Chapitre 4. Des pratiques pédagogiques au plan de formation | Cairn.info

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Chapitre 4. Des pratiques pédagogiques au plan de
formation
Philippe Maubant
Dans Pédagogues et pédagogies en formation d'adultes (2004),
pages 143 à 203
Article
L’individualisation de la formation
ous avons souhaité présenter dans ce chapitre une ré!lexion
sur les grandes questions et sur les principaux thèmes
d’intérêt, évoqués par les formateurs d’adultes. Ces questions,
ces centres d’intérêt portent à la fois sur l’acte de former, c’est-
à-dire sur ce qui peut participer de l’émergence de pratiques
professionnelles, mais aussi sur des dispositifs
organisationnels à caractère pédagogique susceptibles de
favoriser la réussite des formations d’adultes. Nous tenterons de montrer que ces
questions, ces hypothèses pédagogiques traversent l’ensemble du champ éducatif.
Nous traiterons en particulier de quatre idées ou propositions pédagogiques
ayant à la fois fait l’objet d’une littérature abondante et conduit à des recherches, à
des expériences, à des tentatives de mise en œuvre : l’individualisation de la
formation, la pédagogie par alternance, la pédagogie du projet, la question du
transfert des connaissances.
1
N
Voici di!férentes définitions. Outre le terme d’« individualisation », nous
proposons au lecteur une ré"lexion croisée à partir de définitions de
concepts voisins.
Individualisation :
La problématique de l’individualisation de l’enseignement traverse l’histoire du
système éducatif et l’histoire des idées pédagogiques. Des pédagogues comme
Claparède en 1921, Bouchet en 1933 ou encore des courants pédagogiques comme
l’enseignement programmé (Skinner, 1968) insistent sur la dimension
individuelle de l’apprentissage. Les recherches en psychologie cognitive (Lautrey,
1989 ; Bastien, 1990) apportent, elles aussi, un éclairage sur le processus individuel
constitutif de l’acte d’apprendre. La sociologie de l’éducation, dans sa défense
d’une sociologie du sujet (Charlot, 1999), contribue à questionner le rapport au
savoir et à l’apprendre dans une perspective individuelle. Au-delà des recherches,
les discours des institutions ont amplifié cet intérêt réitéré pour
l’individualisation de l’enseignement. Deux importants colloques réunissant
praticiens-chercheurs et décideurs avaient proposé un état des lieux sur cette
question![1]. Plus
récemment, la biennale de l’éducation en avril 2000, à la Sorbonne, a organisé une
table ronde animée par J. Houssaye, intitulée « L’individualisation des relations
pédagogiques : régression ou progrès ? ». L’auteur développe cette thèse dans un
autre article![2]. Les
pédagogues, encouragés par la thèse de L. Legrand en 1986, tenteront
d’instrumentaliser les idées directrices empruntées à la psychologie di"férentielle.
Les années 1990 (Meirieu, Perrenoud) seront marquées par cet intérêt pour la
di"férenciation pédagogique, tout en insistant particulièrement sur le rôle d’une
négociation appreneur-apprenant dans l’élaboration et dans la mise en œuvre du
contrat pédagogique. Cette période apportera néanmoins une certaine confusion
dans l’usage des concepts. Di"férenciation, individualisation, pédagogie
personnalisée (Aumont, 1988). Les propositions éducatives, identifiées en
formation des adultes comme en situation scolaire, témoignent d’un regain
d’intérêt pour l’individualisation : aides individualisées, pédagogies centrées sur
l’apprenant, soutien individualisé aux formés. Parfois, certains concepts laissent
place à d’autres sans qu’il soit d’ailleurs toujours aisé pour le profane de se repérer
dans les définitions et dans les théories.
2
[1]Jean Besancon, Philippe Maubant, Claude Ouzilou (dir.),…
[2]Jean Houssaye, « Le soutien va-t-il tuer la pédagogie…
« La notion d’individualisation peut recouvrir trois aspects. Elle a d’abord
un aspect défensif. En e"fet, elle aurait tout d’abord comme fondement de
résister à une massification… Il y a aussi un deuxième aspect qui est un
aspect revendicatif de l’individualisation. Il s’agit ici de l’idée d’une
revendication de liberté de choix pour l’individu… Le troisième et dernier
aspect me paraît être l’aspect créatif de l’individualisation. C’est-à-dire
qu’en parlant d’individualisation on pense à la possibilité pour l’individu de
s’exprimer et en particulier d’exprimer grâce à cette liberté, à cet espace
qu’il peut déployer sans être tout de suite en face de contraintes et/ou de
modèles, des aspects de lui-même qui n’apparaissent pas dans
l’immédiat ».
