Exposé Thème : l’analyse du conflit de culture et de génération à travers « Trois Prétendants un mari de Guillaume Oyono Mbia » Plan Introduction I. Présentation de l’auteur et de l’œuvre a. Présentation de l’auteur : biographie et bibliographie b. Présentation de la pièce Structure Personnage et relations c. La thématique, le résumé et le projet de guillaume Oyono Mbia Les thèmes Le résumé Le projet de guillaume Oyono Mbia Conclusion Exposants alassane boye aby sow mbayang diaw françois yacinthe djompi ma astou Senghor Introduction Le théâtre négro-africain d’expression française était, à son début, assujetti à un certain nombre de contraintes qui ne favorisait pas sa libre pratique. Au lendemain des indépendances, les dramaturges peuvent maintenant, sans courir le risque d’être poursuivis, brandir l’art théâtral comme une arme pour éveiller la conscience de leur peuple et combattre les problèmes de leur temps. De ce fait, leur thématique se focalisera soit sur le système politique dictatorial, soit les mœurs traditionnelles africaines. La critique des mœurs traditionnelles est la tendance dans laquelle s’inscrit la pièce Trois prétendants… Un mari de Guillaume Oyono Mbia. L’objectif du présent travail est d’exposer l’œuvre à travers sa structure, son résumé, sa thématique et ses personnages. I. Présentation de l’auteur et de l’œuvre A. Présentation de l’auteur : biographie et bibliographie Né en 1939 à Mvoutessi dans la région du Sud. A l’âge de 5 ans il commence ses études en Bulu à Mvoutessi avant d’entrer à l’école de la Mission Protestante de Mettet en 1947, où il obtient le CEPE en 1953. En 1958, il commence ses études secondaires au collège Evangélique de Libamba en classe de 3ème. En 1961, il arrête ses études secondaires. Cette année-là, il remporte le concours Inter-états africains organisé conjointement par les compagnies aériennes Air-France et U.T.A., bénéficiant ainsi d’un séjour de 15 jours en France. Oyono Mbia entame ensuite une carrière d’enseignement au collège de Mettet, puis au collège évangélique de Libamba. En septembre 1964, il se rend en Grande-Bretagne pour préparer un diplôme de traducteur interprète grâce à une bourse du British Council. Il obtient également le GCE Advanced Level, ce qui lui permet de s’inscrire à l’Université de Keele en octobre 1965, d’où il obtient le Bachelor of Arts Degree en 1969. De retour au Cameroun, il est recruté comme Assistant au Département d’anglais de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Yaoundé. En 1972, il est nommé Chef de Service aux Affaires culturelles au Ministère de l’Information et de la Culture (1972–1975). Guillaume Oyono Mbia est sans doute l’un des plus grands dramaturges camerounais depuis l’indépendance. Parmi son œuvre impressionnante, on compte Trois prétendants…. Un mari (1964), Jusqu’à nouvel avis (1970), Notre fille ne se mariera pas (1971), Chroniques de Mvoutessi 1 (1971), Chroniques de Mvoutessi 2 (1971), Chroniques de Mvoutessi 3 (1972), et le train spécial de son Excellence (1979). En janvier 1967, il remporte le premier prix du concours théâtral africain organisé par la BBC Africain Service avec Until Further Notice, une pièce radiophonique écrite en anglais. Puis en 1969, il remporte le 2e prix du concours théâtral interafricain, organisé par l’Office de Radiodiffusion-télévision française, avec une autre pièce radiophonique, Notre fille ne se mariera pas. Et en janvier 1970, il remporte le prix El Hadji Ahmadou Ahidjo pour sa pièce Trois prétendants… Un mari. B. Présentation de la pièce La structure de la pièce Cette pièce théâtrale de 117 pages, structurée en cinq actes dépourvue de scènes, est une satire à travers laquelle Guillaume Oyono-MBIA dénonce les dessous de la dot, les réalités de la société africaine traditionnelle. Acte I: (Page 13-27) Cette partie est surtout consacrée à la présentation des personnages. Au début, la famille de Juliette est présentée au complet. Nous avons d’abord Atangana son père, son grand père Abessôlô, sa grande mère Bella, ses oncles Ondua et Mézoé, sa cousine Matalina et son frère Oyono. Dans cet acte, la famille vient de recevoir 100.000 francs d’un jeune paysan, Ndi qui prétend épouser Juliette. Mais par la suite, un prétendant plus prestigieux que le