PARIS 8e 48, rue François 1er Tél. +33 (0)1 53 23 90 96 ZILLI.COM THE FINEST GARMENT FOR MEN IN THE WORLD DOSSIER SANAE RAQUI FAUT-IL RENDRE L’UNIVERSITÉ PUBLIQUE «PAYANTE»? Le débat autour de la réforme de l’enseignement supérieur est plus que jamais d’actualité. Le secteur ne parvient pas à se trouver une stratégie d’efficience. Pour les professionnels du secteur, l’urgence consiste à revisiter la loi 01.00 qui régit entre autres le fonctionnement des universités. Quel serait le meilleur modèle de gouvernance pour les universités au Maroc? Pour quelles missions et quels rôles? Qu’en est-il des ressources de financement et quid du mode de gestion? Autant de questions auxquelles répond le Dossier d’EE. 55 EconomieEntreprises Août-Septembre 2018 Dossier Il est plus que primordial de mettre fin à la problématique du manque d’enseignants. L’enseignement supérieur souffre de plusieurs maux, notamment en termes de gouvernance, de financement et de ressources humaines. Des défis à prendre très au sérieux. L a réforme de l’enseignement supérieur au Maroc ne cesse de faire couler de l’encre. Ceci ne se limite pas au niveau national. De fait, les rapports établis par les ONG internationales, dont précisément celui de la Banque Mondiale, n’ont pas manqué de dresser un tableau noir de l’état de l’enseignement supérieur dans le Royaume en le plaçant aux derniers rangs. Tout le monde s’accorde à dire que la situation actuelle a atteint un degré de gravité inquiétant, d’où la nécessité et l’urgence d’adopter des mesures susceptibles de mettre à niveau le secteur, dont le budget frôle le 1% du PIB. Suffisant? Insuffisant? La question se pose avec acuité. Souvent, lorsque les observateurs du secteur veulent établir un état des lieux, ces derniers ont tendance à se focaliser sur deux aspects de l’enseignement supérieur: le corps enseignant et l’offre pédagogique. Le premier est souvent accusé de négligence voire même d’incompétence et le second est pointé du doigt comme étant non adapté aux besoins du marché de l’emploi. Ainsi, on néglige mécaniquement les vraies raisons de ce fiasco national. Car si l’enseignement supérieur souffre d’inertie, c’est parce que les moyens qui lui sont attribués ne sont pas en adéquation avec les objectifs qui lui ont été assignés. Il est clair qu’on ne peut demander à nos universités de démocratiser l’enseignement et d’en faire bénéficier tout le monde sans leur fournir les moyens nécessaires pour être à la hauteur des objectifs. Et c’est là naturellement l’origine de tous les maux. Selon les statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le cycle d’enseignement supérieur compte quelque 895.715 étudiants, dont 47.890 dans le privé. Une panoplie de chantiers a été entamée par le ministère de tutelle pour mettre fin aux multiples maux qui plombent le secteur depuis plusieurs années. Les maux Il y a d’abord le manque de moyens financiers. Cette contrainte majeure restera insurmontable si le secteur compte exclusivement sur le budget de l’Etat. Il y a également le problème des ressources humaines de qualité que le système ne peut absorber faute de crédits budgétaires supplémentaires. La problématique de la qualification du personnel enseignant oppose également un obstacle à la mise à niveau du secteur. Celle-ci est inscrite à l’ordre du jour du projet de grande ampleur lancé récemment par le ministère et qui concerne la formation des enseignants. Dans ce sens, Khalid Samadi, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique avoue: «Je ne peux pas nier que des dysfonctionnements persistent et ce n’est 56 EconomieEntreprises Août-Septembre 2018 Dossier qu’en persévérant dans la volonté de réformer le secteur en profondeur que nous pourrons les éradiquer». En effet, on ne peut pas parler des insuffisances dont souffre l’université sans évoquer son autonomie qui demande à être renforcée dans le cadre d’un système global de bonne gouvernance «où le maitre mot sera la contractualisation entre le ministère et les universités en vertu d’un cahier des charges fixant clairement les droits et obligations de chacun, le