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COMMUNICATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE : PARADOXE ET
ENTHOUSIASME
Gilles Berhault, Alain Chauveau et Monica Fossati
Victoires éditions | « Vraiment durable »
2012/1 n° 1 | pages 153 à 162
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ISSN 2260-2895
ISBN 9782351131299
Communication et
développement durable :
paradoxe et enthousiasme
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Résumé
La 9e Université d’été de la communication pour le développement durable,
organisée par Acidd et le Comité 21, a clôturé ses travaux le 31 août 2011 dans
le Luberon, sur un constat difficile, mais avec un enthousiasme partagé par
toutes les parties prenantes de la communication, pour l’essentiel regroupées
au sein de l’Observatoire de la communication et du marketing responsables.
Tour d’horizon de ces échanges et des conclusions d’études.
Abstract
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Gilles Berhault, Alain Chauveau, Monica Fossati Acidd – Observatoire de la communication
et du marketing responsables
penser le développement durable
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Les acteurs de la filière communication voient
désormais leur responsabilité élargie, ce
qu’il convient d’accueillir comme une ambition nouvelle, comme le souligne Gilles
Berhault, président du Comité 21 et d’Acidd :
« Le développement durable est une nouvelle
opportunité créative et de valorisation de
tous les métiers de la communication, de
l’information et du marketing. C’est aussi
un pas déterminant vers l’apprentissage de
la capacité collective. »
Le monde de la communication a plus que
jamais besoin de se ressourcer, de se renouveler, en écoutant des philosophes, des
scientifiques, des intellectuels qui les aident
à comprendre et à appréhender ce monde
de crises sociales, financières, écologiques
à l’échelle mondiale. Le contexte actuel est
particulièrement complexe : pour la première
fois, l’humanité entière est confrontée à des
enjeux communs que Patrick Viveret 2 résume
ainsi : « Nous sommes dans un état de sidération… C’est le temps de la résilience au
niveau sociétal. Nous avons traité des symptômes de la crise de 2008, sans en traiter la
cause. Il n’y a plus de possibilité d’arrêter
l’emballement. De la résistance au désespoir, l’humanité doit aujourd’hui influer sa
route du fait des limites environnementales,
culturelles et sociales ». Et Bettina Laville,
présidente d’honneur du Comité 21, de com-
pléter : « Le couple “être et avoir“ structure
toute la réflexion philosophique depuis l’Antiquité. Nous sommes dans un nécessaire
renouveau de ce couple. La réflexion entre
l’être et l’avoir se pose différemment et de
façon cruciale à l’ère de la rareté – d’autant
plus si nous passons de 7 à 9 milliards d’individus. Cet avoir peut devenir une condition
de survie de l’humanité. Nous persistons à
confondre le progrès humain avec l’expansion, alors que nous devons préserver des
espaces pour la nature et n’avons désormais
plus d’extension possible. »
La crise actuelle est-elle le signe annonciateur de la disparition du monde que nous
avons connu ? Patrick Viveret, citant Antonio
Gramsci – « La crise se produit lorsque le
vieux monde tarde à disparaître » –, insiste
sur la force des mots qui donnent sens à
nos vies : « Le mot “valeur“ signifie force
de vie. Qu’est-ce qui est force de puissance
créatrice aujourd’hui ? La vraie valeur, la vraie
richesse, ce n’est pas l’argent. À quoi me
sert-il si je n’ai pas d’eau, si l’air est pollué ?
La richesse est ce qui donne de la force de
vie, ce qui fait que pour une communauté
humaine, la vie a un sens. »
« Amour, bonheur, sens » : trois mots forts
à l’occasion de cette Université d’été de la
communication pour le développement du-
1 Tim Jackson, Prospérité sans croissance – La transition vers une économie durable, De Boeck éditions, collection « Planète en
jeu », avril 2010.
2 Patrick Viveret est philosophe, préfacier du livre Prospérité sans croissance de Tim Jackson, auteur notamment de Reconsidérer la
richesse (Éditions de l’Aube, réédition mai 2010).
