Encyclopédie Médico-Chirurgicale 50-190-B-10 50-190-B-10 Cheveux : techniques esthétiques C Bouillon Résumé. – Avant d’aborder les techniques de mise en forme et en couleur, quelques rappels sur la structure du cheveu et la nature des liaisons qui en assurent la cohésion permettent d’introduire les mécanismes de déformation du cheveu et les principes physicochimiques sur lesquels s’appuient la mise au point des produits de coiffage et de maintien, puis le processus de la permanente et l’opération inverse qui consiste à défriser les cheveux bouclés. L’éclaircissement de la couleur des cheveux consiste essentiellement dans la dégradation oxydative et la solubilisation des pigments mélaniques situés dans le cortex. Il fait appel à l’oxygène naissant produit par l’eau oxygénée, avec l’appoint éventuel de persulfates pour l’obtention de fortes décolorations. Le traitement éclaircissant entraîne des modifications importantes dans les propriétés du cheveu, d’où la nécessité d’utiliser par la suite des soins appropriés, spécifiques. La coloration connaît une faveur sans cesse croissante et est aujourd’hui utilisée par 30 à 40 % des femmes dans les pays industrialisés. Elle peut correspondre à de multiples besoins et désirs à satisfaire. Les produits de coloration sont habituellement divisés en trois catégories reflétant la durée, la persistance de la coloration apportée. La coloration d’oxydation, à elle seule, représente 70 à 80 % des applications : elle est basée sur l’emploi de substances incolores, bases et coupleurs, qui forment un pigment dans le cheveu grâce à un processus d’oxydation initié par l’eau oxygénée. Selon les conditions de pH, elle permet de couvrir les cheveux blancs dans la nuance naturelle des cheveux, d’apporter des reflets tenaces ou de changer durablement en plus clair ou en plus foncé la teinte naturelle. Grâce aux innovations en matière de soin et de protection de la fibre capillaire dont bénéficie chaque stade du traitement de coloration, les produits modernes préservent la qualité du cheveu tout en exaltant l’embellissement de la chevelure. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : produits de mise en plis, de coiffage, de maintien/ondulation (permanente), défrisage, éclaircissement, décoloration, coloration, coloration d’oxydation. Propriétés physiques du cheveu 1 Pont disulfure (cystine) entre deux chaîNH nes de kératine K et K . 1 2 OC CH-CH2-S-S-CH2-CH Elles résultent d’une architecture protéique complexe. L’analyse de la kératine du cheveu après hydrolyse montre la présence de 18 à 20 acides aminés distincts, mais l’un d’entre eux, la cystine, représente à lui seul 15 à 18 % de l’ensemble : c’est dire son extrême importance dans la structure. La chaîne latérale de la cystine comporte un « pont » de deux atomes de soufre formant jonction entre deux enchaînements peptidiques voisins (fig 1). Une forte teneur en cystine traduit donc un taux de réticulation élevé. Les ponts disulfures de la cystine sont une composante essentielle de la résistance mécanique du cheveu, mais la cohésion de l’édifice est renforcée par le grand nombre de liaisons hydrogènes qui s’établissent entre les groupes carbonyles (CO) et amides (NH) des liaisons peptidiques (fig 2), et par les liaisons dites salines qui résultent de l’attraction ionique entre les groupements acides (aspartique, glutamique) et basiques (lysine, arginine) situés sur les chaînes latérales (fig 3). Nous verrons ci-après comment la rupture Claude Bouillon : Directeur corporate direction générale, recherche et développement, L’Oréal, centre de recherche Charles Zviak, 90, rue du Général-Roguet, 92583 Clichy cedex, France. HN CO K1 K2 et la reconstitution de ces divers types de liaisons sont mises à profit pour imposer des déformations au cheveu et le mettre en forme de façon plus ou moins durable. Déformation temporaire du cheveu : produits de mise en forme, de coiffage et de maintien Le moyen le plus simple pour donner une forme à la chevelure consiste à l’humidifier, à lui imprimer une déformation à l’état mouillé, puis à sécher les cheveux dans la forme imposée. Ce processus s’appuie sur les propriétés élastiques remarquables du cheveu : les déformations de faible amplitude sont totalement réversibles. Toutefois, la vitesse avec laquelle s’opère le retour à l’état Toute référence à cet article doit porter la mention : Bouillon C. Cheveux : techniques esthétiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cosmétologie