COMMUNICATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE : PARADOXE ET ENTHOUSIASME Gilles Berhault, Alain Chauveau et Monica Fossati Victoires éditions | « Vraiment durable » 2012/1 n° 1 | pages 153 à 162 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-vraiment-durable-2012-1-page-153.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Victoires éditions. © Victoires éditions. Tous droits réservés pour tous pays. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions ISSN 2260-2895 ISBN 9782351131299 Communication et développement durable : paradoxe et enthousiasme Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Résumé La 9e Université d’été de la communication pour le développement durable, organisée par Acidd et le Comité 21, a clôturé ses travaux le 31 août 2011 dans le Luberon, sur un constat difficile, mais avec un enthousiasme partagé par toutes les parties prenantes de la communication, pour l’essentiel regroupées au sein de l’Observatoire de la communication et du marketing responsables. Tour d’horizon de ces échanges et des conclusions d’études. Abstract Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Gilles Berhault, Alain Chauveau, Monica Fossati Acidd – Observatoire de la communication et du marketing responsables penser le développement durable Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Les acteurs de la filière communication voient désormais leur responsabilité élargie, ce qu’il convient d’accueillir comme une ambition nouvelle, comme le souligne Gilles Berhault, président du Comité 21 et d’Acidd : « Le développement durable est une nouvelle opportunité créative et de valorisation de tous les métiers de la communication, de l’information et du marketing. C’est aussi un pas déterminant vers l’apprentissage de la capacité collective. » Le monde de la communication a plus que jamais besoin de se ressourcer, de se renouveler, en écoutant des philosophes, des scientifiques, des intellectuels qui les aident à comprendre et à appréhender ce monde de crises sociales, financières, écologiques à l’échelle mondiale. Le contexte actuel est particulièrement complexe : pour la première fois, l’humanité entière est confrontée à des enjeux communs que Patrick Viveret 2 résume ainsi : « Nous sommes dans un état de sidération… C’est le temps de la résilience au niveau sociétal. Nous avons traité des symptômes de la crise de 2008, sans en traiter la cause. Il n’y a plus de possibilité d’arrêter l’emballement. De la résistance au désespoir, l’humanité doit aujourd’hui influer sa route du fait des limites environnementales, culturelles et sociales ». Et Bettina Laville, présidente d’honneur du Comité 21, de com- pléter : « Le couple “être et avoir“ structure toute la réflexion philosophique depuis l’Antiquité. Nous sommes dans un nécessaire renouveau de ce couple. La réflexion entre l’être et l’avoir se pose différemment et de façon cruciale à l’ère de la rareté – d’autant plus si nous passons de 7 à 9 milliards d’individus. Cet avoir peut devenir une condition de survie de l’humanité. Nous persistons à confondre le progrès humain avec l’expansion, alors que nous devons préserver des espaces pour la nature et n’avons désormais plus d’extension possible. » La crise actuelle est-elle le signe annonciateur de la disparition du monde que nous avons connu ? Patrick Viveret, citant Antonio Gramsci – « La crise se produit lorsque le vieux monde tarde à disparaître » –, insiste sur la force des mots qui donnent sens à nos vies : « Le mot “valeur“ signifie force de vie. Qu’est-ce qui est force de puissance créatrice aujourd’hui ? La vraie valeur, la vraie richesse, ce n’est pas l’argent. À quoi me sert-il si je n’ai pas d’eau, si l’air est pollué ? La richesse est ce qui donne de la force de vie, ce qui fait que pour une communauté humaine, la vie a un sens. » « Amour, bonheur, sens » : trois mots forts à l’occasion de cette Université d’été de la communication pour le développement du- 1 Tim Jackson, Prospérité sans croissance – La transition vers une économie durable, De Boeck éditions, collection « Planète en jeu », avril 2010. 2 Patrick Viveret est philosophe, préfacier du livre Prospérité sans croissance de Tim Jackson, auteur notamment de Reconsidérer la richesse (Éditions de l’Aube, réédition mai 2010). 