Quels dispositifs de financement appropriés pour la TPE dans le contexte d’une économie en développement? Hind MALAININE Professeure, Université Ibn Zohr, Agadir.Maroc [email protected] 1 Quels dispositifs de financement appropriés pour la TPE dans le contexte d’une économie en développement? Pr. Hind MALAININE RESUME La plupart de études confirment, notamment dans les pays en développement, que le système de financement actuel n’est nullement adapté aux besoins de la TPE. L'accès à des sources appropriées de financement demeure une attente constante, principalement pour la TPE informelle qui constitue l’un des segments les plus importants des entreprises dans ces économies. S’il est largement admis que l’épargne constitue la principale source de financement, force est de reconnaître que la plupart des dispositifs développés n'ont généralement pas permis de prendre en charge de manière durable question du financement de la TPE, car celle-ci demeure trop grande pour la micro finance et trop petite pour la banque ! Partant de deux enquêtes auprès de TPE, à la fois formelles et informelles, notre étude tente de vérifier les perspectives qu’offre la Méso finance, avec référence au cas du Maroc. 2 INTRODUCTION Les TPE constituent, dans la plupart des économies dites en développement, l’unité économique dominante1. L’accès au financement demeure l'un des problèmes majeurs qui entrave sa création et sa croissance. Au Maroc, comme dans de nombreuses économies émergentes, si les grandes entreprises bénéficient de financements importants, les TPE, qui contribuent majoritairement à la création d’emploi, sont quasiment ignorées par les dispositifs de financement courants. Les Institutions de Micro Crédit (IMF) ont tenté de satisfaire un segment décisif de cette demande constitué par les TPE informelles, qui sont, pour la plupart, des micro entreprises. De nombreuses études2 se sont penchées sur les moyens adéquats pour alléger cette contrainte mais cette question reste toujours à l’ordre du jour ; chercheurs, pouvoirs publics et agences de coopération tentent d’apporter une réponse à cette question centrale. Certes, la satisfaction des besoins financiers de la TPE obéit à une « logique de bancarisation », mais souvent leur statut et leur potentiel économique sont insuffisants pour leur permettre l'accès aux banques commerciales. Par conséquent, les IMF tentent d’assurer une plus grande prise en charge des besoins financiers de ces TPE. Mais entre les IMF qui offrent des financements de court terme, et les banques, qui réservent leurs prêts aux TPE à fort potentiel de croissance, (en priorité aux grandes entreprises et dans une moindre mesure au PME), le financement de l'investissement des TPE constitue le chaînon manquant. Le segment de la TPE disposant d’un potentiel de développement ne trouve nullement une réponse appropriée à ses besoins auprès des IMF et se trouve confronté à des difficultés pour être éligible au dispositif de financement des Banques classiques. C’est ainsi, que malgré toutes les mesures mises en place dans une économie en développement telle que celle du Maroc, la TPE continue de connaître de sérieux obstacles à l'accès au crédit. Les nombreux dispositifs développés n'ont généralement pas permis de prendre en charge de manière durable et soutenable la question du financement de la TPE, car celle-ci demeure trop grande pour la micro finance et trop petite pour la banque ! La question centrale reste comment faire correspondre durablement et de manière soutenable l‘offre et la demande de financement de la TPE dans le mesure où la TPE n’est ni au cœur de la stratégie de la banque classique, ni la cible de la micro finance. Sarah MARNIESSE. Approches théoriques de la dynamique des microentreprises dans les pays en 1 développement Notamment les analyses de A. Julien, P. Marchesnay, J. Filion, S. Marniesse, B. Savoie, I. Belletre 2 3 Cette recherche se propose de voir dans quelle mesure la « Méso finance » est à même de constituer une alternative opérationnelle au développement d’un secteur financier intégré susceptible de couvrir les besoins de l’ensemble des segments de la TPE. Rappelons que c’est pour explorer de nouvelles perspectives qu’une approche alternative est apparue sous l’appellation de « méso finance ». Celle-ci prône une réorientation stratégique des principaux intervenants du secteur financier. Elle préconise une montée « en grade » des institutions de micro finance et/ou l’adaptation des banques au segment de petites et moyennes entreprises qu’elles ne servaient pas. Cette évolution se fixe comme objectif de conduire les banques à une descente dans la gamme de services et produits qu’elles offrent et les institutions de micro finance à un élargissement de leurs produits offerts en direction des TPE. Notre démarche consiste à proposer les contours opérationnels de la stratégie que recouvre le concept de méso finance avec référence au cas de l’économie marocaine (III). A cet effet, nous rappelons, tout d’abord, les limites de l’offre de financement dont bénéficient les TPE (I), et nous mettrons en évidence les besoins spécifiques de ces petites unités, sur la base de deux enquêtes, l’une auprès des TPE clientes des banques et l’autre auprès TPE clientes des IMF (II). Cela nous permettra de relever enjeux et défis pour les acteurs et intervenants de la Méso finance, ainsi que les orientations stratégiques qui nous paraissent souhaitables à la fois pour les banques et les AMC dans le but de faciliter l’accès au financement des TPE et promouvoir leur développement. I. LES LIMITES DE L’OFFRE DE FINANCEMENT DE LA TPE L’objet de ce premier point est d’explorer les différentes réponses qui ont été apportées aux besoins financiers des différents segments de la TPE aussi bien par les IMF que le secteur bancaire classique. Compte tenu du rôle des IMF dans le financement des microentreprises nous procéderons, tout d’abord, à un état des lieux de l’offre au profit de ce segment de la TPE et ses perspectives d’évolution (I.1) et par la suite, nous nous pencherons sur l’offre du système bancaire et sur ses limites (I.2). I.1. LA TPE ET LE MICRO CREDIT La microfinance est un nouvel élément du secteur financier qui constitue un moyen de compenser les défaillances des systèmes locaux de financement. On distingue, parmi les services financiers qu’elle assure, le microcrédit, l’assurance, le micro épargne et le transfert d’argent3. 3 Le microcrédit est défini par la Loi N° 58-03 au Maroc comme suit : « Article 2 - Est considéré comme microcrédit tout « crédit dont l’objet est de permettre à des personnes « économiquement faible » : « - de créer ou de développer leur propre activité de production ou de service en vue d’assurer leur insertion économique ; « - d’acquérir, de construire ou d’améliorer leur logement ; « - de se doter d’installations électriques ou d’assurer l’alimentation de leurs foyers en eau potable. 4 Au Maroc, au cours des vingt dernières années, « la microfinance a émergé et s'est imposée comme un sous-secteur du système financier dont elle contribue à élargir la portée et à diversifier les services. A ce titre, il y a lieu de relever que l’essentiel des prêts des IMF, à savoir 72%, bénéficient aux microentreprises »4. L'importance accordée à la microfinance repose en grande partie sur l'idée qu'elle constitue un moyen efficace de lutte contre la pauvreté à travers la promotion d’activités génératrices de revenu (AGR) et notamment de microentreprises. De manière générale, le secteur de la microentreprise constitue une des principales cibles des IMF qui tentent de proposer des produits adaptés à cette clientèle5. Toutefois, si les besoins de financement à court terme de la micro entreprise est relativement bien satisfait, d’autres types de besoins ne le sont pas tels que le financement des investissements dont la durée et le montant sont en deçà des possibilités des institutions de microfinance. Le niveau de ces besoins financiers est très variable, mais ils sont généralement de trois types : les crédits d'investissement, les crédits à court terme (crédit de trésorerie), les engagements par signature (cautions). Ce secteur aux impacts socio-économiques réels constitue une bonne expérience grâce aux résultats importants dans la lutte contre la pauvreté et qui ont permis au Maroc de devenir un leader dans la région MENA. Toutefois, et comme cette industrie continue d’évoluer, les défis deviennent de plus en plus nombreux et mettent en lumière les faiblesses auxquelles ce secteur doit absolument faire face. En effet, dans le