1
CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET SECURITE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE
CENTRALE
OMBIONO Patrick
Université de Maroua-Cameroun
Introduction
La problématique des changements climatiques fait l'objet de préoccupations de plus en plus
importantes pour notre génération, ainsi que pour les générations suivantes. C’est depuis les
années 1970 que de nombreuses alertes scientifiques ont fini par convaincre le niveau
politique de tous les dangers que ce phénomène fait courir au monde (Thiombiano, 2004).
Suite à cette prise de conscience, la reconnaissance de toutes les populations de la planète à un
environnement sain a été marquée par de nombreux traités et conférences dont le plus célèbre
est le Protocole de Kyoto, adopté en 1997, et entré en vigueur en 2005 (Bürgenmeier, 2008),
probablement à cause des intérêts contradictoires qui empêcheraient toute disposition de faire
l’unanimité.
Les scientifiques se heurtent également à un faisceau de difficultés pour établir une définition
de ce phénomène, susceptible de parvenir à un consensus global. Selon le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, 2007), le changement climatique
s’entend comme une variation de l’état du climat que l’on peut déceler (par exemple au
moyen de tests statistiques) par des modifications de la moyenne et/ou de la variabilité de ses
propriétés et qui persiste pendant une longue période, généralement pendant des décennies ou
plus. Il se rapporte à tout changement du climat dans le temps, qu’il soit à la variabilité
naturelle ou à l’activité humaine. Cette définition diffère de celle figurant dans la Convention-
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC, en anglais UNFCCC,
1992), selon laquelle les changements climatiques désignent des changements qui sont
attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de
l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée
au cours de riodes comparables. Mais, la définition proposée par NIASSE et al. (2004)
semble faire l’unanimité. Ces derniers définissent le changement climatique comme la
modification ou variation significative du climat, qu’elle soit naturelle ou due aux facteurs
d’origine anthropique. Une telle définition a pour avantage de simplifier celle donnée par la
2
CCNUCC et aussi de prendre en compte celle du GIEC. Dans son acception scientifique, ce
terme est appliqué au réchauffement climatique observé depuis la fin du XX
e
siècle.
Bien que la définition du réchauffement climatique soit discutée, les scientifiques sont
unanimes sur au moins un point : il s’agit d’un phénomène global causé, entre autres, par des
émissions abondantes de gaz à effet de serre
1
(GES) que dégagent les activités humaines dans
l’atmosphère, au premier rang desquelles figurent l’utilisation de combustibles fossiles, les
feux de végétation et les changements d’affectation des terres. L’augmentation de la teneur
des gaz à effet de serre dans l’atmosphère a pour conséquences une augmentation de la
température moyenne à la surface du globe, un relèvement du niveau moyen des mers et, une
plus grande fréquence des événements extrêmes tels que les sécheresses et inondations
prolongées. Les effets collatéraux perturbent non seulement la biodiversité et les écosystèmes,
mais ils risquent également d’affecter certains aspects de la sécurité alimentaire en Afrique,
comme la production agricole qui est non seulement essentielle à la nutrition des populations,
mais aussi pour le statut économique et les bénéfices sociaux et culturels. Par ailleurs, les pays
pauvres, notamment l’Afrique, subiront le plus des conséquences du réchauffement
climatique à cause du manque de moyens et une quasi inexistence de politiques stratégiques
d’anticipation du phénomène. Pourtant, c’est la région du monde qui pollue le moins. Puisque
ses émission de GES ne représentent que 7% des émissions globales et, seulement, 4% des
émissions de CO2 (Thiombiano, 2004, op. Cit.).
Compte tenu du peu d'études spécifiques à la question de la sécurité alimentaire influencée
par les changements climatiques, et du manque d'informations géographiques précises, la
présente étude examine cette question à l'aide des rendements agricoles. Il s’agit, notamment,
d’étudier les implications agricoles de la vulnérabilité climatique dans les pays de la
Communauté Economique des Etats de l’Afrique Central (CEEAC). En effet, une meilleure
compréhension entre réchauffement climatique et production agricole s’avère essentielle, afin
d’orienter les actions permettant de minimiser les risques pour la sécurité alimentaire de la
sous région, et qui seraient liés aux impacts négatifs des changements climatiques.
