
L’ABSENCE VIRTUELLE DE L’AFRIQUE A EDINBURGH 
 
Lors de la tristement célèbre Conférence de Berlin, (1884-1885), les « maîtres » du monde de 
l’époque décidèrent du destin de l’Afrique sans la consulter, sans que celle-ci ne soit présente. 
Ce qui s’est passé à Berlin sur le plan politico-économique semble s’être répété sur le plan 
religieux  et  missionnaire  vingt-cinq  ans  plus  tard  lors  de  la  Conférence  missionnaire 
d’Edimbourg  en  1910 ! Edimbourg confirme la main mise des occidentaux sur le reste du 
monde  et  témoigne  des  liens  existant  entre  les  missions  protestantes  et  la  volonté  de 
domination  occidentale.  Comme  le  souligne  l’historien  Brian  Stanley,  « l’image  d’une 
harmonie grandissante entre les missions et les gouvernements n’était pas en fait dénuée de 
fondement […] les missions n’étaient plus désormais perçues comme une menace mais bien 
comme faisant partie intégrante d’un vaste programme civilisateur pour l’Afrique ». 
 
Certes,  la  Conférence  s’est  intéressée  aux  rapports  entre  sociétés  missionnaires  et 
gouvernements,  mais  elle  ne  s’est  pas  du  tout  préoccupés  du  déséquilibre  des  forces  entre 
monde occidental et monde non occidental. Les organisateurs étaient pourtant conscients du 
privilège que leur conférait leur pouvoir financier ! Mais leur objectif était de se servir de 
celui-ci pour réaliser l’évangélisation du monde.  
 
La Conférence d’Edinburgh se prétendait « mondiale ». Mais, elle n’était représentative ni sur 
le plan œcuménique, ni  sur  le  plan  géographique de  l’état de la chrétienté  en 1910.  Sur les 
1215 délégués, seuls dix-neuf venaient du monde non occidental. Parmi eux, un seul venait 
d’Afrique  :  Mark  C.  Hayford  du  Ghana,  pasteur  et  docteur  en  théologie,  qui  enseignait  en 
Europe et aux Etats-Unis tout en collectant des fonds pour la construction de l’Eglise dans son 
pays.  Probablement  invité  tardivement,  son  nom  n’apparaît  pas  sur  les  listes  initiales  des 
délégués.  D’ailleurs,  les  historiens  ont  longtemps  affirmé  qu’aucun  délégué  né  en  Afrique 
n’était présent à Edimbourg. Selon  B. Stanley, la voix  du christianisme africain n’a pas été 
entendue à Edimbourg : « Même lorsqu’ils étaient chrétiens, les habitants de l’Afrique étaient 
considérés,  comme  des  primitifs,  encore  dans  l’enfance ;  situés  tout  en  bas  de  l’échelle  de 
l’évolution  humaine,  ils  semblaient  de  peu  d’importance  pour  le  développement  futur  de 
l’Eglise à travers le monde ». 
 
Pourtant, l’Afrique comptait en 1910 des responsables chrétiens (dont des femmes sans doute) 
suffisamment éduqués pour représenter dignement leur continent, et pour s’exprimer au nom 
d’un  christianisme  africain  dont  Samuel  A.  Crowther,  premier  évêque  anglican  africain 
(1807-1891), avait été l’initiateur et le promoteur le plus célèbre. (voir encadré) 
 
Mais en quoi ce christianisme africain se distinguait-il de celui de l’Occident ?   
L’accent  sur  l’éducation : la  première  stratégie  d’évangélisation  de  S.  A.  Crowther  était 
l’éducation des enfants. Grâce à celle-ci, c’est toute l’Afrique qu’il espérait évangéliser, tout 
en combattant superstition et idolâtrie.  
La création d’une élite africaine : Crowther a eu le mérite d’associer très tôt les Africains à 
l’œuvre d’évangélisation de leur continent. Ces derniers étaient également responsables (avec 
des  fortunes  diverses)  de  l’administration  des  communautés  créées.  Cette  nouvelle  élite 
africaine serait appelée à prendre le relais des missionnaires blancs.  
La promotion de la culture locale : Crowther  s’est  attelé  à  la  traduction  de  la  Bible  en 
langues  locales  afin  de  rapprocher  la  Parole  de  Dieu  des  peuples  évangélisés.  Il  a  ainsi 
contribué à la promotion de la culture locale mais également d’un christianisme «inculturé», 
fortement  enraciné  cette  culture,  tout  en  restant  critique  à  l’égard  celle-ci,  et  s’opposant  à 
certaines pratiques comme la polygamie.  
L’autonomie  financière  :  Crowther  a  encouragé  le  développement  du  commerce afin  de 
permettre  le  développement  économique  de  la  région,  mais  aussi  et  surtout  l’indépendance