contexte actuel, le secteur est à une phase critique de son développement, et le défis de la plupart des associations de microcrédit est celui de l’institutionnalisation et la pérennité qui requiert non seulement la pérennité financière et un cadre juridique plus adapté aux besoins de développement des associations performantes, mais aussi une vision stratégique claire et une organisation transparente et efficace. L'enjeu majeur du secteur de la microfinance demeure de pallier adéquatement et durablement les insuffisances du secteur bancaire pour permettre le développement des microentreprises et des TPE. De manière générale, on peut affirmer que les IMF ont une assez bonne connaissance de la clientèle des micro entreprises et ont développé des techniques, des outils et des produits de plus en plus appropriés afin de mieux répondre aux besoins exprimés et de minimiser les risques de crédit. A côté des activités génératrices de revenus ciblant les populations pauvres et destinées à lutter contre la pauvreté, les microentreprises constituent la clientèle de prédilection « Le montant du microcrédit, qui ne peut excéder cinquante mille dirhams (50.000 DH) est fixé par décret. Ce décret peut prévoir plusieurs niveaux de ce montant en fonction des objectifs de chaque association de microcrédit et de ses moyens financiers ». ». 4 Symposium International Microfinance au Maroc Octobre 2012 5 Livre Blanc du Micro Crédit au Maroc, 2013 5 des IMF. A l’opposé, malgré la bonne volonté et quelques velléités d'intervention, on constate que l'intervention des IMF dans le financement des besoins des TPE, reste à un état embryonnaire. Plusieurs raisons expliquent cette faible intervention des IMF et notamment : - La structure des ressources des IMF qui sont généralement constituées par des fonds externes en raison de l’impossibilité de collecter l’épargne. La volatilité des ressources est un des principaux facteurs limitant de l'intervention des IMF dans le financement des besoins des TPE. - L’absence de capitalisation des IMF : Le statut légal des IMF de société sans but lucratif ne leur permet pas disposer d’un capital social ni la prise de participation. La Loi et le statut des IMF constituent un facteur limitant. - Le manque de relations commerciales entre le secteur bancaire et le secteur de la microfinance, le premier ignorant généralement le second - à quelques exceptions près - et l'assimilant a un secteur peu viable, trop risqué, et porté par des idées plus sociales qu’économiques ; - La faible capacité technique des IMF en matière d'analyse des plans d'affaires des TPE: l'expertise des IMF en matière d'évaluation de dossiers de demande de crédit est limitée aux microentreprises ou activités génératrices de revenus qui ne nécessitent pas d'analyse financière ou d'étude technique et de marché complexe6. - La faible capacité entrepreneuriale des promoteurs : les qualités et compétences techniques d'un bon entrepreneur font souvent défaut aux promoteurs ce qui n'est pas de nature à rassurer les éventuels prêteurs ; par ailleurs, ces structures sont faiblement capitalisées et manquent de garanties ; leur connaissance des marchés et de la technologie est limitée. I.2. LA TPE ET LE SYSTEME BANCAIRE Le système bancaire au Maroc offre une panoplie de programmes visant à consolider le tissu des entreprises et à soutenir leur croissance et renforcer leur productivité. Actuellement, le secteur bancaire, en continuant de renforcer son positionnement, principalement sur les segments des entreprises de grande dimension et de la PME, commence à porter un intérêt tout particulier pour la TPE, notamment formelle. De plus en plus, se développe une offre d’accompagnement dédiée à la petite entreprise en raison du marché potentiel qu’elle représente et du succès que rencontre les IMF avec cette nouvelle clientèle. A cet effet, il nous paraît que la question du financement de la TPE ne peut être analysée sans prendre en compte un certain nombres « d’insuffisances » dans le fonctionnement de la TPE qui - 6 Traditionnellement, les AMC évaluent des demandes relativement simples contrairement à des dossiers de PME qui doivent être plus élaborés et comprendre des éléments techniques, commerciaux, financiers, de gestion, etc. 6 constituent des limites à l’accès