L'Allemagne et le Nazisme (1920-1939) I. Programme du parti national-socialiste en 1920 : 1. Nous exigeons, nous fondant sur les droits des peuples à disposer d'eux-mêmes, la réunion de tous les Allemands en une Grande Allemagne. 2. Nous exigeons pour le Peuple allemand l'égalité des droits avec les autres nations, l'abrogation des traités de Versailles et de Saint-Germain. 3. Nous exigeons des territoires pour la nourriture de notre Peuple et l'établissement de son excédent de population. 4. Ne peut être citoyen que celui qui fait partie du Peuple. Ne peut faire partie du Peuple que celui qui est de sang allemand, quelle que soit sa confession. En conséquence, aucun Juif ne peut faire partie du peuple. 6. Droit de vote réservé aux seuls citoyens. 12. Considérant les sacrifices énormes en biens et en vies humaines que la guerre impose au Peuple, l'enrichissement par la guerre doit être stigmatisé comme crime contre le Peuple. C'est pourquoi nous exigeons la confiscation intégrale de tous les bénéfices de guerre. 13. Nationalisation de toutes les entreprises appartenant aujourd'hui à des trusts. 21. L'Etat doit se préoccuper d'améliorer la santé publique par la protection de la mère et de l'enfant, l'interdiction du travail de l'enfant. 22. Création d'une armée nationale. 25. Pour l'exécution de ce programme, nous exigeons : la création d'un pouvoir central fort dans le Reich, l'autorité absolue du Parlement politique sur l'ensemble du Reich et sur toutes les organisations ; l'institution de Chambres corporatives et professionnelles chargées de l'application dans les Etats des lois générales édictées par le Reich. Munich, le 24 février 1920 (Extraits). II- Exemple d'art nazi Adolf Wissel, Famille paysanne modèle, 1939. III. La construction de l'État nazi : A. L'ascension de Hitler : - Celui-ci est un agitateur extrémiste sans influence réelle jusqu'en 1929. - En 1920, il prend la tête d'un minuscule parti antisémite, nationaliste et antimarxiste, mais aussi anticapitaliste : le NSDAP (parti national-socialiste des travailleurs allemands) ou, plus simplement, le parti "nazi" (national-socialiste). - En 1921, le parti se dote d'une milice, les Sections d'assaut (SA). Après un putsch qui échoue, en novembre 1923 à Munich, le mouvement est affaibli. - Avec la crise économique qui frappe l'Allemagne en 1930-1931, l'influence du parti nazi augmente dans les classes moyennes. Hitler obtient 37 % des voix aux élections présidentielles de 1932. Les autres partis ne peuvent plus obtenir la majorité au parlement ("Reichstag ") sans le soutien des nazis. Le président Hindenburg le nomme Chancellier (= 1er ministre) le 30 janvier 1933. B. La dictature nazie : - L'incendie du Reichstag, le 27 février 1933, est utilisé comme prétexte par Hitler pour arrêter près de 4 000 communistes et obtenir de Hindenburg la suspension des libertés fondamentales. - Hitler obtient les pleins pouvoirs en mars 1933 : il exerce légalement une dictature et construit en quelques mois un État totalitaire. - Le 14 juillet, le NSDAP devient le parti unique. Il a 4 millions de membres en 1933, 8 en 1939. Beaucoup d'Allemands doivent s'y inscrire s'ils désirent garder leur travail et éviter des ennuis. L'administration de l'État est contrôlée par des organisations du parti. - Le 30 juin 1934, lors de la «nuit des longs couteaux», Hitler fait assassiner Röhm et les SA par les SS de Himmler. - Le 2 août, à la mort de Hindenburg, Hitler cumule les fonctions de chef du parti, chancelier et président. Le gouvernement prête serment à Hitler, qui devient chef des forces armées. L’armée doit prêter serment non pas au Reich, mais au Führer. Le Reich devient un État totalitaire, dirigé par un dictateur qui cumule tous les pouvoirs. IV. Une société totalitaire : A. L'idéologie nazie : - Il s'agit de contrôler tous les aspects de la vie publique, professionnelle et privée des Allemands au nom d'une idéologie obligatoire et de ses valeurs. - L'ouvrage Mein Kampf ("mon combat") écrit par Hitler en 1925 définit cette idéologie : - idée de nation fondée sur le sang, le sol, la langue qui se confond avec celle de "race" - inégalité des "races", supériorité des "Aryens", nécessité de supprimer dans la culture allemande tout ce qui lui est