka-Bouterfess (Nord Ouest de la Tunisie).
Tabarka-Bouterfess (NW of Tunisia) location.
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L’évolution spatio-temporelle de trait de côte a été étudiée par Système d’Information
Géographique (SIG) à partir de photographies aériennes prises dans les années 1963
(échelle : 1/25.000), 1989 (échelle 1/25.000) et 2001. Les photographies aériennes de
1963 et 1989 ont été géoréférencées sous ARCMAP-GIS dans la projection UTM Zone
N32, Datum Carthage et ont été assemblées afin d’obtenir des mosaïques couvrant
l’ensemble de la zone d’étude. La campagne de 2001 était déjà référencée sous forme
d’ortho-photos par le Ministère de l’Agriculture Tunisien, sans que nous ayons
cependant d’indications sur la marge d’erreur de ce document. Par conséquent, la
marge d’erreur de notre base de données est calculée en analysant les variations de la
position du rivage sur le secteur rocheux stable. L’erreur moyenne est de 6,2 m avec un
écart type de 4,5 m. En considérant que la répartition de cette erreur est gaussienne,
nous évaluons donc l’erreur de positionnement du rivage à +/- 9 m, soit deux fois
l’écart-type, afin d’estimer la position du rivage avec une fiabilité de 95 %. Nous
rappelons que déterminer l’erreur à partir de deux écarts-types est statistiquement
robuste mais présente aussi l’inconvénient de définir une marge d’erreur relativement
importante.
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L’analyse de la mobilité du trait de côte a été faite à l’aide de l’extension d’ARCVIEW,
DSAS (Digital Shoreline Analysis System) conçue par T et al. (2005). Une ligne
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4 - Résultats
4.1 - Variations du rivage par transects et par
périodes
Fig. 3 - Variations du rivage et de la granulométrie le long du littoral de Tabarka.
Shoreline changes and grain size distribution along the Tabarka bay.
de référence virtuelle a été dessinée à terre parallèlement aux lignes de rivage afin de
servir de base pour la création de 114 transects perpendiculaires équidistants de 50 m le
long du littoral. Sur ces transects, le taux moyen de changement de rivage est
automatiquement calculé par le module DSAS.
Des prélèvements de sables au niveau du jet de rive ont été réalisés sur 18 points en
mai 2006 au niveau des transects 6, 19, 23, 26, 30, 33, 37, 43, 46, 49, 54, 79, 81, 84, 87,
90, 95 et 98. Les échantillons sont analysés selon les méthodes classiques de la
granulométrie, afin d’évaluer les indices statistiques généralement utilisés pour décrire
la granulométrie des sédiments. Seul le grain moyen (Folk et Ward, 1957) est présenté
dans cet article. Les résultats sont organisés spatialement le long du rivage, afin de
rechercher si les variations de la taille des sédiments indiquent d’éventuelles relations
avec les variations du rivage.
9
Entre 1963 et 1989, le rivage situé entre le port de Tabarka et l’embouchure de l’oued
El Kébir (transects 2 à 19) avance de 25 à 160 m, soit une vitesse de 0,9 à 6m/an (Fig.
3). Dans la partie centrale de la baie, la plage d’El Morjène (transects 20 à 68) sur
laquelle est bâti le complexe touristique de Montazeh Tabarka (B, 1997),
présente des signes de démaigrissement rapide. Le recul de trait de côte au niveau de
cette plage atteint 5 à 69 m avec des vitesses de recul variant de 0,2 à 2,7m/an. La plage
de l’hôtel Golf beach (transects 69 à 78) est relativement stable, mais ces valeurs sont
majoritairement comprises dans la marge d’erreur. À l’est, la plage de Bouterfess
(transects 79 à 114), montre une avancée de 14 à 56 m soit une vitesse annuelle de 0,4 à
2,2m/an. Dans le détail, ce n’est pas l’embouchure de l’oued qui avance mais plutôt les
secteurs limitrophes.
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Entre 1989 et 2001, les mouvements du rivage sont majoritairement inclus dans la
marge d’erreur des mesures (+/- 0,8m/an). À l’ouest, la plage d’El Corniche, connaît
un recul du trait de côte de 1 à 22 m, soit une vitesse de 0,1 à 1,8m/an (Fig. 3). La partie
centrale de la baie de Tabarka, la plage El Morjène, montrerait plutôt une avancée du
trait de côte de 1,5 à 27,6 m pour des vitesses annuelles de 0,13 à 2,3 m. Au delà de cette
zone, les secteurs à l’est ne montrent pas de variations significatives.
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