premier est annoncé. C’est dans cette atmosphère mouvementée que Juliette de retour au village apprend avec consternation la nouvelle mais s’y oppose vivement. Perçue comme une ingrate, elle se verra contraindre par ses parents d’accepter le fait accompli. Sur ces entrefaites arrive Mbia, le grand fonctionnaire de Sangmélima. Acte II (Page 29-56) Ici, après les négociations avec les villageois, Mbia le grand fonctionnaire offre des vins, verse 200 000 francs pour la dot puis repart avec une liste établie par la famille. Juliette toujours réticente annonce ses fiançailles avec Oko un collégien versé en philosophie. Finalement, la famille se retira après avoir violemment protesté contre son choix, lui permettant de retrouver Oko et de le mettre au parfum des nouvelles. Ils décidèrent sous l’initiative de Juliette de voler la somme versée par les premiers prétendants pour jouer une farce aux villageois. Acte III (Page 57 - 79) Au début de cet acte, Makrita et Bella essayent de convaincre Juliette à accepter le mariage avec Mbia mais y arriver. Vient alors Ndi qui à sa grande surprise se voit refuser la main de Juliette et ne peut être remboursé puisque Atangana venait de découvrir le vol. Ndi proteste et se fait chasser. Pour juguler cette crise, les villageois proposent donc à Mbia d’ajouter 100 000 francs pour amener Juliette avec lui sur le champ. Au grand désarroi des villageois, Mbia, comprenant tous les menaça d’incarcération s’ils ne le remboursèrent pas. Face à cette situation, le chef du village, Mbarga fait appel au grand sorcier Sanga-Titi pour conjurer le mauvais sort qui frappe leur village. Acte IV: (Page 81-95) Les villageois croyant se sortir d’affaire grâce à Sanga-Titi se verront taxés pour des services qui ne sont pas encore rendus. Ils se rendront compte qu’ils se faisaient escroqués par un charlatan puis finirons par le chasser du village. Acte V (Page 97-117) Rassemblé le lendemain devant la maison d’Atangana pour éviter l’arrivée des commissaires de Zoétélé, Mbarga propose à Atangana de voyager avec Juliette sur Yaoundé pour lui trouver un mari riche. Prise de court, Juliette propose que l’on attende sur la place l’arrivée d’un prétendant qui peut régler le problème. C’est alors que vient à passer Tchetgen, un commerçant ambulant qui dépassé par la somme de la dot s’enfuit. Sur ces entrefaites apparait Okô présenté comme un haut-commissaire. C’est ainsi que Juliette épousera Okô après avoir fait comprendre à sa famille l’importance du libre choix du conjoint. 1. Personnages et relations Les personnages de Trois prétendants… Un mari de Guillaume Oyono Mbia est classé en trois catégories: la génération des grands-parents, la génération des parents et la jeune génération. Cette pièce comporte dix-huit personnages dont treize hommes et cinq femmes. Il y a également la foule, l’aide-sorcier et les musiciens qui sont les complémentaires. L’ensemble de ces personnages peut-être divisé en deux grandes catégories: les principaux personnages et les personnages secondaires. -Principaux personnages Dans Trois prétendants… Un mari, nous retenons comme étant des personnages principaux, compte tenu de leur rôle et de leur implication dans les thèmes de la pièce, ceux dont les noms suivent: Juliette Elle est l’héroïne de la pièce. Elève en classe de troisième à l’Ecole Evangélique de Libamba, elle est la fille d’Atangana qui a voulu la donner en mariage pour s’enrichir, et de Makrita. Elle est la jeune fille la plus admirée du village. Elle est au centre de la question du mariage. Les désirs de Ndi et de Mbia sont portés vers sa personne. Mais elle a déjà Oko pour fiancé. A travers Juliette, l’auteur montre la rupture des liens aliénants de la tradition. Atangana Il est le père de Juliette et l’époux de Makrita. Il décide de donner sa fille Juliette en mariage pour s’enrichir. Il est avide et promet sa fille au prétendant le plus riche. L’auteur montre à travers ce personnage les caractères des parents accrochés à la tradition. Oko Fiancé de Juliette, il est un jeune collégien rejeté par la famille de Juliette. Néanmoins, il aura la main de la jeune fille grâce au « bon tour » joué par le trio Juliette, Okô et Kouma. Oko représente dans l’esprit de l’auteur certains « intellectuels » qui