tout appuyé par un système solide d’évaluation», martèle le secrétaire d’Etat. A la recherche d’efficience techniques et sous l’autorité pédagogique du ministère de l’Enseignement supérieur. Pour leur part, les universités et les établissements créés dans le cadre de partenariats sont des fondations à but non lucratif. Ces universités et établissements sont sous l’autorité pédagogique du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Formation des cadres. De son côté, l’enseignement supérieur privé comporte des universités et établissements créés par des initiatives privées, mais sous l’autorité pédagogique du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Formation des cadres. S’agissant de la gouvernance, elle est assumée par la Commission nationale de coordination de l’enseignement supérieur (CNCES). Cette dernière est une instance de régulation créée par la loi 01-00 portant organisation de l’enseignement supérieur. Elle est chargée notamment de formuler un avis sur la création des universités et/ou de tout autre établissement d’enseignement supérieur public ou privé et de donner un avis sur les demandes d’accréditation des filières. D’autres organes interviennent en ce qui concerne la gouvernance. C’est le cas notamment du Conseil de coordination qui est une instance de régulation qui émet un avis consultatif sur toutes les questions d’ordre pédagogique et organisationnel intéressant les établissements d’enseignement supérieur ne relevant pas des universités. LA CONTRACTUALISATION ENTRE LE MINISTÈRE ET LES UNIVERSITÉS PEUT CHANGER LA DONNE. Ainsi, la gouvernance est citée en tête des défis à relever par la tutelle. Ce gros dossier passe avant tout par le renforcement de l’indépendance des universités à l’instar des modèles internationaux. Comment? Il s’agit d’institutionnaliser l’auto-évaluation annuelle des universités, le bilan d’étape tous les deux ans ainsi que l’évaluation externe tous les quatre ans. Ces principes devront être inscrits dans la loi, selon le ministère de tutelle. «L’université ne doit plus être un établissement public à caractère administratif. Il faut changer son statut pour qu’elle soit productive», avait souligné le ministre Said Amzazi à la presse marocaine. Ce dernier propose plutôt un contrôle d’accompagnement. Même le modèle de gestion doit être révisé. Actuellement, les universités sont administrées par un conseil qui peut parfois atteindre jusqu’à 100 membres. Ce qui complique les prises de décision. Quant au conseil de gestion, dont les membres sont limités, il n’a aucun pouvoir décisionnel. À cela s’ajoute une autre aberration: l’absence d’organigramme. Amzazi estime, par ailleurs, nécessaire de revoir le système de nomination des présidents d’universités et d’établissements en vue de créer une bonne synergie entre les deux entités. Il appelle aussi à permettre aux universités de créer des fondations partenariales pour dépasser bon nombre de contraintes. Quid de la gouvernance ? A noter que le système d’enseignement supérieur marocain est composé de trois grands secteurs: l’enseignement supérieur public, l’enseignement supérieur dans le cadre du partenariat public-privé et l’enseignement supérieur privé. Dominant, l’enseignement supérieur public regroupe notamment les universités. Le Royaume compte douze universités publiques et une université publique à gestion privée réparties sur les différentes régions du pays. Aux structures universitaires s’ajoutent également les établissements d’enseignement supérieur ne relevant pas des universités (EENSNPU). Il s’agit d’établissements d’enseignement supérieur placés sous la tutelle administrative et financière de ministères Un personnel plus abondant et mieux formé S’agissant des ressources humaines, il est aujourd’hui plus que primordial de mettre fin à la problématique du manque d’enseignants. Le dossier de la formation des enseignants et des recrutements est d’autant plus épineux dans les établissements à accès ouvert (les universités) qui accueillent plus de 80% des étudiants marocains. Le taux d’encadrement varie d’un établissement à l’autre. Car