— (« Entretien avec Gilles Ferry », in L’individualisation de la formation en questions, par
Jean Besançon, Philippe Maubant, Claude Ouzilou (dir.), Paris, La Documentation
française, 1994)
Autoformation :
« L’autoformation, c’est la formation par soi-même. Implicitement cela
suppose une opposition par rapport à un modèle qui serait la formation
exercée par les autres… ».
— (Philippe Carré, « Entretien, » in Images de la formation ouverte et à distance, Paris,
Autofod, 2001)
Autonomie :
« L’illusion de l’autonomie peut sembler “pleine de su"fisance”. Mais elle
recouvre une importante réalité : celui qui se présente ainsi atteste qu’il a
pu s’engager dans un processus d’émancipation, qu’il a en quelque sorte
“tué” ses pères pour produire sa propre existence et s’a"firmer comme sujet
autonome ».
— (Bernadette Aumont, Pierre-Marie Mesnier, L’acte d’apprendre, Paris, PUF, 1992)
Individuation :
« La socialisation se fait en continuation du processus d’individuation
commencé “dès que l’enfant paraît” et qui se poursuit pour chacun de nous
avec des succès divers tout au long de notre existence ».
— (Jean-Claude Rouchy, « Le cadre de l’individuation », in L’individualisation de la
formation en questions, par Jean Besançon, Philippe Maubant, Claude Ouzilou (dir.),
Paris, La Documentation française, 1994)
Autodidaxie :
« Apprendre en dehors de toute institution ».
— (Philippe Carré, « Entretien », in Images de la formation ouverte et à distance, Paris,
Autofod, 2001)
L’individualisation de la formation a fait l’objet de nombreux textes. Elle a
été aussi à l’origine de la production d’outils pédagogiques. Nous
présentons ici un exemple de fiche de suivi individualisé d’un apprenti :
Objectifs à atteindre Acquis
Non
acquis
Être capable de citer et de reconnaître les di"férents
contenants
Être capable d’e"fectuer un semis à la main
Être capable de citer les modes de distribution
Être capable de citer les conséquences des accidents
Nous proposons le tableau suivant construit à partir des travaux présentés par Ph.
Meirieu lors du Colloque de l’AECSE en 1991 :
3
climatiques sur la végétation
Être capable de décrire le fonctionnement et les
caractéristiques des principaux systèmes de chau"fage
Être capable de mettre en œuvre le système de chau"fage
implanté dans l’entreprise
Nous pouvons remarquer ici que cette grille est inspirée d’une construction
empruntant à la pédagogie par objectifs. Elle semble servir une logique
d’évaluation formative, mais sans doute aussi d’évaluation certificative. Elle
est à usage de l’équipe de formateurs. L’apprenti a, quant à lui, une fiche de
tâches à réaliser :
Fiche-navette remise à l’apprenti :
— Compléter un tableau joint en indiquant le nom du contenant et son
utilisation.
— Dans votre entreprise, quelles précautions prend-on pour e"fectuer un
semis à la main ?
— À qui vend-on les productions de l’entreprise ?
Ces deux documents illustrent bien la tentative des organismes de
formation de se construire des outils d’individualisation de la formation.
— (Fiche-navette et carnet de liaison utilisé dans un Centre de formation
d’apprentis, 1991.)
Néanmoins, il semble possible de dégager six grands arguments qui permettent
de soutenir la thèse d’une « nécessaire » individualisation de la formation :
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— Premier argument : une économie du coût de la formation : individualiser, c’est
chercher à mieux ajuster l’o"fre de formation aux demandes, voire aux besoins
individuels. Ce sont les commanditaires de la formation qui seront
particulièrement intéressés par cet argumentaire.
5
— Second argument : le refus d’une approche homogène du groupe de formation.
C’est ici la reconnaissance de l’hétérogénéité des publics.
6
— Troisième argument : la prise en compte des caractéristiques individuelles des
formés : cela suppose au préalable une évaluation de l’apprenant et la conclusion
avec lui d’un contrat d’objectifs d’apprentissage.
7
— Quatrième argument : l’articulation nécessaire entre objet d’apprentissage,
apprenant et formateur. Cela rend indispensable la lisibilité de l’objet
d’apprentissage.
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