Journal LE DEVOIR du Lundi 9 Mars 2020

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VOL. CXI NO51 / LE LUNDI 9 MARS 2020 / 1,52 $ + TAXES = 1,75 $WWW.LEDEVOIR.COM
Un gazoduc mort
avant de vivre?
Le projet de Coastal GasLink est considéré comme une étape clé
du développement de l’industrie du gaz naturel au Canada
ALEXIS RIOPEL
LE DEVOIR
Les barrages ferroviaires sont levés, mais la question du
gazoduc demeure en suspens. Or, le projet de Coastal Gas-
Link revêt une telle importance pour l’industrie du gaz na-
turel au Canada quune annulation aurait des effets secon-
daires: elle pourrait décourager les autres investisseurs et
réduire considérablement les économies déchelle des ex-
tracteurs de cette ressource, croient des spécialistes.
Le point d’origine du gazoduc projeté se situe près de
Dawson Creek, en Colombie-Britannique. Cette petite
ville se situe en plein centre de la formation géologique
Montney, qui s’étend sur 150 000 kilomètres carrés à lest
des montagnes Rocheuses. La roche mère (siltite) quon y
trouve renferme des hydrocarbures pouvant être extraits
par fracturation hydraulique — une technologie mature
économiquement, mais controversée écologiquement.
Le projet de Coastal GasLink, auquel des chefs tradition-
nels wet’suwet’en s’opposent, est le principal corridor d’ex-
portation envisagé vers l’océan Paciique pour le gaz naturel
exploité dans le Montney et les formations environnantes.
INDEX
Avis légaux........... B2
Culture...................B7
Éditorial.................A6
Grille TV.................B7
Idées......................A7
Météo ................... B6
Monde................... B1
Mots croisés......... B6
Sports................... B4
Sudoku ................. B6
ACTUALITÉS
Les vieilles idées,
la chronique
de Jean-François
Nadeau |A 3
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MARIE-EVE COUSINEAU
LE DEVOIR
Imaginez une partie de soccer où les
joueurs, sur les lignes de côté, font des
rentrées de touches au sol avec le pied,
plutôt que dans les airs avec les mains.
Ce sera la nouvelle réalité de jeunes de
moins de 10 ans, dans diverses régions
du Québec, dès cet été. Soccer Québec
veut limiter les risques de coups à la
tête et de commotions cérébrales.
Le projet pilote sera mené dans des
ligues récréatives (match à 5 ou 7
joueurs) de Laval. «Mais les régions de
Saguenay, Lanaudière et Québec ont
aussi décidé d’embarquer dès cette an-
née, dit au Devoir Éric Leroy, directeur
technique de Soccer Québec. Ces rè-
gles seront obligatoires à l’échelle pro-
vinciale à partir de la saison 2021. »
La fédération québécoise veut res-
treindre au maximum les jeux aériens
chez les plus jeunes. Pour y arriver, elle
interdira également aux gardiens de dé-
gager le ballon avec les pieds, à la volée.
Ceux-ci pourront le déposer sur le ter-
rain et jouer en faisant une passe au sol,
par exemple. Idem lors des coups de
pied de coin («corner»).
«On s’attend à ce que le peu de jeu aé-
rien qui existait [dans ces catégories
d’âge] soit complètement ou à 95%
banni de toutes les situations de jeu»,
avance Éric Leroy. Pas question toutefois
d’interdire formellement les «têtes»
durant les parties, dit Soccer Québec.
Des pays bannissent les têtes
Aux États-Unis, les joueurs de moins de
11 ans n’ont plus le droit de frapper le
ballon avec la tête, pendant des entraî-
nements et des matchs, depuis 2015.
Il y a deux semaines, l’Angleterre,
l’Écosse et l’Irlande du Nord ont an-
noncé de nouvelles lignes directrices à ce
sujet. Fini les «têtes» lors des entraîne-
ments des moins de 11 ans. Les joueurs
SOCCER
Les coups à la tête limités chez les jeunes
Un projet pilote visant à restreindre les jeux aériens chez les moins de 10 ans sera mené dès cet été au Québec
Des milliers de personnes de tous les continents, comme ici à Pristina, au Kosovo, ont marché dimanche afin de réclamer la défense
des droits des femmes, plus de liberté et plus de vigilance face à la violence dont elles sont victimes. À Montréal, certains ont profité
de cette Journée internationale des femmes pour exiger la fermeture du plus grand site pornographique au monde, Pornhub. Ils accusent
son propriétaire, MindGeek, d’encourager l’exploitation sexuelle des femmes et des adolescentes. VOIR PAGES A 3 ET B 3
ARMEND NIMANI AGENCE FRANCE-PRESSE
Plus de liberté, moins de violence
VOIR PAGE A 4: TÊTES
apprendront cette technique graduelle-
ment, idéalement à partir de 13 ans. Les
trois fédérations recommandent un
maximum de 10 têtes par semaine, à
l’entraînement, jusqu’à l’âge de 15 ans.
C’est une étude écossaise, publiée
l’automne dernier, qui a poussé ces fé-
dérations à agir. Selon cette recherche,
les ex-joueurs professionnels ont 3,5
fois plus de risques de mourir d’une
maladie neurodégénérative que la po-
pulation en général. Cette étude na
toutefois pas démontré que les « têtes »
étaient la cause de la démence.
ANNABELLE CAILLOU
LE DEVOIR
CORONAVIRUS
Nouveaux
cas de part
et dautre de
la frontière
La progression sest accélérée aux
États-Unis tandis quau Québec,
les voyageurs de la relâche reviennent
Lépidémie de coronavirus continue sa
progression au Canada et compte
maintenant 62 cas oficiels. Un poten-
tiel quatrième cas au Québec attend
une conirmation. Une augmentation
qui na toutefois rien à voir avec celle
observée aux États-Unis, où lon
compte plus de 500 cas et 19 morts. La
gestion de lépidémie sème d’ailleurs
fortement la controverse au pays.
Au Québec, le ministère de la Santé a
annoncé dimanche qu’un quatrième cas
probable de nouveau coronavirus atten-
dait une conirmation du Laboratoire na-
tional de microbiologie de Winnipeg. Il
s’agit d’une femme de la Montérégie de
retour d’une croisière. Le ministère a
aussi oficialisé le troisième cas annoncé
jeudi. La personne qui revenait de France
est bel et bien atteinte de la COVID-19.
Tous les cas canadiens conirmés en
date de dimanche ont comme origine
un voyage à létranger. « Tant quon n’a
pas de transmission locale, on est
contents», a fait valoir en entrevue la
VOIR PAGE A 2 : CORONAVIRUS
15
ans
Jusqu’à cet âge,
on recommande
en Angleterre,
en Écosse et en
Irlande du Nord
un maximun
de 10 têtes
par semaine.