et Dermatologie esthétique, 50-190-B-10, 2001, 6 p. Cheveux : techniques esthétiques 50-190-B-10 N I H • • • O II C R I CH CH I R 2 C II O • • • H I N OC CH-CH2-CO2HN Liaisons « hydrogène ». K1 La formule d’un produit de mise en forme, de coiffage ou de maintien se compose en général de : – polymères filmogènes ; – plastifiants ; – agents adoucissants, démêlants, donneurs de brillance ; – parfum, colorant ; K2 3 Liaison saline acide aspartique/ NH lysine. +H3 N- (CH2)4 -CH CO initial après étirement peut dépendre des conditions dans lesquelles la déformation a été réalisée. Dans l’eau, le cheveu s’allonge beaucoup plus rapidement, mais il revient aussi beaucoup plus vite à son état initial quand cesse la traction. En revanche, si après avoir étiré le cheveu, on le sèche en maintenant la tension, le cheveu conserve à sec une partie de l’allongement qui lui a été donné. Ce comportement est attribué à la contribution des liaisons hydrogènes et des liaisons salines : à l’état mouillé, un certain nombre de ces liaisons sont rompues ou affaiblies, les chaînes de kératine peuvent donc glisser plus facilement et subir un certain étirement. Au cours du séchage, de nouvelles liaisons s’établissent, qui vont cristalliser le nouvel arrangement spatial interne. Ces nouvelles liaisons cèdent toutefois progressivement sous la pression des forces naturelles de rappel et ce d’autant plus vite que l’atmosphère ambiante est plus humide. Dans la pratique, on opère comme suit : la déformation est imprimée aux cheveux mouillés : – soit par enroulage sur des rouleaux de mise en plis ou des papillotines ou d’autres supports de formes variables, ou même autour d’un doigt avec fixation de la boucle avec des épingles ; l’enroulage est suivi d’un séchage au séchoir ou à l’air libre ; – soit à l’aide d’un peigne et d’une brosse, avec fixation de la forme simultanément par un séchoir à main (Brushingt). La forme obtenue dans ces conditions n’est que temporaire ; elle disparaît à la première averse. D’où l’idée de rechercher des produits capables de retarder cet inéluctable retour au naturel et d’essayer de prolonger la forme d’un shampooing à l’autre. Les produits de mise en forme et de coiffage sont basés sur des solutions de polymères dits filmogènes, c’est-à-dire des substances de haut poids moléculaire qui laissent, après évaporation, un film enveloppant chaque cheveu : ce film doit à la fois exercer un rôle mécanique en maintenant le cheveu dans la forme imposée, apporter du gonflant à la chevelure et la protéger contre l’humidité ambiante. Il ne doit être ni collant ni rêche, ni friable ni hygroscopique, ne pas poudrer, rester invisible... L’art du formulateur est à la fois dans le choix du (ou des) polymère(s) pour satisfaire à ces exigences nombreuses et souvent contradictoires, et dans la mise au point d’un support permettant d’exalter les qualités du film polymère, de minimiser ses défauts et de répondre aux besoins ou à une utilisation spécifiques (mise en plis, Brushingt, coiffage avec les doigts, coiffures modelées, structurées, ébouriffées, fixées...). La formulation a constamment évolué avec les techniques de mise en forme, la mode, les types de coiffure. La disponibilité de nouveaux polymères et de nouveaux agents traitants a permis aux cosméticiens d’enrichir constamment la palette de produits et de performances. Aux premières lotions aqueuses ou hydroalcooliques se sont adjoints des gels, des mousses aérosols, des sprays, des lotions et des mousses de coloration temporaire, offrant un maintien plus ou moins rigide ou un modelage coiffant souple plus ou moins traitant et embellissant (apport de douceur, brillance, soin, démêlage, discipline, texture, corps...). 2 Cosmétologie – solvant (eau, alcool). Les polymères utilisés sont, soit des résines non ioniques (polyvinylpyrrolidone [PVP] ou copolymères de vinylpyrrolidone et d’acétate de vinyle [PVP/VA]), soit, le plus souvent, des résines anioniques, c’est-à-dire des polymères dont la structure porte un certain nombre de groupements acides libres que l’on neutralise pour obtenir une bonne solubilité dans l’eau et l’alcool. Le taux de neutralisation revêt une grande importance car il détermine à la fois la solubilité et la résistance du film à l’humidité : il doit donc être soigneusement ajusté. Les plastifiants ont pour objectif de modifier la flexibilité, la dureté, la résistance à l’humidité et d’empêcher le poudrage du film. Ce