étranger, - justification d'une politique de conquêtes par le besoin d'"espace vital", - antisémitisme obsessionnel. - On trouve aussi des idées inspirées par le fascisme italien : rôle du "guide" (Führer ), parti unique, création d'un "homme nouveau". B. L'encadrement des Allemands : - Le régime nazi attache une grande importance à la propagande (Goebbels), et contrôle la presse, la radio, le cinéma. Beaucoup de journaux sont supprimés. Les livres "interdits", ceux de Voltaire, de Marx, de Freud, de Proust, de tous les auteurs juifs sont brûlés. Des écrivains comme Thomas Mann , ou des savants comme Albert Einstein doivent s'enfuir à l'étranger. L'art est contrôlé, et les avant-gardes qualifiées d'"art dégénéré". - Les valeurs familiales traditionnelles sont renforcées. La natalité est encouragée. Les enfants sont ensuite pris en charge par des écoles et des associations qui les embrigadent ("Jeunesses Hitlérienness"). C. Répression et persécutions : - Hitler met en place un appareil répressif impitoyable, qui s'appuie sur des tribunaux spéciaux et une police politique, la Gestapo. - Dès 1933, les opposants au régime, communistes, puis socialistes, sont internés dans des "camps de concentration", à Dachau, à Buchenwald. Dans ces camps, les exécutions sommaires sont courantes. - Le régime nazi s'oriente de plus en plus vers l'exclusion et la persécution des Juifs, non parce qu'ils s'opposent au régime, mais simplement parce qu'ils sont Juifs. - Dès 1933, des lois les excluent de la fonction publique et interdisent aux fonctionnaires de se marier avec une Juive. En 1935, les obsessions raciales de Hitler s'expriment par les " Les Lois de Nuremberg ". - En 1938 la persécution s'intensifie. Désormais les Juifs sont exclus de la vie économique. En novembre, un attentat sert de prétexte à un pogromm la "Nuit de Cristal" : les synagogues, les magasins juifs sont détruits ; 26 000 Juifs sont conduits dans des camps de concentration. - En 1939, Hitler ne cache plus que son objectif est "l'extermination de la race juive en Europe". A la veille de la guerre, le système concentrationnaire est en place. La devise nazie : "un Peuple, un Etat, un Chef" (1938) . Affiche de 1938 1. Un Peuple : -Suprématie de la race aryenne. - Regroupement des germanophones. - Espace vital - Politique expansionniste aggressive. 2. Un Etat : - Etat centralisé - Parti unique - Propagande / embrigadement - répression / terreur - camps de concentration 3. Un Chef : - Pleins pouvoirs à Hitler - Guide infaillible - Serment de fidélité à Hitler - Culte de la personnalité IV- Violence et embrigadement des esprits > Document 1 : 30 juin 1934, "La nuit des longs couteaux" Aux lendemains de la nuit des longs couteaux la SA braillarde et trop visible est remplacée par une organisation autrement plus redoutable, disciplinée et hierarchisée : la SS qui se transmuera effectivement en seconde armée à partir de 1936. Si Mussolini s'éloigne un temps, la crise d'Ethiopie et la guerre d'Espagne le feront rapidement revenir et les élites britanniques, rassurés par la discipline apparente de la nouvelle Allemagne lui proposeront bientot l'apaisement. Plus grave que tout : Staline au Kremelin exprimera à voix basse son admiration devant l'efficacité de la purge et en tirera l'idée de se débarrasser à son tour des oppositions de droite et de gauche avec l'assentiment de Hitler. Emission Histoire de comprendre, la nuit des longs couteaux 1934 > Document 2: La mobilisation idéologique s'opère par le truchement d'une propagande omniprésente, confiée au Dr Goebbels. Il s'agit d'abord d'empêcher toute opposition intellectuelle et pour cela, la presse, la radio, le cinéma, l'édition sont étroitement surveillés…/... Les bibliothèques sont expurgées. Des millions de livres sont brûlés en place publique. Résultat : la culture allemande …/...décline tandis que de nombreux savants et intellectuels quittent l'Allemagne ou cessent de produire. Le régime utilise d'autre part les grands médias culturels, ainsi que les imposantes parades de Nuremberg ou de Berlin, pour mobiliser et fanatiser les masses allemandes. L'enseignement est également l'objet des soins attentifs du régime, les manuels scolaires sont révisés. Plus soucieux de former des corps et des esprits disciplinés