VOIR PAGE A 2 : GAZ
CULTURE
Dans Les nôtres, avec l’actrice
Marianne Farley, le déni et
les non-dits d’une petite ville
B 8
ACTUALITÉS
A 2
LEDEVOIR // LE LUNDI 9 MARS 2020
Inscription : corim.qc.ca 514 340-9622
Déjeuner-causerie t 16 marst11 h 45 à 13 h 45
Avec l’appui de :
Renforcer les liens de
la Francophonie mondiale
Catherine Cano
Administratrice,
Organisation internationale
de la Francophonie
Un enjeu
«immense»
pour les
autres projets
GAZ
SUITE DE LA PAGE A 1
Il doit achever sa course à Kitimat, où
une usine de liquéfaction et un terminal
d’exportation maritime (le complexe
LNG Canada) doivent être construits.
Si ce plan de match venait à échouer
après létape des évaluations environ-
nementales en raison de la mobilisa-
tion autochtone, il y a peu de chance
qu’un autre projet dexportation depuis
la côte ouest voie le jour, selon Allan
Fogwill, le président et p.-d.g. du Cana-
dian Energy Research Institute (CERI),
un organisme de recherche inancé par
les gouvernements et l’industrie pétro-
lière et gazière.
«Si l’industrie entrevoit un projet
rentable au Canada, mais qu’elle na
aucune certitude de pouvoir aller de
l’avant, c’est très improbable quelle in-
vestisse les sommes nécessaires pour
effectuer les consultations, développer
l’ingénierie, passer à travers les proces-
sus d’approbation, obtenir les permis,
avant de inalement voir son investis-
sement réduit à néant», explique-t-il.
Et puis, les entreprises d’exploita-
tion et de transport peuvent bien déci-
der de s’installer ailleurs, soutient
M. Fogwill. Dailleurs, le complexe
LNG Canada est l’initiative d’un
groupe d’investisseurs très cosmopo-
lite : Shell (40 %), Petronas (25 %), Pe-
troChina (15 %), Mitsubishi Corpora-
tion (15 %) et Korea Gas Corporation
(5%). «Ils peuvent diriger leur inves-
tissement n’importe où dans le
monde», souligne M. Fogwill.
«Si Coastal GasLink est bloqué, ça
crée un enjeu immense, observe,
quant à lui, le sociologue et écono-
miste Éric Pineault, spécialiste de
l’énergie. Le gaz naturel serait enclavé.
Les circuits nord-américains vers le
sud sont déjà saturés. Le gaz inirait
par se rendre quelque part, aux termi-
naux d’exportation du golfe du
Mexique par exemple, mais devrait
être vendu à fort rabais.»
Historiquement, le Canada exporte
le gaz naturel extrait de son sous-sol
vers les États-Unis. Toutefois, depuis
une dizaine d’années, la production de
gaz de schiste a explosé au sud du
49eparallèle. Labondance de l’offre a
poussé les prix à la baisse, et, depuis
2017, les États-Unis exportent plus de
gaz naturel qu’ils en importent.
Ainsi, les promoteurs désirant inves-
tir au Canada ont besoin de nouveaux
débouchés avant daccélérer lexploita-
tion de la riche formation Montney, qui
contient 145 fois la quantité de gaz na-
turel consommée au pays en 2012. À
l’heure actuelle, l’Asie représente le
marché le plus prometteur, selon M. Pi-
neault, qui est professeur à l’Université
du Québec à Montréal. Un terminal sur
la côte ouest tombe donc sous le sens.
«Cependant, même le marché asia-
tique est fragile, croit-il. En Chine, on
ne remplace plus les centrales au char-
bon par des centrales au gaz. […] Le gaz
naturel et les énergies renouvelables
sont kif-kif pour ce qui est du prix. Le
gaz naturel comme énergie de transi-
tion, c’est ini. Cétait vrai il y a 10 ans,
mais maintenant la donne a changé.»
En outre, avant de senrichir avec le
gaz naturel du Canada, les industriels
doivent procéder à des investisse-
ments majeurs, comme on le voit avec
Coastal GasLink et LNG Canada, éva-
lués à environ 40 milliards de dollars.
Or, M. Pineault estime que si un tel
projet dexportation devait tomber, il
est possible que les économies
d’échelle permises par un projet dex-
ploitation denvergure sévaporent. « Si
on bloque la sortie de la ressource, on
peut ralentir la mise en œuvre de lex-
ploitation à un niveau situé sous le seuil
de rentabilité», dit-il.
Pour l’instant, la construction du ga-
zoduc de Coastal GasLink suit son
cours. Le dimanche 1er mars, une en-
tente de principe est survenue entre les
chefs héréditaires wet’suwet’en et les
gouvernements dOttawa et de Victo-
ria. Elle concerne les droits territoriaux
de ce peuple autochtone, mais ne traite
pas directement du gazoduc litigieux.
Les Wet’suwet’en procèdent actuelle-
ment à l’examen de cette entente, mais
maintiennent leur opposition au pas-
sage du tuyau de 1219 mm de diamètre
sur leur territoire.
Après que la population wetsu-
wet’en se soit prononcé sur l’entente
de principe (au plus tard le 13 mars,
exige le gouvernement Trudeau), il est
possible que l’opposition au gazoduc
se ravive. Or, le premier ministre de la
Colombie-Britannique tient mordicus
à ce que le projet aille de l’avant. «Il y
a des divergences dopinions au sujet
du projet de Coastal GasLink, mais les
permis sont accordés, c’est approuvé,
le projet est en cours», a-t-il déclaré le
2 mars.
Un rapport publié la semaine der-
nière par le Centre canadien de poli-
tiques alternatives avertit toutefois que
de miser sur le gaz naturel est un mau-
vais choix si la province souhaite dé-
carboniser son économie d’ici 2050.
«En approuvant LNG Canada et
d’autres projets de gaz naturel liquéié,
le gouvernement [de la Colombie-Bri-
tannique] exige de tous les autres sec-
teurs de léconomie qu’ils réduisent
leurs émissions encore davantage ain
que la province atteigne sa cible
d’émission pour 2030 », écrivent les
auteurs Marc Lee et Seth Klein.
Coastal GasLink doit initialement
disposer d’une capacité de transport de
1,7 milliard de pieds cubes de gaz natu-
rel par jour. La combustion d’un tel vo-
lume de gaz naturel entraîne des émis-
sions équivalant à celles de 8 millions
de voitures. À terme, le gazoduc pour-
rait transporter quotidiennement
5 milliards de pieds cubes grâce à des
compresseurs supplémentaires.
Les autorités
californiennes
ont indiqué que
les passagers
du navire de
croisière Grand
Princess seraient
placés en
quarantaine ou
admis dans des
hôpitaux après
leur débar-
quement lundi à
Oakland.Le
bateau transporte
3500 passagers,
dont 237 Ca-
nadiens, qui
seront rapatriés.