sont des polyglycols, des dérivés de lanoline, des silicones, des protéines. Les agents destinés à améliorer le toucher, l’aspect, le démêlage des cheveux sont multiples, mais on peut citer en particulier les polymères cationiques, qui, en plus de toutes ces propriétés, renforcent l’adhésion du film grâce à leur affinité pour la kératine. Les laques sont normalement destinées à être appliquées sur la coiffure terminée, c’est-à-dire sur cheveux secs, après le « coup de peigne ». L’objectif n’est plus de gainer le cheveu, mais de recouvrir la chevelure d’une résille invisible plus ou moins ferme, plus ou moins souple, pour conférer une certaine rigidité à la coiffure finie et la protéger contre les déformations mécaniques, le vent, l’humidité. Alors que les produits de mise en forme, de coiffage ou de maintien s’appliquent après un shampooing ou pas plus d’une fois par jour, les laques peuvent être appliquées plusieurs fois par jour. À plus de 90 %, ce sont des aérosols : une solution alcoolique conditionnée sous pression et vaporisée au travers d’une valve commandée par un bouton poussoir. La qualité d’une laque est à la fois dans la finesse de sa pulvérisation et dans les propriétés de la maille polymérique, qui doit satisfaire à des exigences tout aussi délicates et multiples que pour les produits précédents. La plupart des polymères filmogènes utilisables pour ces derniers le sont aussi pour les laques. Les principales différences résident dans la concentration en polymère (plus élevée en général) et la nature et la quantité de plastifiants. La possibilité de formuler sans eau permet en outre de faire appel à d’autres résines, dès lors que leur solubilité dans l’alcool et leur compatibilité avec les propulseurs sont bonnes. Les performances d’une laque dépendent dans une large mesure de la technologie de pulvérisation. Les principaux gaz propulseurs utilisés sont des associations à partir d’hydrocarbures simples ou fluorés non chlorés ou d’oxyde de diméthyle (diméthyléther [DME]). Déformation. Ondulation permanente Quel que soit le corset polymérique dont on emmaillote le cheveu pour prolonger sa forme, il ne résiste pas au premier shampooing. Pour obtenir des boucles ou des ondulations durables, pour imprimer à la chevelure un support de forme qui se conserve dans le temps, il faut mobiliser d’autres liaisons que les seules interactions ioniques (salines) et « hydrogène » : il faut libérer toutes les ressources d’extension de la fibre en rompant les ponts disulfures (cystine). Le principe de la permanente consiste à ouvrir temporairement un certain nombre de liaisons disulfures K-S-S-K entre les chaînes de kératine (K), grâce à l’action d’un agent réducteur ou « liquide frisant » qui va rendre le cheveu plastique, c’est-à-dire déformable sans élasticité, et permettre ainsi le glissement des chaînes polypeptidiques de la kératine pour modeler le cheveu dans une forme nouvelle, imposée par enroulage sur bigoudi. Dans un deuxième temps, les liaisons disulfures sont Cheveux : techniques esthétiques Cosmétologie K1 R-SH S SH HS S S SH HS S S SH HS S S SH HS S K2 * A HS H2O2 SH HS SH S S HS S S SH HS * B SH 4 S S S 50-190-B-10 1 % d’acide thioglycolique pour des cheveux fortement décolorés contre 7 % pour un cheveu naturel moyen facile à permanenter et 8 à 9 % pour un cheveu difficile). Les produits destinés à l’utilisation à domicile ont une force réduite d’environ un tiers par rapport aux lotions à usage professionnel. Les lotions frisantes contiennent également de faibles quantités d’agents mouillants et moussants (tensioactifs non ioniques ou anioniques) pour favoriser une imprégnation régulière du cheveu et bien localiser l’application ; des séquestrants pour préserver le système réducteur, en particulier vis-à-vis du fer ; et des agents adoucissants : huiles végétales, dérivés de lanoline, hydrolysats de protéines, qui mettent à profit une perméabilité augmentée du cheveu réduit pour le soigner et l’embellir. Mais le progrès majeur apporté par les formulations modernes est d’avoir réussi à incorporer certains polymères cationiques, qui protègent le cheveu sur toute sa longueur tout au long du processus de permanente et améliorent considérablement l’état de la fibre, laissant un cheveu vigoureux, soyeux et brillant. En dehors de l’acide thioglycolique, il est essentiellement fait appel à deux autres thiols : l’acide thiolactique et la cystéine. D’une efficacité plus modérée, ils