2 - Vraiment Durable - Décembre 2011
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Consommer ? Posséder ? Prospérer ? Trois mots suivis de points
d’interrogation… Comment la communication et le marketing peuvent-ils,
doivent-ils, évoluer pour permettre de sortir de l’hyper-consommation,
de la « cage de fer » du consumérisme, selon l’expression de Tim Jackson 1,
et aller vers une consommation durable ? Ainsi peut être défini le paradoxe
auquel sont confrontés aujourd’hui les communicants à la recherche
d’une nouvelle prise de parole sur la responsabilité sociétale
des entreprises qu’ils représentent.
rable, à revisiter totalement selon Patrick
Viveret. Un éclairage riche pour un monde
de communication(s), dont la réponse se
trouve dans l’attitude et les actions.
Déclin du développement durable
dans les médias ?
Reflet de nos sociétés, la communication est
un indicateur des courants de pensée qui
l’animent. Comment traduire, à l’occasion
de ce temps de réflexion, la perception de
ce monde en profonde mutation ?
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La période 2008-2009 a été témoin d’une forte
montée des thématiques liées au développement durable dans les médias. Les sujets tournaient principalement autour de trois axes :
- l’état de la planète (ses ressources, la
biodiversité, le changement climatique…)
a été largement développé dans tous les
supports d’information, avec un contexte
anxiogène lié à une visibilité accrue des
problématiques, sans être accompagné
de solutions en réponse. D’où le succès
des films Une Vérité qui dérange, Home...
- le deuxième axe a concerné la prise de
conscience politique autour des grands enjeux nationaux et internationaux (Grenelle
Environnement, Conférence des Parties…).
- enfin, le troisième, adressé au « consom’acteur », l’a engagé avec enthousiasme à mieux
consommer, à consommer « vert », à adopter
une éco-attitude. La communication et les
médias, portés par ce vent frais et optimiste,
se sont « emballés », voyant tout en « bio » et
en « vert », avec parfois un manque de recul
patent comme leur engouement pour les
biocarburants censés mettre « des fleurs dans
nos moteurs »… mais qui deviendront plus
tard les nécro-carburants dans les ­mêmes
rubriques.
La période 2010-2011 s’est caractérisée, en
revanche, par un « reflux », nourri par la prise
de parole de quelques climato-sceptiques
et une démobilisation marquée sur fond de
crise, la préoccupation individuelle redevenant prioritaire face aux enjeux collectifs et
de long terme. S’y est ajouté le goût amer et
inquiet de la déception politique, provoquée
par l’échec des négociations de la Conférence
des Parties de Copenhague (décembre 2009)
qui a montré l’incapacité de l’humanité à
s’unir pour lutter contre un enjeu global, mais
aussi par le Grenelle Environnement, dont
la mise en œuvre, moins collective qu’elle
n’avait été annoncée, a accentué la perte
de crédibilité et de confiance. Tout cela a
contribué à faire monter la peur de la manipulation, la suspicion et la dénonciation
du greenwashing. C’est donc dès la fin de
2009 que s’est amorcé le déclin régulier de
l’intérêt des Français pour l’environnement,
mitigé d’un sentiment d’impuissance face
à un courant permanent d’alertes en même
temps qu’une prise de conscience des liens
entre dimensions environnementales, économiques et sociales.
La grande méfiance
Probable effet collatéral de ce désintérêt, le
niveau de confiance accordé aux entreprises
à travers leur communication n’a jamais été
aussi faible, selon l’Edelman Trust Barometer
(2011). Dans certains pays, la chute est même
vertigineuse, mais c’est en France que ce
niveau est le plus bas. Culturellement, il
existe une défiance très marquée, typiquement française, envers les entreprises et le
monde des affaires. Leur communication
sur le développement durable, considérée
comme trop souvent basée sur la « langue
de bois » et le manque de transparence,
laisse les Français sceptiques. Un scepticisme renforcé par le déploiement, notamment dans les blogs, d’une information
plus scrutatrice et exigeante, plus neutre et
désintéressée, mais aussi par la vigilance
d’associations à but non lucratif, qui dénoncent les abus des messages et agissent
en vrai garde-fou du greenwashing. Cette
défiance est confirmée par l’Observatoire
Décembre 2011 - Vraiment Durable - 3
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Communication et développement durable : paradoxe et enthousiasme
penser le développement durable
La publicité : entre publiphobie
et « fatigue verte »
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Omniprésente, la publicité est depuis longtemps sujette à controverse, mais le désamour s’affirme aujourd’hui : 80 % des
Français pensent qu’elle est une source
d’ennui, 48 % n’y prêtent pas attention et
34 % se considèrent comme publiphobes
selon l’étude « Publicité et Société » 6. Côté
messages environnementaux, l’année 2010
a marqué un recul du thème dans la publicité, après le boom des messages verts qui
a culminé en 2009. En effet, selon le « Bilan
publicité et environnement » 7, le taux de visuels pertinents évoquant de près ou de loin
la nature parmi le total des visuels analysés
est passé de 12 % en 2009 à 6 % en 2010. La
leçon du greenwashing commence à être
comprise, car le taux de manquement aux
règles déontologiques professionnelles en
matière de publicités utilisant des arguments
environnementaux s’établit à seulement 3 %,
après avoir culminé à 6 % les deux années
précédentes. Seuls des secteurs comme le
bâtiment – qui a pourtant largement évolué
sur la même période avec force réglementations et labels – ou encore les producteurs
d’équipements ou de produits de nettoyage,
restent à « surveiller »... Cette vague verte,
même si elle semble refluer, a manifestement très vite fatigué les consommateurs.
