SORTIR DU FORMALISME, ACCUEILLIR LES LECTEURS RÉELS Gérard Langlade Armand Colin / Dunod | Le français aujourd'hui 2004/2 - n° 145 pages 85 à 96 ISSN 0184-7732 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2004-2-page-85.htm Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Langlade Gérard,« Sortir du formalisme, accueillir les lecteurs réels », Le français aujourd'hui, 2004/2 n° 145, p. 85-96. DOI : 10.3917/lfa.145.0085 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin / Dunod. © Armand Colin / Dunod. Tous droits réservés pour tous pays. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- SORTIR DU FORMALISME, ACCUEILLIR LES LECTEURS RÉELS Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod Le constat s'impose avec une douloureuse évidence : l'enseignement actuel de la littérature dans le second degré est victime de formalisme et de technicisme'. Linfluence de la linguistique textuelle et des courants structuralistes qui se sont développés en France voici une quarantaine d'années n'est certainement pas étrangère à cette situation. Cependant, I'approche formaliste perdure alors que ses fondements scientifiques sont aujourd'hui largement contestés - notamment Par une linguistique désormais attentive à la parole et aux discours, et qui accorde une importance décisive à I'analyse des actes de langage et des situations concrètes de communication. Les causes des dérives technicistes doivent donc être recherchées ailleurs que dans la simple survivance d'un héritage scientifique obsolète. Plusieurs traia majeurs de l'enseignement de la limérature méritent d'être interrogés: la permanence du modèle dit n lansonien, qui recommande une analyse objective des textes linéraires à fabri de I'implication des lecteurs réels, les représentations de la litérature qui l'appréhendent comme un monument langagier clos sur lui-même, la reconfiguration actuelle de la discipline autour de la notion de discours qui, mdgré ses intérêts, produit une dilution préjudiciable de la singularité du rapport ar.rx textes littéraires, la primauté accordée à la distance andytique qui génère une approche rhétorique et au bout du compte formelle de la lecrure. En contrepoint de I'analyse critique de ces divers éléments, il convient de montrer tout I'intérêt didactique, dans la persPective d'un renouvellement des pratiques scolaires de la littérature, de la prise en compte du discours singulier que chaque lecteur, élève ou enseignant, élabore lorsquil s'implique en tant que sujet dans la lecture d'une æuvre. l.Par formalisrne j'entends une attention quasi exclusive portée à la dimension formelle d'une ceuvre, hors de toute véritable perspective interpréative. On aura compris que je ne vise pas ici directement le formalisme en tant que méthode d'analyse mais bien plutôt ce qu'il-advient de cette méthode lorsqu'elle est immergée dans I'enseignement secondaire. Pat technicisme j'entends I'utilisation d'instrumens d'analyse linguistique, sémiotique, narratologique, etc., pour erx-mêmes, coûtme une ûn en soi. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod Par Gérard UNGI.ADE 86 Le Français aujourd'hui no 145, n Le littéraire et le sociai r Aux origines du formalisme: la littérature en taût qrt'objet de description Pour manifestes et actives qu elles soient actuellement, les approches scolaires de la littérature qui reposent sur une observation qui se veut minutieuse, objective, voire savante, des rextes, ne datent pas d'aujourd'hui. Antoine Compagnon, enrre aurres, a mis en évidence le rôle joué par le courant positiviste à la fin du xlx', avec norarnment la critique scientifique de F. de Brunetière et la critique historique de G. Lansôn, dans la mise hors jeu du lecteur dans les études littéraires. < Pour Brunetière et Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod (G. l,anson, 1965), selon ses termes - et doter les élèves de rigueur analytique en renouvelant l'explication de rexte et l'histoire littéraire. ks divers courants formalistes et strucruralistes des années 1960 se réfèrent à des modèles d'analyse et à des théories de la littérature rrès différents de ceux qu'a installés la tradition lansonienne. Cependant, au bout du compte, par un apparent paradoxe, ils vont alimentei un rapporr semblable arlx textes littéraires. On se souvient de la contestation de I'histoire linéraire traditionnelle I'homme et l'æuvre au profit d'une histoire des formes et des genres, conduite par R. Barthes et G. Genette. La critique de R. Barthes vise à la fois le principe d'organisation des études littéraires et le mode d'accès aux æuvres : u c'est une suite de monographies, dont chacune, à peu de choses près, enclôt un auteur et l'étudie pour lui-même ; l'histoire riest ici que succession d'hommes seuls, (R. Barthes, 1963). G. Genette monrre tout I'intérêt d'une hisroire des formes liréraires : il convient de s'intéresser à u une histoire de la littérature