sont utilisés soit en complément, soit pour réaliser des permanentes souples ou destinées à des cheveux fragilisés. FIXATEUR OU NEUTRALISANT * C S Principe de la permanente. A. Réduction. B. Étirement. C. Oxydation. K1, K2 : chaîne de kératine ; R-SH : acide thioglycolique ; H2O2 : eau oxygénée. reconstituées, mais selon une répartition différente de l’état initial, par l’intermédiaire d’un agent oxydant appelé « fixateur » ou « neutralisant » qui va fixer durablement l’ondulation créée (fig 4). Deuxième temps de la permanente : la neutralisation. La reformation des liaisons disulfures par oxydation est une étape déterminante pour consolider le cheveu dans sa nouvelle configuration. L’oxydant le plus généralement employé est l’eau oxygénée à 6-8 volumes à pH acide, pH où elle est la plus stable. La formule d’un fixateur ou neutralisant contient en outre des stabilisants pour empêcher la décomposition de l’oxydant, des agents mouillants ou moussants pour une bonne imprégnation des mèches enroulées, et des substances traitantes et embellissantes, alcools gras, dérivés de lanoline, tensioactifs ou polymères cationiques, etc, dans la mesure où celles-ci peuvent être compatibles avec le milieu oxydant. LOTIONS FRISANTES Les meilleurs agents réducteurs pour réaliser l’ouverture des liaisons disulfures lors de la première étape de la permanente sont les thiols ou mercaptans : fonctionnellement apparentés, ils sont les partenaires d’élection des liaisons cystines qui relient les chaînes de kératine pour réaliser une réaction d’interéchange oxydoréducteur : 2 R-SH thiol + K-S-S-K liaison disulfure entre chaînes ← 2 K_SH kératine réduite + R-S-S-R thiol oxydé Beaucoup de thiols et de systèmes réducteurs ont été essayés, mais un nombre très restreint s’est avéré utilisable, essentiellement pour des raisons d’irritation ou de potentiel allergisant, de durée d’application ou de qualité de frisure. Le plus utilisé, de très loin, est l’acide thioglycolique, neutralisé sous forme de sel, qui réalise le meilleur compromis efficacité/tolérance malgré une odeur peu agréable et la nécessité de travailler à pH basique pour disposer d’un potentiel réducteur suffisant. La majorité des lotions frisantes sont des solutions de thioglycolate d’ammonium et d’ammoniaque, éventuellement « tamponnées » avec du carbonate/bicarbonate d’ammonium. Le choix de l’ammoniaque offre le double avantage de favoriser un bon gonflement du cheveu par affaiblissement des liaisons hydrogène et d’éviter un excès d’alcalinité. L’efficacité frisante dépend à la fois de la concentration en réducteur et du pH. La législation européenne (CEE) autorise un pH compris entre 6 et 9,5 et une concentration maximale de 11 % en acide thioglycolique pour les produits à usage professionnel et de 8 % pour les produits vendus au public. La force des produits est adaptée à chaque qualité de cheveux. Les cheveux colorés et surtout les cheveux décolorés, plus poreux, doivent être traités avec des solutions beaucoup plus faibles (on utilise par exemple une lotion à Défrisage Le principe est le même que pour l’ondulation permanente, mais dans une perspective de déformation inverse. Il s’agit de rendre le cheveu suffisamment plastique pour lui faire adopter une configuration lisse et rendre celle-ci durable. L’opération peut être réalisée en utilisant la même séquence de traitements que pour la permanente : rupture des liaisons disulfures par un réducteur pour permettre l’étirement des chaînes de kératine, puis reconstitution des liaisons disulfures par un oxydant pour fixer le cheveu dans la forme défrisée. Pour boucler le cheveu, on utilisait les bigoudis ; le lissage est effectué mécaniquement par passage du peigne sur les mèches imprégnées de produit réducteur. Le réducteur utilisé est en général le thioglycolate d’ammonium, et l’oxydant fixateur un bromate. Mais ils sont incorporés dans des supports totalement différents des produits frisants : au lieu de lotions, on recherche ici des crèmes ou des gels épais, « lourds », pour maintenir les cheveux aussi raides que possible pendant toute la durée du traitement. Pour des cheveux difficiles à défriser, cette approche réducteur/fixateur ne donne pas de résultats satisfaisants. Les seuls défrisants efficaces sont des crèmes alcalines contenant 2 à 4 % d’une base forte (soude, potasse, lithine). Ils sont les plus répandus, en particulier aux États-Unis où ils sont appelés relaxers. Ces crèmes de défrisage contiennent en général des quantités importantes de vaseline pour maintenir les cheveux en place pendant l’opération de lissage, des émulsionnants, ainsi que des alcools gras et autres adoucissants (lanolines, silicones, protéines, polymères…). Très efficaces, ces produits doivent être manipulés avec précaution. Il est recommandé de faire précéder leur application de celle d’un produit gras sur le cuir chevelu pour le préserver de l’agressivité des alcalins. Le passage du peigne doit être très progressif pour éviter des ruptures de cheveux excessives. 