à un financement bancaire approprié. Ces défaillances ont trait au système d'information, à la structure financière et aux garanties, d’ailleurs relevés par de nombreuses études en la matière… Le principal élément est le manque de transparence dans la gestion. Cette absence de transparence et d'informations fiables est source de risques que ne peuvent pas maitriser les institutions de financement qui, dès lors, sont réticentes à apporter leurs concours, même si l'exploitation peut s'avérer rentable. A côté de ce manque de transparence dans la gestion, l'autre élément important est le faible de capitalisation donc des fonds propres. De manière générale, la TPE est faiblement capitalisée, d'où un besoin de financement extérieur important. Compte tenu de l'intérêt que les institutions de financement attachent au niveau des fonds propres, leur faiblesse limite leur appui. Par conséquent, face au manque de transparence financière et à l'insuffisance de fonds propres, les organismes de financement exigent d'importantes garanties - notamment physiques - dont la plupart des TPE ne disposent pas. De manière générale, les critères de financement de la banque peuvent être difficilement respectés par les TPE qui ne disposent pas de structures financières appropriées. Face à ces dernières, les banques se trouvent dans l’incapacité de mettre des structures de financement dédiées aux TPE. Elles privilégient les grandes entreprises et les petites sont exclues de leur système. II. LES BESOINS DE FINANCEMENT DE LA TPE Pour améliorer la compréhension que nous avons des différents segments du secteur de la TPE et mieux cerner leurs besoins, notamment en matière de financement, nous avons réalisé deux importantes enquêtes, une qui a ciblé les TPE clientes de la Banque Populaire (II.1) , et l’autre, les TPE clientes d’une AMC, AL AMANA7 (II.2). L’objectif recherché par ces études de terrain est de mieux identifier les besoins de la TPE afin d’envisager une offre de financement plus appropriée à la TPE tant du secteur du Micro crédit que du système bancaire classique. II.1. LA TPE FORMELLE ET LE SYSTEME BANCAIRE Pour mieux cerner les besoins des TPE du système bancaire, une enquête a ciblé un échantillon de 144 TPE clientes d’une grande banque de la place (La Banque Populaire). 7 De même nous avons exploité les résultats significatifs d’une importante étude en cours menée par le Cabinet GFA sur la perception des besoins des PME par deux grandes banques de la place. 7 De cette investigation, il ressort que La TPE cliente de la banque a un degré de formalisation quasi achevé. Au moment de leur création, plus des deux tiers des entrepreneurs ont rencontré des difficultés pour monter leur projet d’affaire et notamment des difficultés d’accès au financement bancaire. Pour leur démarrage, seul un quart d’entre elles ont bénéficié d’un crédit bancaire et leur financement a été assuré principalement par leur épargne (36%) et/ou par la famille (31%). Durant leur développement, les besoins des TPE sont satisfaits principalement par la banque (51%) vient ensuite la famille (37%). Le besoin de financement bancaire plus adapté se fait sentir pour environ une TPE sur deux. L’enquête révèle aussi que 38% des TPE ayant demandé un crédit ont essuyé un refus. Deux tiers d’entre elles (69%) ne comprennent pas la raison du refus et le problème des garanties revient fréquemment. La question de la caution personnelle a été une condition déterminante pour l’octroi du crédit de 91% des TPE l’ayant sollicité. Par ailleurs, nous avons relevé que les IMF ne constituent pas des fournisseurs de crédit des TPE. Elles ne répondent pas du tout à leurs attentes et uniquement 1% des TPE a recouru à leurs services En termes stratégiques, l’amélioration du positionnement concurrentiel et la diversification constituent les priorités de développement des TPE enquêtées. Au niveau des transactions, l’enquête a révélé aussi un phénomène assez inquiétant qui nuit à la bancarisation : pour 64% des TPE le mode de paiement prioritaire des clients reste l’espèce. Ces résultats confortent la frilosité du système bancaire et l’inadaptation de l’offre des IMF aux TPE. Les Limites à l’accès au financement découlent du fait que les acteurs bancaires considèrent les TPE comme trop risquées, en