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Août 1786 Edit royal réglementant l’université de Caen. – 2 – 1432. la fondation anglaise Le co n t ext e : La Normandie est un enjeu décisif dans la guerre de Cent Ans, enchevêtrement de conflits complexes qui opposent Anglais et Français depuis 1337. Épargné durant plus de 35 ans (1378-1415), le duché est à nouveau un champ de bataille quand Henry V (1413-1422) entreprend de « reconquérir son héritage ». Après sa victoire à Azincourt (1415), il occupe d’abord la Normandie occidentale : la ville de Caen tombe en septembre 1417, sa résistance n’aura duré que 17 jours. En Haute Normandie, Rouen cède après 24 semaines de siège, en janvier 1419. La Normandie devient anglaise pour 32 ans, Mont Saint Michel excepté. Pour elle, la guerre est finie. Respectant les institutions normandes et les particularismes locaux, les Anglais garantissent l’indépendance du duché. Les ac t eurs : Henry VI (1421-1471) est le fils d’Henry V d’Angleterre et de Catherine de Valois, fille de Charles VI, roi de France. Il a 8 mois à la mort de son père. En 1422, à la mort de son grand- père maternel, il est considéré comme roi de France et d’Angleterre. Jean de Lancastre (1389-1435), duc de Bedford, est le frère d’Henry V mort en 1422. Choisi pour exercer la régence pendant la minorité de son neveu, le jeune Henry VI, il s’occupe essentiellement des affaires continentales en tant que régent de France. Il est le véritable fondateur de l’université de Caen. L a création : Le projet anglais de fondation d’une université en Normandie répond à la nécessité de former des cadres administratifs locaux. Mais les enjeux sont aussi politiques : il s’agit de disposer, à coté des États de Normandie ou de l’Échiquier, d’un instrument qui permette l’autonomie du duché, geste de propagande politique dirigé contre les Français, propre à satisfaire le particularisme normand. En 1432, Henry VI, âgé de 10 ans, émet des lettres patentes qui fondent à Caen, un studium generale, doté seulement des facultés de droit civil et de droit canon. En avril 1436, le roi achève la création de l’université de Caen en ajoutant la faculté de théologie et celle des arts. La faculté de médecine est vraisemblablement créée, elle aussi, à cette date. Le studium normand, comprenant alors les cinq facultés, est désormais complet. Institution d’Église, la fondation d’une université devait être confirmée par le pape qui lui accorde des privilèges ecclésiastiques : Eugène IV délivre la bulle de la fondation en 1437 et nomme l’évêque de Bayeux, chancelier de l’université. Les évêques de Coutances et de Lisieux en sont conservateurs des privilèges ecclésiastiques. 4 – 3 – Le choix de Caen Henry VI justifie dans la charte de fondation de l’université de Caen les raisons de son choix «… Ville idoine, pacifique et sûre, comportant de notables monastères, couvents de frères mendiants et autres églises , abondamment peuplée de gens calmes, obéissants et dévots, ayant un sol fertile aux ressources abondantes, située près de la mer la reliant au reste du monde et ainsi propice aux étudiants et aux marchands… ». Les motifs invoqués se retrouvent dans de très nombreuses chartes de fondation. En réalité, l’absence d’évêque et de clergé cathédral, sources de conflits potentiels, et l’éloignement des frontières du duché qui sont des zones de guerre, justifiaient sûrement aux yeux des Lancastre le choix de Caen. La ville de Guillaume était certainement regardée comme la plus sure des villes du duché. Il s’agissait aussi, sans doute, de compenser la perte de son rôle politique et administratif : c’est à Rouen que l’Échiquier avait été transféré et les Anglais y avaient installé une cour des Comptes et une cour des Aides. – 4 – 1452. La fondation française L e co n t e xt e : Charles VII (1403 -1461) est écarté du trône en 1420 par le traité de Troyes qui fait d’Henry V d’Angleterre ou de son fils, les successeurs de Charles VI. À la mort de ce dernier, en 1422, en pleine guerre opposant Armagnacs et Bourguignons alliés aux Anglais, la France a deux rois : Henri VI, proclamé roi à Paris et Charles VII «dauphin » qui prend le titre royal à Bourges où il a trouvé refuge. Grâce aux victoires de Jeanne d’Arc, il est sacré à Reims en 1429. La paix, signée en 1435 avec le duc de Bourgogne, lui permettra de reprendre Paris. Après la