Assemblée des Jésuites de France – Lourdes 2010
relationnel, que nous pouvons préparer même à travers les déchéances de notre corps
de chair.
C’est à une conversion de ce type que l’âge peut nous appeler. Absorbés par des
tâches et des responsabilités importantes, nous avons pu apparaître comme
intouchables, inatteignables. Limités dans notre faire, sachons aujourd’hui nous rendre
disponibles pour être vraiment présents. Présents à nos rencontres, moins nombreuses
peut-être mais fidèles, présents à ceux qui nous aident et qui nous soignent. Une
présence offerte, gratuite comme celle des grands parents ou de vieux prêtres que nous
avons pu connaître qui étaient bienveillants et encourageants, parce que leur vie était
donnée et qu’ils ne demandaient rien. Si nous avons laissé l’âge nous dépouiller de
beaucoup de choses, il nous aura rendu pauvres de cœur et nous pourrons alors offrir
aux autres un cœur disponible, désencombré des soucis mesquins et égoïstes, prêt à
accueillir, écouter, communier aux joies comme aux peines. Cette pauvreté selon
l’Évangile à laquelle nous avons aspiré toute notre vie sans jamais l’atteindre, l’âge et
ses dépouillements successifs nous y conduisent. Sachons le vivre comme une grâce de
grand prix.
Nous nous sommes efforcés d’être actifs dans l’Eglise, engagés dans ses luttes et
ses combats pour le Royaume. Nous ne pouvons plus beaucoup l’accompagner dans ses
projets actuels par nos travaux, nous pouvons du moins le faire par notre prière
silencieuse et fidèle. Et surtout nous pouvons être en elle des témoins de l’espérance.
Nous avons, au cours d’une longue vie, connu bien des crises, nous les avons traversées
et nous sommes encore là, témoins d’une humble et pauvre fidélité. Nous pouvons alors
dans une espérance humble et sereine témoigner que l’Esprit n’abandonne pas son
Eglise. Il nous a soutenus dans les combats d’hier, il accompagne encore l’Eglise
aujourd’hui dans sa fidélité au Christ. C’est un témoignage important face à ceux qui,
le regard fixé sur le seul présent, auraient tendance à enfermer l’Eglise dans la crise
actuelle et ne chercheraient pas à y discerner les appels de l’Esprit ni à y reconnaître les
conversions qui nous sont demandées.
Un corps pour aimer et servir ! Il ne pourra peut-être plus beaucoup servir au
sens où nous l’entendions, mais en acceptant avec humilité et reconnaissance d’être
servi, il peut devenir un appel à la charité. Nous pouvons être ce blessé au bord de la
route qui, par sa seule présence, sollicite l’intervention du Samaritain et donne à celui-ci
l’occasion de servir le Christ, « ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est
à moi que vous l’aurez fait. » Acceptons d’être ce plus petit qui offre à ses frères
l’occasion de rencontrer le Christ. Manière humble et cachée de glorifier Dieu dans
l’impuissance de notre corps. Ce qui ne veut pas dire que nous n’ayons pas à faire tout
ce qui est en notre pouvoir pour rester en forme le plus longtemps possible et alléger
ainsi le travail de ceux qui auront à nous soigner et à nous accompagner.
Aimer par contre c’est toujours possible, d’un amour pauvre qui sait qu’il n’a
plus rien à offrir. La maladie, les épreuves, la souffrance l’ont dépouillé de tout, il reste
ce cœur pauvre à offrir, comme le Christ en croix, pour que de cette offrande jaillisse
l’Esprit, l’amour dans sa gratuité même. Je pense en écrivant ces lignes aux dernières
années du Père Pedro Arrupe, je l’avais connu lors des mois passés ensemble à
l’occasion de la 31 ° Congrégation Générale qui l’avait élu Préposé général de la
Compagnie de Jésus. Ce corps qui avait été si vivant, si expressif dans la voix, les gestes,