si dans les établissements à accès limité, on compte en moyenne un enseignant pour 19 étudiants, dans les universités, ce chiffre passe à 40 étudiants voire 200 selon la branche proposée dans chaque faculté. En 2019, les besoins en enseignants seront plus importants alors que l’expérience démontre que le nombre de postes budgétaires affectés à l’enseignement supérieur est resté très limité au cours des dernières années, ne dépassant pas les 700 postes par an. L’enjeu de la réforme entamée par l’Etat est donc énorme à tous les niveaux. L’objectif est donc de rehausser la qualité de l’enseignement supérieur notamment dans les universités (surtout les facultés de droit) qui souffrent d’une grande faiblesse de rendement tant interne qu’externe. 57 EconomieEntreprises Août-Septembre 2018 Dossier L’Etat ne peut pas à lui seul financer la qualité dont l’université a besoin. VERS L’UNIVERSITÉ PUBLIQUE PAYANTE? Les modalités d’accès à l’université publique doivent être repensées dans une double optique d’accessibilité et de performance. D ans l’imaginaire du Marocain lambda, l’enseignement supérieur marocain renvoie, pour schématiser, à des facultés surpeuplées, une orientation pédagogique bancale, un faible encadrement des étudiants… Sa mise à niveau et in fine l’amélioration de sa gouvernance supposent un (sur)coût que l’Etat, de longue date, se refuse à supporter. Faut-il pour atteindre ces objectifs passer à un système universitaire payant? La réponse à cette question reste difficile pour les acteurs du secteur. L’essentiel est de définir des objectifs ambitieux et réalistes pour l’enseignement supérieur et concevoir un système équitable qui satisfait toutes les couches sociales. Pour Abed Chagar, président de l’Association des Ingénieurs de l’Ecole Mohammadia (AIEM) et directeur général de Colorado, «s’il est normal que des personnes aisées participent au financement des études de leurs enfants, il est tout aussi normal que l’accès à toutes les filières soit permis aux personnes venant de milieux modestes sur la base d’une seule exigence, le mérite. Il ne faut pas ignorer l’espoir qu’une formation supérieure fait naître chez les personnes dans le besoin et l’ascenseur social que représente l’enseignement supérieur». Pour Abdellatif Miraoui, président de l’université Cadi Ayyad, «les modalités d’accès à l’université publique doivent être repensées. Il n’a jamais été question de toucher au principe de gratuité ou d’empêcher un jeune issu d’un milieu défavorisé d’accéder au supérieur. Bien au contraire, la question des moyens ne doit absolument pas être une barrière qui entraverait l’accès des jeunes issus de milieux défavorisés d’accéder à l’université». Seule une bonne gouvernance permettrait la viabilité d’un tel système. Si le Maroc se donne les moyens d’appliquer une telle réforme en tenant compte du pouvoir d’achat des ménages, l’université publique se donnera toutes les chances de continuer à offrir une excellente formation, à un coût plus compétitif que celui appliqué dans les universités étrangères. Ses promoteurs voient dans cette mesure une façon justement d’investir dans l’université publique, un passage nécessaire pour améliorer la qualité de l’offre de formation et permettre un développement beaucoup plus efficient de l’enseignement supérieur. D’autant que ces moyens que l’Université marocaine exige pour réussir sa réforme et pour proposer l’offre concurrentielle que la société marocaine appelle de ses vœux, l’Etat n’en dispose pas. «J’estime alors qu’il serait salutaire, équitable, et juste vis-à-vis des jeunes Marocains et de toutes les familles marocaines que ceux qui ont les moyens paient des frais de scolarité, et que ceux qui n’ont pas les moyens bénéficient d’aides financières et d’exonérations. Maintenant, nous avons la responsabilité de donner confiance à ceux qui ont les moyens de payer», affirme de son côté Amine Bensaïd, président de l’Université Mundiapolis. Le Rwanda, par exemple, a fait un énorme bond en avant en investissant dans l’éducation et en utilisant les opportunités qu’offre la révolution technologique. En