NOAH BERGER
ASSOCIATED PRESS
Trump critiqué
pour sa gestion
de lépidémie
CORONAVIRUS
SUITE DE LA PAGE A 1
Dre Caroline Quach-Thanh, pédiatre et
microbiologiste-infectiologue à l’Hô-
pital Sainte-Justine à Montréal. Elle
s’inquiète toutefois du retour de
voyage des Québécois qui ont proité
de la semaine de relâche pour prendre
le large et visiter dautres pays, notam-
ment les États-Unis.
La progression de lépidémie s’est en
effet accélérée ces derniers jours chez
nos voisins du sud. En tout, près de 500
personnes y ont contracté la COVID-
19 et 21 personnes ont perdu la vie,
dont 17 dans une maison de retraite de
l’État de Washington.
Mais, pour le moment, seuls les voya-
geurs en provenance d’Hubei, en
Chine, et de l’Iran sont invités à s’isoler
volontairement à leur retour au Ca-
nada. On demande aux personnes
ayant séjourné ailleurs en Chine conti-
nentale, en Corée du Sud, à Hong-
Kong, en Italie, au Japon ou à Singa-
pour, d’être attentifs à leurs symp-
tômes durant 14 jours et déviter les en-
droits publics.
Contactée par Le Devoir, lAgence de
la santé publique du Canada na pas in-
diqué si des mesures plus strictes pour-
raient prochainement être appliquées
aux voyageurs revenant d’un séjour
aux États-Unis.
Trump montré du doigt
Aux États-Unis, 30 États, ainsi que la
capitale fédérale, Washington, sont
désormais touchés. L’État de New
York, la Californie et lOregon ont dé-
crété «l’état durgence».
Devant laccélération du nombre de
malades, le président américain, Do-
nald Trump, s’est retrouvé sous le feu
des critiques, accusé d’avoir sous-es-
timé l’épidémie et mal géré la lutte
contre le virus.
Le milliardaire républicain a en effet
minimisé la dangerosité du coronavirus
à plusieurs reprises, assurant qu’il allait
disparaître en avril grâce à la hausse des
températures. Il a encouragé les per-
sonnes infectées à ne pas s’isoler, ce qui
entre en totale contradiction avec les
consignes oficielles de mise en quaran-
taine volontaire des autres pays.
M. Trump a aussi émis des doutes sur les
statistiques de l’OMS concernant le taux
de mortalité du virus.
Et c’est sans compter les ratés dans le
dépistage de la COVID-19. «Les cri-
tères pour faire un test de détection
étaient super restrictifs. Pas moyen
d’en faire à moins de venir de la région
à haut risque », explique la Dre Quach-
Thanh, qui suit de près l’évolution de
l’épidémie. Des contaminations com-
munautaires, c’est-à-dire d’une per-
sonne n’ayant ni voyagé dans les zones
à risques ni été en contact avec un au-
tre malade conirmé, sont ainsi pas-
sées sous le radar des autorités.
Pour le gouverneur démocrate de
l’État de New York, Andrew Cuomo, le
gouvernement Trump s’est retrouvé
«pris au dépourvu» et a «menotté» la
capacité d’action des États, en réservant
notamment au Centre de contrôle des
maladies (CDC) dAtlanta l’habilitation
à analyser les kits de dépistage au début
de l’épidémie.
Mais Donald Trump se défend:
«Nous avons un plan parfaitement
coordonné et bien préparé à la Maison-
Blanche», a-t-il écrit dimanche sur
Twitter.
Ainsi, plus de 4 millions de kits de-
vraient être disponibles d’ici la in de
semaine prochaine, en prévision d’une
augmentation des personnes infec-
tées. Et l’un des responsables de la cel-
lule antivirus à la Maison-Blanche, An-
thony Fauci, na pas exclu d’éven-
tuelles mises sous quarantaine de
grandes zones peuplées ou de villes en-
tières, comme en Italie.
Les autorités californiennes ont égale-
ment indiqué dimanche que les passa-
gers du navire de croisière Grand Prin-
cess, où 21 cas de coronavirus ont été dé-
tectés, seraient placés en quarantaine ou
admis dans des hôpitaux après leur dé-
barquement lundi à Oakland.
Le bateau transporte 3500 passagers,
dont des centaines de touristes étran-
gers qui devront être rapatriés. Parmi
eux, 237 Canadiens prendront lavion
jusqu’à la base aérienne de Trenton, en
Ontario, où ils seront évalués avant
d’être placés en quarantaine pendant
14 jours. «Les passagers feront l’objet
d’un dépistage des symptômes avant de
monter à bord de l’avion. S’ils présen-
tent des symptômes, ils ne seront pas
autorisés à monter à bord et feront plu-
tôt l’objet d’une évaluation plus appro-
fondie pour déterminer les prochaines
étapes », ont indiqué les autorités cana-
diennes dimanche.
Le même jour, l’Alberta a annoncé son
premier cas de coronavirus, à Edmon-
ton. L’homme dans la quarantaine reve-
nait d’un séjour dans plusieurs États
américains et aurait été contaminé par
un compagnon de voyage sur le bateau
de croisière Grand Princess, croient les
autorités. Ce compagnon est un des cas
conirmés en Colombie-Britannique.
Trois autres cas probables attendent
aussi une conirmation en Alberta.
En Ontario, on compte trois nouveaux
cas positifs, ce qui fait grimper le bilan à
31 malades dans la province. Il sagit
d’une femme revenue du Colorado.
Dans le monde
Ailleurs dans le monde, le nombre de
cas d’infections augmente rapidement.
On compte désormais 109 000 per-
sonnes contaminées à travers 99 na-
tions. Le nombre de morts s’élève quant
à lui à près de 3800.
L’Italie se classe maintenant
deuxième pays le plus touché après la
Chine. Dans les dernières 24 heures,
133 décès ont été enregistrés, ce qui
porte le bilan à 366 morts et 7375 cas.
Rome a décidé de mettre en quaran-
taine un quart de sa population
jusqu’au 3 avril, principalement au
nord du pays. Plus de 15 millions d’Ita-
liens voient leurs déplacements stricte-
ment limités. Les frontières restent
toutefois ouvertes avec les pays voisins.
Ces derniers ont aussi vu une aug-
mentation du nombre de malades ces
derniers jours. LAllemagne compte
847 contaminations, soit 10 fois plus
qu’une semaine auparavant. En France,
le bilan est de 16 morts et de 949 ma-
lades. Le ministre de la Santé français a
annoncé dimanche soir que les rassem-
blements de plus de mille personnes
seront dès lors interdits.
En Afrique, un premier décès lié au co-
ronavirus a été annoncé dimanche, en
Égypte. Il s’agit d’un Allemand de
60 ans.
LArabie saoudite a annoncé le bou-
clage «temporaire» de la région de
Qatif dans lest, où ont été enregistrés
11 nouveaux cas de coronavirus.