prise en elle-même (et non dans ses circonstances extérieures) et pour elle-même (et non comme document historique) considérée non plus comme documenr, mais comme monument ). Il émet une hypothèse qui va profondémenr marquer l'évolution - de I'enseignement de la littérature jusqdà aujourd'hui: qu u il me semble en littérature, I'objet historique, iest-à-dire à la fois durable et variable, ce n'est pas l'æuvre : ce sont ces éléments transcendants aux æuvres et constitutifs du jeu littéraire que I'on appellera pour aller vite les formes : par exemple, les codes rhétoriques, les techniques narratives, les structures poétiques, etc. o (G. Generre, 1972). De nombreuses préfaces de manuels montrent I'incidence de cette orientation dans les anthologies littéraires, des années 1970 à nos jours. Ainsi, par exemple, H. Mittérand refonde I'histoire littéraire sur ( une histoire des formes littéraires, retrouvant pour la régénérer, la grande tradition de la rhétoriqud o. Il propose qu u à la présentation chronologique, siècle par siècle, des grands auteurs, selon le schéma "l'homme et l'æuvre", lon]-substitue 2. Exuait de l'< Avant-Propos > des Tèxta fançais Nathan, nouvelle édition augmentée, p. 5. a histoires littéraires, Éditions Fernand Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod Lanson, chacun à sa manière, il s'agit d'échapper au lecteur et à ses caprices, non pas d'annuler, mais d'encadrer ses impressions par la discipline, d'atteindre I'objectivité par Ie traitement de l'æuvre elle-même , (4. Compagnon, 1998). On sait que G. Lanson entend faire émerger un jugement objectif - ( une connaissance impersonnelle vérifiée, Sortir du formalisme. accueillir les lecteurs réels B7 une disribution des textes fondée sur la distinction des genres : le théâtre, la poésie, le roman, le conte, I'essai3 ,. On le voit : le cadre didactique dans lequel s'inscrivent les programmes et les pratiques acnrels est, dès cette époque, clairement mis en place. Dans le même temps, loin de prendre en compte les constructions interprétatives de lecteurs empiriques, la u science de la littérature , s'intéresse aux o règles et contraintes d'élaboration , des significations : u On s'efforcera d'établir l'acceptabilité des æuvres, non leur sens , (R Barthes, 1966). Ce formalisme renvoie à la fois à une théorie de la littérature et à une méthode d'analyse des æuvres. u Ce qui nous caractérise [...], c'est le désir de créer une science littéraire autonome à partir des qualités Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod fonctionnement narratif, etc. Dans les manuels les plus novateurs de cette époque, on retrouve cette même ambition de I'analyse du u fonctionnement ) textuel. u Nous laisserons de côté l'étude psychologique des passions et des modvations, pour nous intéresser à des questions différentes : non plus : "pourquoi Rodrigue a-t-il tué le Comte ?", mais : "quels rôles Rodrigue joue-t-il ? quels sont les programmes actantiels dans lesquels il joue un rôle ?" D, annonce par exemple A.-M. Mediavilla dans son manuel pour la classe de secondea. Le formalisme est clairement revendiqué comme méthode de lecture dans les programmes de la fin des années 1980 qui créent la notion de n lecture méthodique o. Rappelons que cette dernière se fonde sur u l'observation objective, précise, nuancée des formes ou des systèmes de formes (grammaire, morphologie et syntaxe; lexique, champ lexical, champ sémantique ; énoncé et énonciation; image, métaphore et métonymie; modalités d'expression, effets stylistiques : stuctures apparentes et structures profondes) > et sur o I'analyse de l'organisation de ces formes et la perception de leur dynamisme au sein du texte (convergence et divergence)5 o. Lanalyse de nombreux manuels, I'observation de certaines pratiques, dites aujourd'hui de u lecture analytique ,, permettent de mesurer, sur le terrain, les effets de grilles de lecture formelies constituées à partir d'un tel bric-à-brac de notions venues d'horizons divers. < Thès oconstruction" souvent, souligne, par exemple, R. Michel, la du sens par les élèves relève de I'insensé: la compréhension du texte se dilue et se réduit à une collection de faits, linguistiques, stylistiques ou narratologiques, épars et parcellaires, selon des protocoles de "recherche" automatisés, répétitifs et peu créatifs o (R. Michel, 1998). En fait, I'utilisation des savoirs issus de la linguistique et de la narratologie ne change rien aux exercices anciens auxquels ils fournissent simplement 3. On retrouve dans un manuel en deux parties : n [æs thèmes r, o Les genres, (Bordas, L977), drrgé par Pierre Brunel, ce même positionnement théorique et didactique dans I'approche des textes littéraires. 4. Méthodts a Pratiques, p. 227. 5. Programmes da lyde, 1989, p. 17-18. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod intrinsèques des matériaux littéraires , (B.Eikhenbaum, 1965). En conséquence, les textes sont volontiers abordés en eux-mêmes et pour etx-mêmes, et I'on privilégie pour leur étude des problématiques strictement texnralistes: étude des formes, des types de texte, des modes de 88 Le Français aujourd'hui n" 145, < Le littéraire et le social n ( un candi il a sous les yeux est "homo-" ou "hétérodiégétique", "singulatif" ou "itératif", à "focdisation interne" ou "externe", ne sera pas reçu, comme jadis il fallait quelques contenus nouveaux. La boutade d'A. Compagnon dat de concours qui ne saurait pas dire si le bout de texte qu reconnaitre une anacoluthe d'une hypallage, et savoir la date de naissance - fait mouche. À condition toutefois de ne pas interpréter ces propos comme la manifestation d'un scepticisme désabusé à l'égard de toute ambition théorique, mais comme la stigmatisation d'un formalisme toujours aussi vain dans le rapport aux æuvres. Il s'agit moins ici des démons de la théorie que de ceux de la didactique. de Montesquieu. n (A. Compagnon, 1998) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod TLès largement, programmes, manuels et pratiques d'enseignement se réêrent à une conception de la littérature qui voit celle-ci se prendre ellemême comme objet et comme sujet. Dès l'école primaire, cette radicale intransitivité attribuée aux æurrres littéraires, ceme conception d'une limé- rature autoréférencée et presque exclusivement alimentée par son retour- nement réflexif, se retrouvent noramment dans l'utilisation à la fois réductrice et systématique de la nodon d'intertextualité6. Prise dans son sens le plus général de liaison de tout texte avec un aurre, cette notion conduit à considérer toute æuvre littéraire comme se référant à d'aurres æuvres, la connaissance de celles-ci étant indispensable pour lire celleJà. De façon fort significative, les Docurnents d application des programmes litthature du rycle 3 s'ouvrent sur une définition de la culture littéraire qui fait la part belle aux références intertextuelles : o Une culture littéraire [...] suppose une mémoire des texres, mais aussi de leur langue, une capacité à retrouver, chaque fois quon lit, les résonances qui relient les æuvres entre elles. Elle est un réseau de référence autour desquelles s'agrègent les nouvelles lectures. Bre[, quil s'agisse de comprendre, d'expliquer ou d'interpréter, le véritable lecteur vient sans cesse puiser dans les matériaux riches et variés quil a structur& dans sa mémoire, et qui sont, à proprement parler, sa culture. u (Desco, MEN, CNDB 2002, p.5) Une telle approche, dès le primaire, de la lecture liréraire est pofteuse d'une conception on ne peut plus claire de la littérature dans I'espace scolaire: la littérature parle en priorité de la linérature et lire une æuvre consiste à percevoir un réseau de références intertextuelles. Lintérêt d'un texte ne peut donc apparaitre que dans la référence de celui-ci à d'autres textes. lJne telle approche laisse quelque peu songeur si on se souvient que programmes s'adressent à de très jeunes lecteurs dont la caractéristique première est précisément de riavoir pas lu grand chose, voire rien du tout. Ceftes, css Docurnmts d'application, loin de s'en tenir au cadre étroit dCI relations interto<tuelles comme seul espace d'appropriation des æuvres, font ces 6. Il ne s'agit pas, bien entendu, de contester I'intérêt pour l'érude des æuvres et de la linérature de cette notion fondamentale, mù de s'interroger sur la pertinence de son utilisation précoce en didactique de la littérature. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod La littérature définie comrne autoréférencée Sortir du formalisme. accueillir les lecteurs réels 89 appel à la personnalité individuelle des sujets leceurs : n IJappropriation des æuvres littéraires [...] intenoge les histoires personnelles, les sensibilités, les connaissances sur le monde, les références culturelles, les expériences des lecterus > (Desco, MEN, CNDB 2002).Iæs ûnalités éducatives de la lecnue des æuvres, quand à elles, tournent résolument le dos au formalisme: u læs æuvres [...1 permettent aux enfants dinterroger les valeurs qui organisent la vie et lui donnent une signification. u Il rien reste pas moins vrai que tout en affirmant le caractère prématuré de n la construction de catégories d analyse n, les o mises en réseaux, des ceuvres, qui passent nécessairement par la saisie de caractéristiques formelles, apparaissent comme un objectif prioritaire: u Ces réseaux sont organisés, pour explorer un genre, poru apprécier les divers uaitements d'un personnage, d'un motif, pour élucider une procédure narrative, I'usage du temps et des lieux. o Iæ formalisme de l'enseignement de la littérature n est pas une simple dérive , accidentelle. Son enracinement dans l'histoire de la discipline, les fondements scientifiques qu on lui attribue, les représentations de la limérature qui lui sont associées lui donnent une assise d'autant plus grande que