mort de Jeanne d’Arc en 1431, et surtout à partir de 1449, Charles VII, qui a su se doter d’une armée solide, reprend l’offensive en Normandie. En 1450, après 32 ans d’occupation anglaise, le duché est à nouveau français. Mais ce n’est qu’en 1453 que la guerre de Cent ans se termine. L a « r ec r é at i o n » : La Normandie redevenue française, la survie de l’université est loin d’être garantie. Le roi peut-il maintenir une institution fondée par l’ennemi ? Ce sont les Normands qui vont la défendre. Conservées provisoirement par le pouvoir royal, à l’exception du droit civil, les activités universitaires caennaises sont d’abord reconnues officiellement 5 par Nicolas V: la bulle Quoniam en 1451, confirme et précise les privilèges de l’université. Ce document, longtemps disparu, retrouvé chez un brocanteur de Tours, par André Corbeau sera solennellement remis au recteur Daure, le 13 décembre 1958, au cours d’une cérémonie présidée par le Nonce apostolique en France, Mgr. Marella. Les caennais, qui avaient boudé la création de l’université, supplient le roi de la conserver. Voulant ignorer l’initiative anglaise, Charles VII recrée par lettres patentes émises à Pommiers en Forez, le 30 octobre 1452, un nouveau studium generale. L’université de Caen, financée et voulue par les Normands, est fondée une seconde fois ! – 5 – Donation de la maison de la Cohue par Henry VI Un mandement adressé au bailli de Caen par Henry VI en 1440 évoque un bâtiment ou se tiennent déjà les cours de droit canon et de droit civil et ou se tiendront les cours de théologie et des arts, situé au long de la rue des escoles. Cette rue, rue des Cordeliers, actuelle rue Pasteur, est par décision royale en partie fermée par une chaîne durant les heures de cours, d’où le nom de « rue de la chaîne » qui lui est alors donné. Le roi donne satisfaction au recteur et maîtres de l’université qui se plaignaient. « … les gens tant à cheval comme à pié, avec charrioz et charettes (…) donnent souvent aux regents et lisans èsdites fazcultes et aux escoliers escoutans très grant ennuy et empeschement ». En 1443, des lettres patentes attestent de la donation par le roi, pour y installer les facultés de théologie, médecine et arts, de « l’autre porcion [la première ayant été attribuée aux Droits] de certaine maison située et assise en notre ville de Caen, en la rue des Cordeliers », partie ou se tenait la Cohue c’est-à-dire le tribunal de baillage. Comme les « grans noises et clameurs que les advocas, procureurs et populaires y font très souvent » gênaient les étudiants, le tribunal est alors délocalisé pour empêcher que « soient moult troublez et empeschiez les docteurs et maitres lisans en leurs lectures ». La reconstruction d’une « Neuve Cohue » se fera dans l’actuelle rue de Geôle. 6 – 6 – Le quartier latin caennais Marie de Clèves, mère de Louis XII, consent en 1477, à céder à l’université la maison de la rue des Cordeliers, appelée Grandes Écoles. Le quartier de l’université, Grandes Écoles et collèges, au sein du Bourg royal, sur les paroisses Saint Sauveur, Saint Étienne et Notre-Dame de Froide Rue, est au cœur de la ville, dans sa partie la plus peuplée, à proximité du marché. Artisans, commerçants, officiers de justice et universitaires s’y côtoient. Les métiers liés aux livres se concentrent rue Froide Rue. Cependant, les bâtiments de l’université sont rapidement devenus trop étroits et insalubres. En 1693, Pierre Deschamps, expert chargé d’évaluer les travaux à réaliser sur les bâtiments, écrit à propos de la salle des Arts « Il y a deux entrées : l’une ou il y a quatre marches à descendre… lesquelles marches sont entièrement ruinées par vétusté… Elle [est] très obscure et très vilaine, n’estant point pavée, oultre qu’elle est sy humide (…) que les bancs y pourissent de sorte que quand on y entre, on diroit que ce seroit plustost un cachot qu’une salle d’excercice…». L’escalier ressemble « à quelques vieux cabas abandonné plutost qu’un lieu sy frequanté et qui en partie ferait l’honneur de la ville de Caen ». – 7 – La reconstru ction des Grandes Écoles Nicolas Joseph Foucault (1643-1721), intendant de la généralité de Caen depuis 1689, décide la reconstruction des Grandes Écoles. Les travaux semblent terminés en 1704. Le bâtiment est connu par un dessin de façade, accompagné d’un plan géométral donnant la distribution des pièces et leur affectation : dans la partie centrale, les facultés de droit et de médecine ; dans le pavillon avant gauche, la faculté de théologie et dans celui de droite, la salle des arts ; à l’étage, la bibliothèque, bien démunie depuis que Nicolas Joseph Foucault, bibliophile averti, s’est fait offrir par l’université les plus beaux manuscrits de l’ancienne « librairie ». 