Dans « Les Français et le greenwashing » 8,
ils sont même 52 % à trouver qu’il y a trop de
publicités « vertes » et 83 % des ­personnes
interrogées pensent que ces publicités devraient être mieux contrôlées.
Tous les indicateurs de sensibilisation sont... au vert !
Malgré un recul des préoccupations pour le
développement durable, plus d’un Français
sur deux se dit plus concerné par l’environnement que par l’économie. Pour l’Observatoire du marketing écologique 9, ce sont
deux tiers des Français qui se préoccupent
de l’écologie et une grande majorité estime
même que l’on n’en fait pas assez pour l’environnement. Les Français sont presque tous
convaincus que « si l’on n’agit pas maintenant en faveur de la planète, les générations
futures sont réellement menacées », et les
trois quarts pensent que « ce que chacun fait
individuellement contribue vraiment à protéger l’environnement », selon l’Observatoire
du développement durable 10. D’après « Les
Français et le greenwashing », ce sont même
85 % des Français pour qui les questions
3 Makheia Groupe – Occurrence, septembre 2010.
4 Baromètre Ethicity, mars 2011.
5 Emerit Consulting, juin 2011.
6 Australie-TNS Sofres, octobre 2010.
7 ARPP-DEME, décembre 2010.
8 WWF, l’Alliance pour la planète, l’Observatoire indépendant de la publicité, en partenariat avec l’Ifop, juin 2011.
9 Ipsos, juin-novembre 2010, Comment être visible et crédible sur la question écologique ?
10 Ifop, 2010.
4 - Vraiment Durable - Décembre 2011
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de l’authenticité 3 : un Français sur deux ne
croit pas ce qui est véhiculé par les entreprises dans leurs discours institutionnels. Un
positionnement encore plus critique quand
on aborde des sujets sensibles comme le
développement durable. D’après « Les Français et la consommation responsable » 4 et
« Les Français et le green marketing, après
la crise » 5, 80 % des personnes interrogées
ne font pas confiance aux discours environnementaux des entreprises (90 % des
18-24 ans) et auraient une mauvaise image
d’une entreprise qui abuserait de l’argument
environnemental.
de développement durable et de respect de
l’environnement sont importantes dans leurs
choix actuels d’achats de produits ou services
offerts par les entreprises. Enfin, selon le
« Cahier de tendances » du CSA (2011), ce
sont 66 % des Français qui disent faire l’effort
de sélectionner des produits et services de
consommation courante moins polluants.
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Reste à vérifier la concrétisation de ces nobles pensées et intentions dans les actes
d’achat : en parallèle de ces allégations, l’augmentation des ventes des produits écologiques reste mitigée, selon qu’elles concernent
des équipements électriques, des produits
d’entretien ou l’alimentation. Même s’il a
baissé, leur prix, souvent du niveau de celui
des « marques nationales » paraît toujours
élevé par rapport aux « premiers prix » pratiqués par les supermarchés. L’alimentation,
sujet sensible de santé nourri par divers
­scandales, est un cas particulier, de même
que les cosmétiques. Ainsi, le marché global
des produits issus de l’agriculture biologique
a-t-il poursuivi sa croissance en 2010. D’après
le Baromètre annuel de consommation des
produits bio 11, près d’un Français sur deux
consomme des produits bio au moins une
fois par mois, un sur cinq au minimum une
fois par semaine et 7 % tous les jours. Au
regard de ces chiffres, force est de constater
qu’une typologie de consommateurs responsables agissant en accord avec leurs dires et
leurs pensées est loin d’être majoritaire.
