Idolâtrie 21.07

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L'idolâtrie, un concept pernicieux
Résumé
"L’extirpation de l’idolâtrie", suivant la formule consacrée, a motivé et justifié la plupart des violences commises
depuis quinze siècles, et encore aujourd’hui, au nom du dieu d’Abraham. Et pourtant, l’ordre de brûler les idoles
reste regardé comme un progrès, y compris par des non-croyants. On y voit le combat contre l’erreur, l’illusion,
la confusion entre le tout et la partie, le signifié et le signifiant, les passions humaines, etc., en oblitérant son
exclusivisme religieux et son lourd passé de violence. Ainsi, encore tout récemment, André Comte-Sponville
déclarait : "J’ai toujours vu dans le monothéisme une espèce de progrès […] Chasser les faux dieux, pour ne
plus reconnaître que le Vrai. Briser les idoles, pour n’aimer plus que l’Amour"1. Or pour lutter contre l’erreur,
l’illusion, les passions les philosophes grecs n'avaient pas attendu les religions abrahamiques ! Dans le contexte actuel
du retour des violences religieuses, ne faudrait-il pas combattre, plutôt qu’édulcorer, voire glorifier l'exclusivisme
abrahamique?
*
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" Celui qui offre des sacrifices à d'autres dieux qu'à l'Eternel seul sera voué à l'extermination."Exode 22, 20
"Définir précisément qui est un ennemi de Dieu a été le thème dominant des traditions monothéistes depuis leur
origine […] Deux mots caractérisent le dieu d'Abraham : exclusivisme et jugement" R. Joseph Hoffmann 2
La condamnation de l'idolâtrie est centrale dans les trois religions abrahamiques, judaïsme,
christianisme, islam. Au sens premier, l'idolâtrie désigne le fait d'adorer une autre divinité que
le seul vrai dieu, celui de la Torah, des Evangiles ou du Coran. Elle introduit la question du
vrai et du faux dans le domaine des dieux "la distinction mosaïque" selon l'égyptologue Jan
Assmann3. Elle renvoie à une sacralisation indue, elle "trahit sa vocation de créature née pour
adorer Dieu, sa juste relation avec son créateur et perd sa dignité d’humain créé à l’image de
Dieu."4 De fait, comme l'explique le dominicain David Perrin, "le rejet des idoles […] fonde
dans l’histoire humaine un nouveau rapport au divin."5
La sanction de cette condamnation, c'est d'une part l'ordre de brûler les idoles, c'est-à-dire les
dieux d'autrui "Ils [les Philistins]laissèrent leurs dieux, qui furent brûlés au feu d'après
l'ordre de David"(1 Chroniques 14:12 ), d'autre part l'anathème contre les idolâtres, qu'il
s'agisse d'individus, de villes ou de peuples entiers. Depuis deux mille ans, toutes les
violences religieuses de l'Occident dérivent de cet ordre de brûler les idoles.
L'idolâtrie apparaît ainsi au cœur de la violence des religions abrahamiques. "C'est cette
opposition […] entre le vrai et les faux dieux qui génère la division entre les religions, et
produit une violence sans fin. Une violence qui accompagne en effet toute l'Écriture, à partir
de l'Exode, à l'occasion duquel Dieu ordonne le massacre des adorateurs du veau d'or, qui
commande "de tuer ton frère, ton ami, ton parent", […] jusqu'aux livres prophétiques,
impressionnante série de malédictions envers les adorateurs de faux dieux."6
1 "De l’animisme au monothéisme. Briser les idoles", André Comte-Sponville, Le Monde des religions n°70, 13/02/2015
2 "Defining exactly who is an enemy of God has been the overarching theme of the monotheistic traditions since their vague beginnings some
3,500 years ago […] The Abrahamic god must be understood in terms of two words: exclusivity and judgment." "The God of Hosts", in The
Just War and Jihad, Violence in Judaism, Christianity, and Islam, R. Joseph Hoffmann, Prometheus Books, 2006.
3 Le prix du monothéisme, Jan Assmann, op. cit.
4 Katell Berthelot, "Le monothéisme peut-il être humaniste ?", entretien conduit par François Sergy, Témoins 23/10/2013.
[Katell Berthelot (1972- ) : historienne des religions spécialisée dans le judaïsme]
5 Le Scandale de l’idole, R. P. David Perrin, in Sénévé, Journal des aumôniers, Foi et raison, Noël 2008.
6 Se l'uomo perde l'anima nella Bibbia, Marco Vannini, La Repubblica, 13/08/2013.
[Marco Vannini (1948- ): philosophe, historien et théologien spécialiste des mystiques rhénans : Maître Eckhart, Sebastian Franck, etc..]
