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hermite

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Chapitre 13
Formes
hermitiennes
1626
Chapitre 13. Formes hermitiennes
13.1 Compléments sur la conjugaison
13.1.1
Applications semi-linéaires
Définition 13.1.1 Soit E et F deux C-espaces vectoriels
et u : E → F . On dit que u est semi-linéaire si elle vérifie
– (i) ∀x, y ∈ E, u(x + y) = u(x) + u(y)
– (ii) ∀λ ∈ C, ∀x ∈ E, u(λx) = λu(x).
Remarque 13.1.1 Soit E un C-espace vectoriel . On munit E d’une autre structure d’espace vectoriel, notée Ě en
posant λ ∗ x = λx. Une application semi-linéaire de E dans
13.1. Compléments sur la conjugaison
1627
F n’est autre qu’une application linéaire de E dans F̌ . Ceci
permet d’appliquer aux applications semi-linéaires la plupart des résultats sur les applications linéaires en tenant
compte des résultats suivants dont la démonstration est
élémentaire :
– a) une famille (xi )i∈I d’éléments de E est libre (resp.
génératrice, resp. base) dans Ě si et seulement si il en
est de même dans E
– b) rgĚ (xi )i∈I = rgE (xi )i∈I , dim Ě = dim E
– c) F est un sous-espace vectoriel de Ě si et seulement
si c’est un sous-espace vectoriel de E
– d) le théorème du rang s’applique aux applications
semi-linéaires ; en particulier, si u : E → F est semi-
1628
Chapitre 13. Formes hermitiennes
linéaire entre deux espaces de même dimension finie,
alors u est injective si et seulement si elle est surjective
– e)
Xsi l’on définit A = Mat(u, E, F ) par u(ej ) =
ai,j fi (notations évidentes) alors
i
y = u(x) ⇐⇒ Y = AX
– f) la composée de deux applications semi-linéaires
n’est pas semi-linéaire, mais au contraire linéaire.
13.1. Compléments sur la conjugaison
13.1.2
1629
Matrices conjuguées et transconjuguées
Définition 13.1.2 Soit A = (ai,j )1≤i≤m,1≤j≤n ∈ MC (m, n).
On appelle matrice conjuguée de A la matrice A =
(ai,j )1≤i≤m,1≤j≤n ∈ MC (m, n).
Proposition 13.1.1 L’application A 7→ A est un automorphisme semi-linéaire de MC (m, n). On a rg A = rg A.
Si A ∈ MC (m, n) et B ∈ MC (n, p), alors AB = A B.
Dans le cadre des matrices carrées, on a det A = det A,
tr A = tr A, χA (X) = χA (X), A est inversible si et seulement si A est inversible, et dans ce cas (A)−1 = A−1 .
1630
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Démonstration 13.1.1 Vérification élémentaire laissée
au lecteur.
Définition 13.1.3 Soit A = (ai,j )1≤i≤m,1≤j≤n ∈ MC (m, n).
On appelle matrice transconjuguée (ou matrice adjointe)
de A la matrice A∗ = t (A) = t A = (aj,i )1≤i≤m,1≤j≤n ∈
MC (n, m).
A partir des propriétés de A 7→ t A et de A 7→ A on
déduit facilement les propriétés suivantes
Proposition 13.1.2 L’application A 7→ A∗ est un isomorphisme semi-linéaire involutif de MC (m, n) sur MC (n, m).
On a rg A∗ = rg A. Si A ∈ MC (m, n) et B ∈ MC (n, p),
13.1. Compléments sur la conjugaison
1631
alors (AB)∗ = B ∗ A∗ . Dans le cadre des matrices carrées,
on a det A∗ = det A, tr A∗ = tr A, χA∗ (X) = χA (X), A est
inversible si et seulement si A∗ est inversible, et dans ce cas
(A∗ )−1 = (A−1 )∗ .
Remarque 13.1.2 On prendra garde à la relation
(λA)∗ = λA∗ en n’oubliant pas la conjugaison.
1632
13.1.3
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Matrices hermitiennes, antihermitiennes
Définition 13.1.4 Soit A ∈ MC (n). on dit que A est hermitienne (resp. antihermitienne) si A∗ = A (resp. A∗ =
−A).
Remarque 13.1.3 A = (ai,j ) est hermitienne si et seulement si ∀i, j, aj,i = ai,j . En particulier les coefficients diagonaux ai,i doivent être réels
Théorème 13.1.1 Les ensembles des matrices hermitiennes et antihermitiennes sont des R-sous-espaces
13.1. Compléments sur la conjugaison
1633
vectoriels (mais pas des C-sous-espaces vectoriels) de
MC (n). On a
A hermitienne ⇐⇒ iA antihermitienne
Si Hn désigne le R-sous-espace vectoriel des matrices hermitiennes, on a MC (n) = Hn ⊕ iHn .
