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Et bien, nous pouvons considérer que l'éducation nationale est un système qui repose sur un
principe : celui de l'éducabilité de l'homme à la liberté, c'est-à-dire de son advenue comme citoyen
.
Et il faut aller plus loin : ce n'est pas seulement l'éducation nationale qui repose sur ce principe, mais
la République elle-même. Ainsi dans l'annexe de la loi de refondation du 8/07/13, on peut lire : « La
refondation de l'école s'appuie sur une conception du citoyen et de la République ». Autrement dit : Il
y a une unité organique entre ces notions : citoyenneté, école et république. Et quelle est cette
conception du citoyen ? Celle d'un citoyen libre, autonome, émancipé : « L'école de la République est
une école de l'exigence et de l'ambition qui doit permettre à chaque élève de trouver et de prendre le
chemin de sa réussite. C'est un lieu d'enseignement laïque, d'émancipation et d’intégration de tous
les enfants. ». Ou encore dans l''annexe du Socle commun de compétence, de connaissance et de
culture : « il [le socle commun] donne aux élèves les moyens de s'engager dans les activités scolaires,
d'agir, d'échanger avec autrui, de conquérir leur autonomie et d'exercer ainsi progressivement leur
liberté et leur statut de citoyen responsable. » ou, plus loin : « Elle [la scolarisation] donne aux élèves
une culture commune, fondée sur les connaissances et compétences indispensables, qui leur
permettra de s'épanouir personnellement, de développer leur sociabilité, de réussir la suite de leur
parcours de formation, de s'insérer dans la société où ils vivront et de participer, comme citoyens, à
son évolution » La possibilité de cette participation citoyenne est l'idéal même de l'éducation telle
que nous la concevons.
Et ce principe est attaché à l'idéal révolutionnaire et républicain : L'éducation nationale est
dans son ensemble orientée et fondée par l'idéal républicain d'une société de citoyens libres. Mona
Ozouf écrit, dans le Guide Républicain, pour l'article portant sur l'école et la République : « Les
hommes de la Révolution n'ont inventé ni les salles de classe ni les écoliers, qui existaient bien avant
eux, mais ils ont mis l'école au centre de leur ambition. Pourquoi ? C'est d'abord qu'ils font dépendre
la liberté du peuple de l'instruction, seules capables de former des citoyens éclairés et des hommes
libres. » Dans une république, en effet, le pouvoir trouve en dernière instance sa légitimité dans le
peuple – on dit que le peuple est « souverain » . Cela suppose que le peuple soit constitué de
citoyens libres, émancipé, doué de raison (capable de discerner le vrai du faux et le bien du mal) et
sachant en exercer le pouvoir. Or cette émancipation suppose le travail de l'école qui doit donc avoir
comme objectif celle-ci et qui ne prend son sens qu'à partir de celle-ci. Le projet républicain suppose
donc un principe fondamental (un « ce à partir de quoi »): l'homme (tous les hommes!) peut être
éduqué à la liberté, l'école a comme rôle cette éducation (une éducation pour tous!). On repérera
bien qu'il s'agit là de principe et non pas de fait. Mais c'est un principes qui donne son sens à l'école
républicaine, en même temps qu'à la république qui ne peut se prévaloir d'être républicaine que si
elle part du principe qu'elle est une association de citoyens libres.
« Bien que le terme de citoyen soit maintenant utilisé à tout propos, il a un sens précis. Il définit un ensemble de
droits et de devoirs et il caractérise notre régime politique, dans lequel le citoyen est à la source de la légitimité politique. »
Dominique Schnapper, Le Guide Républicain, article « citoyennté » Delagrave 2004.