2
Une présentation politiquement correcte, non-violente de la condamnation de l'idolâtrie
recourt à plusieurs stratégies :
l'exégèse : l'idolâtrie ne serait qu'une modalité d'expression particulière de l'altérité. La
distinction entre non-idolâtre et idolâtre renvoie en effet à celle entre "nous" et "eux",
qui définit toute entité ethnique. Une telle interprétation ne fait toutefois que déplacer
le problème, elle esquive la charge de violence sacrée qu'expriment la singularité du
dieu jaloux et de l'ordre de brûler les idoles, la dimension sacrale de cette diabolisation
du "eux",
à la polysémie naturelle des mots : la distinction mosaïque entre "vrai et faux" dieux
serait comparable à la distinction entre "le vrai et le faux" établie chez les Grecs par le
principe du tiers exclu. Or les deux sont aussi dissemblables que possible, la première
relevant de la décision d'autorité, alors que la seconde n'est qu'une règle logique,
au changement de traduction : on remplace "Dieu jaloux" par "Dieu exigeant",
à la suppression de certains mots du vocabulaire religieux traditionnel : l'anathème est
officiellement banni depuis Vatican II, l'extirpation de l'idolâtrie est une expression
reprise de Concile en Concile depuis le IVème siècle jusqula fin du XIXème, mais
qui n' a plus cours aujourd'hui,
pour certains mots fétiches, à gauchir leur sens, à les séculariser, à les dédiaboliser :
évangéliser ne veut plus dire convertir mais témoigner, l'idolâtrie se voit aseptisée en
passant du registre religieux au registre philosophique, banalisée en s'intégrant au
vocabulaire courant. C'est cette euphémisation qui fait l'objet de ce texte.
Un concept commun aux trois religions abrahamiques
Détruire les idoles, c'est-à-dire les dieux d'autrui, cet ordre sacré est commun aux trois
religions abrahamiques, judaïsme, islam et même cette religion d'amour que se proclame le
christianisme : "Dieu qui dit la vérité a prédit que les images des faux dieux seront renversées,
et il ordonne que ce soit fait" (Saint Augustin7). "Le concept d'idolâtrie est typiquement judéo-
chrétien [et islamique]" (Joan-Paul Rubiés 8). Il est en revanche absent des autres religions,
Dans le texte de la Torah
Le premier commandement du Décalogue ordonne : "Tu ne te prosterneras pas devant un
autre dieu, car Yhwh, Jaloux est son Nom. Il est un Dieu jaloux" (Ex 34, 14). "Si ton frère, fils
de ta mère, ou ton fils, ou ta fille, ou la femme qui repose sur ton sein, ou ton ami que tu
aimes comme toi-même, t'incite secrètement en disant: Allons, et servons d'autres dieux! des
dieux que ni toi ni tes pères n'avez connus […], tu n'y consentiras pas, et tu ne l'écouteras pas;
tu ne jetteras pas sur lui un regard de pitié, tu ne l'épargneras pas, et tu ne le couvriras pas.
Mais tu le feras mourir; ta main se lèvera la première sur lui pour le mettre à mort, et la main
de tout le peuple ensuite tu le lapideras, et il mourra, parce qu'il a cherché à te détourner de
l'Éternel, ton Dieu" (Dt. 13, 6-12)
"La jalousie est la première parole de Dieu, le fondement de l'Alliance" 9 explique le
théologien Bernard Renaud. L'idolâtrie et la jalousie du "dieu jaloux" constituent en effet les
7 Lettre 91, 3, 408-410
8 Theology, Ethnography, and the Historicization of Idolatry, Joan-Pau Rubiés, Journal of the History of Ideas, Vol. 67, No. 4 (Oct., 2006),
pp. 571-596
9 Je suis un dieu jaloux, évolution sémantique et signification théologique de qine'ah, Bernard Renaud, Editions du Cerf, 1963.
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deux faces du même concept, la première désignant le comportement incriminé chez les
humains, le second le sentiment éprouvé par Dieu à son égard : "Ils ont excité sa jalousie par
des dieux étrangers; ils l'ont irrité par des abominations; ils ont sacrifié à des idoles, qui ne
sont point Dieu." (Dt 32, 16-17)."La condamnation de l'idolâtrie est une conséquence directe
de la jalousie de Yahvé à l'égard de ses rivaux par rapport à l'adoration des hommes",
confirme l'historien Joan-Paul Rubiés10.