que des intelligences cultivées, Hitler met l'accent sur les organisations de jeuness du parti et rendues obligatoires en 1936. L'appareil policier est d'une efficacité redoutable. A côté de la SA, dont le rôle ne cesse de décroître, la Gestapo et la SS – sous les ordres de Himmler – à la fois armée d'élite, corps policier chargé des basses besognes du régime et creuset d'une nouvelle aristocratie guerrière – constituent les instrument d'une répression, dirigée principalement contre les communistes et les socialistes. Les méthodes sont d'une brutalité et d'une sauvagerie inouïes : assassinats, tortures, "suicides" organisés et envois dans les camps de concentration. Dans ces conditions, les oppositions au régime ne tardent pas à être éliminées. Histoire du XXème siècle, Tome 1, 1900-1945, S. Berstein et P. Milza, 2017 > Document 3: En même temps dans mon séjour en Allemagne, j'ai découvert le diabolique. J'ai découvert la puissance, la politique, le monstre, le monstrueux car j'ai vécu depuis 1930 jusqu'à 1933 au mois d'août la montée au pouvoir de Hitler et en suivant l'arrivée au pouvoir de Hitler, j'étais à la fois terrifié et fasciné. Terrifié parce que entre 1933 et 1939 j'ai attendu la catastrophe inévitable, c'était la guerre, et en même temps fasciné en ce sens que la politique à ce degré de dramatique, ces mouvements de foule, courant vers le malheur, tout cela, ce n'était pas un objet de spectacle seulement, c'était un objet, une matière de réflexion philosophique sur la manière dont se déroule l'histoire et la manière dont vivent les hommes. A cette époque, c'était facile, si je puis dire, d'être contre, parce qu'il était facile pour un français, intellectuel, de milieu israélite, d'être contre le national socialisme. Mais en même temps mon contact avec les étudiants allemands nationalistes, même nationaux socialistes, ces jeunes allemands me donnaient quelque chose d'indispensable au sociologue, c'est à dire ils me donnaient "l'Autre", l'altérité. Levis Strauss a découvert l'Autre dans les sociétés archaiques, moi j'ai découvert les autres dans la société moderne sous la forme de Hitler et ceux qui le suivaient. Raymond Aron, l'expérience en Allemagne pendant la montée du nazisme, 30 octobre 1977, ina.fr > Document 4 > Document 5: Jeunes Allemands, après une année je vous revois ici aujourd'hui. Vous êtes ici aujourd'hui les représentants de ce qui nous entoure en Allemagne. Et nous savons que vous, Allemandes et Allemands, vous portez tous les espoirs de l'Allmagne. Nous voulons être un seul peuple, et vous, les jeunes, vous serez ce peuple. Nous ne voulons plus de divisions de classes. Vous ne devez plus les supporter. Nous voulons voir un seul Reich. Et vous devez vous y préparer. Nous voulons un peuple obéissant. Et vous devez être obéissants. Nous voulons que notre peuple soit pacifique mais courageux. Et vous devez être pacifiques... Vous devez donc être pacifiques et courageux à la fois. Nous voulons que notre peuple soit fort. Ce sera difficile, et vous devez vous y habituer dans votre jeunesse. Vous devez vous habituer aux privations, sans vous écrouler une seule fois. Et quoi que nous créions, quoi que nous fassions, nous mourrons mais l'Allemagne vivra en vous. Et quand il ne restera plus rien, vous devrez alors vous saisir des oriflammes que nous avons créés du néant. Je sais qu'il ne peut en être autrement. Car vous êtes la chair de notre chair, et le sang de notre sang. Et c'est dans vos jeunes esprits que règne l'esprit qui nous gouverne. Vous ne pouvez qu'être unis à nous. Et lorsque les grandes colonnes de notre mouvement traversent triomphalement l'Allemagne aujourd'hui, vous les rejoindrez. Et nous savons ... Devant nous est l'Allemagne, en nous brûle l'Allemagne, et derrière nous l'Allemagne suit. Adolf Hitler, discours pour la Jeunesse Hitlérienne, 7e Congrès du parti nazi à Nuremberg, le 10.09.1935. Pour aller plus loin .... Normalisation – conformisme – obéissance œuvre de Tomoko Sawada Comment les individus déterminent-ils ensemble des règles communes de jugement et de comportement ? Pourquoi les individus résistent-ils si mal à la pression d'un groupe ? Pourquoi un individu se soumet-il aux injonctions d'une autorité, y compris lorsque le comportement