Un paradoxe, oui, mais pourquoi ?
Comment expliquer cette forte sensibilisation
– voire motivation – des Français par rapport
au développement durable et, dans le même
temps, leur méfiance et l’écart entre déclaratif
et réalité ? Dans l’étude Ethicity de 2011, 48 %
des personnes interrogées déclarent que
la transparence des entreprises sur leurs
engagements RSE (responsabilité sociétale
des entreprises) les intéresse beaucoup, mais
elles sont 77 % à dire que les entreprises ne
leur donnent pas assez d’informations sur les
conditions de fabrication de leurs produits.
Est-ce donc à cause de ce manque de transparence que les Français ont l’impression
d’une très faible implication des entreprises ?
Les conséquences se font ressentir immédiatement d’un point de vue marketing. Sur un
terrain de méfiance envers les entreprises,
le manque d’informations sur les produits
plus responsables ou éthiques empêche de
justifier leur surcoût : 78 % des Français estiment trop élevé le prix des produits verts
et 45 % trouvent l’offre encore trop limitée
(Green Brands 2010). Dans le prolongement,
pour 61 % des personnes interrogées (étude
Emerit 2011), la consommation de produits
verts est réservée à une catégorie sociale
considérée comme privilégiée.
Changer la communication
avec le développement durable ?
Les Français sont de plus en plus demandeurs de preuves d’authenticité et de véracité sur les engagements des entreprises
en matière de développement durable. Or,
aujourd’hui, la parole des entreprises est
paradoxale, comme le révèle la première
analyse sémantique sur le discours des
entreprises sur le développement durable « Communication et Entreprise » 12 :
le discours est lisse et attendu, il évite les
contradictions et se réduit souvent à une
liste d’actions, dont la stratégie d’ensemble,
qui acterait un positionnement clair, paraît
parfois confuse.
Pourtant, les parties prenantes attendent des
entreprises un discours vrai et une commu-
11 CSA-Agence BIO, 2010.
12 Cabinet Inférences, 2010.
Décembre 2011 - Vraiment Durable - 5
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Communication et développement durable : paradoxe et enthousiasme
penser le développement durable
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L’article 225 de la loi Grenelle 2 devrait renforcer la gouvernance de la RSE : un « reporting intégré » (c’est-à-dire la RSE intégrée au
rapport de gestion), assorti d’une obligation
de vérification par un tiers indépendant et
d’une attestation devraient garantir aux parties
prenantes des informations fiables sur les
impacts sociaux et environnementaux des
entreprises, et donc une meilleure qualité
de dialogue. Tandis que la norme internationale Iso 26000 relative à la responsabilité
sociétale des organisations devrait, pour sa
part, contribuer à mettre en cohérence les
initiatives existantes pour un discours plus
clair et une relation renouvelée avec les parties prenantes.
Par ailleurs, ce dialogue avec les parties prenantes et notamment avec les consommateurs, est en pleine transformation, par l’importance prise par le Web 2.0 et les réseaux
sociaux. Dans son analyse de l’écart entre la
réputation environnementale et les pratiques
des marques, le cabinet Interbrand souligne :
« L’évolution de la valeur des ­marques est
caractérisée par la prégnance des médias
sociaux et l’effritement des médias traditionnels. L’une et l’autre redonnent du pouvoir
aux consommateurs et rendent les entre-
prises redevables. » Dans le prolongement,
le premier baromètre « Publics – Réputation » 14 analyse : « La responsabilité sociale
et environnementale participe largement à la
réputation des entreprises... et à la confiance
que leur accordent les consommateurs. Si
la réalité de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises est sujette
à caution auprès du grand public, cette dimension n’en est pas moins essentielle dans
la construction de la réputation générale.
Globalement, et c’est l’enseignement majeur
de ce baromètre, les dimensions “sociétales”
et “produits” de l’image des entreprises ne
sont pas indépendantes. »
Désormais, la responsabilité des professionnels de la communication est d’aider
les entreprises à sortir de la vision classique de la communication – qui se contente
de la transmission de messages vers une
­cible – pour aller, comme le conseille Thierry
Libaert 15, vers une conception écosystémique de la communication : une communication de modération, intégrant les valeurs
du développement durable, plus humble,
plus holistique, plus participative et plus
transparente. Il précise : « Non seulement
les entreprises qui communiquent sur leur
engagement développement durable l’effectuent sans retour positif sur leur réputation globale, mais en outre les entreprises
qui bénéficient d’une bonne image verte
ne sont pas celles qui communiquent sur
leur activité, ni même celles qui agissent
effectivement en faveur de la protection de
l’environnement. »