Ce thème du dieu jaloux parcourt tout l'Ancien Testament : "Tu n'auras pas d'autres dieux
devant ma face. Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des
choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux
plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point. Car je
suis un Dieu jaloux." (Ex 20 : 3-6), "L'Éternel est un Dieu jaloux et vengeur. L'Éternel est
vengeur, et il a la fureur à son commandement. L'Éternel se venge de ses adversaires, et il
garde sa colère à ses ennemis." (Nahum 1, 2; cf. encore Dt 4, 24; 5, 9; 6, 15; Jos 24, 19).
En conséquence Dieu ordonne, de façon répétée, de brûler les idoles : "Vous renverserez leurs
autels, vous briserez leurs statues, et vous abattrez leurs idoles." (Ex 23, 24; Ex 34, 13; Dt. 12,
3; Dt 7, 5; 2 Rois 19, 18 ; Is. 37, 19), les objets de culte sont "brûlés dans les champs du
Cédron" (2 Rois 23, 4 ; 2 Chr. 15, 16), avec comme scènes emblématiques :
la destruction des statues et du temple de Baal et d'Ashéra (Astarté) par les rois d'Israël
: Jehu11 (2 Rois 10: 17-36), Josias (2 Rois 23: 4, 6, 12, 20; 2 Chroniques 34,7), Asa (1
Rois 15, 13), David (1 Chroniques 14:12),
l'épisode du Veau d'or : "[Moïse] prit le veau qu'ils avaient fait, et le brûla au feu; il le
réduisit en poudre, répandit cette poudre à la surface de l'eau, et fit boire les enfants
d'Israël." (Exode 32:20)
Cette fureur exterminatrice ne s'exerce pas seulement contre les dieux, contre les objets de
culte, mais aussi contre les hommes, sous la forme de l'anathème :
contre les prêtres au service des idoles. L'archétype en est la mise à mort des prêtres de
Baal par le prophète Elie: "« Emparez-vous des prophètes de Baal, leur dit Elie.
Qu'aucun d'eux ne puisse s'échapper! » Et ils s'emparèrent d'eux. Elie les fit descendre
au bord du torrent du Kison, il les égorgea." (1 Rois 18, 40). La scène est reprise
dans le Coran (37:123-125),
contre les idolâtres eux-mêmes. Tous les massacres de l'Ancien Testament sont
justifiés comme châtiment de l'idolâtrie des peuples concernés, qu'il s'agisse des
Cananéens, des Philistins, des Egyptiens, des Madianites, voire des Hébreux dissidents
comme les Benjaminites :
"Déverse ta fureur sur les païens, eux qui ne te connaissent pas" (Psaume 79:6,
Jérémie 10, 25) ;
"Lapide les idolâtres […] quand ce serait ton frère, ton fils et la femme qui dort
sur ton sein"12 (Dt. 13, 7-11),
[Bernard Renaud est prêtre du diocèse d’Angers et professeur émérite de la faculté de théologie catholique de Strasbourg. Il a aussi traité ce
sujet dans Enquête sur le dieu unique, préface de Thomas Römer, Bayard, 2010, et sur http://www.bible-service.net/site/896.html]
10 "The prohibition against idolatry is a direct consequence of Yahweh's "jealousy" of rivals in worship."Theology, Ethnography, and the
Historicization of Idolatry, Joan-Pau Rubiés, Journal of the History of Ideas, Vol. 67, No. 4 (Oct., 2006), pp. 571-596
11 Jehu unit tous les prêtres de culte de Baal en un seul lieu, fait cerner la maison et met à mort tous ceux qui s'y trouvent, puis il fait
détruire le temple de Baal et toutes les statues qui s'y trouvent.
