LA n°1 “Des Cannibales”, Essais, 1595 Montaigne Introduction “Des Cannibales” est un extrait des E ssais de Montaigne, son oeuvre principale publiée en 1595. Dans cette oeuvre, il aborde une grande variété de sujets sous un angle philosophique, mais aussi politique et social. Il nous livre aussi ses réflexions sur sa propre vie et sur la condition de l’homme. Auteur humaniste du XVIe siècle, il évoque dans cet extrait un peuple récemment découvert et propose sa vision de la barbarie, tout en donnant une leçon de relativisme aux européens. Ouverture L’idée que les progrès de la civilisation sont en réalité des méfaits sert de fondement au mythe du “bon sauvage”, qui sera repris bien plus tard, au XVIIIe siècle : c’est le cas de La Hontan dans ses Dialogues Curieux entre l’Auteur et un Sauvage de bon sens qui a voyagé, écrits en 1703. Analyse Un effort définitionnel et didactique ◈ “ je trouve”, “à ce qu’on m’en a rapporté”, “il semble que”, “me semblent” → modalisateurs d’incertitude : il prend des précaution oratoires, il veut rester modeste et nous donner des pistes de réflexion ◈ “ or”, “donc”, “pourtant” → utilisation de c onnecteurs logiques : crée de la fluidité dans son discours et l’organise ◈c itation de Properce + évocation de “Platon” → s’appuie sur des références illustres pour bâtir son argumentation sur une base solide ◈ “ chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage” → présent de vérité générale : volonté de définir 1 ◈a nalogie entre l’homme sauvage et le fruit sauvage → il renverse le sens du terme “sauvage” pour faire apparaître ses connotations mélioratives afin construire son argumentation sur le sens positif du mot “sauvage” ◈ “ il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation” “ces nations me semblent donc ainsi barbares” → antithèse : le sens de barbare a été modifié entretemps Une leçon de relativisme ◈ “ chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage” → présent de vérité générale + “chacun” : volonté de définir, le “chacun” permet de faire naître le relativisme puisque chacun juge les autres sociétés selon ce qu’il connaît, sa propre société ◈ “ parfait” → répétition ironique de “parfait” : Montaigne dénonce les préjugés ethnocentriques de ses contemporains, il cherche à faire comprendre au lecteur que c’est ridicule de penser cela ◈ “ parfait”, “sauvage” → contraste entre “parfait” et “sauvage” : critique ironique de la vision de ses contemporains ◈ “ nous n’avons autre mire de la vérité et de la raison que l’exemple [...] du pays où nous sommes” → restriction : marque le caractère partiel de la vision du monde des européens + “la vérité” et “la raison” sont des concepts universels alors que “l’exemple” n’est qu’une application Un éloge paradoxal “Des Cannibales” → à la lecture du titre, on pense qu’il va critiquer ce peuple ◈ ◈ “ il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation” → tournure négative : montre qu’il va à l’encontre des idées reçues de ses contemporains, puisque la défense du cannibalisme est un parti-pris très subversifs, cette pratique est difficilement défendable, et surtout extrêmement choquante. De plus, elle s’inscrit en opposition face à l’Église qui sacralise la vie humaine. Cette affirmation liminaire devient ainsi provocatrice qui sert de captatio benevolentiae ◈ “ cette nation”, “ces nations”, “une nation” → manière très vague de nommer ce peuple : les autres aspects civilisationnels ne l’intéresse pas, il ne retient que l’aspect le plus subversif. Le p luriel de “ces nations” marque encore plus l’imprécision ethnographique. Ce qui compte aussi, c’est que Montaigne confère à ces peuples le rang de “nation” ◈ “ il n’y a rien”, “nul” → répétition du “nul” : la “nation” est définie par ce qu’elle n’a pas, il n’y a rien de ce qui pervertit nos civilisations L’éloge de la Nature “merveilleuse honte” → oxymore : même la honte que fait la Nature sur les européens est décrite comme “merveilleuse” ◈ 2 ◈ “ les plus grandes et plus belles” → comparatifs de supériorité : la Nature est supérieure à ce que produit l’homme ◈ “ notre grande et puissante mère Nature” → allégorie : la “mère Nature” est perçue comme source de perfection ◈ “ moindre oiselet”, “chétive araignée” → montre la perfection de même les petites réalisations de la nature, le suffixe “-et” de “oiselet” insiste la petitesse de ces réalisation ◈ “ vives”, “vigoureuses”, “vraies”, “vertus” → allitération en “v” : fait penser au mot vie ◈ “ les plus grandes et plus belles”, “les moindres et imparfaites” → opposition entre des comparatifs absolus : démontre la supériorité de la Nature sur les européens / ! \ à utiliser pour la transition entre l’éloge de la Nature et la critique des européens La critique des moeurs des européens ◈ “ moindre oiselet”, “chétive araignée” → accentuation sur la petitesse et la fragilité, avec le s uffixe “-et” pour l’oiselet et l’adjectif “chétive pour l’araignée” : l’homme fait moins bien que le plus petit des animaux comme on le voit avec “ne peuvent seulement” “parfait” → répétition ironique de “parfait” : Montaigne dénonce les préjugés ethnocentriques de ses contemporains, il cherche à faire comprendre au lecteur que c’est ridicule de penser cela ◈ ◈ “ abâtardir”, “altérés”, “goût corrompu”, “étouffée” → toutes les actions entreprises par les européens pour améliorer la nature ont pour conséquence d’en altérer la perfection ◈é numération avec la r épétition de “nul” → la longue liste des éléments culturels que les “sauvages” n’ont pas permet d’attribuer tous les défauts liés à la société, à la civilisation européenne ◈ “ les plus grandes et plus belles”, “les moindres et imparfaites” → opposition entre des comparatifs absolus : démontre la supériorité de la Nature sur les européens / ! \ à utiliser pour la transition entre l’éloge de la Nature et la critique des européens 3