se retrouveraient brusquement désarmés, malgré leur érudition et peut-être à cause d’elle devant des situations simples. Il s’est néanmoins défendu une fois déguisé en « grand-homme ». Ndi Premier prétendant de Juliette. Paysan de Mvoutessi, il verse cent mille francs à titre de dot aux parents de Juliette car il a pour seul rêve d’épouser la jeune collégienne. Rivalisé par Mbia, il décidé de reprendre son argent. Il incarne les paysans de nos villages qui ont des ambitions dépassant leur capacité ayant en tête des projets grandioses. Mbia Deuxième prétendant de Juliette, il est un riche fonctionnaire. Il est accepté par la famille de Juliette à cause de sa richesse mais rejeté par Juliette. Il incarne la puissance corruptrice de l’argent. Mbarga Chef du village de Mvoutessi, il est celui qui préside la palabre publique. Doté d’une nature très flatteuse, il ne se gêne pas pour trouver des solutions fiables aux différents problèmes auxquels sont confrontés les habitants de son village. Il partage les mêmes idéaux qu’Abessôlô, le grand-père de Juliette. L’auteur montre à travers ce personnage le rôle que doit jouer un quelconque chef dans la société. Abessôlô Il est le grand-père de Juliette et l’épouse de Bella. Il encourage Atangana, son fils à donner Juliette en mariage même sans son consentement en respectant ainsi à la tradition. Premier chef de la famille, il n’aime pas du tout l’école et recommande pour l’éducation des filles la bastonnade. Aussi gourmand qu’exigeant, il représente une génération en perte de vitesse, dépassée par le rythme vertigineux auquel les choses évoluent. - Les personnages secondaires Au nombre des personnages secondaires de cette pièce, nous pouvons citer: Engulu Il est le chauffeur du fonctionnaire Mbia, le deuxième prétendant de Juliette. Etant un être sérieux et bouffon, il est l’auxiliaire de Mbia lors de leur visite dans la famille de Juliette. Sanga-Titi Il est le charlatan que Mbarga a fait venir pour aider Atangana à retrouver l’argent volé. Mais constaté qu’il est un escroc, il est chassé du village. L’auteur montre à travers ce personnage la vacuité de certaines croyances africaines. Tchetgen Il est un commerçant de passage à Mvoutessi. C’est lui qui a été choisi pour le troisième prétendant de Juliette. Delà, il devra verser les trois cents mille francs des deux premiers prétendants mais, il trouve que cette somme est trop pour doter une femme. C. La thématique, le résumé, le projet de Guillaume Oyono Mbia La thématique Le thème principal de la pièce de théâtre intitulée Trois prétendants… un mari de Guillaume Oyono Mbia est « La satire du mariage traditionnel ». Dans cette pièce, il est question d'un père, Atangana, qui veut donner sa fille en mariage à tout homme riche matériellement. Cette action s'inscrit dans le code social et la tradition car ici, c'est la famille qui décide et trouve un mari à la fille. Ce qui permet à la famille de la jeune fille de s’enrichir. Selon Atangana, Juliette, étant Collégienne, devrait lui rapporter beaucoup d’argent. Encore appelé « mariage forcé », le mariage traditionnel consiste, sur décision familiale, à donner une fille en mariage sans la consulter, sans son consentement. A Juliette de voir, aujourd’hui autrement. Selon elle, la femme n’est pas une chose, une vulgaire chèvre à vendre au plus offrant pour s’enrichir. A sa famille elle ose demander: « Quoi? Je suis donc à vendre? Pourquoi faut-il que vous essayiez de me donner au plus offrant? Est-ce qu’on ne peut pas me consulter pour un mariage qui me concerne? » (Page 20). Juliette pense donc que sa famille doit la consulter au sujet de son mariage. Mais tel n’est pas le cas chez la génération des grands-parents et celle des parents. Ces derniers, attachés à la tradition, ont une autre conception du mariage. Selon eux, leur fille n’a pas de choix à opérer au sujet de son mariage. C’est la famille qui lui choisit son mariage. Ce point de vue est fortement soutenu par Abessôlô dans cette pièce. Scandalisé, il affirme: « … il fallait attendre pour consulter Juliette elle-même avant d’accepter la dot. Consulter une femme à propos de son mariage! » (Page 15). Pour lui, cela apparaît vraiment étrange. A son épouse de soutenir: « Juliette! Une fille ne parle ne parle