la reconfiguration de la discipline u français , à laquelle on assiste aujourd'hui conduit, nous allons le voir, à renforcer son emprise sur l'approche Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod des textes littéraires. (Re)configuration disciplinaire et approche de la littérature comme discours Face au découpage interne du n français D - orthographe, grammaire, lecture, écriture - et en réponse à la rupture épistémologique de la discipline des années 1970 (période de la communication, des médias, etc.) qui succède à une unité fondée sur la référence dominante à la littérature, on s'attache depuis une vingtaine d'années à (re)donner au champ disciplinaire une certaine homogénéité. Toute une entreprise à la fois institutionnelle, didactique et scientifique vise à retrouver I'unité perdue. la notion clé de cette reconfiguration disciplinaire sous-jacente depuis les années 1980 apparait au cæur des nouveaux programmes du collège de 1995: c'est la notion de discours. Elle est également centrale dans les programmes de lycée: n Le pari qui est au cæur des nouveaux programmes (p"ru.tt 2000) est d'organiser I'ensemble du champ autout de la maitrise des différentes formes de discours, (4. Boissinot, 2001). Dans le même temps, le souci de faire entrer dans le champ de la discipline des objets nouveaux et variés conduit à privilégier un projet sémiologique global permettant d'utiliser des notions qui soient communes à [a diversité des matériaux sémiotiques (cinéma, bande dessinée, image, théâtre, littérature écrite. ..). Il faut bien voir qu'une telle refondation de la discipline à partir de la notion de discours conduit à appréhender la littérature comme toutes les autres formes de discours. n La lecture méthodique s'applique à toutes les formes de discours, et la lecture méthodique d'un texte argumentatif, par exemple, ne sera pas différente dans sa démarche selon qu'il s'agit d'un texte "littérùd' (une paç du Dictionnaire philonphique) ou "non littéraire" Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod n 90 Le Français aujourd'hui no 145, n Le littéraire et le social r Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod dans l'analyse de différents objets lorsqu'il évoque la grande proximité discursive entre le u littéraire ) et le ( non littéraire > : < Dans une perspective d'analyse du discours, on riappréhende pas la littérature en opposant de manière réductrice textes littéraires er rextes non-littéraires, mais en replaçant le discours littéraire dans la multiplicité des énonciations qui traversent I'espace social u (D. Maingueneau, 2002). Une telle perspective a pour conséquence immédiate une forme de marginalisation de la littérature dans le champ de l'analyse du discours et donc au sein de la discipline u français u : u les textes littéraires qui absorbaient uaditionnellement I'essentiel des entreprises d'analyse de texte ne sonr plus aujourd'hui qu'un sous-ensemble du champ des études du discours. o En fait, cette reconfiguration disciplinaire repose sur le < recyclage, didactique des conclusions que T Todorov tirait, dans les années 1970, de sa réflexion sur la littérarité. On se souvienr que dans In Notion dz littérafitreT. Todorov renonce à toute définition srructurale de la littérarure au profit d'une typologie des discours indifférenre âu parrage littéraire/non littéraire. C'est face à l'impossibilité de définir de façon assurée la limérature d'un point de vue structural et d'établir n la différence enûe usage littéraire et non littéraire du langage , que T Todorov propose d'n introduire une nodon générique, par rapport à celle de littérature: celle de discours u. Il en tire pour conséquence que < si I'on opte pour un point de rrue structural, chaque type de discours qualifié habituellement de littéraire a des "parens" non liftéraires qui lui sont plus proches que tour autre type de discours "liftéraire" [...]. Ainsi I'opposition entre littérature et non-littérature cède la place à une typologie des discours r. Ce qui conduit T Todorov à o nier la légitimité d'une notion structurale de "liftérature", à contester l'existence d'un "discours littéraire" homogène , et à indiquer qu'u à la place de la seule littérature apparaissent maintenant de nombreux types de discours qui méritent au même tirre noûe arrention > (T. Todorov, l97l). Lutilisation du discours comme concept intégrateur du champ disciplinaire riest pas sans conséquence sur le statut des textes littéraires en classe de frangis. Ces derniers apparaissent comme des supporrs indifférenciés de la maitrise des discours et non comme des espaces discursifs paniculiers où les lecteurs entretiennent des rapports originaux entre le monde réel et le monde construit par la linérature. La lecture des rexres liaéraires se voir mise au service, à travers la distance analytique, de l'acquisition programmée de compétences de lecture et d'écriture. Distance analytique