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actualité en diabetologie

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Immuno-analyse et biologie spécialisée 22 (2007) 95–100
a v a i l a b l e a t w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m
j o u r n a l h o m e p a g e : h t t p : / / f r a n c e . e l s e v i e r. c o m / d i r e c t / I M M B I O /
REVUE GÉNÉRALE ET ANALYSE PROSPECTIVE
Actualités en diabétologie
The latest data in diabetology
D. Chevennea, M. Fonfrèdeb,*
a
Laboratoire de biochimie hormonologie, hôpital Robert-Debré et groupe hospitalier de Paris–Saint-Joseph,
48, boulevard Serrurier, 75019 Paris, France
b
Laboratoire de biochimie métabolique, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47–83, boulevard de l’Hopital,
75651 Paris cedex 13, France
Reçu le 15 février 2007 ; accepté le 4 mars 2007
MOTS CLÉS
Diabète gestationnel ;
Microalbuminurie
Résumé En 2002, les auteurs avaient présenté dans cette revue les différents marqueurs biologiques du diabète essentiels à la prise en charge de la maladie. Dans le présent article les
auteurs font un point non exhaustif sur les « nouveautés » concernant le diabète : diabète gestationnel et microalbuminurie. En ce qui concerne le diabète gestationnel le point le plus
important est la publication du rapport de la Haute Autorité de santé sur ce sujet. Il n’existe
toujours pas de consensus international sur la méthode de dépistage. Les différentes épreuves
sont présentées. En ce qui concerne la microalbuminurie le point le plus important est la mise
en évidence d’une albumine non immunoréactive dans les urines. Des études ont montré que
la mesure de l’albuminurie totale (immunoréactive et non immunoréactive) permettait de
dépister la néphropathie diabétique plus précocement que l’actuelle méthode de détermination par immunodosage.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Gestational diabetes;
Microalbuminuria
Abstract In 2002, we have described some biological markers of diabetes. In this article we
present some non-exhaustive news about diabetes concerning gestational diabetes and microalbuminuria. Unfortunately there is no international consensus for gestational diabetes
screening. The different tests are presented. About microalbuminuria, the new ghost albumin
is presented. This non-immunoreative albumine is founded in urines of non-diabetic and diabetic subjects and its evaluation could be an earlier marker for the screening of nephropathy.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
* Auteur
correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (M. Fonfrède).
0923-2532/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.immbio.2007.03.001
96
Introduction
Le diabète, principalement le diabète de type 2 est considéré depuis quelques années comme un des fléaux du troisième millénaire. On comptait 230 millions de diabétiques
en 2006 et 350 millions sont attendus en 2035, soit 120 millions de plus en une génération, alors que les prévisions de
1996 étaient de 300 millions pour 2035.
L’augmentation de la prévalence fait même parler
d’épidémie. Dans ce contexte il est toujours utile de faire
un point sur les connaissances biologiques et sur les paramètres pouvant apporter une aide dans la prise en charge
de la maladie. En 2002 nous avions dans cette revue fait un
« état des lieux » des principaux marqueurs utiles et utilisables au quotidien. Nous présentons ici une actualité qui ne
se veut pas exhaustive avec les modifications ou nouveautés
les plus importantes depuis 2002 à savoir :
● les dernières recommandations concernant le diabète
gestationnel ;
● la découverte d’une albumine urinaire non immunoréactive dite albumine fantôme.
Diabète gestationnel
Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le diabète
gestationnel est défini par une intolérance au glucose
conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiquée pour la première fois au cours de la
grossesse [14]. Cette définition s’applique quel que soit le
traitement utilisé et la persistance ou non de l’hyperglycémie dans le post-partum. Le diabète gestationnel doit donc
être différencié d’une grossesse se déroulant chez une
femme ayant un diabète connu antérieurement, le plus souvent de type 1 mais aussi de type 2 ou MODY. Cependant, le
D. Chevenne, M. Fonfrède
diagnostic d’un diabète gestationnel n’exclut pas la présence d’une hyperglycémie avant la grossesse et qui
n’aurait pas été diagnostiquée.
Alors que les critères diagnostiques du diabète sucré proposés par l’OMS en 1999 sont acceptés et appliqués partout,
il n’en va pas de même pour le diabète gestationnel. Les
normes proposées par l’OMS sont loin de faire l’unanimité
et il existe plusieurs critères concernant aussi bien le dépistage, le diagnostic et le traitement, tous diversement suivis
par les diabétologues et les obstétriciens (Tableau 1).