1
Tels que le dioxyde de carbone (C02), le méthane (CH4), ainsi que les aérosols comme l'oxyde de nitrate
(N20). Ces derniers forment une couche qui emprisonne la chaleur dégagée par le rayonnement solaire, ce qui a
pour effet d'augmenter la température à la surface de la Terre (GIEC, 2007)
3
I- Aperçu succinct des manifestations du réchauffement climatique sur la sécurité
alimentaire en Afrique
1.1- Origines et impacts des changements climatiques
1.1.1- Origines
L’effet de serre est un phénomène naturel par lequel l’atmosphère de la terre retient la chaleur
émise par notre planète chauffée par le soleil. Sans ce phénomène naturel, les conditions de
vie sur notre planète ne seraient pas viables (Thiombiano, 2004 ; Bürgenmeier, 2008). Mais,
depuis l’ère industrielle, l’Homme renforce cet effet et déstabilise ainsi l’équilibre naturel de
ce processus. Par l’utilisation abondante d’énergies fossiles, la déforestation, l’agriculture
intensive et d’autres activités humaines en effet, nous contribuons de manière extensive à
augmenter les concentrations des GES dans l’atmosphère. Ce qui accentue l’effet de serre (on
parle d’effet de serre additionnel). En effet, les GES contribuent à intercepter les infrarouges
émis par la surface terrestre. Ces gaz n’empêchent pas le rayonnement solaire d’atteindre le
sol, mais empêchent le rayonnement infrarouge émis par le sol de répartir vers l’espace.
L’énergie de ces infrarouges supplémentaires retenus prisonniers va chauffer le système
atmosphérique et la surface terrestre. Plus la présence de ces gaz est importante, plus la
chaleur reste captive. La conséquence principale est l’augmentation de la température c'est-à-
dire, le réchauffement de la terre (UNFCCC, 2003).
Dans son troisième rapport déjà, le GIEC (IPCC, en anglais) a présenté la preuve, à travers
des indices, que les activités humaines sont la principale cause du réchauffement de la terre au
cours des cinquante dernières années (IPCC, 2001). Il précise actuellement, avec 95% de
certitude, que la plus grande part de la croissance moyenne globale de températures (depuis le
milieu du XX
e
siècle) est due à l’augmentation des émissions anthropiques des GES
observées (GIEC, 2007). Le principal GES anthropique est le dioxyde de carbone (CO
2
) ou
gaz carbonique. Entre 1970 et 2004, par exemple, les rejets annuels de CO
2
sont passés de 21
à 38 gigatonnes, soit une progression d’environ 80%, et représentaient 76,7% des émissions
totales de GES anthropiques en 2004 (GIEC, 2007). La combustion d’énergies fossiles (gaz,
pétrole et charbon) constitue la principale source d’émission (56,6%) du CO
2
(GIEC, 2007),
avec environ 20 milliards de tonnes dans le monde (Thiombiano, 2004, op. Cit.). Après le
CO
2
, vient le méthane (CH
4
) qui représente 14,3% des émissions (GIEC, 2007), et dont les
sources sont dues aux activités humaines de production : agriculture intensive, décharge
d’ordures, élevage de bovins …etc. Le troisième type de gaz est l'oxyde de nitrate (N
2
0) qui
4
provient de certaines activités industrielles et de l’excès d’épandage d’engrais. Enfin, il y a les
gaz fluorés : Hydrofluorocarbones (HFC), Hydrocarbures perfluorés (PFC) et l’Hexafluorure
de soufre (SF
6
). Le Graphique 1 (ci-dessous) récapitule les émissions mondiales de GES
dues aux activités humaines en 2004.
Graphique 1 : Emissions mondiales de GES anthropiques en 2004
Source : Adaptée de GIEC (2007).