4
"Quand l’Éternel ton Dieu te les aura livrés entre tes mains et que tu les auras
vaincus [les Cananéens], voue-les à l’anathème [le châtiment spécifique de
l'idolâtrie] et ne conclus aucun pacte avec eux, ni ne les laisse en place." (Dt 7,2),
Le rabbin Emil Fackenheim13 qualifia l'anathème prononcontre les Amalécites
(Samuel 15, 8) de "commandement de génocide selon la Torah."14
L'anathème prescrit la suppression de toute vie attachée au coupable : la sienne propre, ainsi
que celle de toute sa maisonnée, femmes, enfants, jusqu'au bétail compris. Traduction grecque
du mot hébreu "herem", l'anathème implique destruction intégrale par le feu, dans le but de
préserver le peuple saint de l'impureté suprême que représente l'idolâtrie."Le herem
[l'anathème] se présente comme un vœu qui voue à l’interdit toute population étrangère à
l’intérieur du pays donné par Dieu à Israël, afin de ne pas succomber à l’idolâtrie. Pour radical
qu’il soit, le vœu s’inscrit donc dans la théologie de l’élection : parce que ''peuple paré'' et
part réservée pour Dieu, Israël doit se protéger des autres nations. Rien d’étonnant alors à ce
que Dt 13, 13-19 retourne ce vœu contre une des villes d’Israël en cas d’apostasie."15
L'anathème est prononcé à profusion dans la Bible : plus de treize fois dans l'Ancien
Testament (Nb. 21/1 ; Dt 7/ 1 4; 7/26, 13/17 ; Jos. 6/7, 6/21, 7/1, 10, 40, 11s ; Jg.1/17, 16/23 ;
Is 34 /2 ; Za. 14/11 ; Mal.4/6 ; le livre de Jérémie n'est qu'une longue suite d'anathèmes lancés
contre toutes les nations), cinq fois dans le Nouveau (Rom.9/2 ; I Cor.12/3, 16/26 ; Gal.1/8, 9
; Mc.14/71) 16. C'est, dit la Bible à plusieurs reprises, parce les Israélites ont laissé survivre
des Cananéens, voire se sont mêlés à eux, que Dieu leur a infligé tant de malheurs17. C'est
parce qu'il détourna pour lui et ses soldats une partie du butin (au lieu de le vouer entièrement
à Dieu, c'est-à-dire de le brûler) que Saül perdit son trône. L'anathème est le dernier mot de
l'Ancien Testament : "Voici, moi, j'enverrai pour vous Elie le prophète, il arrivera juste avant
le jour de Yahvé, jour grand et redoutable : il ramènera le cœur des pères sur les fils, et le
cœur des fils vers les pères, de peur que je vienne et que je frappe la terre d'anathème."
(Malachie V 5 et 6).
Si Dieu peut accorder son pardon aux croyants qui "se repentent", il ne peut pardonner les
idolâtres, "puisqu'ils ignorent Dieu". L'humanité est partagée en deux camps, les non-
idolâtres, autorisés à s'installer en Israël et auxquels les Juifs doivent alors protection, et les
idolâtres, qui doivent être expulsés ou exterminés.
L'objectif essentiel est d'éviter la contagion de l'idolâtrie : "Tu ne feras point de pacte avec
eux ni de compromission avec leurs divinités. Qu’ils ne subsistent point sur ton territoire car
ils te feraient prévariquer contre Moi, de sorte que tu en viendrais à adorer leurs divinités, et
ce serait pour toi un écueil" (Ex 23,32-33; Ex 34,12-17 ; Dt 20,18). Le rabbin Rivon Krygier
12 "Si ton frère, fils de ta mère, ton fils, ta fille, la femme qui dort sur ton sein, ou ton ami que tu aimes comme toi-même, essaie de
t’entraîner secrètement en disant : « Allons servir d’autres dieux ! » des dieux que ni toi ni tes pères n’avez connus, d’entre les dieux des
peuples qui vous entourent, de ceux qui sont proches de toi comme de ceux qui sont loin de toi, d’une extrémité de la terre à l’autre – tu n’y
consentiras pas, tu ne l’écouteras pas ; ton œil sera sans pitié : tu ne l’épargneras pas, tu ne le couvriras pas. Tu le tueras ; tu lèveras le
premier la main sur lui pour le mettre à mort, et tout le peuple ensuite ; tu le lapideras, et il mourra, parce qu’il a cherché à t’entraîner loin du
Seigneur, ton Dieu, qui te fait sortir de l’Egypte, de la maison des esclaves." Dt 13, 7-11.
13 Emil Ludwig Fackenheim (1918-2003) : rabbin réformé d’origine allemande, réfugié en Angleterre puis au Canada. Egalement philosophe
(chaire du département de philosophie de l’Université de Toronto), il fut l’auteur d’ouvrages de réflexions sur la pensée juive de l’après-
Shoah et sur le destin du peuple juif (God’s presence in History, 1970; To Mend the World, 1982 ; What is Judaism, 1987).