L’Iran a annoncé 49 nouveaux décès,
soit la plus forte hausse quotidienne de-
puis les premiers cas au pays, portant à
194 le total des morts sur 6566 cas.
En Chine, 27 nouveaux décès et
44 nouveaux cas ont été enregistrés di-
manche, portant le total des morts à
3097 avec au moins 80 695 personnes
contaminées.
En Corée du Sud, le bilan s’élève à
50 morts pour 7313 cas, dont 272 nou-
veaux dimanche, le plus petit nombre
de nouvelles contaminations en plus
d’une semaine.
Et à Moscou, quiconque ne respecterait
pas les mesures de quarantaine risque
désormais jusqu’à cinq ans de prison.
Avec Marie-Eve Cousineau, l’Agence
France-Presse et La Presse canadienne
ACTUALITÉS
A 3
LEDEVOIR // LE LUNDI 9 MARS 2020
Les vieilles idées
Après sa déconiture électorale en 1976, Ro-
bert Bourassa veillait à se faire oublier
pour espérer redevenir premier ministre
un jour. Alors que, contre toute attente, il
parvenait à revenir aux affaires, celles de
l’ancien cycliste Louis Garneau débu-
taient à peine. Recyclé en champion du tissu extensible,
l’ancien athlète olympique avait offert au premier minis-
tre un maillot de bain. C’était un petit maillot, genre
Speedo, floqué d’une feuille d’érable, symbole qui parais-
sait d’emblée plus approprié que la fleur de lys ou la feuille
de vigne. Une photographie avait circulé de cette délicate
offrande faite au pouvoir.
Bourassa avait la réputation de commencer ses journées
en s’imposant la discipline d’un entraînement de natation.
Son apparente insubmersibilité en politique tenait-elle à la
pratique de ce rituel quotidien? Sa politique, en tout cas, glo-
balement attentiste, semblait toujours flirter avec la noyade
du laisser-faire. L’irrésolution, chez lui, devenue un trait fort
de l’exercice de son pouvoir, était perçue par ses admira-
teurs comme le fait d’un in stratège, tout comme sa capa-
cité à ne jamais répondre aux questions était confondue,
aux yeux des mêmes, avec lexpression d’un sens original de
la persuasion. Je suppose que Louis Garneau, jeune homme
d’affaires, loin encore de l’horizon de la faillite qui sest des-
sinée devant lui ces jours-ci, aurait aimé pouvoir flotter
presque indéiniment comme lui sur toutes les eaux.
C’est sous ce curieux exercice du pouvoir par Bourassa que
Mario Dumont avait commencé à se mouiller en politique
provinciale, avant de préférer prendre plutôt pour guide
Jean Allaire, puis de lancer lAD, l’ancêtre direct de la CAQ
de François Legault. Dumont a continué de prêcher du côté
des médias de Québecor, lesquels servent désormais de
caisse de résonance à ses propos.
Spécialiste des phrases cinglantes, Mario Dumont a sou-
tenu, ces derniers jours, que les insurgés de la barricade le-
vée par la police à Saint-Lambert avaient laissé derrière
eux des « vidanges», le fait le plus éclatant disait-il de ces
«petits crottés». C’est bien le qualificatif qu’il a employé:
«petits crottés». De la part de quelqu’un qui ne sest ja-
mais montré spécialement empressé à défendre des me-
sures environnementales, il y a bien là quelque chose de
loufoque. Pareille giclée de paroles en lair fait un peu son-
ger à la manière de Donald Trump, qui jugeait bon par
exemple d’accuser Bill Clinton de prédations sexuelles,
quitte à oublier, ce faisant, sa propre grossièreté pourtant
autrement mieux documentée.
Et voici que le même Mario Dumont, comme d’autres de son
clan, sest mis à clamer ces jours derniers que Bernie Sanders
constitue en quelque sorte un danger public pour l’Amérique.
Pour quel motif? Parce que Sanders serait «un vieux politi-
cien avec de vieilles idées», dit Dumont. Des idées qui rap-
pellent, selon ses propos, l’époque des «pantalons pattes
d’éléphant», c’est-à-dire les décennies 1960-1970, lépoque
forte de la social-démocratie qu’il réduit ainsi à un style vesti-
mentaire «passé date». L’habit politique dans lequel Du-
mont se vêt quant à lui date de la décennie suivante, avec
Margaret Thatcher et larrivée de Ronald Reagan. Dumont a
souvent répété admirer létoffe de la «dame de fer », même
si, dans les faits, ses idées peuvent aussi faire penser à celles
d’un Camil Samson qui ne chuinte pas.
Au cours de sa carrière politique, Dumont a constamment
plaidé en faveur de la privatisation du système de santé, un
modèle qui s’est enraciné aux États-Unis avec les résultats
que l’on sait : inégalités profondes, multiplication des lais-
sés-pour-compte, appauvrissement des plus pauvres. Il y a
quelque chose du duplessisme dans cette approche. Duples-
sis répétait que la meilleure assurance contre la maladie
était la santé. Il réduisait ainsi tous les maux collectifs à des
questions de responsabilité individuelle, comme le font ses
héritiers baignés d’une sauce Thatcher. Voici précisément le
type de raisonnements déshonorants contre lesquels se bat
Bernie Sanders depuis cinquante ans.
Quand on y regarde bien, le programme en matière de
santé de Sanders n’est guère différent de celui qui a conduit
à l’assurance maladie instaurée par Robert Bourassa, au
nom des effets positifs globaux de pareilles mesures «socia-
listes». Nous partions de loin en matière de santé, comme
ne cessait de le rappeler René Lévesque. Sommes-nous
prêts à y retourner, au nom du simple plaisir de jeter aux vi-
danges de «vieilles idées»?
Mais quest-ce que peut bien vouloir dire, d’ailleurs, ce
qualiicatif de «vieilles idées»?
Quand les États-Unis toussent, dit-on, le Canada attrape
le rhume. Et on voit désormais que, lorsque quelques es-
prits aux États-Unis promettent des conditions de santé
meilleures au gros de leur population, quelques individus
d’ici, habités de l’esprit de Reagan, se mettent à faire de la
ièvre et à dénoncer le «socialisme », comme s’il sagissait
de refonder l’URSS, alors quil nest question que de justice
et déquité pour tous.
À Gatineau, la conseillère municipale Nathalie Lemieux
est pressentie comme candidate à la mairie de la quatrième
ville en importance du Québec. Elle continue, sans faillir, de
refuser d’admettre que la Terre est ronde. C’est une vieille
idée que d’afirmer quelle l’est. «Dans la vie, dit-elle, tout
est une question de croyances.» Et d’ajouter: «On croit cer-
taines choses parce qu’un jour on la entendu.» Qui donc a-
t-on trop écouté, pourrait-on se demander, pour inir par se
persuader, contre la raison même, que la Terre est plate ou
qu’une population laissée à elle-même en matière de santé
constitue une avancée?