et démarche herméneutique Cette distance analytique se retrouve dans toutes les démarches de lecture scolaire, même dans les plus pertinentes. Elle a pour fondement une forme d'herméneutisme qui conduit, selon I'expression de P. Bourdieu, < à concevoir tout acre de compréhension sur le modèle de la traduction et à faire de la perception d'une æuvre culturelle, quelle qu elle soit, un Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod (un anicle qu il s'agira ensuite de résumer) > (A Boissinot, 1990). D. Maingueneau, plus récemment, va au-delà d'une simple démarche commune Sortir du formalisme, accueillir les lecteurs réels q1 acte intellectuel de décodage supposant la mise à jour et la mise en Guvre Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod compétences particulières. [,a présence dans un texte liméraire d'un sens apparcnr, qualifié souvenr de u liméral >, et d'un sens profond rend possible une hiérarchisation des activités : tout ce qui renvoie à la compréhension du sens littéral d'un texte mobilise des savoirs linguistiques de base - ce qui relève de la compréhension -, l'interprétation suppose de son côté des savoirs plus complexes. Cette démarche se réêre à une théorie de la lecture liméraire qui distingue lecture narve et lecture experte, ou critique (sémiosique et sémiotique). la compréhension vise le sens premier, liméral, alors que l'interprétation suppose une prise en compte des sens seconds, des intentions er des effets du texte. B. Daunay souligne à juste raison que I'institution scolaire établit que seule la u forme supérieure de lecure peur êrre I'objet d'un discours spécifique: le commentaire > (8. Daunay, 1999). La lecrure ( narve u qui prendrait appui sur la < simple , compréhension d'un texte est de ce fait disqualifiée au profit de la méalecure. I.a lecnre analytique, s'opposant à cette lecnrre taxée de narve et d'impressionniste, renvoie de son côté à une conception de la lecnrre qui considère comme indispensable pour l'élève de disposer de méthodes, de techniques danalpe du texte et de production du sens. ( Si I'on veur que le cours de français ne soit pas le lieu de la paraphrase, mais celui d un apprenrissage formareur, comment donc ne pas lui proposer I'ambition de pratiquer une lecture, qui est forcement, en classe, une relecnrre, une métalecnue ? o (A Boissinot, 1990). Ainsi, pour I'essentiel, on fonde aujourd'hui la lecture littéraire scolaire sur la distance critique à fégard des æuvres. Ce qui se traduit, dans les faia, par I'utilisation systématique de démarches d'analyse qui prennent appui sur quelques catégories appréhendées, la plupart du temps, de façon réductrice : les types de discours, les genres, les registres, les mouvement littéraires. Lapproche de la littérature semble bornée par I'acquisition d'objets d'enseignement présentée comme l'objectif fondamental de la lecture des æuvres. En théorie, cette démarche de lecure se fonde sur les travaux des sémio- ticiens de la lecture comme U. Eco (< interprétation critique r) ou M. Rifatterre (, signifiance o) ainsi que sur les travaux que M. Picard développe dans La Lecture comme jeu. Mais une telle didactisation de savoirs visés pour eux-mêmes éloigne du contact avec les æuvres et conduit à per- vertir la définition que donne U. Eco ou M. Picard de la lecture critique. Car ici, la lecture ( nalve u dont ils font le fondement du retour analytique est complètement oubliée. On sait que pour U. Eco, par exemple, l'inteqprétation critique consiste en un retour sur une coopération interprétative accomplie : n Le critique [...] est un lecreur coopérant qui, après Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod consciente de règles de production et d'interprétation , (P. Bourdieu, 1992). Une telle démarche établit les textes comme distants, énigmatiques et surplombants par rapport aux lecteurs empiriques. læ sens des æuvres ne saurait être apparent, ou du moins derrière un sens qui peut paraiue directement accessible, reste à découvrir un sens latent, caché, de plus grande valeur. Ce sens caché ne peut être atteint que par une construction intellectuelle meftant en ceuvre des connaissances et des Le Français aujourd'hui no 145, 92 ( Le littéraire et le social r avoir actualisé le texte, raconte ses mouvements coopératifs et met en évidence la façon dont l'auteur, par sa stratégie textuelle, I'a amené à coopérer ainsi o (U. Eco, 1985). Pour U. Eco la lecture critique est une reledure du texte élaborée par le lecteur dans son rapport initial à l'æuvre. liobjet de l'étude, ce n'est pas l'æuvre abstraite, hors de tout procès de lecture, mais l'æuvre actualisée, rédisée dans des activités interprétatives. l,a lecture critique est, pour une part essentielle, une théorisation de la lecture narve. C'est la présence de cette dernière qui donne sens, cohérence et portée à l'enquête analytique dans laquelle se lance le u re-lecteur, d'une æuvre. læs