3 Cheveux : techniques esthétiques 50-190-B-10 Décoloration. Éclaircissement L’éclaircissement de la couleur des cheveux consiste essentiellement dans la destruction oxydative et la solubilisation des pigments mélaniques situés dans le cortex. Ces pigments mélaniques sont généralement classés en deux types principaux : – les eumélanines, pigmentation granuleuse de couleur brun à noir foncé ; – les phæomélanines, pigmentation diffuse de couleur jaune pâle à roux. Le processus de décoloration affecte les deux types de pigmentation, mais avec, semble-t-il, une cinétique et des évolutions différentes. Il en résulte un éclaircissement progressif, attribué à la dégradation des pigments bruns, et parallèlement une révélation de reflets, caractéristiques de la pigmentation diffuse. Les procédés de décoloration font essentiellement appel à l’oxygène naissant. Les sources d’oxygène naissant sont l’eau oxygénée, les persulfates et les peroxydes. On utilise : soit l’eau oxygénée seule, soit l’eau oxygénée en présence d’ammoniaque (la libération d’oxygène croit avec l’alcalinité), soit, si l’on désire éclaircir davantage, l’eau oxygénée en présence d’ammoniaque et de persulfates. L’eau oxygénée est généralement commercialisée sous forme de solutions acides à 20 volumes (6 %) ou 30 volumes (9 %). Les coiffeurs utilisent des solutions à 20, 30 ou 40 volumes (12 %). Pour empêcher la décomposition de l’eau oxygénée, ces solutions contiennent séquestrants et stabilisants (acide phosphorique, phénacétine, acétanilide). Les persulfates (de sodium, potassium ou ammonium) sont utilisés dans les formulations de poudres décolorantes, à mélanger au moment de l’emploi à l’eau oxygénée (20-30 volumes) en milieu alcalin (pH 9-9,5). Les produits de décoloration peuvent se présenter sous des formes variées. Du fait de l’instabilité de l’eau oxygénée à pH alcalin, le support ammoniacal et l’oxydant sont conditionnés séparément et mélangés au moment de l’emploi. SOLUTIONS OU ÉMULSIONS OXYDANTES Ce sont des solutions ou émulsions d’eau oxygénée acides (pH 4) stabilisées. Elles sont mélangées au moment de l’emploi avec de l’ammoniaque. Selon la concentration, elles permettent d’obtenir en 15-20 minutes un éclaircissement léger à moyen. LOTIONS RENFORÇATRICES, DÉMÊLANTES, ADOUCISSANTES Elles contiennent des polymères de maintien, de coiffage (résines non ioniques ou anioniques) ou conférant du démêlage et de la douceur (résines cationiques) associées à 6-10 volumes d’eau oxygénée pour donner une action éclaircissante légère et progressive. Ces lotions ne se rincent pas. SHAMPOOINGS ÉCLAIRCISSANTS Il s’agit de solutions moussantes ammoniacales que l’on mélange au moment de l’emploi avec une solution ou émulsion (oxydant crème) d’eau oxygénée à 20 volumes. Cosmétologie solution d’eau oxygénée 20-30 volumes. Faciles à appliquer, ces produits permettent d’obtenir un éclaircissement puissant en 50 à 60 minutes. HUILES DÉCOLORANTES Produits de consistance huileuse contenant des émulsionnants et de l’ammoniaque, ils présentent la particularité de former un gel par mélange avec l’eau oxygénée. Ils sont utilisés en général avec des sachets de poudre décolorante pour obtenir des éclaircissements forts. En résumé, selon le degré d’éclaircissement désiré (fig 5), on fait appel aux produits mentionnés dans le tableau I. L’application d’un produit décolorant est toujours effectuée sur cheveux non lavés. Le cuir chevelu doit conserver sa couche protectrice naturelle de sébum pour prévenir les risques d’irritation. En revanche, toute décoloration mettant en jeu l’eau oxygénée en milieu basique (ammoniacal) doit être suivie d’un shampooing pour éliminer les traces de réactif : ce shampooing doit être faiblement détergent et de préférence acide. D’une façon générale, le cheveu décoloré a un comportement différent du cheveu normal vis-à-vis des traitements qui peuvent lui être appliqués. Ses