2 - Vraiment Durable - Décembre 2011 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Consommer ? Posséder ? Prospérer ? Trois mots suivis de points d’interrogation… Comment la communication et le marketing peuvent-ils, doivent-ils, évoluer pour permettre de sortir de l’hyper-consommation, de la « cage de fer » du consumérisme, selon l’expression de Tim Jackson 1, et aller vers une consommation durable ? Ainsi peut être défini le paradoxe auquel sont confrontés aujourd’hui les communicants à la recherche d’une nouvelle prise de parole sur la responsabilité sociétale des entreprises qu’ils représentent. rable, à revisiter totalement selon Patrick Viveret. Un éclairage riche pour un monde de communication(s), dont la réponse se trouve dans l’attitude et les actions. Déclin du développement durable dans les médias ? Reflet de nos sociétés, la communication est un indicateur des courants de pensée qui l’animent. Comment traduire, à l’occasion de ce temps de réflexion, la perception de ce monde en profonde mutation ? Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions La période 2008-2009 a été témoin d’une forte montée des thématiques liées au développement durable dans les médias. Les sujets tournaient principalement autour de trois axes : - l’état de la planète (ses ressources, la biodiversité, le changement climatique…) a été largement développé dans tous les supports d’information, avec un contexte anxiogène lié à une visibilité accrue des problématiques, sans être accompagné de solutions en réponse. D’où le succès des films Une Vérité qui dérange, Home... - le deuxième axe a concerné la prise de conscience politique autour des grands enjeux nationaux et internationaux (Grenelle Environnement, Conférence des Parties…). - enfin, le troisième, adressé au « consom’acteur », l’a engagé avec enthousiasme à mieux consommer, à consommer « vert », à adopter une éco-attitude. La communication et les médias, portés par ce vent frais et optimiste, se sont « emballés », voyant tout en « bio » et en « vert », avec parfois un manque de recul patent comme leur engouement pour les biocarburants censés mettre « des fleurs dans nos moteurs »… mais qui deviendront plus tard les nécro-carburants dans les ­mêmes rubriques. La période 2010-2011 s’est caractérisée, en revanche, par un « reflux », nourri par la prise de parole de quelques climato-sceptiques et une démobilisation marquée sur fond de crise, la préoccupation individuelle redevenant prioritaire face aux enjeux collectifs et de long terme. S’y est ajouté le goût amer et inquiet de la déception politique, provoquée par l’échec des négociations de la Conférence des Parties de Copenhague (décembre 2009) qui a montré l’incapacité de l’humanité à s’unir pour lutter contre un enjeu global, mais aussi par le Grenelle Environnement, dont la mise en œuvre, moins collective qu’elle n’avait été annoncée, a accentué la perte de crédibilité et de confiance. Tout cela a contribué à faire monter la peur de la manipulation, la suspicion et la dénonciation du greenwashing. C’est donc dès la fin de 2009 que s’est amorcé le déclin régulier de l’intérêt des Français pour l’environnement, mitigé d’un sentiment d’impuissance face à un courant permanent d’alertes en même temps qu’une prise de conscience des liens entre dimensions environnementales, économiques et sociales. La grande méfiance Probable effet collatéral de ce désintérêt, le niveau de confiance accordé aux entreprises à travers leur communication n’a jamais été aussi faible, selon l’Edelman Trust Barometer (2011). Dans certains pays, la chute est même vertigineuse, mais c’est en France que ce niveau est le plus bas. Culturellement, il existe une défiance très marquée, typiquement française, envers les entreprises et le monde des affaires. Leur communication sur le développement durable, considérée comme trop souvent basée sur la « langue de bois » et le manque de transparence, laisse les Français sceptiques. Un scepticisme renforcé par le déploiement, notamment dans les blogs, d’une information plus scrutatrice et exigeante, plus neutre et désintéressée, mais aussi par la vigilance d’associations à but non lucratif, qui dénoncent les abus des messages et agissent en vrai garde-fou du greenwashing. Cette défiance est confirmée par l’Observatoire Décembre 2011 - Vraiment Durable - 3 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Communication et développement durable : paradoxe et enthousiasme penser le développement durable La publicité : entre publiphobie et « fatigue verte » Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Omniprésente, la publicité est depuis longtemps sujette à controverse, mais le désamour s’affirme aujourd’hui : 80 % des Français pensent qu’elle est une source d’ennui, 48 % n’y prêtent pas attention et 34 % se considèrent comme publiphobes selon l’étude « Publicité et Société » 6. Côté messages environnementaux, l’année 2010 a marqué un recul du thème dans la publicité, après le boom des messages verts qui a