le cadre du diagnostic différentiel d’une fièvre non
palustre, avec la raréfaction des cas de brucellose
autochtone, on peut redouter que cette maladie ne soit
plus évoquée de prime abord.
À partir d’un cas clinique.
En octobre 2008, un militaire, âgé de 38 ans, consulte
auprès du service médical de son unité, en métropole pour
un syndrome grippal apparu brutalement deux jours
auparavant. Le patient décrit une asthénie importante, des
douleurs musculaires, de très fortes céphalées, ainsi que
des pics thermiques pouvant aller jusqu’à 40,2 °C.
Le militaire a rejoint son régiment mi-juin 2008, après
quatre mois de mission de courte durée à Djibouti.
Ces pics sont décrits comme des « crises » fébriles
aiguës, au nombre de quatre à cinq par 24 heures et d’une
durée de deux heures. Elles surviennent essentiellement
la nuit, accompagnées d’une sudation importante
d’odeur forte, de tremblements involontaires et
d’arthralgies lors des mouvements. Les céphalées sont
systématiques à chaque crise. En dehors de ces épisodes,
le patient se sent très fatigué. L’appétit est conservé.
Les premiers examens permettent d’exclure l’hypo-
thèse du paludisme. Des antalgiques sont prescrits
(kétoprofène et paracétamol) : ce traitement ne suffit
cependant pas à soulager le malade lors des oscillations
thermiques algiques. Des examens complémentaires
sont alors effectués. La recherche sérologique d’une
infection par Brucella sp., à l’épreuve à l’antigène
tamponné (EAP ou Test au Rose Bengale), est positive.
Cette recherche est réalisée au quatrième jour de la
maladie, dans un laboratoire médical proche. Une bi-
antibiothérapie est alors prescrite, associant la
doxycycline à raison de 200 mg/j (Granudoxy®) et la
rifampicine à 900 mg/j (Rifadine 300®: 3 cp/j) durant six
semaines. Les signes cliniques rétrocèdent totalement en
cinq jours. Le malade reste asthénique durant deux
semaines. Il n’a pas présenté de rechute à ce jour.
Au bilan, l’association d’un tableau clinique évocateur,
d’un résultat positif à l’épreuve de l’antigène tamponné et
d’une évolution satisfaisante suite à l’antibiothérapie
constituent un faisceau d’arguments en faveur d’un cas de
brucellose, qu’il aurait fallu conf irmer soit par l’isolement
de l’agent soit par une deuxième sérologie positive: par
séroagglutination de Wright en l’occurrence, pratiquée
dans un laboratoire référent à Paris, pour pouvoir
considérer ce cas comme « certain » selon la procédure de
déclaration officielle en vigueur en France (3).
Caractéristiques de la maladie.
La durée d’incubation de la brucellose peut être très
variable, de deux semaines à cinq mois et le tableau
clinique est habituellement polymorphe : c’est la
« maladie aux cents visages ».
Néanmoins quelques symptômes sont réguliè-
rement décrits en phase aiguë, comme une fièvre
ondulante, sudoro-algique, plutôt nocturne, avec
une odeur caractéristique de sueur (« odeur d’étable »).
À cela s’ajoutent des malaises, une asthénie, ainsi
que des myalgies, des arthralgies, des céphalées, des
adénopathies, une hépato-splénomégalie, des signes
digestifs, un amaigrissement rapide et important.
La gravité de la maladie réside surtout dans ses
complications qui surviennent dans environ 10 % des cas.
D’infection aiguë systémique, la brucellose passe à un
stade d’infection focalisée : le plus souvent le foyer est
articulaire et des douleurs d’intensité variable, pouvant
aller de modérées à handicapantes, sont susceptibles
d’apparaître de quelques jours à plusieurs années après
l’épisode aigu. Des complications uro-génitales sont
également possibles à type d’orchite, d’épididymite ou
d’infections ovariennes. Comme chez l’animal, les
brucelles pathogènes sont abortives chez la femme
enceinte. Des atteintes viscérales ont été décrites dans la
littérature: le plus souvent hépatiques, mais également
rénales, ou touchant le système nerveux central, les
poumons, le cœur, etc. La seule prévention contre ce
passage à la chronicité sera la rapidité et la pertinence du
traitement mis en place. Les brucelloses sont rarement à
l’origine de décès (3-11).
Éléments d’évaluation du risque en
opérations extérieures.
Si la brucellose fait partie des maladies « oubliées » en
métropole, elle demeure très largement répandue dans le
monde. L’infection humaine étant directement liée à la
maladie animale, le risque pour les personnels militaires
est lui-même fonction en premier lieu de l’état de santé
des animaux dans la zone considérée.
Situation générale de la brucellose animale
dans le monde.
De nombreuses espèces animales sont des réservoirs de
Brucella, avec une pathogénicité variable pour l’animal
lui-même et surtout pour l’homme selon l’espèce de
Brucella considérée (tab. I). La répartition géographique
de la maladie animale dans le monde est strictement
corrélée à celle des régions d’élevage de caprins, d’ovins
et de bovins. Elle concerne tous les continents, avec une
densité des cas surtout marquée en Afrique, en Asie,
notamment au Proche-Orient, et dans les pays d’Europe
centrale, en particulier la zone des Balkans (fig. 1).
430 f. calvet
Espèce Réservoir Pathogénicité
pour l’homme
Brucella melitensis Caprins (chèvre), ovins
(mouton), camélidés Très forte
B.abortus Bovins (bœuf, buffle),
camélidés Forte à très forte
B.suis Porc, lièvre… Forte à faible
B.canis Chien Faible
B.ovis Ovins Non pathogène
B.neotomae Rongeurs Non pathogène
B.pinnipediae
B.cetaceae
Baleines, dauphins,
phoques, morses
Forte pour certaines
espèces, inconnue
pour d’autres
Tableau I. Réservoirs des espèces de Brucella et pathogénicité pour l’homme.