7 – 8 – Les sceaux Outre le grand sceau, chaque faculté avait son propre sceau. Celui de la faculté des arts représente Sainte Catherine d’Alexandrie, patronne des étudiants, tenant un livre à la main avec la roue de son supplice sous laquelle se trouve un écu à deux léopards. Sur le contre sceau, deux personnages l’un lisant un livre sur un pupitre, l’autre plus petit montrant à l’élève un livre. – 9 – Le Recteur Depuis les premiers statuts de 1439 jusqu’à la loi « Faure » de 1968, l’université a été dirigée par un recteur. Il avait, au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, la garde des clefs de l’arche où étaient conservés les objets précieux : le sceau, la masse d’argent, le livre des statuts de la corporation, les actes pontificaux et royaux. Lors de son élection, on revêtait le nouvel élu de la barrette rouge et de la chape rayée avec capuchon de vair. Le rôle du recteur était de faire observer les statuts de l’université, de recevoir les serments et de contrôler les comptes. Il présidait les assemblées générales de l’université et il avait certains pouvoirs juridictionnels. Il était responsable de la bibliothèque qu’il devait visiter deux fois par an. Il devait aussi visiter les collèges. 355 recteurs se succédèrent de 1439 à 1791 à la tête de l’université de Caen. Beaucoup n’eurent qu’un rôle de représentation. Mais certains se distinguèrent et firent plusieurs mandats. – 10 – Les facultés L’organisation de l’enseignement était du ressort des facultés, subdivisions administratives du studium : les facultés de droit canon, de droit civil, de théologie et de médecine étaient des facultés supérieures ; celle des arts, une faculté préparatoire. Elles formaient à l’intérieur de l’université autant de corporations, jalouses de leur autonomie et souvent rivales. Elles avaient à leur tête un doyen chargé de faire respecter les statuts facultaires. 8 la facu lté des Arts : Les cours de la faculté des arts étaient dispensés dans les collèges caennais. Au xviiie siècle, subsistaient le collège des Arts, le collège du Bois et le collège du Mont tenu par les Jésuites de 1607 à 1763. Ils furent l’objet de plusieurs réformes, dont celle de 1586. Foyers de renaissance des « Belles Lettres », l’enseignement y resta longtemps fondé sur la culture classique. Au xviiie siècle, il s’ouvrit à l’histoire, à la géographie, au français et aux mathématiques. Les facultés de droit canon et de droit civil : Les deux facultés de droit étaient les plus anciennes, numériquement les plus importantes et les plus prestigieuses des facultés caennaises. Elles furent réunies en une seule faculté des droits en 1784. Le droit français fut enseigné à Caen à partir de 1681 et, à l’initiative du juriste Jean de Drosay, la coutume de Normandie fut l’objet d’études de cas dès le début du xvie siècle. L’université de Caen resta durant tout l’Ancien Régime une université de juristes. L a Faculté de médecine : Si ses effectifs globaux demeurèrent modestes, la faculté de médecine, au tournant du xviie siècle, attira un nombre important d’étudiants étrangers : Jacques de Cahaignes, recteur en 1575 qui joua un rôle essentiel dans la restauration de l’Université après les Guerres de religion, entretint des liens étroits avec des professeurs protestants de Leyde, facilitant les échanges entre l’université normande et l’université néerlandaise. Les cours de médecine reposaient, à l’université de Caen comme ailleurs, sur l’étude des auteurs anciens mais la faculté caennaise avait introduit de façon précoce un enseignement de la botanique : on herborisait à Caen depuis 1522 et les visitationes herborum conduisaient chaque année en grande pompe les étudiants, sous la houlette du doyen de la faculté, dans la campagne environnante. Caen était, à la veille de la Révolution, l’une des meilleures facultés de médecine de France. L a Facu lt é d e t h éo lo g i e : La faculté de théologie de l’université de Caen ne pouvait pas rivaliser avec celle de l’université de Paris. Elle contribua cependant à former des étudiants issus de milieux modestes et resta numériquement importante jusqu’à la Révolution. 