demandé est fortement problématique ? Ces questions sont liées aux processus de normalisation, conformisme et obéissance au sein d'une société. I. LA NORMALISATION a)- Expériences de Germaine de Montmollin ( 1965) Les sujets sont placés par groupes de 5. Ils ne se connaissent pas. L'expérimentateur va leur présenter pendant 4 secondes une plaquette sur laquelle sont disposées 80 pastilles. Les sujets doivent écrire sur un papier le nombre de pastilles préssentées ( on ne leur a pas dit qu'il y en a 80). Ils n'écrivent pas leur nom sur le papier, seulement le nombre de pastilles. Or, personne n'est capable de compter les pastilles en si peu de temps. Ils doivent donc faire une approximation en balayant du regard la tablette. L'expérimentateur ramasse les réponses. Il les mélange et les redistribue aux sujets qui en prennent connaissance. Les réponses sont à nouveau ramassées. C'est la différence entre la première estimation et la deuxième estimation qui est analysée. Résultats: les sujets qui ont fait une estimation plus faible que les autres sujets vont donner une seconde estimation plus élevée et finalement plus proche de la moyenne estimée. Les sujets qui ont fait une estimation plus élevée que la moyenne vont ensuite présenter un chiffre inférieur et plus proche de la moyenne. Donc tous les sujets convergent vers une tendance centrale non imposée et non explicite. Cette expérience présente concrètement un phénomène d'influence sociale puisque, placés dans une situation d'incertitude quant à la justesse de leur propre jugement, les individus tiennent compte des intuitions d'autrui pour maximiser leur chance de fournir une bonne réponse. Mais cette expérience a révélé aussi les capacités de discernement des sujets. En effet, pour prendre conscience d'une estimation moyenne, les individus n'ont pas véritablement effectué mentalement la moyenne de tous les chiffres passant sous leurs yeux. Ils ont effectué une distinction, parmi ces résultats, entre ceux qui leur semblaient plausibles et ceux qui leurs semblaient totalement faux. Donc les personnes ont fait preuve de discernement. On voit dans cette expérience que chacun participe à l'élaboration d'une norme commune; chacun se rapprochant d'une valeur qui devrait être exacte, non pas dans l'absolu ( ils ne sauront jamais qu'il y avait 80 pastilles) mais socialement puisque la réponse finale fournie est très proche de celle d'autrui. b)- Expériences de Allport (1924) Allport avait demandé à des individus de faire des estimations de poids ( lourds / légers) et d'odeurs (agréables / désagréables). Mais son expérience différait de beaucoup de l'expérience de Montmollin car à aucun moment les sujets ne prenaient connaissance des propositions des autres sujets. Dans un premier temps, les sujets étaient expérimentés seuls. On leur présentait des objets et des odeurs. Ils devaient se prononcer sur une estimation de poids pour les objets et se prononcer sur une grille d'évaluation pour les odeurs ( allant de très agréable à très désagréable) . Dans un second temps, les sujets recommençaient la même expérience, avec les mêmes objets et les mêmes odeurs mais en groupe. Mais ils ne prenaient jamais connaissance des résultats donnés par les autres membres du groupe. Les résultats restaient confidentiels. C'est la différence entre leurs estimations quand ils étaient seuls et leurs estimations lorsqu'ils étaient en groupe qui est analysée. Comme dans l'expérience de Montmoullin, les sujets ont modéré leurs estimations vers une moyenne supposée lorsqu'ils étaient en situation collective. En effet, on ne peut pas prétendre que les personnes ont fait la moyenne des réponses puisqu'ils ne les connaissaient pas. En groupe, les personnes font automatiquement des concessions réciproques. Ils modèrent leur jugement et, par là, adoptent inconsciemment une stratégie d'évitement de conflit. Les résultats sont donc, lors de la deuxième évaluation, plus homogènes, chacun aboutissant ainsi à une forme de normalisation sans communication dans le but de se présenter de manière acceptable pour autrui. Dans ce processus de normalisation, il ne faut pas minimiser le facteur d'incertitude personnelle. Par exemple, dans l'expérience de Montmollin, si l'on avait augmenté le temps