raison notamment du manque de visibilité sur les projets, de l’absence d’informations stratégiques et financières, de la faiblesse des fonds propres, et de la dépendance à l’égard des clients ou des fournisseurs. II.2. LA TPE INFORMELLE ET LE MICRO-CREDIT Pour mieux cerner les besoins et les attentes des microentreprises, une deuxième enquête a été réalisée auprès d’un échantillon de 200 TPE clientes de la première institution de microcrédit au Maroc (AL AMANA), TPE qui sont en majorité informelles. L’analyse des questionnaires a fait ressortir que la micro entreprise des IMF est principalement informelle (91%) et que les deux tiers d’entre elles ont été créé pour des considération de survie (62,5%). Cette enquête confirme que l’un des problèmes majeurs de l’ensemble des micro entrepreneurs est le manque de moyens financiers (62,8%) dû à l’absence de programme de financement adaptés. Elle relève aussi un important besoin de financement de la TPE et la faiblesse des crédits accordés par les IMF. Parmi les constats relevés, c’est tout d’abord, le manque total de financement externe de la création de la micro entreprise qui trouve son explication dans la faible bancarisation de ce type d’entreprise. L’épargne personnelle et l’aide familiale constituent les principales sources de financement. Ainsi, pour assurer son fonctionnement, le recours aux IMF est fréquent. Les 8 crédits obtenus sont affectés principalement au remboursement de créances antérieures, aux équipements et aux achats de matières premières ainsi qu’aux dépenses de consommation. Il en découle que bien que le micro crédit est un moyen de financement nécessaire et incontournable pour la TPE informelle, il demeure insuffisant pour assurer son développement. En définitive, les principales difficultés que rencontre les TPE informelles sont de nature commerciale et financière. La réglementation contraignante constituerait la raison principale qui empêche les micro entrepreneurs de sortir de l’informel et devenir ainsi éligible pour le financement bancaire. Outre la charge fiscale, un meilleur accès au financement et au local ainsi qu’accompagnement juridique technique et administratif constitueraient des facteurs déterminant pour muter vers un statut légal. III. LA MESO FINANCE, ALTERNATIVE AU FINANCEMENT DE LA TPE Le concept de « méso finance » se veut comme un palier intermédiaire entre la microfinance et la finance bancaire classique. Il désigne un segment de l’offre de financement à l’entreprise généralement peu ou pas développée dans les institutions de microfinance et dans les banques. Ce segment peut se définir comme compris entre le plafond des prêts relevant de la microfinance et le plancher du crédit bancaire. Entre ces deux limites se trouve un chaînon manquant où les TPE peinent à se financer et, partant, à se développer8. Au Maroc, la défaillance du marché concerné par la méso finance est due à plusieurs facteurs qui sont liés : -­‐ au cadre des affaires, précisément au cadre juridique, et réglementaire. -­‐ à l’offre de services quand les banques commerciales ne sont pas intéressées à intervenir sur ce segment de clientèle. -­‐ aux institutions de microfinance qui se développent mais pas vers les besoins des petites entreprises. L’enjeu est donc, d’une part, de trouver les voies et moyens pour encourager les banques commerciales à développer des services financiers en direction des petites entreprises et, d’autre part, à accompagner les institutions de microfinance dans la montée en gamme de leurs services vers les besoins de leurs plus gros clients. Il s’agit donc de tendre vers une double évolution : -­‐ Une descente en gamme ou processus de « downscaling » pour les banques classiques, l’objectif étant de couvrir des financements inférieurs à la moyenne pratiquée ; 8 Epargne Sans Frontière (2008) Rapport final du groupe de réflexion sur méso finance, Accès Finance, Gestion 9 -­‐ Une montée en gamme ou processus de « Upscaling » pour les IMF, qui doivent pouvoir répondre aux attentes des TPE. Cela requiert une stratégie de diversification des produits de la microfinance vers des prêts de montants plus élevés. Aussi, l’objet de ce troisième point est de voir comment la « Méso finance » en tant qu’approche stratégique, pourrait constituer une alternative