propriétés de surface sont différentes, il est plus sec, plus poreux, plus sensible à l’humidité, plus difficile à sécher, plus facile à permanenter, plus absorbeur vis-à-vis de certaines substances telles que les colorants et les agents cationiques. Bref, l’action éclaircissante entraîne des modifications importantes dans les propriétés physiques et chimiques du cheveu, des modifications assez similaires, d’ailleurs, à celles que provoque l’exposition prolongée (et décolorante) au soleil d’été et aux embruns. D’où la nécessité d’utiliser des produits de soin ou de traitement spécifiques pour les cheveux décolorés. Coloration On peut estimer aujourd’hui que 30 à 40 % des femmes des pays industrialisés sont utilisatrices de produits de coloration. Se colorer les cheveux correspond à de multiples besoins et désirs à satisfaire : cacher les cheveux blancs, changer la nuance naturelle en totalité ou partiellement de façon durable ou éphémère, exalter, raviver, parer de reflets… Niveau (couleur) Pouvoir éclaircissant * 1. Noir 2. Brun 3. Châtain foncé 4. Châtain 5. Châtain clair Moyen : 6. Blond foncé 2 tons 7. Blond 8. Blond clair 9. Blond très clair 10. Blond clair clair 5 Classification des nuances naturelles. * à titre d’exemple, en partant du niveau châtain. Fort : Puissant 4 tons 6 tons CRÈMES DÉCOLORANTES Ce sont des crèmes ammoniacales à base de corps gras (cires, acides gras, dérivés de lanoline) et composés adoucissants (tensioactifs et polymères cationiques) contenant 10 à 15 % d’ammoniaque. Elles sont mélangées avec une solution ou émulsion d’eau oxygénée à 20-30 volumes au moment de l’emploi. POUDRES ET CATAPLASMES À base de persulfates et éventuellement de peroxydes, ces poudres sont destinées aux fortes décolorations. Elles contiennent des charges minérales et un agent de gonflement (gomme végétale ou dérivé de cellulose) pour assurer une décoloration homogène et progressive. Le pH fortement alcalin est obtenu par des carbonates ou métasilicates. Au moment de l’emploi, elles sont mélangées à une 4 Tableau I. – Produits utilisés en fonction du degré d’éclaircissement désiré. Éclaircissement Léger (un à deux tons) Léger à moyen (deux à quatre tons) Puissant (quatre à six tons)* Produits Lotions éclaircissantes coiffantes ou démêlantes (eau oxygénée 6-10 vol) Shampooing, gels, crèmes ammoniacaux + eau oxygénée 20-30 volumes Poudre décolorante ou huile + poudre + eau oxygénée 20-30 volumes * Cf figure 5 : « Classification des nuances naturelles ». non rincés rincés rincés Cheveux : techniques esthétiques Cosmétologie Les produits de coloration peuvent être divisés commodément en trois catégories reflétant la durée, la persistance de la coloration apportée : coloration temporaire, coloration semi-permanente, coloration permanente. 50-190-B-10 NH2 R3 6 OH R4 R2 Bases d’oxydation. A. Paraphénylènediamines. B. Para-aminophénols. COLORATION TEMPORAIRE Elle vise à apporter à la couleur des cheveux une modification temporaire qui doit s’effacer avec un simple shampooing. Elle consiste donc en un simple dépôt de colorants à la surface des cheveux et ne se rince pas. Son objectif peut être soit de nuancer légèrement ou raviver la nuance naturelle du cheveu, soit de personnaliser ou raviver une coloration permanente ou semipermanente, ou déjaunir les cheveux blancs, corriger les reflets jaunes d’une décoloration, donner de la lumière, de l’éclat, du reflet, etc. N N * A NH2 * B OH OH Les colorants utilisés doivent être facilement éliminables au shampooing, avoir une faible affinité pour la kératine, une taille suffisante pour ne pas pénétrer dans le cheveu, mais aussi une bonne résistance au frottement pour ne pas tacher vêtements ni oreillers, et une résistance suffisante à la lumière et à la sueur. Pour satisfaire cet ensemble de contraintes, il est fait appel à une assez large variété de colorants et pigments empruntés à l’industrie textile. Les produits de coloration temporaire sont essentiellement proposés sous forme de lotions de coiffage, de maintien ou de mise en forme (contenant des polymères non ioniques ou anioniques), de lotions démêlantes (contenant des polymères cationiques) ou de mousses coiffantes ou démêlantes basées sur les mêmes principes. COLORATION SEMI-PERMANENTE Contrairement à la précédente, cette coloration vise à conférer des nuances puissantes et pouvant résister jusqu’à 6 à 12 shampooings. Elle s’appuie sur des colorants présentant une grande affinité pour la