JEAN- FRANÇOIS
NADEAU
Une cinquantaine de personnes ont protesté dimanche devant le siège social de MindGeek, l’entreprise à qui appartient Pornhub.
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR
ANNABELLE CAILLOU
LE DEVOIR
Des dizaines de manifestants ont ré-
clamé la fermeture du plus grand site
pornographique au monde Pornhub à
l’occasion de la Journée internationale
des femmes à Montréal, dimanche. Ils
accusent son propriétaire, MindGeek,
d’encourager lexploitation sexuelle
des femmes et des adolescentes.
« Pornhub, plateforme du viol »,
«MindGeek, traiquants». Munis de
leurs pancartes, les manifestants se
sont donné rendez-vous vers 13h di-
manche dans larrondissement de
Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-
Grâce, juste devant le siège social mon-
dial de MindGeek, lentreprise à qui
appartient Pornhub.
«Fermez-le, fermez-le! » «Honte à
vous», ont crié à tue-tête les partici-
pants, majoritairement anglophones,
encouragés par le klaxon des voitures
passant sur le boulevard Décarie.
Rappelons que Pornhub est sous le
feu des critiques depuis plusieurs
mois. Plusieurs femmes, victimes de
pornographie rancunière — dite «re-
venge porn » —, ont dénoncé la publi-
cation de vidéos les mettant en scène
sur le site Internet et critiqué le fait
que MindGeek nait jamais demandé
leur consentement avant daccepter le
contenu sur sa plateforme.
Plus récemment, un article de la BBC
a révélé quune vidéo du viol d’une ado-
lescente se serait également retrouvée
sur le site pour adultes.
Une pétition a été mise en ligne dans
la foulée pour réclamer la fermeture
du site Internet. En date de dimanche,
elle avait déjà récolté plus de 384 000
signatures.
Exploitation sexuelle
Pour Megan Walker, directrice géné-
rale du London Abused Womens Shel-
ter en Ontario et organisatrice du ras-
semblement à Montréal, Pornhub en-
courage la pornographie infantile et
vient même banaliser les violences
faites aux femmes, dans le but de gé-
nérer des profits.
«[Cette situation] mène à de nom-
breux cas d’exploitation sexuelle, de
traic, de torture et de décès chaque an-
née. Doit-on rappeler que l’exploita-
tion et le traic sexuels sont illégaux ?»
a-t-elle dénoncé devant des manifes-
tants gonflés à bloc.
« Il est scandaleux que Pornhub ait
partagé des vidéos à caractère sexuel
impliquant des filles d’âge mineur »,
a renchéri la sénatrice indépendante
Julie Miville-Dechêne, qui était pré-
sente au rassemblement. La sénatrice
est membre du Groupe parlementaire
multipartite pour combattre l’esclavage
moderne et la traite des personnes.
Si elle ne cherche pas à faire fermer
Pornhub, elle presse MindGeek de trou-
ver des solutions pour mieux sécuriser
son site et prévenir la mise en ligne de
pornographie juvénile.
« À l’ère du mouvement #MoiAussi,
l’obtention du consentement de
chaque participant est essentiele, a
poursuivi Mme Miville-Dechêne. Même
si ça prend du temps et que c’est plus
compliqué, c’est la responsabilité de
MindGeek.»
Elle s’est dite prête à examiner avec
d’autres parlementaires les lois qui
existent présentement pour essayer
de mettre « une fin à cette réalité
troublante ».
De son côté, Megan Walker presse di-
rectement le gouvernement canadien
d’agir pour changer la situation.
«Il n’y aura pas d’égalité des genres,
tant que les violences sexuelles seront
considérées comme normales», a-t-
elle ajouté.
Pornhub est le site pour adultes le
plus visité dans le monde et fonde son
succès sur le libre accès des internautes
à son contenu. Chaque année, 6 mil-
lions de vidéos sont mises en ligne et
génèrent plus de 42 milliards de vision-
nements. Pornhub est souvent quali
de «YouTube de la pornographie».
Pornhub doit fermer,
scandent des manifestants
Le « YouTube du porno » encourage la pornographie juvénile, selon eux
Quand on y regarde bien, le programme
en matière de santé de Sanders n’est guère
différent de celui qui a conduit à lassurance
maladie instauréepar Robert Bourassa,
au nom des effets positifs globaux de pareilles
mesures « socialistes »
ROXANNE OCAMPO
LA PRESSE CANADIENNE
Les 10 000 responsables de services
de garde en milieu familial qui sont
syndiquées auprès de la CSQ se sont
prononcées dimanche en faveur d’une
grève générale illimitée partout à tra-
vers la province.
La Fédération des intervenantes en
petite enfance du Québec (FIPE), af-
iliée à la Centrale des syndicats du
Québec (CS), rapporte que ses mem-
bres ont appuyé dans une proportion
de 97,5% le déclenchement de cette
vaste grève à compter du 1er avril.
Quelque 60 000 familles seraient
touchées par ses moyens de pression,
qui comprennent déjà des ouvertures
tardives des services de garde les ven-
dredis. Et les parents ont raison de dé-
plorer qu’ils font les frais des négocia-
tions pour le renouvellement de leur
convention collective, reconnaît la
présidente de la FIPEQCS, Valérie
Grenon.
«Pour tous les parents qui se sentent
pris en otage, on est sincèrement déso-
lées. S’ils ont à être fâchés, celui qui les
prend en otage, c’est le ministre de la
Famille, Mathieu Lacombe», a-t-elle
lancé en entrevue téléphonique avec
La Presse canadienne.
Le cabinet du ministre Lacombe a
pris acte des résultats du vote en se
désolant du «casse-tête supplémen-
taire» pour les parents. «Toutefois,
nous ne négocierons pas sur la place
publique », a-t-on écrit.
Salaire minimum
La rémunération constitue le principal
point en litige dans les discussions en-
tre la FIPEQ et le ministère de la Fa-
mille. Les responsables de services
éducatifs ne sont pas rémunérées à
l’heure; elles touchent plutôt une sub-
vention du ministère pour offrir le ser-
vice à leur domicile. Elles ont fait esti-
mer leur rémunération à partir du mon-
tant de la subvention et leurs heures de
travail et autres dépenses.
La FIPEQ en conclut quelles tou-
chent 12,42 $ l’heure et revendique
l’équivalent d’un salaire horaire de
16,75 $ — ce qui correspond au premier
échelon pour une éducatrice non qua-
liiée en centre de la petite enfance
(CPE). Selon ses calculs, la plus récente
offre gouvernementale revenait plutôt
à 12,48$ l’heure.
Quant au ministère, il ne diffuse pas
ses propres chiffres.
Le syndicat assure qu’il veut en venir
à une entente d’ici la in du mois pour
éviter le débrayage. «S’il faut être en
négociation tous les jours, le soir, la in
de semaine, on va lêtre», soutient Va-
lérie Grenon, en précisant que des né-
gociations intensives sont prévues les
27, 28 et 29 mars.