effet, son président Paul Kagamé a principalement promu les TIC dans l’éducation en tant que vecteur de transformation éducative destinée à accroître l’accès à l’éducation de base. Ceci a donc fonctionné: le taux d’alphabétisation est passé de 55% en 1994 à 70% en 2017. Sa vision était claire, fournir aux citoyens rwandais des opportunités égales pour une éducation de qualité grâce à des centres d’apprentissage de classe mondiale et à des institutions d’enseignement renommées. Résultat : les enfants des classes aisées ont repris le chemin de l’école publique. Ne pas se donner les moyens équivaudrait à se condamner, en tirant tout le système vers le bas, avec tous ceux (étudiants, professeurs, staff administratif) qui décident ou sont contraints d’en être partie prenante. Le modèle de l’intégration des fondations à but non lucratif dans le management des universités est une option à étudier pour le Maroc. L’exemple des Etats-Unis et de la Turquie a montré la pertinence de ce modèle comme levier d’ascenseur social. 58 EconomieEntreprises Août-Septembre 2018 , Vous venez de créer votre entreprise ou association ou coopérative, le dispositif 24 mois et dans la limite de dix (10) salariés une exonération de l’Impôt sur le Revenu (IR) et une prise en charge par l’Etat de la cotisation due par l’employeur à la CNSS au titre d’un salaire mensuel brut plafonné à 10.000 DH. 7 64 05 22 7 15 Dossier L’université est contrainte de se plier aux règles de contrôle selon les dispositions de la loi N°69.00. FINANCEMENT ET AUTONOMIE, LES MAILLONS FAIBLES Peu autonome et en mal de financement, l’Université a désespérément besoin d’un second souffle. L ’université publique marocaine est à la croisée des chemins. Concurrencée sur son marché intérieur comme à l’international, elle doit trouver des ressources insoupçonnables pour se réinventer, innover et séduire à nouveau le marché, les parents d’élèves et la jeunesse marocaine et africaine. Elle traine cependant comme des boulets deux problèmes que le gouvernement peut “théoriquement” régler: l’autonomie financière et le financement. L’autonomie financière des universités est justement l’un des objectifs du programme gouvernemental. «Une autonomie accompagnée d’un cadre de référence et outillée par un cahier des charges et des procédures strictes menant à une contractualisation normée entre le ministère et les universités», affirme Khalid Samadi, le secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Cette équation n’est en fait pas aussi simple! Car la gestion financière reste l’une des contraintes qui entravent la fluidité managériale dans les universités marocaines. «L’université est tenue de se plier aux règles fatidiques du contrôle selon les dispositions de la loi N°69.00 relative au contrôle financier de l’Etat sur les entreprises publiques et autres organismes» martèle le secrétaire d’Etat. D’autres pays ont pris en considération les spécificités de l’université dans leur législation et le Maroc aspire à faire de même. Même si le gouvernement ne s’avance pas en matière de financement. «J’ai baigné dans le système américain et examiné de près les systèmes malaisien et turc. J’ai bon espoir qu’à partir du moment où notre système ou quelques institutions du système redonneront confiance à la société, aux décideurs, aux entreprises, à des talents qui décident de s’engager, les projets universitaires s’accorderont sur un mode de financement idoine», estime Amine Bensaïd, président de l’Université privée Mundiapolis, fin connaisseur de l’enseignement supérieur public, ex-doyen de faculté et qui fut pendant 14 ans vice-président des Affaires académiques de l’Université Al Akhawayn. En effet, la vision de Bensaïd donnerait aux universités plus d’agilité sur le plan économique en leur permettant de mieux gérer leurs finances, de diversifier leurs ressources et de renforcer leurs liens avec les entreprises. Les bénéfices pour le développement de leurs régions respectives suivraient naturellement. «L’université est une entreprise, un employeur, un acteur majeur de son territoire, un partenaire des