culminé en 2009. En effet, selon le « Bilan publicité et environnement » 7, le taux de visuels pertinents évoquant de près ou de loin la nature parmi le total des visuels analysés est passé de 12 % en 2009 à 6 % en 2010. La leçon du greenwashing commence à être comprise, car le taux de manquement aux règles déontologiques professionnelles en matière de publicités utilisant des arguments environnementaux s’établit à seulement 3 %, après avoir culminé à 6 % les deux années précédentes. Seuls des secteurs comme le bâtiment – qui a pourtant largement évolué sur la même période avec force réglementations et labels – ou encore les producteurs d’équipements ou de produits de nettoyage, restent à « surveiller »... Cette vague verte, même si elle semble refluer, a manifestement très vite fatigué les consommateurs. Dans « Les Français et le greenwashing » 8, ils sont même 52 % à trouver qu’il y a trop de publicités « vertes » et 83 % des ­personnes interrogées pensent que ces publicités devraient être mieux contrôlées. Tous les indicateurs de sensibilisation sont... au vert ! Malgré un recul des préoccupations pour le développement durable, plus d’un Français sur deux se dit plus concerné par l’environnement que par l’économie. Pour l’Observatoire du marketing écologique 9, ce sont deux tiers des Français qui se préoccupent de l’écologie et une grande majorité estime même que l’on n’en fait pas assez pour l’environnement. Les Français sont presque tous convaincus que « si l’on n’agit pas maintenant en faveur de la planète, les générations futures sont réellement menacées », et les trois quarts pensent que « ce que chacun fait individuellement contribue vraiment à protéger l’environnement », selon l’Observatoire du développement durable 10. D’après « Les Français et le greenwashing », ce sont même 85 % des Français pour qui les questions 3 Makheia Groupe – Occurrence, septembre 2010. 4 Baromètre Ethicity, mars 2011. 5 Emerit Consulting, juin 2011. 6 Australie-TNS Sofres, octobre 2010. 7 ARPP-DEME, décembre 2010. 8 WWF, l’Alliance pour la planète, l’Observatoire indépendant de la publicité, en partenariat avec l’Ifop, juin 2011. 9 Ipsos, juin-novembre 2010, Comment être visible et crédible sur la question écologique ? 10 Ifop, 2010. 4 - Vraiment Durable - Décembre 2011 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions de l’authenticité 3 : un Français sur deux ne croit pas ce qui est véhiculé par les entreprises dans leurs discours institutionnels. Un positionnement encore plus critique quand on aborde des sujets sensibles comme le développement durable. D’après « Les Français et la consommation responsable » 4 et « Les Français et le green marketing, après la crise » 5, 80 % des personnes interrogées ne font pas confiance aux discours environnementaux des entreprises (90 % des 18-24 ans) et auraient une mauvaise image d’une entreprise qui abuserait de l’argument environnemental. de développement durable et de respect de l’environnement sont importantes dans leurs choix actuels d’achats de produits ou services offerts par les entreprises. Enfin, selon le « Cahier de tendances » du CSA (2011), ce sont 66 % des Français qui disent faire l’effort de sélectionner des produits et services de consommation courante moins polluants. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Reste à vérifier la concrétisation de ces nobles pensées et intentions dans les actes d’achat : en parallèle de ces allégations, l’augmentation des ventes des produits écologiques reste mitigée, selon qu’elles concernent des équipements électriques, des produits d’entretien ou l’alimentation. Même s’il a baissé, leur prix, souvent du niveau de celui des « marques nationales » paraît toujours élevé par rapport aux « premiers prix » pratiqués par les supermarchés. L’alimentation, sujet sensible de santé nourri par divers ­scandales, est un cas particulier, de même que les cosmétiques. Ainsi, le marché global des produits issus de l’agriculture biologique a-t-il poursuivi sa croissance en 2010. D’après le Baromètre annuel de consommation des produits bio 11, près d’un Français sur deux consomme des produits bio au moins une fois par mois, un sur cinq au minimum une fois par semaine et 7 % tous les jours. Au regard de ces chiffres, force est de constater qu’une typologie de consommateurs responsables agissant en accord avec leurs dires et leurs pensées est loin d’être majoritaire. Un paradoxe, oui, mais pourquoi ? Comment expliquer cette forte sensibilisation – voire motivation – des Français par rapport au développement durable et, dans le même temps, leur méfiance et l’écart entre déclaratif et réalité ? Dans l’étude Ethicity de 2011, 48 % des personnes interrogées déclarent que la transparence des entreprises sur leurs engagements RSE (responsabilité sociétale des entreprises) les intéresse beaucoup, mais elles sont 77 % à dire que les entreprises ne leur donnent pas assez d’informations sur les conditions de fabrication de leurs produits. Est-ce donc à cause de ce manque de transparence que les Français ont l’impression d’une très faible implication des entreprises ? Les conséquences se font ressentir immédiatement d’un point de vue marketing. Sur un terrain de méfiance envers les entreprises, le manque d’informations sur les produits plus responsables ou éthiques empêche de justifier leur surcoût : 78 % des Français estiment trop élevé le prix des produits verts et 45 % trouvent l’offre encore trop limitée (Green Brands 2010). Dans le prolongement, pour 61 % des personnes interrogées (étude Emerit 2011), la consommation de produits verts est réservée à une catégorie sociale considérée comme privilégiée. Changer la communication avec le développement durable ? Les Français sont de plus en plus demandeurs de preuves d’authenticité et de véracité sur les engagements des entreprises en matière de développement durable. Or, aujourd’hui, la parole des entreprises est paradoxale, comme le révèle la première analyse sémantique sur le discours des entreprises sur le développement durable « Communication et Entreprise » 12 : le discours est lisse et attendu, il évite les contradictions et se réduit souvent à une liste d’actions, dont la stratégie d’ensemble, qui acterait un positionnement clair, paraît parfois confuse. Pourtant, les parties prenantes attendent des entreprises un discours vrai et une commu- 11 CSA-Agence BIO, 2010. 12 Cabinet Inférences, 2010. Décembre 2011 - Vraiment Durable - 5 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Communication et développement durable : paradoxe et enthousiasme penser le développement durable Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions L’article 225 de la loi Grenelle 2 devrait renforcer la gouvernance de la RSE : un « reporting intégré » (c’est-à-dire la RSE intégrée au rapport de gestion), assorti d’une obligation de vérification par un tiers indépendant et d’une attestation devraient garantir aux parties prenantes des informations fiables sur les impacts sociaux et environnementaux des entreprises, et donc une meilleure qualité de dialogue. Tandis que la norme internationale Iso 26000 relative à la responsabilité sociétale des organisations devrait, pour sa part, contribuer à mettre en cohérence les initiatives existantes pour un discours plus clair et une relation renouvelée avec les parties prenantes. Par ailleurs, ce dialogue avec les parties prenantes et notamment avec les consommateurs, est en pleine transformation, par l’importance prise par le Web 2.0 et les réseaux sociaux. Dans son analyse de l’écart entre la réputation environnementale et les pratiques des marques, le cabinet Interbrand souligne : « L’évolution de la valeur des ­marques est caractérisée par la prégnance des médias sociaux et l’effritement des médias traditionnels. L’une et l’autre redonnent du pouvoir aux consommateurs et rendent les entre- prises redevables. » Dans le prolongement, le premier baromètre « Publics – Réputation » 14 analyse : « La responsabilité sociale et environnementale participe largement à la réputation des entreprises... et à la confiance que leur accordent les consommateurs. Si la réalité de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises est sujette à caution auprès du grand public, cette dimension n’en est pas moins essentielle dans la construction de la réputation générale. Globalement, et c’est l’enseignement majeur de ce baromètre, les dimensions “sociétales” et “produits” de l’image des entreprises ne sont pas indépendantes. » Désormais, la responsabilité des professionnels de la communication est d’aider les entreprises à sortir de la vision classique de la communication – qui se contente de la transmission de messages vers une ­cible – pour aller, comme le conseille Thierry Libaert 15, vers une conception écosystémique de la communication : une communication de modération, intégrant les valeurs du développement durable, plus humble, plus holistique, plus participative et plus transparente. Il précise : « Non seulement les entreprises qui communiquent sur leur engagement développement durable l’effectuent sans retour positif sur leur réputation globale, mais en outre les entreprises qui bénéficient d’une bonne image verte ne sont pas celles qui communiquent sur leur activité, ni même celles qui agissent effectivement en faveur de la protection de l’environnement. » Transition et généralisation Les travaux des dernières années, avec une forte implication d’acteurs historiques, comme Acidd ou l’Ademe, des organisations 13 Rapports loi NRE (nouvelles régulations économiques), 2009. 14 Syntec, Conseil en relations publiques et Institut Viavoice, mars 2011. 15 Communication et environnement : le pacte impossible, PUF, 2010. 6 - Vraiment Durable - Décembre 2011 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions nication responsable sur leurs engagements durables concrets, leurs enjeux stratégiques, leurs contraintes et seuils critiques... Une certaine amertume se ressent dans le bilan global tiré par le groupe Alpha sur le reporting 13 : « Les informations sont de qualité médiocre...». Et les experts de diagnostiquer : « Nous avons la conviction que seul un dialogue avec les représentants des salariés et d’autres parties intéressées peut permettre d’améliorer la qualité et la pertinence de la transparence et de répondre aux attentes des parties en matière d’intelligence ». Communication et développement durable : paradoxe et enthousiasme Chacun connaît désormais de bons exemples, de bonnes pratiques, souvent partagés sur des plateformes très utiles, comme celle de l’UDA 18. Toutes ces démarches ont permis de répondre, en partie du moins, aux demandes de tous ceux qui sont motivés à ­défendre une planète en danger. Mais comment peut-on les généraliser ? Et sont-elles, dans la ­pratique quotidienne, mises en œuvre ? Si l’on constate que les critères d’écoconception et de développement durable sont de plus en plus présents dans des appels d’offres, on constate aussi que, pour nombre de projets, les exigences baissent au fur et à mesure de la réalisation de l’opération de communication, que les solutions ne sont pas toujours pertinentes, quand elles ne sont pas abandonnées par absence de compromis. Les exigences culturelles du secteur, les critères de choix des prestations ont du mal à s’adapter à la nouvelle donne et à évoluer. C’est le vrai sujet aujourd’hui. Le monde de la communication a montré sa capacité à s’engager, mais pas à concrétiser. Bottom up et conversation Les participants à l’Université d’été 2011 et les membres de l’Observatoire de la communication et du marketing responsables sont néanmoins restés optimistes. Des changements sont déjà à l’œuvre dans la société, même s’ils sont encore minoritaires et peu médiatisés. Ils sont cependant profondément ancrés, car ils viennent directement des consommateurs, des citoyens. Les valeurs qui ont pris racine dans l’écologie des années 1970 ont évolué et font de plus en plus d’émules. L’esprit « écolo » devient « green attitude », très tendance, et s’adresse à tous les publics, quel que soit leur style de vie. Des communautés de plus en plus nombreuses s’interconnectent et agissent ensemble. Les initiatives, nombreuses, émergent généralement au niveau local : circuits courts, consommation collaborative sur Internet, monnaie locale et complémentaire. C’est un cheminement du local au global, quand la vision de 1992, au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, était plutôt du global au local. 16 AACC (Association des agences conseils en communication), Communication et entreprise-UJJEF, Syntec Conseil en relations publiques, UDA (Union des annonceurs). 17 Association nationale des agences événementielles. 18 http://bonnespratiques.uda.fr Décembre 2011 - Vraiment Durable - 7 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions professionnelles et associations expertes 16, ont permis de dépasser le débat d’idées pour trouver un consensus sur les scénarios à mettre en œuvre. La question est maintenant celle de la transition, de la méthode et du financement. Le précurseur en France a été l’ANAé 17. Cette association, qui regroupe les agences spécialisées dans le secteur de l’événementiel a pris une initiative intéressante en réunissant les acteurs de la filière, c’est-à-dire toute la chaîne des fournisseurs et prestataires (transporteurs, gestionnaires de lieux, loueurs de matériel, fabricants…). Tous ont signé une charte de valeurs, ont engagé des formations, cherché les meilleures solutions techniques, réorganisé un peu la logistique, mis en place des indicateurs. Elle a été suivie par d’autres, comme l’UDA (Union des annonceurs) qui a créé sa charte de la communication responsable, invitant les signataires à respecter cinq engagements : « Bâtir un code de communication responsable et y inscrire l’ensemble de ses prises de parole externes » ; « Inciter les publics auxquels on s’adresse à des comportements responsables » ; « Utiliser avec loyauté les données privées sur ses clients finaux dans sa démarche marketing et commerciale » ; « Engager un process interne permettant de valider les communications avant leur diffusion externe » ; « Intégrer l’impact environnemental dans les critères de choix des supports de communication ». L’élan de ce phénomène vient du fait que les citoyens-consommateurs communiquent de plus en plus entre eux, individuellement et collectivement. Une communication horizontale qui s’est renforcée grâce à la nouvelle distribution des rôles émetteur/récepteur d’informations sur Internet, le « 2.0 » déjà évoqué. Les échanges sont directs en termes de recommandations, de choix des produits, d’entraide sur les marques… même si les modérateurs des forums censurent beaucoup de messages contenant leur nom. Face à cet élan, les entreprises et collectivités recherchent aussi un lien permanent avec l’ensemble de leurs parties prenantes, beaucoup plus en temps réel. Se réinventer Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Pour créer du lien, il faut améliorer la qualité des échanges, les justifier par l’intérêt que chacun peut y trouver. La communication au service du développement durable doit donc aussi devenir un vecteur facilitateur de contacts entre les gens. Elle doit aussi apprendre – paradoxalement – à accepter le silence 19, en tout cas à accepter que l’on peut ne pas communiquer sur tout, tout le temps, à ne pas être en permanence dans l’hyperbruit. C’est à un questionnement nouveau, tant sur sa responsabilité que sur son efficacité qu’est appelé aujourd’hui le secteur de la communication, comme le rappelle Jean-Luc Letouzé, président de Communication et entreprise : « Communiquer de manière responsable, ce n’est pas simplement écoconcevoir ses actions mais également porter une réflexion sur la responsabilité même du message que l’on souhaite véhiculer. La communication a un rôle stratégique pour l’entreprise : elle ne doit pas uniquement colorier les messages en RSE ou ne se soucier que du bilan carbone de ses propres actions ». Le développement durable est donc définitivement au cœur de la création de valeur, comme le souligne Frédéric Winckler, président de l’AACC : « Pour nos agences, la communication responsable n’est plus tant un enjeu de réputation qu’un vrai levier d’efficacité pour que notre engagement, en collaboration avec nos parties prenantes, prouve une volonté toujours vive de faire avancer ces sujets qui participent à la valorisation de nos métiers, éclairent nos expertises et attirent de nouveaux talents. » Le développement durable est donc bien une opportunité pour le secteur de la communication. Mais ce domaine qui conjugue stratégie et créativité, s’il veut attirer de nouveaux talents, en particulier chez les jeunes générations qui voient aujourd’hui la publicité d’abord comme un outil de manipulation un peu ancien, doit faire en sorte que le développement durable devienne un axe stratégique incontournable des directions de la communication, des agences, des médias. 19 « Le silence a-t-il sa place dans la relation ? » est l’un des thèmes d’ateliers retenus à l’occasion Campus de la communication, Conseil économique, social et environnemental, juin 2011. 8 - Vraiment Durable - Décembre 2011 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions penser le développement durable Communication et développement durable : paradoxe et enthousiasme Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions Décembre 2011 - Vraiment Durable - 9 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.205.4.97 - 24/02/2020 15:26 - © Victoires éditions L’Université d’été pour le développement durable a été créée en 2003 par Gilles Berhault et la regrettée Anne-Marie Sacquet (alors directrice générale du Comité 21), entourés d’une poignée de pionniers du développement durable et de la communication. Son objectif était de faire se rencontrer les acteurs de la communication et du développement durable pour ­mettre la communication au cœur des démarches de développement durable, tout en inventant la communication responsable. Aujourd’hui, la communication et le marketing responsables sont devenus des thèmes centraux du développement durable, en grande partie grâce à la mobilisation des grandes organisations professionnelles comme l’AACC, le Syntec et l’UDA. Cette Université d’été de la communication pour le développement durable, qui se réunit depuis neuf ans dans le Luberon, est organisée conjointement par Acidd et le Comité 21, en partenariat avec l’Ademe, des grandes entreprises et des collectivités territoriales. Infos : www.communicationdeveloppementdurable.com