Notes : (A)- Parts respectives des différents GES anthropiques dans les émissions totales de 2004, en
équivalent-CO
2
. (B)- Contribution des différents secteurs aux émissions totales de GES anthropiques en 2004,
en équivalent-CO
2
. (La foresterie inclut le déboisement).
Ainsi, les activités humaines sont donc en partie responsables de l’augmentation des GES
dans l’atmosphère et, partant, du réchauffement climatique. Mais, comme on peut s’en
douter, elles ne sauraient à elles seules expliquer l’ampleur du phénomène. D’autres effets,
notamment naturels, peuvent avoir aussi contribué au réchauffement observé. Cependant, des
incertitudes subsistent quant à l’estimation de la variabilité naturelle du climat, en
l’occurrence les diverses influences des aérosols, la reconstitution de l’intensité du
rayonnement solaire et l’incidence de l’activité volcanique (OCCC
2
, 2002). En dépit de ces
incertitudes, l’effet des GES d’origine humaine au cours des 50 dernières années est bien
visible (OCCC, 2002). Réduire les GES représente donc pour notre société un défi qui nous
invite à repenser les règles de la vie en commun, tant sur le plan local, national
qu’international. Le contrôle de la croissance démographique constitue également un autre
défi majeur, notamment par sa demande croissante en énergie fossile et sa contribution
conséquente à l’effet de serre.
2
Organe Consultative sur les Changements Climatiques.
5
1.1.2- Impacts
Les scientifiques estiment généralement qu’il faut quelques mois pour que les gaz produits se
mélangent dans l’atmosphère à l’échelle de la planète. Par contre, leur moment de recyclage
est nettement plus long (Thiombiano, 2004, Idem) : (i) une dizaine d’années pour le méthane ;
(ii) plusieurs décennies pour le dioxyde de carbone ; (iii) des siècles pour certains gaz fluorés.
Dans une telle situation, il faudra des décennies pour que le système climatique arrive à
absorber les concentrations élevées de GES auxquelles on fait face aujourd’hui (Bürgenmeier,
2008). De ce fait, certaines conséquences de ces concentrations excédentaires seraient
incontournables (Wigley, 2005).
Selon le GIEC (2007), onze des douze dernières années (1995-2006) figurent parmi les
années les plus chaudes depuis 1850
3
, et au cours des trente dernières années, la terre s’est
réchauffée de 0,75°C. Ce qui soulève la plus grande inquiétude, c'est l'ampleur et le rythme
auxquels ces changements se produisent. Les températures ont augmenté presque partout dans
le monde, quoique de manière plus sensible aux latitudes élevées de l’hémisphère Nord,
proches des pôles, elles atteindraient le double de la moyenne globale. Toutefois, c’est
sous les latitudes tropicales que ces conséquences seront les plus graves. Actuellement, des
évènements extrêmes comme les tempêtes, les inondations, les sécheresses et les canicules
deviennent plus intenses et plus fréquents (Christensen et Christensen, 2002 ; Meehl et
Tebaldi, 2004 ; Thiombiano, 2004, op. Cit. ; GIEC, 2007 ; Badolo, 2008), touchant d’abord
les régions déjà les plus vulnérables à ces intempéries : Afrique, Asie du Sud. Les secteurs les
plus vulnérables identifiés par le GIEC (2007) comprennent l’agriculture, l’alimentation et
l’eau.
L’Afrique subsaharienne souffrira, sans doute, le plus des changements climatiques non
seulement aux plans de la réduction de sa productivité agricole et de l’augmentation de son
insécurité hydrique, mais aussi de son exposition accrue aux inondations côtières, aux
événements climatiques extrêmes et à la multiplication des risques pour la santé humaine. Le
résultat se traduit par les risques d’une dégradation de la sécurité alimentaire. La vulnérabilité
de l’Afrique aux changements climatiques est aggravée par le manque de moyens et la quasi-
inexistence des politiques stratégiques d’anticipation du phénomène.
3
Date à laquelle ont débuté les relevés instrumentaux de la température à la surface du globe.
1 / 23 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !