CM2 La connaissance du système scolaire français (Version Prof)

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Connaissance du système scolaire français
Introduction : une politique générale pour l'école
Nous sommes les citoyens d'une République démocratique. C'est un fait. Mais cette
République requiert pour se perpétuer une éducation citoyenne. Comme l'indique Marcel Gauchet,
« rien ne garantit que la société démocratique doive automatiquement fabriquer les personnalités
dont la politique démocratique aurait besoin » (M. Gauchet, La démocratie contre elle-même) : la
perpétuation de la démocratie ne va pas de soi, elle suppose une transmission. Ce cours se donne
comme objectif de clarifier quelques éléments de cette transmission en précisant et en interrogeant
1- les grands principes de la République, 2- les objectifs de l'école, et en présentant : 3- le métier de
ces professionnels de l'éducation que sont les enseignants et les CPE, notamment dans leur difficile
collaboration qui s'avère pourtant nécessaire.
Nous commencerons par préciser dans cette introduction que l’école est organiquement liée
à la République et la République à son école. D'un côté, l'idée même de République suppose celle de
liberté citoyenne, tandis que cette liberté, n'étant pas naturelle, suppose instruction et éducation. De
l'autre côté, c'est l'école qui suppose la République puisque cette dernière produit et garantit sa
possibilité et ses conditions par exemple : la gratuité, l'obligation scolaire, les personnels qu'elle
sélectionne.
Ainsi, a) le statut de l'éducation nationale est-il spécifique puisqu'il s'agit d'une institution
publique et qu'elle peut être considérée comme un bien public. Les grandes orientations de l'école
sont donc décidés par l’État dans l'optique de donner aux principes de la République une certaine
réalité : il s'agit des lois d'orientation (1989, 2005, 2013). b) Cette institution s'ancre dans un idéal
révolutionnaire et républicain.
- Le statut de l'éducation nationale :
il s'agit d'une institution publique ; une institution de la République : elle concerne le peuple
tout entier et appartient à tous. Elle est financée par la collectivité, elle est orientée par les valeurs
que cette collectivité défend et dont elle dépend en tant que collectivité (la liberté, l'égalité et la
fraternité), elle s'appuie sur des principes qui sont liés à ces valeurs (la gratuité, la neutralité, la
laïcité, l’obligation scolaire).
L’État conserve donc en matière d'éducation 2 compétences fondamentales : recrutement et
formation de tous les personnels d'enseignement et d'éducation (sur le mode de concours
nationaux) l'institution des programmes d'enseignement, des évaluations et des diplômes
nationaux est identique sur tout le territoire et pour tous les élèves (les modalités d'un contrôle
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continu tel qu'il existe pour les langues vivantes et tel qu'il est mis en place pour d'autres disciplines
à partir de 2021 pouvant faire débat sur une telle question).
- L'école est un bien public : elle appartient à tous, sans appartenir à personne en particulier,
contrairement aux biens privés dont la propriété par l'un exclut la propriété par l'autre. C'est un bien
pour la réalisation duquel tous les membres de la communauté s'engagent consciemment parce
qu'ils pensent qu'en l'occurrence l'éducation de tous est une condition essentielle de l'existence de
leur communauté (il y va d'un choix politique de vie commune). L'éducation est ainsi un bien public
pour deux raisons :
- Parce que l'éducation des enfants est une condition nécessaire de l'existence des sociétés
humaines : sont liés ici de manière évidente éducation et avenir.
- Parce que l'éducation des enfants relève de choix et de projets proprement politiques
d'organisation et d'institution de la société par rapport à des finalités, des principes et des valeurs
choisies : principes de justices, de liberté, d'égalité, de fraternité… l'éducation ayant précisément
comme sens de les faire acquérir aux jeunes générations.
Des lois d’orientation tracent donc pour l'école un horizon organisationnel : ce sont des lois
qui ont pour fonction et pour légitimité de donner une direction et une signification à l'action de
l'école dans la République. Il s'agit de former une communauté qui n'est pas seulement organisée par
la satisfaction de besoin ni mue par l'intérêt, mais aussi orientée par des fins d'ordre politique.
L'école est donc non seulement gérée par l’État mais également orientée et engagée par lui vers des
objectifs qui sont repensés et renouvelés régulièrement (1989, 2005, 2013). Ces objectifs sont en
lien avec les valeurs et les fins que la République vise. La loi d'orientation est la loi par laquelle l’État
donne une politique à l'école. La loi exprime la volonté de la communauté de fonder l'école sur des
valeurs et des principes proprement politiques.
- L'idéal révolutionnaire et républicain d'une émancipation de l'homme par l'éducation.
Posons dès à présent ce que c'est qu'un principe, car nous allons avoir besoin de cette notion
à plusieurs reprises dans ce cours : Le principe c'est, dans un raisonnement, ce qui vient en premier,
ce qui ordonne et organise la suite (sans être pour autant visible en lui-même : le principe se pense
tandis que ses conséquences sont constatables). L'étymologie l'indique assez bien qui fait se
rejoindre principe et prince : celui qui commande. Le principe est donc « ce à partir de quoi »
quelque chose prend son sens, s'intègre dans un ordre qui lui donne son sens. On déduit les règles,
les lois des principes, qui eux sont premiers. C'est cette primauté qui confère au principe toute son
importance.
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Et bien, nous pouvons considérer que l'éducation nationale est un système qui repose sur un
principe : celui de l'éducabilité de l'homme à la liberté, c'est-à-dire de son advenue comme citoyen
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Et il faut aller plus loin : ce n'est pas seulement l'éducation nationale qui repose sur ce principe, mais
la République elle-même. Ainsi dans l'annexe de la loi de refondation du 8/07/13, on peut lire : « La
refondation de l'école s'appuie sur une conception du citoyen et de la République ». Autrement dit : Il
y a une unité organique entre ces notions : citoyenneté, école et république. Et quelle est cette
conception du citoyen ? Celle d'un citoyen libre, autonome, émancipé : « L'école de la République est
une école de l'exigence et de l'ambition qui doit permettre à chaque élève de trouver et de prendre le
chemin de sa réussite. C'est un lieu d'enseignement laïque, d'émancipation et d’intégration de tous
les enfants. ». Ou encore dans l''annexe du Socle commun de compétence, de connaissance et de
culture : « il [le socle commun] donne aux élèves les moyens de s'engager dans les activités scolaires,
d'agir, d'échanger avec autrui, de conquérir leur autonomie et d'exercer ainsi progressivement leur
liberté et leur statut de citoyen responsable. » ou, plus loin : « Elle [la scolarisation] donne aux élèves
une culture commune, fondée sur les connaissances et compétences indispensables, qui leur
permettra de s'épanouir personnellement, de développer leur sociabilité, de réussir la suite de leur
parcours de formation, de s'insérer dans la société ils vivront et de participer, comme citoyens, à
son évolution » La possibilité de cette participation citoyenne est l'idéal même de l'éducation telle
que nous la concevons.
Et ce principe est attaché à l'idéal révolutionnaire et républicain : L'éducation nationale est
dans son ensemble orientée et fondée par l'idéal républicain d'une société de citoyens libres. Mona
Ozouf écrit, dans le Guide Républicain, pour l'article portant sur l'école et la République : « Les
hommes de la Révolution n'ont inventé ni les salles de classe ni les écoliers, qui existaient bien avant
eux, mais ils ont mis l'école au centre de leur ambition. Pourquoi ? C'est d'abord qu'ils font dépendre
la liberté du peuple de l'instruction, seules capables de former des citoyens éclairés et des hommes
libres. » Dans une république, en effet, le pouvoir trouve en dernière instance sa légitimité dans le
peuple on dit que le peuple est « souverain » . Cela suppose que le peuple soit constitué de
citoyens libres, émancipé, dode raison (capable de discerner le vrai du faux et le bien du mal) et
sachant en exercer le pouvoir. Or cette émancipation suppose le travail de l'école qui doit donc avoir
comme objectif celle-ci et qui ne prend son sens qu'à partir de celle-ci. Le projet républicain suppose
donc un principe fondamental (un « ce à partir de quoi »): l'homme (tous les hommes!) peut être
éduqué à la liberté, l'école a comme rôle cette éducation (une éducation pour tous!). On repérera
bien qu'il s'agit de principe et non pas de fait. Mais c'est un principes qui donne son sens à l'école
républicaine, en même temps qu'à la république qui ne peut se prévaloir d'être républicaine que si
elle part du principe qu'elle est une association de citoyens libres.
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« Bien que le terme de citoyen soit maintenant utilisé à tout propos, il a un sens précis. Il définit un ensemble de
droits et de devoirs et il caractérise notre régime politique, dans lequel le citoyen est à la source de la légitimité politique. »
Dominique Schnapper, Le Guide Républicain, article « citoyennté » Delagrave 2004.
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Liée à cet idéal républicain, l'école trouve donc son sens dans la devise même de la
République ainsi que dans un ensemble de principes qui en découlent. C'est cette devise et ces
principes qu'il nous faut commencer par étudier, pour montrer quelles sont les conséquences qui en
résultent pour les personnels de l'éducation nationale.
Première partie : Les fondements républicains de l'école
1) Les fondements politiques de l’institution : les valeurs de la République.