kératine et capables de pénétrer la cuticule du cheveu et de migrer assez profondément à l’intérieur de la fibre capillaire. Elle est destinée soit à apporter des reflets (dorés, roux, acajou, cendrés…) à la couleur naturelle, soit à couvrir les cheveux blancs (en proportion inférieure à 30-40 %) dans des nuances naturelles ou à légers reflets, soit à déjaunir les cheveux gris ou blancs, etc. Les colorants utilisés sont des colorants directs, c’est-à-dire qu’ils teignent le cheveu par diffusion directe, sans avoir besoin de révélateur et sans modification chimique de leur structure. Ce sont des colorants puissants, de faible taille, de faible solubilité dans l’eau, présentant une bonne solidité au shampooing et à la lumière. Les nuances naturelles sont obtenues par l’association subtile de colorants dont les propriétés doivent être très proches pour éviter des disparités dans la « montée sur cheveu », et la tenue au lavage et à la lumière. La famille de colorants directs la plus riche et la plus importante est celle des dérivés nitrés qui regroupe les nitrophénylènediamines « ortho » et « para », les nitroaminophénols et leurs multiples dérivés de substitution sur les fonctions amines ou sur le noyau aromatique. Les produits de coloration semi-permanente s’appliquent normalement sur cheveux humides après shampooing et ils doivent être soigneusement rincés après un temps de pause de 10 à 30 minutes pour éliminer l’excès de colorant. Ils peuvent revêtir des formes diverses : des lotions plus ou moins moussantes ou démêlantes (mais pas de produits coiffants, de maintien ou de mise en forme, puisqu’ils sont rincés), des crèmes traitantes ou moussantes, des gels ou encore des mousses aérosols. Il existe quatre types de nuances : naturelles, naturelles à reflets, reflets et gris. Seules les deux premières peuvent camoufler les cheveux blancs (lorsque leur taux ne dépasse pas 30 %). Cette coloration est semi-permanente, ce qui implique qu’elle s’estompe progressivement au fil des shampooings. COLORATION PERMANENTE OU D’OXYDATION Dans l’état actuel de la technique, c’est la seule coloration qui permette une modification durable de la couleur naturelle, la seule N 7 * A Coupleurs d’oxydation. A. Métadiamines. N OH * B * C B. Méta-aminophénols. C. Métadiphénols. qui puisse donner aux cheveux des nuances tenaces dans une infinité de tons. Les produits de coloration d’oxydation permettent de colorer la teinte naturelle en plus clair, en plus foncé, ou en reflet (doré, cuivré, cendré), de couvrir les cheveux blancs quel que soit leur pourcentage, de nuancer après éclaircissement dans toutes les tonalités, en apportant une coloration qui résiste au temps, à la lumière, aux intempéries et aux shampooings. Il en résulte que la coloration permanente est de très loin la plus employée (70 à 80 % de la coloration). Elle s’appuie sur l’utilisation de colorants dits d’oxydation. En réalité, il ne s’agit pas de substances colorantes par elles-mêmes, mais d’intermédiaires incolores qui conduisent à des colorants par un processus de condensation oxydative. D’où la dénomination générique qui leur a été attribuée de « colorants d’oxydation ». Ces précurseurs de coloration sont des molécules simples, possédant une grande affinité pour le cheveu et capables de s’intégrer facilement dans la structure du cheveu. Ils se classent en deux catégories de partenaires, bases et coupleurs, en fonction du rôle qu’ils vont jouer dans le processus d’oxydation qui les transforme en colorants-pigments. Les bases sont des phénylènediamines ou des aminophénols dits « para », c’est-à-dire possédant soit deux fonctions aminées, soit un groupement aminé et un groupement phénol en positions opposées (fig 6). Les coupleurs sont des phénylènediamines, des aminophénols ou des diphénols dits « méta », c’est-à-dire avec des fonctions en position 1,3 (fig 7). Les bases ont la propriété de s’oxyder facilement en présence d’eau oxygénée ammoniacale pour conduire à un intermédiaire instable appelé quinone-imine. Lorsque cette quinone-imine se trouve au contact d’un coupleur, elle réagit instantanément avec ce dernier pour former un colorant dont la taille est double de celle des précurseurs de départ (fig 8).Le processus d’oxydation/condensation se poursuit à partir des colorants formés pour conduire à de véritables pigments insolubles. La coloration obtenue doit tenir au moins 4 à 6 semaines, jusqu’à ce que la pousse des cheveux rende nécessaire