pas quand son père parle! » (Page 23). Inutilement donc à Juliette de chercher à se défendre. Delà se dégagent deux points de vue divergents. La jeune génération instruite contre la génération des grands-parents et celle des parents. Nous avons aussi dans la pièce d’autres thèmes tels que: conflit de génération, la tradition, la condition de la femme en Afrique, l’avidité, l’escroquerie, la dot, etc. - Les autres thèmes Le conflit des générations La pièce fonctionne sur des conflits, et c'est la gestion de ces derniers qui fait son originalité. La scène se déroule dans une macro espace réelle, le village du dramaturge (Mvoutessi). Sur le plan temporel, le passé s'oppose au présent ; un passé nostalgique pour la génération des grands-parents qui remettent en cause ce qu'est devenue l'éducation des filles et la liberté que les hommes laissent à leurs femmes d'agir à leur gré. C'est ainsi que Abessôlô dit : "de mon temps, quand j'étais encore Abessôlô, et (…) que ma femme Bella était encore femme, vous croyez que j'aurais toléré des histoires pareilles ? Mais vous, vous permettez à vos femmes de manger toutes sortes d'animaux tabous ! Vous allez même jusqu'à les consulter sur ceci ou cela !…Consultez une femme à propos de son mariage !" (pp. 14-15). Autrefois régnaient le respect de la gent masculine et la soumission totale de la femme. Le présent qui caractérise la situation actuelle est un temps qui marque le libertinage de la femme selon le personnage. Mais grands-parents et parents s'accordent sur le même principe: Juliette doit épouser un homme riche pour la prospérité de la famille. À ces deux générations, va s'opposer la génération des jeunes pour qui, de telles pratiques sont désuètes et inadmissibles. Un jeu va ainsi s'installer entre ces derniers et sera remporté par les jeunes qui vont s'imposer. L’auteur, en faisant triompher la jeune génération, met en cause certains des caractères des parents ne participant pas à l’épanouissement des jeunes. La condition de la femme en Afrique Dans Trois prétendants … Un mari, nous pouvons compter cinq femmes et treize hommes. La supériorité numérique des hommes sur les femmes dans la pièce, a une incidence sur la prise de parole et le dialogue. Alors que les hommes sont à l'extérieur, à l'air libre, les femmes sont à la cuisine, cet enfermement est une exclusion de la cérémonie car elles sont à l'écart de tout ce qui se décide. La parole est monopolisée par les hommes qui décident de tout. Les femmes ne sont informées du déroulement de la dot qu'après le départ des prétendants. Selon les hommes, les femmes n’ont pas droit à la parole et doivent se soumettre aux décisions prises par les hommes. Aussi faut-il souligner qu’à propos du mariage, les femmes n’ont pas le libre choix. C’est la famille qui est la seule institution capable de ce choix. Mais à l’arrivée de l’école coloniale en Afrique, les jeunes filles qui sont allées à l’école ont une autre conception de la chose. La génération des enfants de cette pièce, représentée par la jeune collégienne Juliette, est nettement en révolte contre les contraintes des traditions et les empiétements de celles-ci sur la vie des jeunes de l’Afrique moderne. Ce qu’on voit chez les trois générations en présence, ce n’est seulement un simple « conflit de générations » mais surtout un conflit de cultures : traditionnelle africaine d’une part, transmise et conservée comme sacro-sainte par ses adhérents ; occidentale, d’autre part, qui sans cesse, remet tout en question. La vieille grand-mère Bella incarne les vertus et les faiblesses de la femme traditionnelle africaine. Respectueuse des coutumes et des traditions, même lorsque celles-ci s’avèrent injustes et défavorables à son sexe. Elle accepte que la femme soit un être inférieur à l’homme et se soumette sans autre forme de procès aux conventions qui protègent les intérêts de l’homme aux dépens des siennes. Dans son opinion, la femme ne devrait rien contester à l’homme ; elle ne devrait ni s’afficher ni s’imposer dans un monde où la loi de l’homme, la loi du plus fort, est reconnue comme seule valable. Cette conception n’est pas la même chez les filles de la jeune génération. L’avidité L’avidité signifie le désir immodéré du matériel ou de l’argent. Dans Trois