Comme le soulignent en conclusion plusieurs rapports sur
ce sujet dont celui, récent et très documenté, de la Haute
Autorité de santé (HAS), les données de la littérature scientifique ne permettent pas de conclure sur les meilleures
stratégies de dépistage et de diagnostic du diabète gestationnel ni sur leur modalité de réalisation [3,17].
Le diabète gestationnel est une des complications les
plus fréquentes de la grossesse atteignant selon les pays
et les ethnies, l’âge et l’indice de masse corporel (IMC),
une prévalence allant de 1 à 25 % [1,5,18,19]. En Europe,
la prévalence chez les femmes caucasiennes est d’environ
2 % [5,18]. Cependant ces chiffres sont à prendre avec précaution tant les critères de diagnostic peuvent varier d’une
étude à l’autre et influer sur la prévalence [1].
Les principales complications liées au diabète gestationnel sont la macrosomie (avec une prévalence de 15 à 30 %),
l’hypertension gravidique et la prééclampsie, et le risque
pour la femme de développer un diabète de type 2 dans
les années suivant l’accouchement. Ces risques sont diversement pris en compte pour établir des critères diagnostiques et des stratégies de dépistage.
La notion de diabète gestationnel remonte à 1946 et les
premiers critères diagnostiques, basés sur une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) de trois heures avec
ingestion de 100 g de glucose, sont publiés en 1964 par
O’Sullivan et Mahan [23]. Ces critères ont ensuite été repris
et modifiés par différents auteurs pour tenir compte,
notamment, de l’évolution des techniques de dosage.
Tableau 1 Critères diagnostiques couramment utilisés pour le dépistage et le diagnostic du diabète gestationnel
Stratégie en deux étapes : dépistage et diagnostic si dépistage positif
Critères ADA (American Diabetes Association)
O'Sullivan
Carpenter et Coustan
HGPO–50 g
HGPOa–100 g
Dépistage
Diagnosticb
Glycémie g/l / mmol/l
T0
–
0,95/5,3
T60'
1,30 ou 1,40/7,2 –7,8
1,80/10
T120'
–
1,55/8,6
T180'
–
1,40/7,8
HGPOa–75 g
Diagnosticb
0,95/5,3
1,80/10
1,55/8,6
–
Stratégie en une étape
Critères ADA HGPO (voir ci-dessus) ou HGPO 75 g
Critères OMS 1999
HGPOa–75 g
Glycémie g/l / mmol/l
T0
ou
T120'
1,26/7
1,40/7,8
Le diagnostic de diabète gestationnel requiert deux glycémies supérieures ou égales aux valeurs indiquées pour l’HGPO 100 ou 75 g.
À jeun, le matin.
b
Le test diagnostic est réalisé en cas dépistage positif.
a
Actualités en diabétologie
Ainsi, en 1982, Carpenter et Coustan proposaient de nouveaux critères diagnostiques [6], aujourd’hui encore en
vigueur et recommandés par l’American Diabetes Association (ADA) [2] en abaissant les valeurs seuils de glycémie
proposées antérieurement (Tableau 1).
Le diagnostic est généralement effectué entre la 24e et
la 28e semaine d’aménorrhée, sauf en cas de facteur de
risque de diabète gestationnel justifiant un dosage plus précoce. Il repose soit sur une seule HGPO de 75 g ou 100 g de
glucose réalisée à jeun, soit en deux étapes, comprenant
une première HGPO de dépistage avec 50 de glucose (le
jeûne n’est pas nécessaire), dit test de O’Sullivan, suivie,
en cas de positivité, par une deuxième HGPO de 75 ou
100 g. Outre ces HGPO, certains auteurs préconisent un
test pragmatique basé sur un petit déjeuner classique comportant au moins 25 g de glucides avec mesure de la glycémie à jeun et à la deuxième heure [8]. Pour les seules
recommandations internationales identifiées au nombre de
11 par l’HAS dans son rapport, sept seuils différents de glycémies sont proposés pour l’HGPO 75 g, deux pour l’HGPO
100 g et deux pour le test de dépistage [17].
Les seuils définis par l’étude de O’Sullivan et Mahan [23]
et modifiés ensuite par différents auteurs reposaient sur
l’analyse du risque de développer un diabète après la grossesse, ce qui est critiquable car ne prenant pas en compte
les complications périnatales. Les valeurs de l’OMS sont,
elles, basées sur des risques microvasculaires (rétinopathie,…) et macrovasculaires sur une population générale.
Plusieurs études prospectives et rétrospectives ont corrélé
les seuils glycémiques avec la morbidité périnatale principalement la macrosomie et la fréquence des césariennes.
Cependant, ce critère de jugement est loin d’être parfait.
La macrosomie est la complication la plus fréquente du diabète gestationnel (15 à 30 % des grossesses) mais ne lui est
pas spécifique, ainsi moins de 10 % de l’ensemble des macrosomies seraient dues au diabète gestationnel. La relation
entre niveau de glycémie et taux de macrosomie reste mal
évaluée. Une étude en cours, l’Hyperglycemia and Adverse
Pregnancy Outcome, devrait pouvoir répondre à cette question [28]. L’hypertension artérielle est plus fréquente chez
les femmes ayant un diabète gestationnel mais le lien de
causalité n’est pas formellement établi. Une étude brésilienne portant sur une cohorte de 4977 femmes a identifié
7,2 % de diabète gestationnel en utilisant les critères OMS et
2,4 % avec ceux de l’ADA (HGPO 75 g Tableau 1). Les risques
relatifs (ajustés pour l’âge, l’IMC,…) étaient de 1,45 (OMS) et
1,29 (ADA) pour la macrosomie, 1,94 et 2,28 pour la prééclampsie, 1,59 et 3,10 pour les décès périnataux [26].
Soixante-treize pour cent des femmes diagnostiquées diabète gestationnel par les critères OMS étaient considérées
comme non diabétiques avec les critères ADA ; à l’inverse,
18 % des femmes diagnostiquées DG avec les critères ADA
ne l’étaient pas avec ceux de l’OMS [26].
Il n’existe pas de consensus sur une stratégie de dépistage, faute d’études de bonne qualité [3,17,29]. Jusqu’à la
moitié du deuxième trimestre de grossesse, les glycémies à
jeun et postprandiales sont plus basses que la normale, puis
un état d’insulinorésistance se développe progressivement
entraînant un diabète gestationnel chez les femmes dont la
fonction pancréatique endocrine est altérée [14,17]. Un
dépistage systématique ou ciblé sur les femmes à risque,
97
est donc préconisé entre la 24e et la 28e semaine d’aménorrhée ou plus tôt, lorsque le risque est élevé [2,14,17].
Cependant, il n’existe pas d’étude indiquant que cette
période est optimale, en identifiant les femmes qui seraient
à même de bénéficier le plus d’un traitement. La question
d’un dépistage systématique ou ciblé reste débattue [3,17,
30]. Un dépistage systématique diminue le nombre de faux
négatifs mais accroît les faux positifs sans bénéfice certain.
L’efficacité des traitements et les valeurs glycémiques à
atteindre pour diminuer le taux de complications restent
aussi à déterminer avec précision. Sur la macrosomie et
ses complications, l’efficacité du traitement par l’insuline
ou par la diététique seule n’est pas clairement démontrée
[3,17]. L’insulinothérapie diminuerait l’incidence de la
macrosomie uniquement chez les femmes ayant une hyperglycémie importante et un essai récent incluant diététique,
contrôle de la glycémie avec ou sans insuline a montré une
efficacité pour réduire la morbinatalité chez les femmes
ayant un diabète gestationnel modéré [3,13,17]. Concernant l’hypertension et la prééclampsie, aucune étude pertinente ne permet d’évaluer l’efficacité de la prise en
charge du diabète gestationnel [17].
En 2007, le diabète gestationnel est une pathologie dont
les critères de diagnostic, de dépistage et de prise en
charge demeurent mal définis et controversés faute
d’études de bonne qualité. Certaines sont actuellement en
cours et devraient enfin pouvoir apporter des données fiables [28]. Devant cette situation, à l’inverse de certaines
organisations comme l’ADA ou l’OMS, l’US Preventive Services Task Force et l’HAS s’abstiennent de faire des recommandations [3,17].
Quoi de neuf sur la microalbuminurie ?
Depuis la publication de Viberti en 1981 [29] montrant
que des concentrations d’albumine non détectables par
les bandelettes ou les méthodes colorimétriques usuelles
permettaient de prédire le développement de la néphropathie diabétique, la microalbuminurie est devenue un
marqueur indispensable à la prise en charge des diabétiques de type 1 et de type 2. D’abord considéré comme
marqueur prédictif de la néphropathie, ce paramètre
est vite devenu un marqueur de risque cardiovasculaire
indépendant des autres facteurs de risque. Trente à quarante pour cent des diabétiques développent une néphropathie dont la microalbuminurie est le signe le plus précoce. Les traitements par inhibiteurs de l’enzyme de
conversion et/ou bloqueurs du récepteur de l’angiotensine se sont révélés être rénoprotecteurs et ralentissent
l’évolution de la maladie. Le dépistage est donc essentiel
puisque les traitements de l’atteinte rénale sont efficaces si ce dépistage est fait suffisamment tôt. Encore plus
que pour les autres paramètres urinaires, la phase préanalytique pour la détermination de la microalbuminurie
est des plus importantes.
Conditions préanalytiques et expression
des résultats
La microalbuminurie est définie comme une excrétion
d’albumine comprise entre 20 et 200 μg/min ou 30 et
98
D. Chevenne, M. Fonfrède
Tableau 2 Définition et classification de la microalbuminurie
Normal
Urines de
24 heures
Albumine
mg/24 heures
< 30
Recueil minuté
Échantillon du matin
Albumine
μg/minute
< 20
Albumine
mg/l
20
Microalbuminurie
30–299
20–199
20–199
Macroalbuminurie
> 300
> 200
> 200
300 mg par 24 heures [16]. L’excrétion urinaire d’albumine
est variable : elle suit un rythme circadien [20,25] et les
variations sont dues entre autres à l’exercice, l’alimentation et la posture. Le gold standard [16] est d’utiliser les
urines de 24 heures afin d’exprimer la microalbuminurie
en milligramme par 24 heures. Compte tenu de la difficulté
d’obtenir des urines de 24 heures, un recueil minuté (en
général les urines de la nuit) avec une albuminurie exprimée en microgramme par minute est utilisable. L’expression en milligramme par litre sur un échantillon est un pisaller car sujette au phénomène de dilution–concentration
des urines au cours de la journée. La recommandation de
la NABM (Nomenclature des actes de biologie médicale)
d’exprimer les résultats par rapport à la créatininurie permet de réduire la difficulté d’interprétation due à une dilution–concentration, mais outre qu’elle augmente le prix de
l’analyse [16], l’expression de la microalbuminurie en milligramme d’albumine par gramme de créatinine ou en milligramme d’albumine par millimole de créatinine reste beaucoup moins utilisable en termes de dépistage d’autant plus
que des valeurs usuelles en fonction de l’âge, du sexe et de
l’origine ethnique doivent être prises en compte [24]. La
sensibilité et la spécificité de cette expression sont insuffisantes. Lorsque le dosage est fait sur un échantillon urinaire, il est admis qu’une concentration supérieure à
20 mg/l est pathologique. Afin de limiter les variations de
dosage dues à la conservation, lorsqu’une détermination sur
échantillon est seulement réalisable il convient dans la
mesure du possible de travailler sur les urines fraîchement
émises [12]. De récentes études ont montré que la microal-
Albumine/créatinine
mg/mmol
Homme
< 2,5
Femme
< 3,5
Homme
2,5–25
Femme
3,5–35
Homme
> 25
Femme
> 35
mg/g
< 20
< 30
20–200
30–300
> 200
> 300
buminurie est stable sept heures à température ambiante
et au moins dix jours à +4 °C ou –20 °C. En revanche, il a
été noté que la congélation à plus long terme entraîne une
diminution de l’albumine d’autant plus importante que la
concentration initiale est faible. De plus, du fait de la
variabilité intra-individuelle, en cas de dépistage positif, il
convient de répéter l’examen au moins trois fois entre trois
et six mois [14,25].
Le Tableau 2 rassemble ces différents modes d’expression ainsi que les valeurs usuelles en fonction du sexe.
Méthodes de dosage
S’il est bien admis qu’une classique bandelette dont le seuil
de détection de l’albumine est à 150 mg/l est inutilisable
(VPP 93,7 % VPN 73,7 %) [16], néanmoins, pour un dépistage
rapide et à grande échelle de la microalbuminurie l’utilisation de bandelettes spécifiques avec ou sans appareil de
lecture est tentante. Si les valeurs prédictives positives
sont excellentes (une recherche positive est en général
confirmée par un dosage au laboratoire) les valeurs prédictives négatives sont insuffisantes pour un dépistage [25]. Le
Tableau 3 présente les résultats de ces bandelettes dans
une population témoin et une population diabétique.
En ce qui concerne le laboratoire, la plupart des méthodes de dosage de l’albumine urinaire utilisent un immunodosage, que ce soit l’immunonéphélémétrie, l’immunoturbidimétrie, les méthodes Elisa ou la radio-immunologie.
Elles ont toutes fait leurs preuves en termes de sensibilité
analytique et de reproductibilité (Tableau 4). Il faut toute-
Tableau 3 Valeurs prédictives des bandelettes dites « microalbuminurie » [11]
HPLC
Diabétiques
Témoins
Bandelettes
Immunodosage
Bandelettes
Immunodosage
< 30 mg/l (%)
0
16,3–17,4
21
0,9
3,7
< 30 mg/g créatinine (%)
0
36,5–42,9
36,6
5,6
0
Exprimée par le pourcentage de faux négatifs par rapport à l’HPLC.
Tableau 4 Performances analytiques de quelques méthodes [4]
Méthode
Immunodosage (Beckman array)
Immunodosage (Dade Behring turbitimer)
RIA
Reproductibilité (CV %)
4,2 % à 12,1 mg/l
5,3 % à 45 mg/l
4,1 % à 10,6 mg/l
2,2 % à 77,9 mg/l
9,2 % à 12,2 mg/l
4,8 % à 33 mg/l
Limite de détection
2 mg/l
6 mg/l
16 μg/l
Actualités en diabétologie
99
Tableau 5 Exemples d’études comparatives de la prévalence de la microalbuminurie déterminée par HPLC vs immunodosage
Étude
Population
Nombre de sujets
Comper et al.
Polkinghorne
Diabétique
Témoins
Diabétique
97
10010
861
fois noter que, à un niveau international, des comparaisons
effectuées sur des urines ont montré des différences entre
techniques révélant une difficulté de transférabilité des
résultats. Cela peut s’expliquer par le fait que, certaines
méthodes sont calibrées avec une albumine sérique diluée
et d’autre avec une albumine urinaire. Selon le calibrateur
utilisé, les différences sont suffisamment importantes pour
faire douter le clinicien [16]. On a ainsi pu montrer qu’avec
les réactifs et les méthodes couramment utilisés certains
sujets classés normoalbuminuriques dans un site étaient
classés microalbuminuriques dans un autre. Un groupe de
travail de l’International Federation of Clinical Chemistry
(IFCC) a été initié en 2005 pour répondre à ce problème. Il
est logique de penser que la standardisation de la microalbuminurie permettra une prise en charge plus efficace des
sujets diabétiques comme cela a été le cas avec l’HbA1c.
Albumine fantôme
Considérations physiopathologiques
L’albumine urinaire (66 KDa) existe sous de multiples formes. Chez les rongeurs il a été décrit que l’albumine est
métabolisée durant sa filtration rénale aboutissant à
l’excrétion d’un mélange de protéine intacte et de fragments. Le même phénomène a été décrit chez l’homme
[10,11] et attribué à une transformation de l’albumine par
les enzymes lysosomales situées au niveau tubulaire [21].
De plus cette dégradation se produirait de façon exagérée
chez les sujets diabétiques.
Il existe donc dans l’urine :
● une albumine intacte avec ses ponts disulfures et
immunoréactive ;
● une albumine modifiée ayant perdu ses épitopes donc
non immunoréactive ;
● des fragments d’albumine correspondant à des chaînes
clivées par action enzymatique.
C’est la mise en évidence de la deuxième forme chez de
nombreux sujets qui a amené certains auteurs à parler
d’albumine « fantôme ».
Considérations analytiques
La difficulté de la mise en évidence de la totalité de l’albumine excrétée tient au fait qu’il n’existe pas de consensus sur
une méthode de dosage. La grande majorité des méthodes
utilisent un immunodosage, mais l’anticorps utilisé est dirigé
contre l’albumine sérique et non l’albumine urinaire, et l’on
mesure donc l’albumine intacte immunoréactive et des agrégats de plus de 12 kDa également immunoréactifs [20]. La
première méthodologie utilisée [22,24] pour mettre en évidence l’albumine non immunoréactive par perte de petits
Pourcentage (%)
de microalbuminurie
par immunodosage
30,9
5,8
21,5
Pourcentage (%)
de microalbuminurie
par HPLC
61,9
20,6
46
peptides est la chromatographie d’exclusion haute performance (CLHP) sur sephadex G-100 et G-50. Les premiers travaux ont permis de mettre en évidence une quantité d’albumine dite totale plus élevée que l’albumine immunoréactive
chez des sujets non diabétiques et diabétiques [9,11,15,22].