Les travailleuses étaient réunies en
assemblée générale dans une quin-
zaine de points de rencontre à travers
le Québec, en cette Journée internatio-
nale des femmes. La FIPEQ tenait à
marquer le coup, tandis que 99 % de
ses membres sont des femmes.
MILIEU FAMILIAL
Les éducatrices optent
pour une grève illimitée
La grève sera déclenchée
le 1er avril prochain.
Quelque 60 000 familles
devraient être touchées par
ces moyens de pression.
LEDEVOIR // LE LUNDI 9 MARS 2020
ACTUALITÉS
A 4
Le coronavirus cause une infection respiratoire
(COVID-19) pouvant comporter les symptômes
suivants :
FIÈVRE • TOUX • DIFFICULTÉS RESPIRATOIRES
Si la maladie à coronavirus COVID-19
vous inquiète ou si vous pensez l’avoir contractée,
informez-vous :
Qué
b
ec.ca
/
coronavirus
Sans frais : 1 877 644-4545
FIÈVRE • TOUX • DIFFICULTÉS RESPIRATOIRES
Les femmes peu
attirées par le secteur
manufacturier
La sous-représentation des
femmes dans le secteur manu-
facturier est un problème «en-
core plus aigu» en raison de la
rareté de main-d’œuvre, selon le
ministre québécois du Travail,
Jean Boulet. Celui-ci a annoncé
dimanche un soutien inancier
de près de 714 000$ pour un
projet de recherche sur leur in-
clusion. Mené de concert avec
Manufacturiers et exportateurs
Québec (ME), il doit s’échelon-
ner sur deux ans. Un volet consis-
tera à tester diverses approches
auprès dentreprises en Montéré-
gie, en Estrie et dans le Centre-
du-Québec, avec pour objectif de
développer de bonnes pratiques
pouvant être étendues à l’ensem-
ble des employeurs. Selon les sta-
tistiques de ME, seulement
28 % des emplois du milieu
étaient occupés par des femmes
en 2017 au Canada.
La Presse canadienne
Ottawa veut interdire la
thérapie de conversion
Le gouvernement fédéral présen-
tera lundi son projet de loi visant à
interdire la thérapie de conversion
au pays, qui vise à modiier l’orien-
tation sexuelle ou l’identité de
genre dune personne. Le dossier
sera piloté par le ministre de la Jus-
tice, David Lametti, et la ministre
de la Diversité, Bardish Chagger.
Dans la lettre de mandat que le
premier ministre Justin Trudeau
leur a remise au moment de leur
nomination après les élections
d’octobre, les deux ministres
avaient reçu la mission de présen-
ter un projet de loi en vue de modi-
ier le Code criminel de façon à in-
terdire les thérapies de conversion
et travailler de concert avec les
provinces et les territoires.
La Presse canadienne
EN BREF
PATRICE BERGERON
LA PRESSE CANADIENNE
PARTI QUÉBÉCOIS
Laile jeunesse sélève contre
les écoles privées subventionnées
Après un vif débat, les jeunes péquistes,
réunis en congrès à Montréal, ont ré-
clamé dimanche la in du inancement
public des écoles privées, en plus de ré-
clamer la gratuité scolaire pour chaque
individu.
« Les contribuables ne devraient pas
payer pour les choix des bourgeois», a
lancé une jeune péquiste avant dêtre
applaudie par une partie de la salle.
«Si on coupe le financement, ça va
être encore plus élitiste », a de son
côté fait valoir un des militants oppo-
sés à cette position.
«Des parents qui font des sacriices
ne pourront plus payer lécole privée à
leurs enfants. Ça va inonder les écoles
publiques [en raison de lafflux de nou-
veaux élèves]», a-t-il ajouté.
Au Québec, les écoles privées sont
financées à hauteur de 40 % par
l’État. Ainsi, une enveloppe de plus
de 500 millions de dollars est distri-
buée chaque année dans les établisse-
ments privés.
Le sujet revient périodiquement en
raison des problèmes de sous-inance-
ment des écoles publiques, mais il de-
meure un tabou chez une grande partie
de la classe politique: il y a des écoles
privées dans un très grand nombre de
circonscriptions et de nombreux élec-
teurs pour les défendre.
Un des candidats à la course à la di-
rection du P, Sylvain Gaudreault, a
accueilli avec prudence la prise de po-
sition des jeunes péquistes. Il a dit être
ouvert et prêt à étudier cette proposi-
tion, sans nécessairement l’endosser
tout de suite. «Éviter la ségrégation,
moi, je pense que c’est ça, le principe »,
a-t-il dit en mêlée de presse, au terme
du congrès.
Dans un rapport volumineux, le
Conseil supérieur de l’éducation avait
Au Québec, les entraîneurs commen-
cent à enseigner le jeu de tête à l’âge de
12 ans, avec un ballon mousse. Les plus
jeunes, eux, font des exercices déve-
loppant les muscles du cou. Un «prin-
cipe de précaution raisonnable», juge
Stéphane Ledoux, qui fait partie d’un
comité médical de Soccer Québec.
«Dans le plan de développement du
joueur, on considère qu’il y a sufisam-
ment de gestes techniques à apprendre
avant 12 ans et qu’on na pas besoin
d’introduire la tête», explique-t-il.
Le neurologue ajoute que la «litté-
rature scientifique demeure silen-
cieuse » au sujet de l’effet à long
terme des coups à la tête sur le cer-
veau des jeunes. «Il n’y a aucune évi-
dence que la politique [d’interdiction
des têtes aux moins de 11 ans] aux
États-Unis a engendré moins de com-
motions cérébrales ou de dommages
éventuels au cerveau depuis 2015 »,
dit Stéphane Ledoux.
Des parents préoccupés
Dans les gradins, certains parents sont
néanmoins préoccupés par l’effet des
coups à la tête sur le cerveau de leurs
enfants. Avant chaque match, Marc-
André McDuff met dailleurs son ils de
12 ans en garde contre les risques liés
aux commotions cérébrales. Il rappelle
à Elliot l’importance de frapper le bal-
lon avec le milieu du front, la bonne
technique à utiliser.
Elliot reçoit des ateliers sur les jeux
de tête depuis cette année. Mais il tente
d’en faire depuis l’âge de 9 ans, selon
son père. « Quand je vois qu’il réussit à
en faire une dans une partie, puis que
ça fonctionne bien, je m’assure [quand
même] après le match de lui demander
ça va, tu nas pas détourdissements
ou quoi que ce soit?”, explique Marc-
André McDuff. Pour moi, sa tête, c’est
vraiment important.»
Elliot joue au niveau compétitif dans
une ligue de soccer de Rosemont. Il na
jamais eu de commotion cérébrale.
Pour lui, marquer un but avec la tête
demeure la consécration. «Tes coéqui-
piers viennent plus vite vers toi, puis sont
encore plus contents», raconte-t-il.