14 David Meyer, Les Versets douloureux (Bible, Evangile et Coran), David Meyer, Yves Simoens, Soheib Bencheikh, Lessius, 2008
15 Philippe Abadie, Cahier Evangile n°134.disponible sur http://www.bible-service.net/site/643.html
[Prêtre du diocèse de Mende, Philippe Abadie est professeur à la faculté de théologie de l'université catholique de Lyon. Il est spécialiste de
la littérature biblique tardive et de l’apocalyptique juive.]
16 L'anathème, Abbé Joseph Grumel (1921-2008), disponible sur http://josephmarie.perso.neuf.fr/racines/anatheme.pdf.
17 Autre exemple: en gardant pour lui et ses soldats une partie du butin acquis par la victoire, le roi Saül manqua à l’anathème. Cet acte
sacrilège provoqua sa destitution, au profit de David.
5
commente : "La crainte de la « contagion » est telle qu’elle ne laisse place à aucune tolérance
ou compromission, comme s’il en allait de la survie même de la civilisation hébraïque."
Dans le judaïsme rabbinique (le judaïsme à partir de 70 ap. J.-C.)
"Quiconque renonce à l’idolâtrie est appelé un juif "
Talmud, B. Meg. 13b
"Celui qui refuse l'idolâtrie fait comme s'il accomplissait la Torah toute entière"
Talmud, Hullin, 5 a
"Etre juif c’est rejeter l’idolâtrie"
Talmud, Traité Méguila 13 a
"Le but principal de la Loi est d'extirper l'idolâtrie"
Maimonide, Guide des Egarés, III : 30
"Le bris des idoles est le premier moment d’étrangéisation
par lequel l’hébreu se sépare à jamais de la civilisation païenne"
Rav Moché Tapiero18
Le Talmud consacre à l'idolâtrie tout un livre, l'Avodah zarah19.
L'interdiction de l'idolâtrie constitue la première des "lois noachides", ces lois que le judaïsme
assigne à l'humanité toute entière depuis Noé :
1. interdiction de l'idolâtrie (abjuration du polythéisme, profession de foi monothéiste20)
2. interdiction des unions illicites,
3. interdiction de l'assassinat,
4. interdiction de consommer un membre arraché à un animal vivant,
5. interdiction de blasphémer,
6. interdiction du vol,
7. établir des tribunaux (pour la raison que sans tribunaux, point de justice)
Les lois noachides sont d'origine talmudique (elles ne figurent pas dans la Torah). Comme
leur nom l'indique elles sont censées avoir été données à Noé21, et s'appliquer à l'humanité
depuis le Déluge. Toutefois, selon le rabbin Rivon Krygier, "c’est seulement lorsque [les
maîtres du Talmud des deux premiers siècles de notre ère] furent amenés à giférer sur le
statut de résident non-juif en Israël […] que l’idolâtrie fut conçue comme un péché capital y
compris pour les non-Juifs."22
A la condition express qu'ils soient non-idolâtres, les non-Juifs (ceux qui ne sont pas
d'ascendance juive) qui vivent hors d'Israël ou de la Diaspora sont désignés comme "les Justes
parmi les Nations": "nos Sages nous enseignent que les vertueux des autres nations peuvent
avoir part à la félicité éternelle, dans la mesure où ils s'appliquent à la connaissance de Dieu et
18 "La modernité de l’idolâtrie", Rav Moché Tapiero, Daat Haim, 2006.
19 Cf. par exemple Jews, Jewish Religion, anti-Semitism, the Talmud and Zionism, Sense and Nonsense about Jews and Jewish Belief,
disponible sur <http://www.mideastweb.org/jewreligion.htm>
20 D'après Sanhédrin, 56 b.
21 Cf. Maïmonide, cf. aussi Ira Bedzow, "A Contemporary Jewish Virtue Ethics", Laney Graduate School, Jewish Studies, 2014.
22 Rivon Krygier, Qu'est l'idolâtrie ? Article de Rivon Krygier publié dans Pardès N°53
Cf. aussi La religion noachide sur < http://wordpress.catholicapedia.net/?tag=lois-noachides>, et Vous serez comme des dieux, Une
interprétation radicale de l'Ancien Testament et de sa tradition, Erich Fromm, Complexe, Bruxelles, 1975.
[Erich Fromm, 1900-1980, psychanalyste humaniste américain d'origine juive allemande, est avec Adorno, Herbert Marcuse et d'autres, un
des premiers représentants de l'École de Francfort.]
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