de présentation des pastilles, l'estimation des sujets aurait été renforcée par une certitude personnelle et leur pondération inconsciente en aurait été plus faible II. LE CONFORMISME Les études sur la normalisation reposent sur la participation de plusieurs individus à l'édification d'une norme commune. Mais lorsqu'une norme existe et qu'elle est explicite, les études analysent les mécanismes du conformisme. La mise en conformité, c'est la modification du comportement ou du jugement d'un individu pour s'harmoniser avec le comportement ou le jugement d'une majorité. a)- L'expérience de Solomon Asch ( 1951-1956) Solomon Asch va démontrer les facteurs susceptibles de conduire les individus à céder à la pression d'un groupe qui formule, à l'évidence, un jugement érroné. En recourant à des complices qui jouent un rôle de sujets fournissant à plusieurs reprises des réponses manifestement fausses, Asch a montré que les “vrais” sujets subissaient une influence sociale qui se ressentait dans leurs réponses personnelles. Ce processus de conformisation est appelé l'”effet Asch”. (vidéo) Cependant, si l'effet de conformisme est réellement démontré dans cette expériences, la variabilité des réponses des “vrais” sujets est relativement faible et le taux des sujets très conformistes ( c'est à dire très influençables) est très faible aussi. Certaines personnes se présentent comme strictement indépendantes du groupe mais d'autres personnes sont très dépendantes. Ces dernières sont des “personnes conformes”. b)- L'expérience de Milgram (1964) 4 personnes arrivent au laboratoire pour participer à une expérience sur l'apprentissage. Un sujet “naif” ( qui ne sait pas qu'il sera manipulé) aura le rôle d'instructeur. Il pense participer à une recherche sur l'apprentissage et la mémoire. Un complice joue le rôle d'élève en situation d'apprentissage. Deux autres complices jouent le rôle d'instructeurs, comme le sujet naif. L'expérimentateur fait un tirage au sort truqué pour déterminer les rôles : le sujet naif a donc vraiment l'impression qu'il se retrouve dans le rôle d'instructeur par hasard, qu'il aurait tout aussi bien pu être l'élève en situation d'apprentissage. L'élève doit apprendre une liste de mots ( rappelons que l'élève est en vérité un complice participant à l'analyse du sujet étudié). Un des faux instructeurs propose des listes de mots que l'élève doit associer à d'autres mots qu'il a mémorisé. Le deuxième faux instructeur dit si la réponse est juste ou fausse. Le troisième instructeur, c'est à dire le vrai sujet étudié, doit donner une décharge électrique à l'élève pour réponse fausse. Détail important : les instructeurs ne voient pas l'élève qui est dans une autre pièce mais ils peuvent l'entendre. En ce qui concerne la détermination des chocs électriques, elle est à chaque fois définie par une concertation entre les 3 “instructeurs” ( les deux complices et le sujet). En fait, le sujet a toujours la possibilité de proposer des intensités de choc plus ou moins fortes que celles qui sont proposées par les deux complices. Mai chaque erreur doit correspondre à un choc électrique de plus en plus fort. Les réactions de l'élève sont proportionnelles à l'intensité des chocs électriques: un léger grognement gémissement de douleur - cri qu'on arrête l'expérience parce qu'il est cardiaque - cri qu'il ne peut plus supporter la douleur - râle d'agonisant - cri qu'il ne donnera plus de réponse (puis silence jusqu'à la fin de l'expérience. Bien entendu, aucun choc électrique n'est réellement donné. L'élève déclenche un magnétophone selon l'intensité des chocs électriques. Mais tout est fait pour que le sujet soit convaincu qu'il assène de réels chocs électriques. En dessous des boutons qu'il actionne, des indications très explicitent sont écrites sur des étiquettes : choc léger – choc moyen – choc fort – choc violent – choc très violent - danger: choc douloureux. Une autre expérience de même nature est menée mais cette fois-ci, les sujets ne sont pas associés à deux autres “instructeurs”. Le sujet est seul et doit poser les questions, dire si les réponses sont justes ou fausses et déclencher le choc électrique. Au sein du groupe expérimental, lorsque le sujet est soumis à la pression des instructeurs complices, les