une nouvelle application. L’oxygène nécessaire à l’enclenchement du mécanisme de coloration est apporté par de l’eau oxygénée, mélangée au moment de l’emploi à la composition bases/coupleurs. Pour être active, l’eau oxygénée doit être à pH alcalin (environ 9,5) : l’alcalinité est le plus souvent 5 Cheveux : techniques esthétiques 50-190-B-10 COLORATION TON SUR TON NH2 La coloration d’oxydation peut aussi être mise en œuvre sans décolorer le pigment du cheveu, en réduisant la quantité d’ammoniaque ou en remplaçant celle-ci par la monoéthanolamine. Il s’agit de la coloration ton sur ton qui a connu un développement considérable depuis quelques années : elle permet d’apporter des reflets tenaces ou de couvrir efficacement les cheveux blancs dans la nuance naturelle de la chevelure (tableau II). Les produits de coloration d’oxydation comprennent en général trois parties : A - Le support proprement dit, qui contient : Base NH2 NH [O] Quinone-diimine (QDI) NH NH2 NH2 Coupleurs NH2 NH2 + QDI N NH2 OH NH2 + QDI NH2 N N NH2 Bleu NH2 NH – un antioxydant (thiol, sulfite, hydroquinone) pour protéger les précurseurs (bases) vis-à-vis de l’oxydation ; OH OH NH2 + QDI NH NH NH2 Bleu-violet – l’alcalinisant : ammoniaque en général ; NH N NH2 – les précurseurs de coloration : bases et coupleurs ; OH NH NH2 NH2 OH OH NH2 NH NH2 NH2 Magenta N NH NH2 Brun O O NH OH Jaune-vert N NH2 NH2 OH Vert O NH O NH Polymère brun 8 Cosmétologie Schéma résumé des processus d’oxydation. apportée par de l’ammoniaque, qui présente en outre l’avantage de gonfler les cheveux et de favoriser ainsi la « montée » des colorants d’oxydation dans la fibre capillaire. Mais, nous l’avons vu plus haut, l’eau oxygénée ammoniacale est aussi le principe oxydant qui permet de décolorer le pigment mélanique. La coloration d’oxydation peut donc être simultanément éclaircissante, ce qui lui confère le privilège exclusif de pouvoir colorer dans une nuance plus claire que la couleur naturelle du cheveu. Les propriétés éclaircissantes permettent également de préparer le fond pour le développement d’une coloration puissante et homogène. Le potentiel décolorant est déterminé essentiellement par la quantité d’ammoniaque présente. Celle-ci est donc un élément d’ajustement extrêmement important dans la mise au point de la formule. – éventuellement des colorants directs pour orienter les reflets. Le support est le plus souvent constitué d’oléate d’ammonium ou de tensioactifs émulsionnants ou moussants non ioniques. Il peut se présenter sous forme de crème, de shampooing, ou encore sous forme d’une huile donnant un gel limpide par mélange avec l’oxydant. B - L’oxydant : solution d’eau oxygénée à 20-30 volumes stabilisée à pH acide. C - Un produit de rinçage terminal. Le produit de coloration proprement dit est obtenu par mélange de A et B juste avant l’application. Celle-ci s’effectue toujours sur cheveux non lavés, comme pour la décoloration. Après un temps de pause qui peut varier de 15 à 45 minutes, les cheveux sont rincés, puis on procède à l’application du produit C. Le rinçage terminal a une fonction importante et double : en premier lieu, il élimine les excès de colorant et d’oxydant ; mais il est aussi mis à profit pour embellir la chevelure, pour restituer au cheveu des qualités de douceur, de légèreté, de coiffage et exalter la couleur. Le rinçage terminal, parfois appelé « neutralisant », se présente soit sous forme de shampooing acide, généralement cationique ou amphotère, soit sous forme d’émulsion de soin à rincer : l’un et l’autre contiennent des adoucissants cationiques, des polymères cationiques qui lissent et protègent la cuticule du cheveu sur toute sa longueur. Références [1] Zviak C. Science des traitements capillaires.Paris : Masson, 1987 Tableau II. – Types de coloration présentant une certaine durabilité. Action éclaircissante Coloration apportée Possibilité de reflets Couverture des cheveux blancs Durabilité 6 Coloration d’oxydation Coloration ton sur ton d’oxydation Coloration semi-permanente Oui (environ deux tons) Non Non • plus claire (environ deux tons) • plus foncée (de ½ à un ton) • plus foncée (de ½ à un ton) • plus foncée (x tons) • d’égale tonalité • d’égale tonalité • d’égale tonalité Oui Oui Oui Totale Jusqu’à 50 % de cheveux blancs • Camouflage jusqu’à 30 % de cheveux blancs pour les nuances naturelles • Ne convient pas aux cheveux blancs pour les nuances à reflets Permanente Permanente six-douze shampooings