susceptible d’améliorer l’accès au financement des TPE au Maroc. A cet effet, nous discuterons des deux perspectives d’évolution envisageables à savoir :« l’Upscaling » et les perspectives d’évolution institutionnelles des AMC III.1), et le « downscaling » et l’option d’une société dédiée à la TPE (III.2). III.1 : L’UPSCALLING ET LES PERSPECTIVES D’EVOLUTION INSTITUTIONNELLES DES AMC Les enjeux juridiques, réglementaires et fiscaux de la méso finance sont variés. Bien qu’ils diffèrent de ceux posés par la microfinance, ils ne sont pas moins importants9. Au Maroc, il semble que le financement de cette composante du paysage économique, à savoir ce « chaînon manquant » des TPE se heurte à des obstacles juridiques qui, vont bien au-delà d’une simple adaptation des réglementations financière. D’une part, au contraire de la microentreprise, qui s’appuie sur une grande variété d’activités informelles et des grandes entreprises, intégrées dans l’économie mondiale et utilisant les infrastructures nécessaires, le passage d’une micro entreprise informelle vers une TPE à fort potentiel de développement, implique nécessairement plusieurs évolutions dans l’organisation de l’entreprise10. Par ailleurs, lorsqu’on se réfère à l’évolution d’une institution de microfinance, le constat que l’on peut faire est, qu’à partir d’un certain niveau de développement, le montant moyen des prêts augmente en corrélation avec le degré de maturité de la clientèle. Ce besoin, renforcé par la rareté des ressources des bailleurs dans les phases finales de développement, amène souvent l’institution de microfinance à chercher à changer de statut. Aussi, au niveau institutionnel, pour accompagner ces évolutions, les pouvoirs publics au Maroc ont envisagé des options pour la consolidation du secteur de la microfinance et la transformation des IMF les plus importantes11. Selon une étude de l’Agence Française de 9 Balkenhol B., (2008), « Microfinance, une solution pour le financement des PME ?», Banque Stratégie n°263, octobre, pp.14-16 10 Notamment en termes notamment de fiscalité et de transparence qui impliquent une amélioration des compétences de l’entreprise 11 Les amendements qui viennent d’être apportés à la loi qui régissent le microcrédit permettraient : • L’exercice des activités de microcrédit, soit directement par une association de microcrédit, soit indirectement à travers une autre association de microcrédit ou une société anonyme agréée par Bank Al-Maghreb, en tant qu’établissement de crédit soumis aux dispositions de la loi 34-03, relative aux établissements de crédit et organismes assimilés ; 10 Développement12, trois principales options possibles s’offrent au secteur : La société de microcrédit sous-catégorie de société financière, la modification de la loi actuelle des IMF13, et finalement l'élargissement de cette dernière. La société de micro crédit en tant que sous-catégorie de société financière Selon cette option, il s’agira de favoriser l’intégration des IMF qui le souhaiteraient dans les deux catégories existantes dans la loi bancaire au Maroc, à savoir les banques et en absence de collecte de l’épargne du public, les sociétés de financement, et ce afin d’améliorer leur accès aux marchés financiers et au-delà, leur intégration au secteur financier; . La société agréée en tant que banque spécialisée en «micro finance» : Cette option consiste à donner aux associations de microcrédit qui le souhaitent et en fonction de leurs capacités techniques, financières, et organisationnelles la possibilité d’évoluer vers le concept de bancarisation de masse. Les avantages de cette approche qui a fait l’objet de plusieurs expériences dans de nombreuses IMF, ONG de micro crédit et «projets » dans le monde sont multiples. En accordant à l’institution la reconnaissance des marchés financiers, elle lui permet d’avoir accès à toutes les ressources aux meilleurs prix compte tenu de sa situation financière, sans discrimination réglementaire14. L’élargissement des activités des IMF par la modification de la loi relative au Micro Crédit. L’objectif assigné de la modification et l’élargissement de la loi relative au microcrédit est double. Il s’agit tout d’abord de permettre un élargissement des activités jusqu’au maximum envisageable compte tenu de l’objet de