collectivités et des pouvoirs publics. Injecter autonomie et agilité dans son fonctionnement lui confère la latitude d’agir en interne comme vers l’extérieur, d’être un espace connecté et ouvert, d’impulser et d’accélérer idées et projets innovants», affirme de son côté Abdellatif Miraoui, président de l’université Cadi Ayyad. En outre, et pour donner plus de chances de réussite à cette initiative, le ministère est en train de réviser la loi 01.00 portant organisation de l’Enseignement supérieur pour y apporter des modifications concernant la gouvernance de l’université. Ainsi, des amendements sont envisageables par rapport à la constitution du conseil de l’université, la procédure de nomination du top management et la mise en place d’un organigramme. 60 EconomieEntreprises Août-Septembre 2018 Dossier L’Université doit faire face aux exigences d’une nouvelle économie basée sur le digital. QUEL AVENIR POUR L’UNIVERSITÉ? Une meilleure gouvernance, une plus grande ouverture sur le digital et un sens continu de l’innovation, telles sont les recettes d’un «revival» universitaire. P our relever le défi de la qualité et de l’efficacité dans le secteur de l’enseignement marocain et préparer l’université de demain, il est vital d’œuvrer pour l’amélioration de la gouvernance et l’application du principe de la reddition des comptes. L’ancien ministre de l’Enseignement supérieur Lahcen Daoudi a fait le constat, lors d’une conférence sur le secteur, de l’absence de vision et de gouvernance. «Nous avons un système éducatif éclaté», disait-il. Or, sans bonne gouvernance, il est difficile d’aspirer à une performance du système à la hauteur des attentes du pays. Pour Amine Bensaïd, président de l’Université Mundiapolis «il est impératif d’avoir une autonomie assortie d’une mission adaptée et d’objectifs bien définis au niveau de chaque institution, le tout en usant d’une approche participative». Plus généralement, Bensaïd encourage le renforcement d’un management orienté résultats conjugué à une forte responsabilisation des personnels enseignants. «L’Université doit être une source de fierté pour les femmes et les hommes qui décident de s’y investir», affirme-t-il. De son côté, Abed Chagar, directeur général de Colorado et président de l’Association des Ingénieurs de l’Ecole Mohammadia (AIEM) rêve d’une Université marocaine «leader en Afrique en termes de formation et de diplômes délivrés. Que cette université puisse être suffisamment attrayante pour attirer les meilleurs professeurs et les meilleurs élèves. Une université ouverte sur son environnement économique et social et où il fait bon étudier, apprendre et s’épanouir». Alors que le monde évolue à la vitesse grand V, il est inconcevable que l’université marocaine, forte de douze siècles d’existence, ne change pas ou change si peu. «L’enseignement supérieur de demain devrait s’ouvrir sur les nouvelles disciplines qui fabriqueront le futur, repenser les méthodes et les formats pédagogiques pour capter l’attention des étudiants, mêler le savoir-être au savoir-faire, se connecter au monde et s’ouvrir davantage afin de s’inscrire dans l’air du temps. D’où la nécessité pressante d’un nouveau modèle» martèle Abdellatif Miraoui, président de l’université Cadi Ayyad. Selon lui, il faut que l’université change pour assurer l’employabilité des diplômés, car dans un environnement complexe et mouvant, il lui incombe d’amener vers l’emploi et l’entrepreneuriat des jeunes dotés d’élasticité mentale. Les cursus doivent donc logiquement conjuguer savoir-faire et savoir-être. Il est de plus en plus évident que pour moderniser les missions premières de l’enseignement supérieur, les fondamentaux de l’université que sont l’enseignement et la recherche doivent être reconsidérés, autour d’une gouvernance dynamique. Surtout, l’université qui accueille des jeunes d’horizons divers doit adopter une approche radicalement novatrice de sa prestation d’éducation et de formation, avec l’appui du corps professoral et les infinies possibilités du numérique. A défaut de les anticiper, l’université de demain devra faire face aux nouvelles transformations sociales, aux exigences de la nouvelle économie basée de plus en plus sur le digital et au bouleversement du marché du travail avec de nouveaux métiers qui apparaissent et d’autres qui disparaissent. En somme, se métamorphoser pour accompagner la métamorphose de la société. 