Pour une interdiction complète
Le jeu de tête a beau procurer un senti-
ment d’ivresse, il peut aussi endomma-
ger le cerveau, signale Dave Ellemberg,
professeur titulaire à l’École de kinésio-
logie et des sciences de l’activité phy-
sique de l’Université de Montréal.
« Les études indiquent que quand
on fait plus de 300 impacts ou coups
à la tête par année, c’est là qu’on
commence à voir des changements,
que cela affecte les fonctions cogni-
tives de façon significative», dit Dave
Ellemberg.
Dans une étude publiée en 2017, son
laboratoire a démontré que des athlètes
de haut niveau dans la vingtaine, qui
font des têtes au soccer, mais qui nont
jamais été victimes de commotion cé-
rébrale, ont «des capacités cognitives
presque aussi affaiblies que ceux qui en
ont eu», indique-t-il.
C’est ce qui fait dire à Dave Ellem-
berg qu’il faut «éliminer les têtes com-
plètement» des entraînements et des
matchs des moins de 20 ans qui jouent
dans des ligues récréatives.
Les joueurs «qui ont le désir et le ta-
lent d’un jour jouer pour des équipes
universitaires ou professionnelles »
pourraient continuer de recourir à leur
tête, à condition qu’ils soient «hyper
encadrés», pense-t-il.
Dave Ellemberg rappelle qu’à l’adoles-
cence et jusqu’à l’âge d’environ 20 ans, le
cerveau connaît une «poussée de crois-
sance», ce qui le rend plus fragile que
durant lenfance. «Les conséquences
des coups à la tête sont donc plus
graves quand on les a entre 13 et 20 ans,
que quand on les a avant 13 ans »,
précise-t-il.
Soccer Québec dit modiier chaque
année ses recommandations en fonc-
tion des dernières études publiées. Ain
d’amasser davantage de données, son
comité médical vient d’ailleurs de re-
commander la mise en place d’un regis-
tre des commotions cérébrales soup-
çonnées au niveau 3A. Il pourrait être
en vigueur dès la saison 2021.
TÊTES
SUITE DE LA PAGE A 1
Les fonctions cognitives
possiblement touchées
Des parents
qui font des
sacrifices
ne pourront
plus payer
l’école
privée
à leurs
enfants. Ça
va inonder
les écoles
publiques
UN JEUNE PÉQUISTE
»
Référendum ou pas ?
Les aspirants à la direction du
PQ ont pris part samedi au ras-
semblement des membres de
l’aile jeunesse péquiste. Tous
ont pris l’engagement de tenir
un référendum s’ils prennent le
pouvoir en 2022, à l’exception de
Frédéric Bastien. Celui-ci a ac-
cusé ses adversaires de conduire
le parti à sa perte en promettant
un référendum sur l’indépen-
dance dans un éventuel premier
mandat. «Pour gagner, on a be-
soin de votes qu’on va reconqué-
rir dans le 450 (la couronne de
Montréal), à Québec, en ré-
gion», a-t-il évoqué. Il estime
que le PQ doit plutôt se présen-
ter comme le meilleur défen-
seur de la Loi sur la laïcité. À
l’opposé, l’humoriste Guy Nan-
tel, qui s’adressait pour la pre-
mière fois à des militants pé-
quistes depuis l’annonce de sa
candidature, sest engagé à or-
ganiser un référendum dans une
première moitié dun éventuel
mandat s’il devient premier mi-
nistre. Paul St-Pierre Plamon-
don a, quant à lui, rappelé qu’il
avait été le premier à prendre
l’engagement de tenir un réfé-
rendum dans un premier man-
dat, même si la proposition avait
été mal reçue au début. «Je ne
peux pas vous dire en quelle an-
née va avoir lieu le troisième ré-
férendum, mais je peux vous
dire qu’il va avoir lieu, a-t-il
lancé. Actuellement, outre
MM. St-Pierre Plamondon, Nan-
tel et Bastien, le député Sylvain
Gaudreault et l’homme daf-
faires Laurent Vézina sont sur
les rangs.
déjà souligné que l’école québécoise
était déjà la plus inégalitaire au pays.
Les membres de l’aile jeunesse pé-
quiste se sont en outre prononcés sur
d’autres enjeux pendant le week-end.
Immigration Ils ont adopté une pro-
position pour dépolitiser la question du
nombre d’immigrants admis annuelle-
ment, en fonction de critères, mais
également pour favoriser l’immigra-
tion francophone et l’immigration en
région. Un des militants a aussi plaidé
pour une meilleure connaissance de
l’histoire et de la politique québécoise.
Samuel Loranger a fait un lien entre
l’intégration plus ou moins bien réussie
des nouveaux arrivants et leur allé-
geance politique.
«Ce nest pas normal que des cir-
conscriptions votent à 90% en faveur
du Parti libéral du Québec ; il y a un
réel problème à ce niveau. »
Cégeps Laile jeunesse a par ailleurs
adopté une proposition pour élargir la
loi 101 aux cégeps, soit rendre obliga-
toire la scolarisation collégiale en fran-
çais, sauf pour les jeunes dont un des
deux parents a été scolarisé en anglais
au Canada.
Semaine de 35 heures Samedi, les
militants ont voté en faveur de la modi-
ication de la Loi sur les normes du tra-
vail pour établir la semaine de travail à
35 heures.
Salaire minimum Les jeunes pé-
quistes ont en outre choisi de voter majo-
ritairement en faveur de létablissement
d’un taux horaire minimum de 15$.
Une monnaie québécoise Ils ont
également adopté une proposition pour
qu’une devise propre au Québec ait
cours une fois que l’indépendance sera
proclamée.
Drogues Les militants ont voté en fa-
veur dune décriminalisation de l’usage
de toutes les drogues, assortie de me-
sures de santé publique pour traiter les
problèmes de dépendance.
SOCIÉ
A 5
LEDEVOIR // LE LUNDI 9 MARS 2020
au tour de la irme d’ingénierie québé-
coise WSP Global d’en bénéicier. Dau-
tres annonces sont à prévoir.
En deux ans, le marché mondial pour
ce type de prêt a doublé. En 2018, il était
de 60 milliards de dollars américains,
avec entre 30 et 50 transactions. En 2019,
on a noté entre 50 et 100 transactions
hebdomadaires, pour un total de 120 mil-
liards de dollars américains. La plus ré-
cente annonce: le 24 février, BNP Pari-
bas a transformé son prêt de 550 millions
de dollars au transporteur JetBlue en prêt
à la durabilité (crédit à impact positif,
comme on le qualiie en France).