l’IMF ainsi que la supervision par les autorités publiques; et de permettre également une pleine intégration aux marchés financiers afin d’optimiser les possibilités de refinancement des IMF, et ce, tout en conservant la forme juridique actuelle. Cette option constitue donc une évolution dans le cadre de la loi actuelle. Elle permettrait d’optimiser le potentiel de développement des IMF en matière d’activité au profit de leurs clients, et en matière d’insertion dans le secteur financier. En conclusion, on peut avancer, que l’intégration des IMF au système financier national • la soumission des opérations de fusion de deux ou plusieurs associations de microcrédit, ainsi que celles relatives à l’absorption d’une ou plusieurs associations de microcrédit par une autre association, à l’octroi d’une nouvelle autorisation par le ministre chargé des Finances, et ce après avis du Conseil consultatif des microcrédits. 12 AFD « Etude technique exploratoire sur les évolutions institutionnelles des associations de microcrédit ». 2008 13 14 Loi 18-97 Deux banques marocaines qui se sont lancées dans le micro crédit en créant leurs propres AMC, à savoir, la fondation banque populaire pour le microcrédit de la banque populaire, et la Fondation Ardi du crédit agricole, envisagent désormais le micro crédit sous l’angle d’un segment de leur activité bancaire, au même titre que le leasing, le financement de l’habitat ou des PME…. 11 présente de nombreux avantages et notamment : − L’accès à des ressources plus importantes ; − Le bénéfice d’un taux d’endettement plus élevé ; − Le financement plus large de leurs activités (micro entrepreneurs, crédits habitat, TPE) et de services financiers (dépôts, assurances, retraite) − La réduction du coût de financement grâce à un accès à des ressources à moindre coût, et l’amélioration de l’efficacité opérationnelle. Les expériences à l’international ont démontré la grande réussite de ce modèle d’intégration : la plupart des grandes IMF qui ont opté pour cette évolution institutionnelle ont connu une nette progression de leur portefeuille III.1. LE « DOWNSCALING » ET L’OPTION D’UNE SOCIETE DEDIEE A LA TPE La prise de conscience que le marché financier de la TPE avait un fort potentiel et qu’il pouvait être très rentable à amener un nombre croissant d’institutions financières à s’y intéresser. C’est ainsi qu’au Maroc, dans une première étape, les banques ont établi des relations avec les IMF en leur offrant des services de financement, de gestion de trésorerie et de transferts d’argents internationaux. Dans un second temps, certaines banques ont décidé de faire du « downscaling », c'est-à-dire de s’attaquer à ce marché des populations à faibles revenus. Le « downscaling » consiste pour une banque ou une institution financière d’élargir ses services vers des clients traditionnellement servis par des IMF ou faisant partie de leur marché cible. Ce phénomène a commencé vers le milieu des années 90. Bien qu’aucune statistique ne soit disponible, on estime qu’environ 250 à 300 banques de toutes tailles ont fait du downscaling dans le monde, principalement en Amérique Latine, mais aussi en Afrique et en Asie. Parmi les institutions pionnières, il y a lieu de citer Banco Do Nordeste, Bank Rakyat Indonesia et Banco de Credito ont pénétré avec des contrastés15. Le « downscaling » constitue une opportunité pour les TPE dans la mesure où les banques leur donnent un accès à une gamme large de services financiers. Cette offre est d’autant plus importante, si l’on rappelle que la mondialisation des économies offre aux TPE plusieurs opportunités telles que les possibilités d’accéder à de nouveaux marchés, de diversifier leurs produits et leur savoir-faire, ainsi que de réduire leurs coûts16. 15 Segrado (2005) : « The word Downscaling expresses the involvement of commercial banks in microfinance, which implies reducing the volume of their affaires by opening to a new even if more risky market niche : poor people and micro entrepreneurs » 16 Glenn D. Westley, Commercial Banks in Microfinance: Best Practices and Guidelines for Project Design, Monitoring and Evaluation, Washington DC, Inter-American Development Bank, March 2007. Siddhartha H. Chowdri, Downscaling Institutions and Competitive Microfinance Markets: Reflections and Case-Studies from Latin America, Calmeadow, August 2004. 