prétendants … un mari, l’action comique tourne autour de l’avidité, de la cupidité caractéristique de la famille de Juliette. Après le versement de la somme exigée en titre de dot par les prétendants de Juliette, ses parents exigent encore de ces derniers beaucoup de matériels. Chacun des membres de la famille propose grossièrement ce qu’il désire de la part du prétendant: « voilà ce que tu dois encore m’apporter pour achever le mariage. Je veux un poste radio avec phonographe » déclare fièrement Atangana. L’escroquerie L’escroquerie est l’action de tirer quelque chose à quelqu’un par fourberie par des manœuvres frauduleuses. C’est Sanga-Titi, le charlatan que Mbarga, le chef de village a fait venir chez Atangana pour la recherche de l’argent volé, qui est le porteur de ce thème. Il affirme: « C’est moi Sanga-Titi, le grand sorcier qui avait hérité des secrets du passé. » (Page 86). Ce charlatan a donc les propos trompeurs qui touchent la psychologie des villageois, ce qui les oblige à se fier à lui. En réalité, Sanga-Titi use de la naïveté de l’assistance, surtout de Mbarga et d’Atangana, pour escroquer le village. Il s’agit, ici, à travers cette pièce de la satire de la divination africaine, incarnée par ce personnage. L’auteur montre de ce fait qu’il existe divers types de charlatans et qu’il existe parmi ces derniers des escrocs sans scrupules qui profitent souvent u désarroi de leurs semblables pour ajouter à leurs malheurs. Atangana et toute sa famille comptent sur Sanga-Titi pour retrouver l’argent volé mais ce charlatan les a davantage ruinés. L’auteur veut signifier par là qu’il ne faut pas se fier totalement aux devins. Les habitants de Mvoutessi ont enfin remarqué la mise en scène trompeuse du charlatan et l’ont chassé du village. La dot La dot est ce qu’apporte une femme en mariage. C’est la compensation en biens et en services de la part du futur époux à la famille d’une future épouse. Dans Trois prétendants … un mari, les prétendants de Juliette ont pour condition indispensable de payer la dot avant d’avoir la main de la jeune fille. C’est cela que Ndi verse cent mille francs et Mbia deux cents mille francs à la famille de Juliette. La dot constitue donc une richesse pour la famille de la future épouse. En réalité, la dot caractérise un système économique précapitaliste qui pousse les jeunes au travail et encourage les vieux à la paresse et à l’exploitation de la femme car la dot constitue pour eux un moyen d’échanger une fille contre de l’argent. Les parents ne retiennent de l’école que sa capacité à rehausser la valeur « marchande »de leur fille. Les propos d’Atangana traduisent toute la portée de cette conception abusive de la relation fille-dot: « En l’envoyant au collège, j’avais bien raison de dire à tout le monde, un beau jour, cela me rapportera » (Page 15) La scène de l'argent volé est un coup de théâtre que le dramaturge choisit de mettre hors scène et qui marque pourtant le dénouement de l'action car c'est cet argent que Juliette remet à son cousin Kouma et à son amant Oko, lequel se fait passer pour « le grand homme » qui rembourse l'argent des deux premiers prétendants et épouse Juliette sans verser aucune dot. L’auteur montre, ici, le caractère traditionnel des parents qui se servent de la dot de leurs filles pour s’enrichir. Résumé La scène se déroule à Mvoutessi, un village du Sud du Cameroun. Il s'agit d'un père de famille, Atangana, qui a envoyé sa fille Juliette au collège et il est justement question, dès le lever de rideau, de vives discussions à propos de l'éducation des filles. La famille vient de recevoir une somme de 100.000 francs de la part de Ndi, un jeune paysan désireux d'épouser Juliette, la jeune collégienne. Parallèlement, un autre prétendant est annoncé, Mbia, le grand fonctionnaire et tout tombe bien puisque la concernée rentre de son pensionnat le jour même pour passer des vacances auprès des siens. À son arrivée, Juliette est mise au courant de la situation, sa réaction est vive et sans équivoque : pas question pour elle d'être vendue comme une chèvre. Le fonctionnaire se proclame très important et verse la somme de 200.000 francs à titre de dot, se fait établir une liste de ce que la famille réclame en sus, puis il se retire. À l'annonce de