Remarque 1 : il s'agit bien sûr pour le professeur et l'éducateur en général de connaître les valeurs
de la République, de savoir qu'ils sont inscrits dans les textes officiels de la République et de l'école et
être en mesure de les identifier, de s'y référer. Mais, et on pensera ici à la première compétence du
Référentiel de compétence des métiers du professorat et de l'éducation, il faut aussi être en mesure
de savoir les « faire comprendre » (aux élèves comme aux parents) : être capable d'expliquer leur
contenu, leur sens dans le cadre des textes en question, mais également dans le cadre de la politique
générale du système scolaire (ex : que signifie vouloir vivre en République?). C'est seulement à
partir de la clarification possible de ces valeurs que le professeur ou l'éducateur sera en mesure de
comprendre et de faire comprendre son rôle de professeur en tant que fonctionnaire de l’État ( et
non comme agent de tel ou tel gouvernement), en même temps que le sens des valeurs et des fins
de la vie en République et que le sens de l'école et de ses missions.
Remarque 2 : Tout le monde se sent déjà savant quant à ces principes - on les invoque implicitement
lorsque pour justifier ce que l'on fait, on s'exclame : « on est en démocratie ».La démocratie semble
en effet largement intériorisée : qui remet aujourd'hui en cause l'existence de la république
démocratique qui est la notre ? Les militants d'une 6ème république ne souhaitent pas revenir sur le
fonctionnement démocratique mais le rendre plus effectif, et l'on peut d'une façon générale
considérer que le fonctionnement démocratique de la république française est largement passé dans
les mœurs. Au point que l'on parle même d'un « démocratisme » : il est naturellement admis par
tous que rien ne doit venir limiter la liberté pourvu que l'on ne gène pas celle de l'autre. Ce
« démocratisme », version galvaudée de la démocratie, s'est immiscé dans les esprits. Mais lorsqu'on
invoque la démocratie pour justifier un droit issu de la plus simple spontanéité : « je fais ce que je
veux, on est en démocratie! » , c'est dans la plus pure méconnaissance de ce qu'est réellement la
démocratie en France. La démocratie, en effet, ne consiste pas à faire ce que l'on veut pourvu que ça
ne dérange pas les autres. Elle suppose la reconnaissance de principes qui donnent à chacun le
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devoir de les respecter : plutôt qu'un principe à partir duquel on pourrait tout justifier, la démocratie
est bien plutôt un régime politique qui suppose que l'on respecte certains principes pour pouvoir
survivre. En France, ces principes sont ceux de la République. D'où l'importance de pouvoir faire
connaître ces principes, contre l'apparente connaissance que nous pensons en avoir, simplement
parce que le signifiant « démocratie » nous sert de justification ultime. L'école a dans cette tâche une
fonction majeure.
Remarque 2 : Les valeurs de la République sont en même temps des principes : elles fondent et
légitiment l'institution scolaire parce qu'elles garantissent le droit des personnes ces droits
constituant moins un état de fait que les objectifs (idéaux) d'émancipation, d'égalité et de fraternité
que la République et donc son école entendent viser et réaliser. C'est à partir de ces valeurs que les
lois sont écrites pour servir d'orientation à la République comme à l'école.
a) la liberté
- Des libertés fondamentales et leur garantie
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1789) adoptée le 26 août 1789 par
L'Assemblée nationale se veut le fondement d'un nouvel ordre politique reposant sur les Droits de
l'homme. La liberté y est présente dès le premier article : elle est le premier des droits de l'homme ;
elle y est définit comme suit : « Pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. » (c'est l'article 4 de
cette déclaration .) Elle a pour borne le respect des droits des autres individus, et ces bornes « ne
peuvent être déterminées que par la loi ». Elle s'étend à l'expression des opinions.
Viennent s'adjoindre la liberté de la presse par la loi du 29 juillet 1881, toujours en vigueur,
le droit de grève (1884) la liberté d'association (1901), la liberté de culte (la loi de 1905 ne sépare pas
seulement les Églises et l’État, elle proclame que la République « assure la liberté de conscience » et
« garantit le libre exercice des cultes »).
Parmi ces libertés, certaines sont celles de l'individu : droit de propriété, de respect de la vie
privée, de conscience, de religion. Ce sont les libertés civiles. D'autres sont des libertés du citoyens :
droit de vote, de réunion, d'association, d'expression. Ce sont les libertés politiques qui permettent
l'exercice de la citoyenneté. Et, pour finir, les dernières sont les libertés qui concernent le travailleur :
droit au travail, droit de grève, liberté syndicale.
La garantie des libertés est liée au fait que l’État lui-même est soumis au principe de légalité :
la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes qui structure la vie de la société. Il existe
ainsi un Conseil constitutionnel, créé en même temps que la constitution de 1958, qui a pour tâche
de vérifier la conformité des lois à la Constitution.
- liberté et altérité : la liberté n'est pas la licence
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