62 EconomieEntreprises Août-Septembre 2018 Fondam mentaux G·XQSDUWWHQDULDW DJUULFROHJDJQ QDQW L’Afrique est un marché au potentiel agricole énorme. Si le Maroc n’a pas l’ambition de nourrir le continent, il peut tout de même en être un des principaux greniers. EE Live analyse la dynamique du marché Africain et ses perspectives de croissance pour des stratégies et des partenariats éclairés. Mardi 02 Octobre Palmeraie Country Club Casablanca Inscription sur www.eelive.ma Pour plus d’informations, contacter EE Live, Ikram El Bouazaoui au +212 522 36 95 15 ou [email protected] Dossier «LE TAUX DE SCOLARISATION POUR LA TRANCHE D’ÂGE 18-22 ANS EST ACTUELLEMENT DE 35 %» Khalid Samadi, secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur, explique les maux de l’enseignement supérieur marocain et définit sa vision pour l’avenir. Quel est le grand défi auquel se confrontent les universités marocaines? Comment jugez-vous l’état actuel de l’enseignement supérieur marocain? Comme tout secteur, il a ses points forts et ses points faibles, mais l’essentiel c’est qu’il est dans une belle dynamique d’amélioration grâce à plusieurs chantiers déjà lancés, en cours de lancement, ou en préparation pour un avenir proche. C’est tout un programme qui répond justement à la volonté gouvernementale de donner un nouvel élan à l’enseignement supérieur marocain à la fois en capitalisant sur les acquis accumulés depuis l’indépendance, et en opérant une rupture avec les dysfonctionnements relevés par les différents diagnostics réalisés par le département lui-même ou par d’autres instances, notamment le Conseil supérieur de l’éducation de la formation et de la recherche scientifique. Je peux donc vous dire aujourd’hui que le secteur est un chantier ouvert dans le but de métamorphoser son état actuel qui reste, malgré des satisfactions indéniables, sujet à de nombreuses préoccupations. Je peux vous citer notamment le taux d’encadrement des étudiants qui demeure loin des attentes, le faible rendement interne et externe des établissements à accès ouvert, la faible part de l’effectif des établissements à accès régulé et les défaillances dont souffre notre système de gouvernance. Nos universités sont confrontées à deux défis majeurs. Les défis de la massification et de la qualité qui, bien que difficiles à relever, n’en demeurent pas moins réalisables. Il est vrai que le Maroc enregistre depuis près de 10 ans une augmentation exponentielle du nombre d’étudiants qui accèdent à l’enseignement supérieur chaque année, mais il n’est pas moins vrai que nous sommes encore loin des normes internationales et régionales. Le taux de scolarisation pour la tranche d’âge 18-22 ans actuellement de 35% sera porté à 45% à la fin de ce mandat gouvernemental. C’est dire l’ampleur du travail qui reste à accomplir en termes d’infrastructures et d’équipements pour satisfaire la demande sur l’enseignement supérieur. Réussir cette tâche, par ailleurs très ardue et très consommatrice de moyens financiers, sans réussir le pari de la qualité de l’enseignement serait une absurdité totale. A quoi servirait-il de consentir des efforts colossaux pour augmenter l’accès à l’enseignement supérieur pour se rendre compte que plus de la moitié des étudiants quitte le système sans diplôme? Pour éviter cette peine perdue, le ministère est déterminé à passer à la vitesse supérieure en ce qui concerne l’amélioration de la qualité de l’enseignement, sans pour autant abandonner son objectif de faire passer le taux de scolarisation à 45%, seuil comparable à nos voisins de la région. Le ministère de tutelle a cité il y a quelques mois des mesures concernant l’enseignement supérieur. Quel sera leur impact sur le secteur? Fidèle à sa ligne de conduite depuis l’investiture du gouvernement, le ministère est très exigeant