constitue la nature du corps ; voilà ce qui est cause de la maladie ou de la
santé [3]. »
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Les humeurs sont censées varier au gré des saisons, leur excès pouvant être à
l’origine de maladies. Un aphorisme du Corpus (Aphorismes, VI, 23) précise
que, « si la crainte et la tristesse se prolongent trop longtemps, cela tient de la
bile noire » (qui se dit en grec cholé melaina, et qui donnera notre mot
« mélancolie »). Six siècles plus tard, Galien de Pergame, médecin des
empereurs romains, rappelle qu’« Hippocrate paraît avoir ramené avec raison
sous deux chefs tous les symptômes propres à la mélancolie : la crainte et la
tristesse. […] La couleur de la bile noire, en obscurcissant, comme le font les
ténèbres, le siège de l’intelligence, engendre la crainte [4] ». Dans la culture
gréco-romaine, les rapports entre la bile noire et la mélancolie sont donc
sémantiques et causaux.
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Comme la mélancolie, le mot « manie » vient du grec. Son sens médical, très
différent de celui du langage courant, qui y voit un rituel obsessionnel, s’éclaire
à la lumière de la racine étymologique. Mania, en grec, signifie « agitation »,
« délire », « fureur ». Sous le stylet des médecins antiques, la manie qualifie
donc un état de délire agité, sans fièvre.
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Un autre mot grec, thymos, est destiné à un grand avenir dans le vocabulaire
psychiatrique. Il qualifie l’âme, le cœur [5], considéré comme le siège des désirs
et des sentiments. Il a donné en français le mot « thymie », qui est synonyme
d’humeur. Le préfixe eu- signifiant « bon », l’« euthymie » qualifie donc un
état d’humeur stable, distinct des phases dépressives ou maniaques. En
revanche, la « dysthymie » se caractérise par une humeur triste relativement
constante, sans que cet état constitue toutefois un épisode dépressif constitué
et complet. Enfin, la « cyclothymie » est utilisée pour qualifier, chez un même
individu, un tempérament se distinguant par une humeur alternativement
joyeuse puis triste ou morose.