deux lectures sont étroitement complémentairest. À I'inverse, aujourd'hui, dans I'approche scolaire de la littérature, la lecture < nale, apparait au mieux comme secondaire. On parle à son u lecnrre découverte , ou de n première lecture r, mais les choses sérieuses ne commencent qdavec la perspective analytique. En ne retenant Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod comme digne d'intérêt que la seule lecture critique, la référence scientifique revendiquée à fégard de I'esthétique de la réception et de la sémiotique textuelle n'est pas didactiquement et pédagogiquement assumée. < Sortir > de la littérature pour mieux y entrer Pour autant, la voie pour sortir de I'impasse du formalisme ne semble pas consister à revenir, comme nous y invitent certains, à une conception élitiste de I'enseignement de la littérature qui, se référant à < I'empirisme chic des dons littéraires o (P. Demougin, 2000), fait de la pure contemplation des grandes æuvres du patrimoine - débarrassées enfin de tout écran didactico-pédagogique ! - le moyen de former le gout, la sensibilité, l'éloquence et la civilité d'élèves bien nés. En revanche, afin de donner plus de sens et de ponée à l'enseignement de la littérature, il serait certainement salutaire d'accorder une importance plus grande à la diversité des expériences affectives, sémiotiques, esthétiques et éthiques que les élèves - considérés comme des individus lecteurs - sont suscepdbles de réaliser. Examinons sous cet angle quelques dimensions de la lecture littéraire. Tout d'abord, ,.rr.rron sur lJnotion de distance. À côté de la distance critique attentive à analyser les origines textuelles des effets du texte, d'autres modes de prise de distance sont dignes dintérêt. Le recul que prend le lecteur par rapport à l'æuvre, au sein même de son implication n confi.rion , qu il établit entre le monde de l'æuvre et le monde réel. Le lecteur donne par dans l'expérience de ledure, semble reposer sur la exemple du sens au comportement et à l'action des personnages à panir de n théories u psychologiques empruntées à I'expérience du monde qu'il a acquise, soit directement soit à travers des savoirs construits. Dans son Line dr lectures, M. Roben cite les remarques d'une vieille papanne à qui Pierre Dumayet a donné àlire Madarne Bouary dans le cadre d'une émis7. Voir I'analyse de cette complémentarité enue lecrure narve et lecture critique, dans une perspective didactique, dans le chapitre II n Nature et contraintes de la lecture liaéraire, de mon ouvrage Lire des æuwes intégrales au collège et au lycée, Delagrave-CRDP MidiPyrénées, Paris, Toulouse, 2002. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod propos de 93 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod sion de télévision. l,a lecuice n sympathise avec Emma, qui après rour est plus à plaindre qu à blâmer. Emma est jeune et belle, Charles est bête et ennuyetu(, Léon est joli garçon, gentil de surcroit, Emma ne peut que lui tomber dans les bras, iest narurel, c'est même fatal , (M. Robert, 1977). Q,t"nd on met en présence une belle jeune femme qui se sent mal aimée et un séduisant jeune homme, il est u fatal o qtiune intrigue se noue. IJexpérience du monde qui permet à la vieille paysanne de comprendre l'attitude d'Emma laisserait sans doute celle-ci très démunie devant l'attitude de la Princesse de Clèves si P Dumayet avait eu la malice de lui donner à lire le roman de Madame de lafayette à la suite de Maàame Boaary. À moiru d'imaginer comme nhésite pas à le faire P Bayard alrec une poinie de provocation que, si la Princesse se refixe à Monsieur de Nemours, n c'est qu'elle a déjà un aurre amant ! , (P Bayard, i998). C'est dans cette même distance implicative que s'inscrit le jugement moral que pone le lecteur sur l'action des personnages. La distance n'est en fait ici que le révélateur de l'implication. Le discours du lecteur inscrit dans une théorie ou une morale les réactions subjectives qu il a éprouvées au cours de la lecture : fascination, rejet, trouble, séduction, hostilité, désir, etc. Les réactions des élèves à fégard des æuvres et des personnages qui les touchent sont significatives de cette implication. Dans cetre distance participative faite d'aperçus pqychologiques, de jugements moraux, de séduction ou de repulsion, erc., se lisent et se lient Ïæuvre et le sujet lecteur. Ainsi, pour ne prendre qu'un seul exemple, les élèves jugent sévèrement l'attitude de Clindor dans la scène 5 de facte III de LTllasion comique lorsque, appelée auprès d'Isabelle, son amanre, par Lyse, il profite de l'occasion pour tenter de séduire cette dernière. La question est de savoir, bien entendu, si avec une telle lecture on ne sort pas tout simplemenr de la littérature, si en prenanr en compre la participation du lecteur on n alimente pas une confusion narve entre la fiction littéraire et la réalité vécue. Ceftes, sous l'effet de l'æuvre, le lecteur considère les personnages comme s'ils existaient réellement, il leur prête une identité mondaine, une vie hors du rexte, erc. Mais dans le même temps, le lecteur garde la conscience de la nature virtuelle de cette existence, de la n réalité fictive n (M. Picard, 1986) des personnages er des aventures qdils vivent. C'est précisément la distance sécurisante de la fiction qui permet cette troublante, parfois haletante, confusion avec le réel. k lecteur peut d'autant mieux croire à la réalité de ce qu il lit qu il sait que ce n'est pas ( pour de vrai ,. l,a cohérence interprétative repose en fait sur cefte n sécularisation o de l'æuvre - cette appréhension de l'ceuvre comme si elle renvoyait au monde réel - car elle utilise les mêmes catégories morales, culturelles, métaphysiques, que celles qu'utilise habituellement le lecteur dans son approche du monde. Cere lecture participative, loin d'être < natye > et de diluer l'æuvre dans de vagues références au vécu, est au fondement même de la lecture littéraire. Elle réalise en effet I'indispensable appropriation d'une æuvre par son lecteur dans un double mouvement d'implication et de distance. Cet investissement émotionnel, psychologique et moral inscrit l'æuvre dans une expérience de lecture singulière. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod Sortir du formalisme. accueillir les lecteurs réels Le Français aujourd'hui no 145, < Le littéraire et le social n 94 Le texte < singulier > du lecteur Bayard démontre avec brio qu'il convient de distinguer ( le texte général que publie l'éditeur, et dont dracun a entre les rnains une version comparable à d'auues, et le texte singulier auquel se confronte chaque intervention personnelle, laquelle, dans le jeu de ses remaniements' le découwe moins qdelle ne le constitue o (P Bayard 2002). k texte litéraire, en fait, P. n existe pas en dehors de la multiplicité des textes singuliers qu'il engendre. Ainsi que le montre J. Bellemin-NoëI, I'activité du lecteur se déploie u dans l'infatæte corrnmun de mon expérience du monde et des êtres, je dégage' je recompose, je compose à nouveau - un peu cofirme le fait, en musique, la si bien nommée interprétation au bout du compte je constitue avec et dans ce qtion appelle une æuvre littéraire ce traja de lecture qui seul, peutêtre, mériterait d'être appelé texte, et qui est tissé de la combinaison flucruante de la chaine de ma vie avec la trame des énoncés une fois pour toutes combinés par I'auteur o (J. Bellemin-NoëI, 2001). Cette importance centrale accordée à la participarion du lecteur à l'élaboration d'un texte singulier conduit à nous interroger sur la notion de texte littéraire. U. Eco, entre autres, a bien montré le caractère incomplet, Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod lacunaire du texte littéraire. Le texte littéraire apparait en effet comme ( un tissu d'espaces blancs, d'interstices à remplir, (U. Eco, 1985). Mais à ses yeux, il n en contient pas moins des insuuctions qui canalisent les inférences interprétatives du lecteur empirique: certes, ( un texte veut laisser au lecteur l'initiative interprétative u, mais u en général il (le texte) désire être interprété avec une marge suffisante d'unicité. o Le lecteur est donc, en quelque sorte, en liberté surveillée. Sans s'opposer frontalement à cette théorie du texte, on peut donner une place plus grande à l'intervention subjective du lecteur dans l'æuvre et aller jusqu à dire que le texte liméraire ne peut véritablement exister que lorsqu il est < produit > par un lecteur. M. de Certeau décrit u l'activité liseuse D sous ( les traits d'une production silencieuse: dérive à travers la page, métamorphose du texte par l'æil voyageur, improvisation et expectation de significations induites de quelques mots, enjambements d'espaces écrits, danse éphémère. [...] Le lecteur insinue les ruses du plaisir et d'une réappropriation dans le texte de l'autre : il y braconne, il y est transporté, il s'y fait pluriel comme des bruits de corps. Ruse, métaphores, combinatoire, cette production est aussi une "invention" de mémoire. t...] l,a mince pellicule de l'écrit devient un remuement de sffates, un jeu d'espaces. Un monde diftrent (celui du lecteur) s'introduit dans la place de l'auteur,, (M. de Certeau, 1990). C'est dire que le texte vit de ses retentissements âvec les souvenirs, les images mentales, les représentations intimes de soi et des autres, etc. du lecteur. M. de Certeau rapproche ces < strates, qui animent la lecture d'une æuvre de l'inter-texte du lecteur dont pade R. Barthes dans Le Plaisir da texte. Les souvenirs de sa lecture de Proust retentissent subjectivement dans d'autres lectures : u Lisant un texte rapporté par Stendhal (mais qui n est pas de lui), j'y retrouve Proust par un détail minuscule. , Plus loin il note : u Ailleurs, mais de la même façon, dans Flaubert, ce sont les pommiers normands en fleurs que je lis à