Démonstration 13.1.2 La vérification du premier point
est élémentaire. Si on a A = A1 + iA2 avec A1 et A2
hermitiennes, alors A∗ = A1 − iA2 ce qui donne A1 =
1
1
(A + A∗ ) et A2 = (A − A∗ ) et démontre déjà l’unicité
2
2i
1634
Chapitre 13. Formes hermitiennes
de la décomposition. De plus la formule
1
1
∗
A = (A + A ) + i (A − A∗ )
2
2i
1
1
∗
avec (A + A ) et (A − A∗ ) qui sont hermitiennes (facile)
2
2i
montre l’existence de la décomposition.
Remarque 13.1.4 On voit donc que contrairement aux
matrices symétriques ou antisymétriques qui sont de nature
différentes, il n’y a pas de différence essentielle entre matrices hermitiennes ou antihermitiennes : on passe des unes
aux autres par multiplication par i, ce qui permet de limiter
l’étude aux matrices hermitiennes. Pour une telle matrice,
13.1. Compléments sur la conjugaison
1635
les formules det A∗ = det A, tr A∗ = tr A, χA∗ (X) = χA (X )
montrent que det A ∈ R, tr A ∈ R et que χA (X) ∈ R[X].
1636
Chapitre 13. Formes hermitiennes
13.2
Formes sesquilinéaires
13.2.1
Généralités
Définition 13.2.1 Soit E un C-espace vectoriel . On appelle forme sesquilinéaire sur E toute application ϕ : E ×
E → C telle que
– (i) ∀x ∈ E, y 7→ ϕ(x, y) est linéaire
– (ii) ∀y ∈ E, x 7→ ϕ(x, y) est semilinéaire
Remarque 13.2.1 On a en particulier ∀y ∈ E, ϕ(y, 0) =
ϕ(0, y) = 0 ; de plus ϕ(x, λy) = λϕ(x, y), ϕ(λx, y) =
13.2. Formes sesquilinéaires
λϕ(x, y). Plus généralement
X
λi µj ϕ(xi , yj ).
1637
X
X
ϕ(
λi xi ,
µj yj )
=
i,j
Il est clair que si ϕ et ψ sont deux formes sesquilinéaires
sur E, il en est de même de αϕ + βψ , d’où la proposition
Proposition 13.2.1 L’ensemble L3/2(E) des formes
sesquilinéaires sur E est un sous-espace vectoriel de
l’espace CE×E des applications de E × E dans C.
Remarque 13.2.2 Soit ϕ une forme sesquilinéaire sur E.
Pour chaque x ∈ E, l’application y 7→ ϕ(x, y) est une forme
linéaire sur E donc un élément, noté gϕ (x), du dual E ∗ de
1638
Chapitre 13. Formes hermitiennes
E. De même, pour chaque y ∈ E, l’application x 7→ ϕ(x, y)
est une forme linéaire sur E, donc un élément, noté dϕ (y),
de E ∗ . La relation
[gϕ (αx + βx0 )] (y)
= ϕ(αx + βx0 , y) = αϕ(x, y) + βϕ(x0 , y)
£
¤
0
= αgϕ (x) + βgϕ (x ) (y)
montre clairement que gϕ : x 7→ gϕ (x) est une application
semilinéaire de E dans E ∗ . Il en est de même de dϕ : y 7→
dϕ (y).
Définition 13.2.2 L’application gϕ : E → E ∗ (resp. dϕ )
est appelée l’application semilinéaire gauche (resp. droite)
associée à la forme sesquilinéaire ϕ.
13.2. Formes sesquilinéaires
13.2.2
Formes sesquilinéaires
ennes, antihermitiennes
1639
hermiti-
Définition 13.2.3 Soit ϕ ∈ L3/2 (E). On dit que ϕ est hermitienne (resp. antihermitienne) si ∀x, y ∈ E, ϕ(y, x) =
ϕ(x, y) (resp. = −ϕ(x, y)).
Proposition 13.2.2 ϕ est hermitienne si et seulement si
iϕ est antihermitienne.
Démonstration 13.2.1 Evident
1640
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Remarque 13.2.3 Ceci nous permettra par la suite de ne
considérer que le cas des formes hermitiennes.
Proposition 13.2.3 Soit ϕ ∈ L3/2 (E). Alors ϕ est hermitienne si et seulement si dϕ = gϕ .
£
¤
Démonstration 13.2.2 En effet ϕ(x, y) = gϕ (x) (y) et
£
¤
ϕ(y, x) = dϕ (x) (y). Alors
∀x, y ∈ E, ϕ(y, x) = ϕ(x, y)
£
¤
£
¤
⇐⇒ ∀x, y ∈ E, gϕ (x) (y) = ε dϕ (x) (y)
⇐⇒ ∀x ∈ E, gϕ (x) = dϕ (x) ⇐⇒ gϕ = dϕ
13.2. Formes sesquilinéaires
1641
Proposition 13.2.4 L’ensemble H(E) des formes
sesquilinéaires hermitiennes est un R-sous-espace vectoriel de L3/2 (E) (mais pas un C sous-espace vectoriel).