9 – 11 – Les réjouissances estudiantines à Caen Les fêtes du 1 er ja nv i e r e t de s Ro is « … aucuns jeunes hommes et escolliers alloyent masquez par les rues et presentoient des petits escriteaux aux demoiselles, dames ou leurs filles, les uns un carreau d’or, bracelets, patenostres pour estrennes, le tout en peinture et se faisaient telles récréations aux jours des festes jusqu’aux octaves des Roys… On faisait des danses aux collèges qu’on appelait choreas là ou l’on jouait des farces et des comédies Et s’appelloyent telles danses qui avoyent cours par tout ce royaume, basses danses qui consistoyent en révérences simples, doubles reprinses, bransles. Puis à la fin l’on dansoit le tordion au lieu duquel est succédé le bal ou la gaillarde. Et se dansoient au tambourin et longue flute à trois trous et un rebec… » « la veille des Roys aucuns regents et escolliers jouoyent aux carrefours de la ville des farces dans des charrettes et sur des chevaux qui servoyent de semonces et invitations pour aller voir jouer le jour des Roys des moralitez et farces joyeuses auxdits collèges l’après diner » L e s g r a n ds p r è s , l i e u d e r ecr é atio n « Les habitants et jeunesse se promènent prennent plaisir à la saison du printemps et de l’esté, mesme les escoliers de l’université, les uns à sauter, lutter, courir , jouer aux barres nager en la rivière qui les enclost, tirer à l’arc et prendre toutes honnestes distractions comme aussy font demoiselles, dames et bourgeoises , à s’y estendre et secher leur beau linge duquel les dictes prairies sont aucunes fois si couvertes qu’elles semblent plustôt blanches que vertes (…) Le plus grand plaisir qui se tienne en telles assemblées , c’est qu’en beau temps vernal, lon u oint le chant et ramage mélodieux des rossignols….lesquels rossignols se raniment davantage sur les arbres de ceste cercle en l’armonie des cornets, fleustes, violons, luts , quiternes, mandores, chants de musique et taborins qu’ils y oyent par intervalle sur la rivière, dedans aucunes petites barques et gondoles qui y flotent pour le plaisir des jeunes hommes, qui jettent des fusées en l’air ainsy que la nuict approche et des feux artificiels pour donner recreation à ceste multitude de sieurs officiers, dames et demoiselles et du peuple qui se pourmenent en ces prairies, chaussées et ponts » 10 Les fest iv it é s lor s d e la c é ré m on i e d e lice n ce e n dro it « Après qu’ils avoyent faict repetition ou lectures [les licenciés] estoyent conduits par les instrumens, tabourins, Rebecs et flustes d’Allemand, des Escolles en la court de l’Eglise ayant des chapeaux de fleurs sur leurs Bonnets pour ce qu’ils se faysoient communement au mois de May. Et audit lieu, le sieur vice chancellier leur conferoit le degré ; et après l’on donnoit des dragees aux supposts, officiers et gens notables,lesquels y assistoyent, comme l’on feroit à unes fiansailles. » Charles de Bourgueville, sieur de Bras (1504-1593) – 12 – La bibliothèque Le 19 août 1457, une délibération de l’assemblée de l’université décide que les livres seront placés dans une librairie commune, en présence des doyens et autres personnes notables des diverses facultés à ce spécialement appelées. À sa création, cette librairie dispose de 4 bancs ou lutrins auxquels sont enchaînés les 25 premiers volumes de la nouvelle bibliothèque universitaire. L’inventaire de 1515 énumère les 278 livres disposés, en fonction de leur contenu, sur 16 lutrins de taille différente dont certains sont sur deux niveaux. Lors de la reconstruction des bâtiments de l’université, à l’initiative de Nicolas Joseph Foucault, la nouvelle bibliothèque est installée à l’étage, au dessus de la salle des Droits. En remerciement de la sollicitude de cet intendant, par ailleurs grand bibliophile, la plus grande partie des collections de la bibliothèque lui est donnée. La reconstitution des fonds prendra du temps. En 1732, les descendants de Samuel Brochart, pasteur protestant, érudit, membre de l’Académie des Belles Lettres, lèguent à la librairie de l’université les 2662 volumes de sa bibliothèque. À la veille de la Révolution, la bibliothèque possède plus de 13000 volumes. 11 unicaen · direction de la communication · 2013