Transition et généralisation
Les travaux des dernières années, avec
une forte implication d’acteurs historiques,
comme Acidd ou l’Ademe, des organisations
13 Rapports loi NRE (nouvelles régulations économiques), 2009.
14 Syntec, Conseil en relations publiques et Institut Viavoice, mars 2011.
15 Communication et environnement : le pacte impossible, PUF, 2010.
6 - Vraiment Durable - Décembre 2011
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nication responsable sur leurs engagements
durables concrets, leurs enjeux stratégiques,
leurs contraintes et seuils critiques... Une
certaine amertume se ressent dans le bilan
global tiré par le groupe Alpha sur le reporting 13 : « Les informations sont de qualité
médiocre...». Et les experts de diagnostiquer :
« Nous avons la conviction que seul un dialogue avec les représentants des salariés et
d’autres parties intéressées peut permettre
d’améliorer la qualité et la pertinence de la
transparence et de répondre aux attentes des
parties en matière d’intelligence ».
Communication et développement durable : paradoxe et enthousiasme
Chacun connaît désormais de bons exemples,
de bonnes pratiques, souvent partagés sur
des plateformes très utiles, comme celle de
l’UDA 18. Toutes ces démarches ont permis de
répondre, en partie du moins, aux demandes
de tous ceux qui sont motivés à ­défendre
une planète en danger. Mais comment
peut-on les généraliser ? Et sont-elles, dans
la ­pratique quotidienne, mises en œuvre ?
Si l’on constate que les critères d’écoconception et de développement durable sont
de plus en plus présents dans des appels
d’offres, on constate aussi que, pour nombre
de projets, les exigences baissent au fur et
à mesure de la réalisation de l’opération de
communication, que les solutions ne sont
pas toujours pertinentes, quand elles ne sont
pas abandonnées par absence de compromis. Les exigences culturelles du secteur, les
critères de choix des prestations ont du mal
à s’adapter à la nouvelle donne et à évoluer.
C’est le vrai sujet aujourd’hui. Le monde de
la communication a montré sa capacité à
s’engager, mais pas à concrétiser.
Bottom up et conversation
Les participants à l’Université d’été 2011 et
les membres de l’Observatoire de la communication et du marketing responsables sont
néanmoins restés optimistes. Des changements sont déjà à l’œuvre dans la société,
même s’ils sont encore minoritaires et peu
médiatisés. Ils sont cependant profondément ancrés, car ils viennent directement des
consommateurs, des citoyens. Les valeurs
qui ont pris racine dans l’écologie des années 1970 ont évolué et font de plus en plus
d’émules. L’esprit « écolo » devient « green
attitude », très tendance, et s’adresse à tous
les publics, quel que soit leur style de vie. Des
communautés de plus en plus nombreuses
s’interconnectent et agissent ensemble. Les
initiatives, nombreuses, émergent généralement au niveau local : circuits courts,
consommation collaborative sur Internet,
monnaie locale et complémentaire. C’est un
cheminement du local au global, quand la
vision de 1992, au Sommet de la Terre à Rio
de Janeiro, était plutôt du global au local.
16 AACC (Association des agences conseils en communication), Communication et entreprise-UJJEF, Syntec Conseil en relations
publiques, UDA (Union des annonceurs).
17 Association nationale des agences événementielles.
18 http://bonnespratiques.uda.fr
Décembre 2011 - Vraiment Durable - 7
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professionnelles et associations expertes 16,
ont permis de dépasser le débat d’idées pour
trouver un consensus sur les scénarios à
mettre en œuvre. La question est maintenant celle de la transition, de la méthode et
du financement. Le précurseur en France a
été l’ANAé 17. Cette association, qui regroupe
les agences spécialisées dans le secteur de
l’événementiel a pris une initiative intéressante en réunissant les acteurs de la filière,
c’est-à-dire toute la chaîne des fournisseurs
et prestataires (transporteurs, gestionnaires
de lieux, loueurs de matériel, fabricants…).
Tous ont signé une charte de valeurs, ont
engagé des formations, cherché les meilleures solutions techniques, réorganisé un peu
la logistique, mis en place des indicateurs.