Le premier prêt à la durabilité a été ac-
cordé en 2017. Cette année-là, la Banque
ING et un groupe de 16 institutions i-
nancières ont accordé un prêt de 1,2 mil-
liard de dollars américains à la multina-
tionale hollandaise Philips. Il a été créé
pour pallier les limites des produits tels
que les obligations vertes, explique Jo-
nathan Hackett, chef de la inance du-
rable chez BMO. « C’est une demande
venue des entreprises qui cheminent
vers un modèle d’affaires plus durable,
mais qui étaient exclues des produits
issus de la première vague de la inance
durable», explique-t-il.
L’idée est astucieuse. Les institutions
financières prennent peu de risque,
puisque les prêts à la durabilité inan-
cent les activités habituelles des entre-
prises, et non des projets innovants. Et
les prêteurs en tirent des bénéfices
intéressants.
En juin 2019, BMO a annoncé quelle
allouerait 400 milliards de dollars ca-
nadiens à la inance durable d’ici 2025,
dont 150 milliards pour soutenir les en-
treprises qui visent le DD. En accordant
des prêts à la durabilité, les institu-
tions inancières font d’une pierre deux
coups, puisqu’elles atteignent aussi
leurs propres objectifs de DD. On s’en
doute, dautres institutions inancières
spectre des cibles. Celles-ci ne sont
pas seulement environnementales,
elles peuvent être sociales ou liées à la
gouvernance. Car une économie du-
rable ne se limite pas à une économie
verte.
Ainsi, pour bénéicier d’une baisse de
taux, WSP doit atteindre trois cibles,
dont accroître la proportion de postes
de direction occupés par des femmes.
Prada, qui s’est vu accorder un prêt à la
durabilité de 73,5 milliards de dollars
canadiens en 2019, sest engagée, entre
autres, à accroître le nombre d’heures
de formation de ses employés.
Ces prêts valent autant, ou aussi peu,
que les contrats qui les encadrent, sou-
ligne l’avocat Fabien Lanteri-Massa, as-
socié au cabinet Blake, Cassels &Gray-
don. « Pour éviter l’écoblanchiment
et le socioblanchiment, deux associa-
tions de documentation juridique
composées de prêteurs et demprun-
teurs (LMA et LSTA) ont établi des
principes encadrant les documents de
prêts à la durabilité.»
Le prêt doit être lié à la stratégie de
DD de lentreprise. « Si un client solli-
cite ce prêt mais qu’il na pas de straté-
gie de DD, nous allons l’inciter à pren-
dre du recul pour évaluer les enjeux
sociaux et environnementaux aux-
quels font face son entreprise et son
secteur, et ce qu’il désire améliorer,
dit Jonathan Hackett, de BMO. Sinon,
ce type de prêt na pas de sens. »Le
contrat de prêt à la durabilité prévoit
aussi des cibles spéciiques et ambi-
tieuses, une transparence et une reddi-
tion de comptes ainsi qu’un examen
par une tierce partie indépendante, qui
s’assure que le calcul est bon et que les
objectifs sont atteints.
Deuxième chance
On a parlé du rabais de taux dont bé-
néficient les emprunteurs qui attei-
gnent les cibles environnementales
ou sociales auxquelles ils s’étaient en-
gagés. Mais il y a plus, et c’est là une au-
tre force de cet outil: certains contrats
prévoient une pénalité, hausse de taux,
si l’entreprise natteint pas ses cibles.
Le bon vieux principe de la carotte et
du bâton.
Toutefois, on a rafiné l’idée en ajou-
tant la notion de seconde chance. «Si
les institutions inancières sont vrai-
ment sérieuses lorsqu’elles afirment
vouloir contribuer au DD collectif à
travers ce produit, alors les sommes is-
sues de la hausse de taux ne devraient
pas leur être retournées, explique l’avo-
cat Fabien Lanteri-Massa. C’est pour-
quoi on évoque de plus en plus l’idée de
verser cette pénalité dans un fonds que
l’entreprise doit utiliser pour corriger
ce qu’elle na pas atteint la première
fois. Alors, le prêt à la durabilité remplit
vraiment son objectif: il incite les orga-
nisations à adopter des pratiques liées
au DD. »
On s’attend à ce que la demande pour
de tels prêts augmente au cours des
prochains mois. Par exemple, mainte-
nant qu’Aliments Maple Leaf a ouvert
la voie, il ne serait pas étonnant que Sa-
puto sollicite un prêt à la durabilité au-
près de son institution inancière. Rap-
pelons qu’à la dernière assemblée an-
nuelle, des actionnaires l’ont pressé
d’établir des cibles de réduction de son
gaspillage alimentaire. Ce serait un
bon point de départ pour un prêt à la
durabilité.
JOURNALISME DE SOLUTIONS
Avoir intérêt à voir loin
En deux ans, le marché mondial des prêts à la durabilité a doub
DIANE BÉRARD
COLLABORATRICE
LE DEVOIR
l devient évident qu’au-
cune transition ne sera
possible si tous les sec-
teurs dactivité ne sont pas
mis à contribution. Or,
comment inciter toutes les
entreprises à adopter des comporte-
ments en accord avec le développement
durable?
Et si on leur promettait un rabais de
taux d’intérêt sur leur inancement?
C’est le concept sur lequel repose un
produit qui vient de faire son appari-
tion au Canada: le prêt à la durabilité.
Le principe est vraiment simple : ce
prêt est une facilité de crédit que l’en-
treprise peut utiliser pour inancer ses
activités habituelles.
Cela na rien à voir avec une obliga-
tion verte, dont le montant doit être
consacré à un projet étiqueté vert. Tou-
tefois, pour être admissible à un prêt à
la durabilité, lentreprise doit démon-
trer quelle a une véritable stratégie de
développement durable (DD) liée à sa
stratégie d’entreprise. Et que sa straté-
gie de DD est assortie d’objectifs précis
et ambitieux. Réduire sa consomma-
tion d’eau ou d’énergie de X%, par
exemple.
Lentreprise et le prêteur sentendent
sur quelques objectifs tirés de cette stra-
tégie, adossés à des cibles précises et à
un horizon de réalisation. Et ils incluent
ces objectifs dans le contrat de prêt. Si
les cibles sont atteintes, l’emprunteur
obtient une réduction de taux.
Le 11 décembre dernier, les Aliments
Maple Leaf est devenue la première en-
treprise canadienne à obtenir ce type
de prêt. En janvier 2020, lontarienne
Brookield Renewable Partners en a ob-
tenu un elle aussi. Et, en février, ce fut
I
ALESS MC
Le prêt à la durabilité,
cest une demande venue
des entreprises
qui cheminent vers un
modèle d’affaires plus
durable, mais qui étaient
exclues des produits issus
de la première vague
de la finance durable
JONATHAN HACKETT
»
canadiennes sont en train de s’organi-
ser pour offrir de tels prêts sous peu.
Les avantages
Qu’en est-il de l’eficacité de ces prêts?
Contribuent-ils à migrer vers une
économie plus durable? Leur attrait
réside, entre autres choses dans le
1 / 20 100%

Journal LE DEVOIR du Lundi 9 Mars 2020

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