sujets se divisent en deux groupes : certains suivent aveuglément les suggestions des complices, mais les autres s'arrêtent et affirment leur désaprobation lorsque l'élève demande qu'on arrête l'expérience. Lorsque les sujets étaient seuls à être instructeur, c'est à dire qu'ils n'étaient pas soumis aux injonctions des deux autres instructeurs, l'affirmation de la désaprobation et l'arrêt de l'expérience arrive plus précocément. Seuls 2 sujets sur 40 ont continué l'expérience malgré la demande de l'élève de cesser l'expérience. L’expérimentateur (E) amène le sujet (S) à infliger des chocs électriques à un autre participant, l’apprenant (A), qui est en fait un acteur. La majorité des participants continuent à infliger les chocs jusqu'au maximum prévu (450 V) en dépit des plaintes de l'acteur. Il est important de souligner que cette expérience porte sur le conformisme et non l'obéissance. En effet, ce n'est pas le professeur de psychologie ( c'est à dire celui qui dirige l'expérience) qui émet les injonctions à poursuivre l'expérience. Ce sont les “pairs” du sujet, des “instructeurs” comme lui, qui ont été nommé instructeurs comme lui par tirage au sort ( enfin, c'est ce que le sujet croit). Mais que se passerait-il si les injonctions venaient de l'expérimentateur ? On serait face à des processus concernant l'obéissance. III- L’OBEISSANCE Milgram a effectué des expériences au cours desquelles l’expérimentateur, figure d'autorité, donnait lui même les injonctions au sujet. La situation est donc celle d'une obéissance ou d'une rébellion aux ordres d'une autorité légitime ( le chercheur dans son laboratoire) et non plus celle d'un comportement conformiste ou indépendant du groupe. (Vidéo) Lorsque le sujet hésitait à poursuivre, l'expérimentateur disposait d'une série d'injonctions verbales: “continuez s'il vous plaît” - “je vous prie de continuer” - “l'expérience exige que vous continuiez” - “il est absolument indispensable que vous continuiez” - et en dernier lieu, en cas de refus persistant :”vous n'avez pas le choix, vous devez continuer”. Ces expériences indiquent un taux d'obéissance extrêmement troublant: près des deux tiers des sujets obéissent aveuglément à la figure d'autorité qui leur demande de se conduire d'une manière qui heurte pourtant leur morale. La plupart des sujets ne se comportent pourtant pas de manière passive: ils réagissent dès que l'élève leur demande d'arrêter, ils hésitent et tentent de convaincre l'expérimentateur d'arrêter. Mais finalement, les injonctions verbales de la part de la figure d'autorité suffisent généralement à amener le sujet à aller bien au-delà de ce que leur moralité leur autoriserait dans une autre situation. Seuls 20% des sujets se sont rebellés et se sont arrêtés quand l'élève l'a souhaité. Notre première réaction sera de croire que nous sommes tous des sadiques en puissance. Mais n'oublions pas qu'en situation de groupe ( le sujet est accompagné par deux autres “instructeurs”) les résultats sont très pondérés. Par exemple, le sujet choisissait lui même le niveau de choc électrique et dans les faits, sa proposition était toujours inférieure aux propositions des deux complices. Lorsque parmi les deux faux instructeurs, l'un jouait la rébellion, le sujet affirmait plus tôt et plus fermement son opposition. Sauf exception, les sujets ne sont donc pas des sadiques. Lorsqu'ils ont le choix, ils restent dans des limites très raisonnables. Par contre, lorsque le sujet est soumis aux injonctions du chercheur en psychologie, il se sent dans l'obligation d'obéir. Cet aveuglement est qualifié par Milgram d'état agentique. L'état agentique est une orientation cognitive induite par une situation dans laquelle l'individu occupe une position de subordination qui l'amène à ne plus se sentir responsable de ses actes, à attribuer cette responsabilité à une figure d'autorité. S'ils se soumettent jusqu'au bout alors que leurs comportements vont à l'encontre de leurs convictions, c'est parce qu'ils peuvent attribuer la responsabilité de leurs propres actes à la personne qui leur a demandé de les exécuter. Pour Milgram “l'individu qui entre dans un système d'autorité ne se voit plus responsable de ses actes, mais plutôt comme l'agent exécutif des volontés d'autrui”.