partir de Proust. , Ce qui le conduit à conclure: < Proust, c'est ce qui Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod - Sortir du formalisme, accueillir les lecteurs réels 95 me vient, ce n'est pas ce que j'appelle ; ce n'est pas une ,,autorité,' ; simplement un souamir ci.rculaire > (R Banhes, rgTt). Les souvenirs personnels et les souvenirs littéraires ont ici le même sratur, ils renvoieri à une personnalité qui lit. P. Dumayet évoque dans une anecdote cet ancrage de la lecture dans I'imagerie intérieure de celui qui lit. u un jeune Américain noir, qui faisait une thèse sur Stendhal, m. dit sans le moindre sourire: "Madame de Rênal esr une Blanche; Julien Sorel est un Noir.,, Bien entendu, ce thésard savait bien que Julien sorel était un blanc, mais gy""d il lisair Le Rouge et Ie Noir pour lui, pour son plaisir, Julien était un Dumayet, 2000). P Bayard rappelle que le lecteur donne à l'æuvre des éléments de son univers personnel (éléments de décors, paysages, traits phlrsique et de caractère des personnages, etc.). sous l'effet de [a mise en icène intérieure qu'effectue chaque lecteur, les æuvres prennent des colorations particulières et renvoient à des univers sonores originaux. p. Dumayet, par rappryche le sifflement du serpent.nt.ttdu lors d'une adaptation 5:xgmpl9, à la radio de La Bande mouchetée et sa ledure d'une phrase de Madame Bovary - u le lacet mince de son corset qui sifflait autour de ses hanches comme une couleuvre qui glisse ) - pour noter : u Je me demande si chacun de nous, lisant un livre, n'esquisse pas, à son insu, une adaptation bruitée , (P. Dumayet, 2000). Le lecteui produit une < activité de complément o (P. Bayard, 2002) en imaginant un avant, un après er un pendant au déroulement de I'intrigue. eh"qu. æuvre littéraiie devient ainsi une multitude d'æuvres originales produites par les expériences à chaque fois uniques des lecteurs empiriques. (P. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod Conclusion considérer l'implication du sujet lecteur comme une nécessité foncdonnelle de la lecnrre li*éraire, ainsi que nous nous y appliquons ici, ne peur pas être sans effet' sur l'enseignement de la lirérature. Piendre en compre I'expérience du sujet leceur, la façon originale dont un individu habite une Tuvre, suppose en effet que les activités qui se rapportent à la linérature s'intéressent au--texre produit par ce lecteu! s'ouvrent au discours singulier qu'il tient sur l'æuvre. De ce fait, I'espace scolaire voué à la littéraùe se doit d apparaiff€ comme un lieu de renconrre et de dialogue entre les expériences de n réalité fictive u à laquelle convient les æuvres et les représenta- tions du monde variées - psychologiquement, sociologiquemenr er culturellement - des élèves. ceci étant, rèconnaitre l'importÀce d.l'impli- cation personnelle du lecteur ne signifie pas qu il faille pour autant rourner le dos à la dimension analpique des études linéraires .t à la truction de "on concepts_opéraroires. Il s'agir seulement d'arrimer la nécessaire prise de distance de l'analpe non à la description objective d'un texte général mais aux exFériences inteqpréatives fondatrices de textes singuliers. Il est sans doure plus formateur, intellecnrellement et culturellem.nt, d'.ncoor"g.r un lecteur à n théorise-r > sa propre lecture, en utilisant cenes les catégories déjà construites par d'autres dans d'autres théorisations de lecrures, que d'exiger d'un élève la maiuise technique de savoirs théoriques coup& âr., *rrtot Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod Noir, Le Français aujourd'hui no 145, n Le littéraire et le social 96 I inteqprétatif qui leur donne sens. Enfin, la critique du_formalisme.ne doit p"r ro* conâuire à ignorer les conditions er les procédures formelles-de la hctionalisation de la réalité et de la mise en scène des émotions humaines à laquelle procède la littérature. Il s'agit, bien au contraire, de fonder une diâactique de la linérature sur l'articulation entre la prise- en compte de l'expériènce subjective des æuvres des sujga empiriques et la maitrise progrotirr. des formes, des codes et des rituels qui constituent la litérature. Gérard É,quipe u kttres IANGIADE IUFM Midi-Pyrénées, >, Université Toulouse 2 Langages Arts Bibliographie . BetTHns R (1963), Sur Racine, Paris, Seuil. . BetrHss R (1966), Critique et uérité, Paris, Seuil' . BARrnps R (1973), Le Plaisir du texte,Pafiq Points Seuil. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.128.203.241 - 24/04/2015 17h25. © Armand Colin / Dunod Texte/Histoire. . BeyeRl P. (2002), Enquêæ sur Hamlet- Le diatogae dz sourds, Paris, Iæs Editions de Minuit. Bnveno P (1998), Qui a né Roger Achrold ?, Paris, læs Editions de Minuit. BmstvItN-NoËL J. (2001), Plaisirs de uampires, Paris' PUF. BorssrNot A. (1990), u læcture(s) méthodique(s) u, Le Français aujourd'hui, no 90. Botssnqor A. 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