De Ma naissance à La naissance, le désir d’enfanter ?
Avec des extraits* de De l'in convénient d ’être né , 1973 d’Emil Cioran
Naître, donner à naître, projeter un être, le désirer, la maternité, le corps, le corps social, ses be-
soins, ceux des autres, la norme, ce que l’on attend de nous, l’évidence…
La vie humaine, La reproduction, Notre reproduction, Mon corps de femme...
«Avoircommistouslescrimes,hormisceluid'êtrepère.»1
En cet après midi, je te découvre toi, Emil Cioran, ironique et pessimiste dans des phrases esthétiques. En
cet après midi insignifiante et unique, à toi donc et à d’autres, j’écris en m'efforçant de sortir des voies
pour avancer au grès des vents.
Cette idée de crime dans la parentalité me renvoie à mon époque, Cioran, à sa science, à ses normes, ses
contours, ses choix, ses catégories et à mes privilèges.
Ceux la même qui me font m’interroger. Pourquoi on m’a fait naître ? Pourquoi on fait naître ?
Je peux décider de ne pas être enceinte, je peux « choisir » de ne pas être en couple et je doute en toute
sincérité du désir « universel » d’enfanter. C’est une nouvelle perspective, qui m’aborde dans cette
époque qui me traverse.
Ce n’est pas parce que j’ai un utérus que je dois l’utiliser. Je ne veux pas être définis uniquement par une
capacité physique.
Est- ce parce qu’on a une capacité qu’il faut l’utiliser ? Quel sens ? Quel besoin ?
Le corps, la matière, la méiose, la naissance et la mort, notre condition animal, le réel, les souffrances,
mon sang qui coagule, cette odeur de fer…
Ce que je ressens, ce qui m’éprouve, ce que je comprend dans ce désir d’enfanter, dans cet acte ou cette
intention de faire naître, dans ce monde où l’on peut se poser la question, où faire naître c’est devenir
mère, où l’on attend d’une femme qu’elle désire enfanter voire qu’une femme ne soit femme qu’en s’ac-
complissant dans la conception.
J’ai une mère, un père. J’ai été enfant et j’ai toujours cet enfant en moi à consoler. J’ai des amies devenus
maman, j’ai des enfants de mes amies devenus maman, je suis une femme de 30 ans qui ne veux pas être
mère.
Je ne veux pas être seule responsable d’une vie, de ce choix. C’est effrayant. Même quand il y a un père,
notre société patriarcale fait peser beaucoup plus de poids symbolique au statut de mère.
On ne peux pas demander à un seul être de combler tous nos besoins.
Ce n’est pas parce l’on crée quelque chose qu’on le détient. Se donner de grandes responsabilités, c’est se
donner un grand pouvoir, sur l’enfant qui sort de ton corps, te donner le statut de mère : c’est prendre le
pouvoir sur lui ou bien c’est ce statut qui prend le pouvoir sur votre relation ? Le pouvoir sur toi : à pré-
sent tu es mère…
Bonne Ou mauvaise mère ?
1 Emil Cioran De l'inconvénient d’être né, 1973