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Première partie :
La philosophie juridique du Traité germano-duala du 12 Juillet 1884
Le « protectorat » allemand au Cameroun commence officiellement par la signature
d’un document appelé « Traité germano-douala du 12 Juillet 1884 ». Le paradoxe est que,
signé en toute liberté par les deux parties et dans l’entente cordiale, ce traité constituera plus
tard la pomme de discorde créant un conflit kameruno-germanique de triste mémoire.
Pourquoi la discorde devait-elle ainsi naître de la concorde et faire tourner un espoir d’amitié
entre les peuples en cauchemar historique ?
Nous émettons l’hypothèse que la philosophie de la solidarité des cultures africaines
amena les chefs duala à sous-estimer la véritable nature conquérante du IIe Reich, qui
s’abritait derrière la cordialité des commerçants allemands avec lesquels ils traitaient. Aussi
crurent-ils s’entendre avec des amis auxquels ils concédèrent beaucoup dans cette affaire,
alors qu’au fond, il ne s’agissait pas d’amis, mais de simples bâtisseurs d’empire colonial,
pour qui la raison du plus fort était la seule et unique loi, dans un contexte historique
d’accélération de l’accumulation capitaliste en Europe et de partage impérialiste du monde
par des nations occidentales rivales, en quête de puissance exclusive par tous les moyens.
Quelle philosophie de l’homme et de l’autre homme, de la communauté et du pouvoir,
anime de part et d’autre les contractants ? Et comment va-t-elle peser sur le document et les
événements ? Le machiavélisme diplomatique du IIe Reich et le réalisme angélique duala
pouvaient-ils parvenir à une synthèse mutuellement bénéfique ? La rationalité juridique de
1884 semble correspondre, malgré les apparences, à une logique du diktat masqué.
Traité Germano-Douala du 12 juillet 1884
Nous soussignés, rois et chefs du territoire nommé Cameroun, situé le long du fleuve
Cameroun, entre les fleuves Bimbia au nord et Kwakwa au sud, et jusqu’au 4° 10’, degré de
longitude nord, avons aujourd’hui au cours d’une assemblée tenue en la factorerie allemande
sur le rivage du roi Akwa, volontairement décidé que :
Nous abandonnons totalement aujourd’hui nos droits concernant la souveraineté, la
législation et l’administration de notre territoire à MM. Edouard Schmidt, agissant pour le
compte de la firme C. Woermann, et Johannes Voss, agissant pour le compte de la firme
Jantzen et Thormählen, tous deux à Hambourg, et commerçant depuis des années dans ces
fleuves.
Nous avons transféré nos droits de souveraineté, de législation et d’administration de
notre territoire aux firmes sus-mentionnés avec les réserves suivantes :
1 . Le territoire ne peut être cédé à une tierce personne.