12 Aussi, l’un des enjeux cruciaux pour les TPE est alors d’améliorer leur organisation et leur gestion, afin d’obtenir la confiance des financeurs et pouvoir bénéficier d’un financement adéquat A cet effet, les banques et autres Institutions Financières ont utilisé trois principales structures / formes différentes pour faire du « downscaling » : • La création d’une unité ou d’un département au sein de la Banque ; • La création d’une filiale bancaire ou financière spécialisée ; • La création d’une société de service. La création d’une unité interne semble être la structure choisie par la majorité des « downscalers » car c’est la moins chère et celle qui peut être mise en place le plus rapidement. Vient ensuite la création de filiales bancaires ou financières spécialisées (surtout en Amérique Latine). Les sociétés de service, plutôt minoritaires en nombre, ont produit de très bons résultats. Au Maroc, L’option du « downscaling », en développant une offre bancaire spécifique aux besoins des TPE s’est avérée plus opérationnelle et a été priorisée. La création d’une société de service s’avère en adéquation avec le contexte juridique et règlementaire en vigueur. Elle se justifie par le fait que non seulement c’est la structure qui a eu les meilleurs résultats au niveau international, mais aussi par ce qu’elle répond à deux critères essentiels : aux caractéristiques uniques de la microfinance et aux « bonnes » pratiques de la microfinance. CONCLUSION Au Maroc, les TPE forment un milieu difficilement appréhendable par les banques commerciales traditionnelles. L’absence de comptabilité, de garanties réelles et le fossé social et culturel au sien des TPE constituent des obstacles quasiment insurmontables a priori et limitent leur accès aux financements classiques. Ainsi, les différents segments du secteur des TPE ont très peu accès au crédit tant des banques que des IMF. Car, d’une part, les acteurs bancaires considèrent les TPE comme trop risquées et d’autre part, les IMF, de par leur statut, ne couvrent encore que très partiellement les besoins de ce segment. Toutefois, si les IMF disposent de produits adaptés pour financer la trésorerie de la microentreprise, elles considèrent la TPE, comme une cible haut de gamme présentant un attrait particulier de par son niveau de formalisation et le développement possible de produits comportant des garanties réelles. Jusqu'à présent le microcrédit s’adresse essentiellement au secteur informe et son ouverture vers les TPE pourrait l’encourager à rester dans l’informel pour bénéficier de ses services. La Méso Finance, s’avère comme une option de plus en plus privilégie pour favoriser le financement de la TPE, notamment dans les économies en développement où se sont développées de grandes IMF. Dans ce contexte, si l’option du « upscaling » représente trop de défis pour le secteur de la microfinance, les principales IMF au Maroc sont actuellement confrontées à des choix stratégiques relatifs au modèle de statut le 13 mieux adapté possible au contexte national et la perspective de migration vers le secteur bancaire n’est pas écartée. Toutefois, la création d’une société de service s’avère plus en adéquation avec le contexte juridique et règlementaire au Maroc. BIBLIOGRAPHIE Balkenhol B., (2008), « Microfinance, une solution pour le financement des PME?», Banque Stratégie n°263. MARNIESSS. S (2009), Approches théoriques de la dynamique des microentreprises dans les pays en développement. Siddhartha H. Chowdri (2004), Downscaling Institutions and Competitive Microfinance Markets: Reflections and Case-Studies from Latin America, Calmeadow, Segrado (2005): « The word Downscaling expresses the involvement of commercial banks in microfinance Glenn D. Westley (2007), Commercial Banks in Microfinance: Best Practices and Guidelines for Project Design, Monitoring and Evaluation, Washington DC, Inter-American Development Bank ______ AFD (2008), « Etude technique exploratoire sur les évolutions institutionnelles des associations de microcrédit ». Epargne Sans Frontière (2008) Rapport final du groupe de réflexion sur méso finance, Accès Finance, Gestion Livre Blanc du Micro Crédit au Maroc (2012). Symposium International Microfinance au Maroc (2012). 14