sur le respect de ses engagements. Chaque mesure annoncée fait l’objet d’un suivi au niveau ministériel et au niveau des universités pour garantir sa mise en œuvre. C’est l’occasion d’instaurer la culture de l’évaluation continue et de mettre en place les outils de reddition des comptes, le tout dans un climat de confiance pour l’ensemble des parties prenantes. Ainsi le ministère relève avec satisfaction la réalisation de toutes les mesures annoncées, à savoir entre autres la normalisation du 64 EconomieEntreprises Août-Septembre 2018 Dossier planning universitaire et le respect de ce planning, la rénovation du cadre d’études, l’augmentation de l’effectif des établissements à accès régulé, l’augmentation des postes budgétaires et l’évaluation de la mise en œuvre des nouvelles filières accréditées. Sans oublier le chantier qui me tient particulièrement à cœur ayant trait à l’encouragement de la recherche dans les sciences humaines et sociales par le biais de deux projets prometteurs, celui baptisé Ibn Khaldoun destiné à promouvoir la recherche dans ce domaine, et l’autre baptisé «Carrefour de la science et de la société» qui consiste à faire de l’université un espace de débats d’idées sur des thèmes sociétaux divers et variés avec un focus sur la promotion de la transdisciplinarité et le travail collaboratif entre les étudiants. En plus du projet que le ministère a lancé cette année pour la formation des enseignants sur la base d’une licence en éducation suivie de deux années de formation dans les CRMEF, et du travail incessant sur les textes réglementaires dans le but d’institutionnaliser les initiatives du ministère, je citerai ici le décret sur les bourses des étudiants, celui sur la couverture médicale des étudiants et l’autre sur l’équivalence des diplômes. Je peux aujourd’hui affirmer que ces mesures ont eu un impact positif sur le secteur en termes d’organisation de l’année universitaire, de respect des engagements et d’amélioration des conditions d’apprentissage et d’enseignement ainsi qu’en termes de standardisation et de préconfiguration d’entreprises à venir en matière de qualité de l’enseignement. En fait le budget frôle les 1%, ce qui est à la fois énorme et insuffisant. Il est énorme vu que le Maroc n’est pas un pays riche qui, accusant beaucoup de retard dans les secteurs sociaux, est contraint d’ouvrir beaucoup de fronts simultanément avec tout ce que cela suppose comme effort financier. Et il est insuffisant, car il ne répond pas à tous les besoins du secteur, bien que ce chiffre de 1% soit pratiquement le même dans des pays comme l’Italie, la Hongrie et la Slovaquie à titre d’exemple. Et il ne dépasse guère 1,5% en France et au Japon. Néanmoins, vu la volonté de notre pays de se hisser au rang des pays émergents, objectif impossible à atteindre sans un enseignement supérieur fort, il est indispensable d’augmenter la part du budget de ce secteur dans le PIB en cherchant d’autres sources de financement que le budget de l’Etat. Par rapport à cette question, le gouvernement n’attend que l’adoption de la loi-cadre de l’éducation de la formation et de la recherche scientifique pour mettre en application ses stipulations à cet égard. PLUS DE LA MOITIÉ DES ÉTUDIANTS QUITTE LE SYSTÈME SANS DIPLÔME... Le budget alloué à l’enseignement supérieur au Maroc est compris entre 0,5% et 0,7% du PIB. Comment faites-vous pour contourner la rareté de la ressource? Aux États-Unis et en Turquie, les universités reposent principalement sur les modèles des fondations à but non lucratif, qui ont montré leur pertinence comme levier d’ascenseur social. Pourquoi pas au Maroc? Effectivement, c’est un modèle qui a fait ses preuves et qui pourrait inspirer d’autres pays. L’appliquer au Maroc est aussi envisageable à condition de lever quelques obstacles d’ordre juridique et procédural. Et dans un pays légendaire en matière de bienfaisance et de système des Habous, le modèle de fondation à but non lucratif à toutes les chances de réussir. Consultez vos @rchives disponibles en ligne www.economie-entreprises.com 65 EconomieEntreprises Août-Septembre 2018