ce nouveau mariage contracté sans son consentement, Juliette se regimbe, au grand scandale de sa famille. Elle profite de l'occasion pour annoncer ses fiançailles avec Oko, un jeune lycéen. La famille ne veut "pas d'écolier" car ce dernier est incapable de résoudre leurs problèmes. Devant cette situation, les jeunes Kouma, Oko le fiancé non désiré et Juliette décident de "jouer un bon tour" aux villageois qui les mènent en même temps que les villageois à un dénouement heureux. Les 300 000 francs des deux prétendants, seront dérobés par Juliette puis remit à Oko qui se présentera à la famille à un moment où ces derniers avaient perdus tout espoir de rembourser les deux prétendants avec qui les relations s’étaient entre temps dégradées. Il se présente avec la somme souhaitée et est accepté par la famille qui ne s’est doutée de rien. Le mariage entre Juliette et Oko est célébré par tout le village. Projet de Guillaume Oyono Mbia Trois prétendants…Un mari, pièce écrite à quelques semaines de l’indépendance du Cameroun, très exactement au cours des vacances de Noël de l’année scolaire 1959-1960, se doit d’être placé dans ses contextes politique et social pour une meilleure compréhension des motivations de l’auteur. Dans les pays africains aspirant à l’indépendance, il régnait une certaine agitation politique. Dans la zone de Libamba où l’auteur poursuivait ses études secondaires et où il est né, il ne pouvait être question pour un élève de seconde d’écrire et espérer de voir jouer des pièces traitant des problèmes d’actualité brûlante. Tout au plus, pouvait-on, par des comédies judicieusement agencées, égratigner certaines personnalités, ou stigmatiser des comportements peu recommandables. La pièce, selon l’auteur, fut écrite d’abord dans le seul but de divertir ses condisciples après les études surveillées du soir, et, ce faisant, de remercier ceux d’entre eux qui l’aidaient dans ses devoirs de mathématiques et de sciences, car, dit-il, il avait « une faiblesse notable en mathématiques et dans toutes les autres matières scientifiques. » Ce fut d’ailleurs grâce à « l’indiscrétion » de ces condisciples que l’œuvre fut portée à l’attention du professeur de français de la Seconde Moderne qui en reconnut la valeur sociale et littéraire et encouragea le jeune dramaturge à la parfaire pour un public plus large. La pièce s’est inspirée d’un incident réel qui s’était produit dans le village du jeune Oyono Mbia. Une des cousines de celui-ci, pensionnaire d’un lycée, rentre chez ses parents pendant les grandes vacances, et découvre, pour son malheur, qu’elle a été fiancée à un député local de loin plus âgé qu’elle, mais qui passait, pour très riche. Malgré ses objections et protestations, elle est obligée d’épouser le député pour satisfaire aux désirs des parents d’établir un lien de parenté avec cette célébrité locale. La conclusion du mariage, comme c’est toujours le cas en Afrique, fut précédée de longues et nombreuses palabres auxquelles assistait le jeune Oyono-Mbia et qui lui serviront de prétexte pour écrire Trois prétendants... un mari Conclusion Au terme de cette réflexion, il en ressort que Trois prétendants…Un mari revêt de intérêt sur le plan socioculturel, esthétique et politique. Sur le plan socioculturel, on réalise que l’itinéraire adopté par l’auteur dans la pièce montre l’évolution sociale et culturelle de l’Afrique. Dans le cas présent, il s’agit de la situation sociale de la femme qui, jusque-là, reste encore, à bien des endroits, soumise à des pratiques qui ne sont plus de mise dans le monde moderne. Trois prétendants... un mari dramatise cette situation notamment dans l’institution du mariage et de la dot à l’africaine. Sur le plan esthétique, l’auteur s’est conformé aux règles classiques du théâtre avec une originalité créée grâce aux différentes manipulations de sa langue locale. Par ailleurs, le personnage Mbia incarne la dimension politique de l’œuvre. Le départ des Européens au lendemain des indépendances a permis aux nouveaux chefs de passer le plus clair de leur temps à se targuer de leur promotion. D’où ce souci permanent d’exhiber son outrecuidance et de se constituer un cheptel féminin et de vivre au-dessus de ses moyens. Ce sont ces attitudes que la pièce s’acharne à fronder.