Elle a été suivie par d’autres, comme l’UDA
(Union des annonceurs) qui a créé sa charte
de la communication responsable, invitant les
signataires à respecter cinq engagements :
« Bâtir un code de communication responsable et y inscrire l’ensemble de ses prises
de parole externes » ; « Inciter les publics
auxquels on s’adresse à des comportements
responsables » ; « Utiliser avec loyauté les
données privées sur ses clients finaux dans
sa démarche marketing et commerciale » ;
« Engager un process interne permettant
de valider les communications avant leur
diffusion externe » ; « Intégrer l’impact environnemental dans les critères de choix des
supports de communication ».
L’élan de ce phénomène vient du fait que les
citoyens-consommateurs communiquent de
plus en plus entre eux, individuellement et
collectivement. Une communication horizontale qui s’est renforcée grâce à la nouvelle
distribution des rôles émetteur/récepteur
d’informations sur Internet, le « 2.0 » déjà
évoqué. Les échanges sont directs en termes
de recommandations, de choix des produits,
d’entraide sur les marques… même si les
modérateurs des forums censurent beaucoup de messages contenant leur nom. Face
à cet élan, les entreprises et collectivités
recherchent aussi un lien permanent avec
l’ensemble de leurs parties prenantes, beaucoup plus en temps réel.
Se réinventer
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Pour créer du lien, il faut améliorer la qualité
des échanges, les justifier par l’intérêt que
chacun peut y trouver. La communication
au service du développement durable doit
donc aussi devenir un vecteur facilitateur
de contacts entre les gens. Elle doit aussi
apprendre – paradoxalement – à accepter le
silence 19, en tout cas à accepter que l’on peut
ne pas communiquer sur tout, tout le temps, à
ne pas être en permanence dans l’hyperbruit.
C’est à un questionnement nouveau, tant sur
sa responsabilité que sur son efficacité qu’est
appelé aujourd’hui le secteur de la communication, comme le rappelle Jean-Luc Letouzé,
président de Communication et entreprise :
« Communiquer de manière responsable,
ce n’est pas simplement écoconcevoir ses
actions mais également porter une réflexion
sur la responsabilité même du message que
l’on souhaite véhiculer. La communication a
un rôle stratégique pour l’entreprise : elle ne
doit pas uniquement colorier les messages
en RSE ou ne se soucier que du bilan carbone
de ses propres actions ». Le développement
durable est donc définitivement au cœur de
la création de valeur, comme le souligne Frédéric Winckler, président de l’AACC : « Pour
nos agences, la communication responsable
n’est plus tant un enjeu de réputation qu’un
vrai levier d’efficacité pour que notre engagement, en collaboration avec nos parties
prenantes, prouve une volonté toujours vive
de faire avancer ces sujets qui participent à
la valorisation de nos métiers, éclairent nos
expertises et attirent de nouveaux talents. »
Le développement durable est donc bien
une opportunité pour le secteur de la communication. Mais ce domaine qui conjugue
stratégie et créativité, s’il veut attirer de nouveaux talents, en particulier chez les jeunes
générations qui voient aujourd’hui la publicité
d’abord comme un outil de manipulation un
peu ancien, doit faire en sorte que le développement durable devienne un axe stratégique
incontournable des directions de la communication, des agences, des médias.
19 « Le silence a-t-il sa place dans la relation ? » est l’un des thèmes d’ateliers retenus à l’occasion Campus de la communication,
Conseil économique, social et environnemental, juin 2011.
8 - Vraiment Durable - Décembre 2011
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Décembre 2011 - Vraiment Durable - 9
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L’Université d’été pour le développement durable a été créée en 2003 par Gilles Berhault et
la regrettée Anne-Marie Sacquet (alors directrice générale du Comité 21), entourés d’une poignée de pionniers du développement durable et de la communication. Son objectif était de
faire se rencontrer les acteurs de la communication et du développement durable pour ­mettre
la communication au cœur des démarches de développement durable, tout en inventant la
communication responsable. Aujourd’hui, la communication et le marketing responsables
sont devenus des thèmes centraux du développement durable, en grande partie grâce à la
mobilisation des grandes organisations professionnelles comme l’AACC, le Syntec et l’UDA.
Cette Université d’été de la communication pour le développement durable, qui se réunit
depuis neuf ans dans le Luberon, est organisée conjointement par Acidd et le Comité 21,
en partenariat avec l’Ademe, des grandes entreprises et des collectivités territoriales.
Infos : www.communicationdeveloppementdurable.com
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