Par la suite des études contradictoires ont été publiées. Nous
ne citerons que les plus importantes. Les premiers travaux
étaient basés sur l’hypothèse que l’augmentation systématique de l’albumine « CLHP » était due à une albumine modifiée de même taille. Or, une méthode de séparation plus fine
[27] tenant compte du rayon hydrodynamique et de la forme
de la molécule, suivie d’une spectrométrie de masse des
composés élués dans le pic de l’albumine a montré que le
pic dit « albumine totale » était en fait composé d’albumine,
mais également de glycoprotéines en particulier l’α-1-glycoprotéine acide et l’α-1-antitrypsine, ces protéines représentant 20 à 30 % de l’albumine dite fantôme.
Une autre récente étude par électrophorèse automatisée [7] sur puce utilisant une technologie de séparation
microfluidique et une détection par fluorescence a
confirmé la présence d’une quantité d’albumine urinaire
plus importante que l’albumine immunoréactive confirmant
ainsi les premières hypothèses. On voit donc que peu de
temps après la première publication sur ce sujet il reste
encore des incertitudes analytiques.
Considérations cliniques
Le paragraphe précédent montre que la « vraie » nature de
l’albumine urinaire n’est pas encore parfaitement éclaircie
[7,9,27]. Dans le même esprit, les études cherchant à confirmer l’intérêt de doser l’albumine par chromatographie plutôt que par immunodosage sont nombreuses et encore
contradictoires. En effet, les premiers travaux ont montré
que l’albumine « CLHP » permettait de dépister la néphropathie diabétique en moyenne 3,9 ans plus précocement [9,22]
que ne le font les résultats obtenus par immunodosage
(Tableau 6). D’autres études montrent que 15 à 30 % des
sujets considérés normaux avec un immunodosage de l’albumine urinaire sont classés au stade de microalbuminurie en
CLHP [20]. On pourrait imaginer qu’une simple relation entre
les deux modes de dosage résoudrait ce problème. En fait, il
n’existe pas de relation directe entre la concentration
d’albumine urinaire mesurée par une méthode immunologique et une méthode chromatographique [7,20]. Des urines
de patients à des concentrations respectives (immunodosage
de < 20 mg/l, 90 mg/l, et 204 mg/l) puis mesurées par la
méthode électrophorétique par puce ont montré que
l’augmentation est en moyenne de 51 % (entre 3 et 145 %)
mais, comme avec la chromatographie il n’y a pas de relation donc pas de conversion possible. Il semble que la différence entre les deux dosages diminue quand la concentration
en albumine augmente [24]. Le Tableau 5 présente les résultats de plusieurs auteurs.
100
D. Chevenne, M. Fonfrède
Tableau 6 Discordance entre microalbuminurie dépistée par
immunodosage et HPLC [12]
Témoins
Diabétiques
HPLC > 20 mg/l
et immunodosage
< 20 mg/l
21/32 (65,6 %)
34/60 (56,7 %)
HPLC > 30 mg/g
et immunodosage
< 30 mg/g
20/29 (69 %)
32/60 (53,3 %)
Conclusion
La détermination de la microalbuminurie est facile, c’est
un test non invasif qui permet de poser un diagnostic et
qui représente aussi un marqueur de risque cardiovasculaire. La qualité analytique des méthodes de dosage est
bonne mais les résultats ne sont pas toujours transférables
d’un laboratoire à un autre.
De plus, on ne passe pas directement d’un stade
« normal » à un stade « microalbuminurie » mais il existe
un continuum dans le débit de filtration glomérulaire de
l’albumine. Il est probable que même dans la zone
« normal » une augmentation témoigne d’un risque de morbimortalité accru.
Les perspectives d’avenir pour ce marqueur sont liées à
l’albumine fantôme, pour laquelle d’autres études plus longues doivent être entreprises et qui permettront peut-être
d’établir un seuil de normalité plus bas pour une prise en
charge thérapeutique encore plus précoce.
Références
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