On a L3/2 (E) = H(E) ⊕ iH(E).
Démonstration 13.2.3 La première affirmation est
laissée aux soins du lecteur. On a clairement H(E) ∩
iH(E) = {0} et la relation ϕ = ψ + iθ avec ψ (x, y) =
1
1
(ϕ(x, y) + ϕ(y, x)), θ(x, y) =
(ϕ(x, y) − ϕ(y, x)) qui
2
2i
sont toutes deux hermitiennes montre que L3/2 (E) =
H(E) ⊕ iH(E).
1642
13.2.3
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Matrice d’une forme sesquilinéaire
Supposons que E est de dimension finie et soit E =
(e1 , . . . , en ) une base de E.
Définition 13.2.4 Soit ϕ ∈ L3/2 (E). On appelle matrice
de ϕ dans la base E la matrice
Mat(ϕ, E) = (ϕ(ei , ej ))1≤i,j≤n ∈ MC (n)
Proposition 13.2.5 Mat(ϕ, E) est l’unique matrice Ω ∈
MC (n) vérifiant
∀(x, y) ∈ E × E, ϕ(x, y) = X ∗ ΩY
13.2. Formes sesquilinéaires
1643
où X (resp. Y ) désigne le vecteur colonne des coordonnées
de x (resp. y) dans la base E.
Démonstration 13.2.4 Si Ω = (ωi,j ), on a
∗
X ΩY =
n
X
i=1
xi (ΩY )i =
n
X
i=1
Mais d’autre part ϕ(x, y)
X
xi
n
X
ωi,j yj =
j=1
=
X
ωi,j xi yj
i,j
n
n
X
X
ϕ(
xi ei ,
yj ej )
i=1
=
j=1
ϕ(ei , ej )xi yj en utilisant la sesquilinéarité de ϕ.
i,j
Ceci montre que Mat(ϕ, E ) vérifie bien la relation
1644
Chapitre 13. Formes hermitiennes
voulue. Inversement, X
si Ω vérifie cette formule, on a
ϕ(ek , el ) = Ek∗ ΩEl =
ωi,j δik δjl = ωk,l ce qui montre que
i,j
Ω = Mat(ϕ, E).
Théorème 13.2.1 L’application ϕ 7→ Mat(ϕ, E ) est un
isomorphisme d’espaces vectoriels de L3/2 (E) sur MC (n).
Démonstration 13.2.5 Les détails sont laissés aux soins
du lecteur. L’application réciproque est bien entendu l’application qui à Ω ∈ MC (n) associe ϕ : E × E → C définie
par ϕ(x, y) = X ∗ ΩY qui est clairement sesquilinéaire.
13.2. Formes sesquilinéaires
1645
Théorème 13.2.2 Soit E de dimension finie, E =
(e1 , . . . , en ) une base de E, E ∗ = (e∗1 , . . . , e∗n ) la base duale.
Soit ϕ ∈ L3/2 (E). Alors
Mat(ϕ, E) = Mat(dϕ , E , E ∗ ) = t Mat(gϕ , E, E ∗ )
Démonstration 13.2.6 Notons Ω = Mat(ϕ, E), A =
Mat(dϕ , E, E ∗ ) et B = Mat(gϕ , E, E ∗ ). On a
ωi,j
=
=
¡
¢
ϕ(ei , ej ) = dϕ (ej ) (ei )
n
¡X
¢
∗
ak,j ek (ei ) = ai,j
k=1
1646
Chapitre 13. Formes hermitiennes
compte tenu de e∗k (ei ) = δki ; de même
¡
¢
ωi,j = ϕ(ei , ej ) = gϕ (ei ) (ej )
n
¡X
¢
∗
=
bk,i ek (ej ) = bj,i
k=1
ce qui démontre le résultat.
Corollaire 13.2.1 La forme sesquilinéaire ϕ est hermitienne si et seulement si sa matrice dans la base E est hermitienne.
Le rang de Mat(dϕ , E, E ∗) est indépendant du choix de
la base E ; il en est donc de même du rang de Mat(ϕ, E).
13.2. Formes sesquilinéaires
1647
Ceci conduit à la définition suivante
Définition 13.2.5 Soit E de dimension finie et ϕ ∈
L3/2 (E). On appelle rang de E le rang de sa matrice dans
n’importe quelle base de E. On a
rg ϕ = rg dϕ = rg gϕ = rg Mat(ϕ, E)
1648
13.2.4
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Changements de bases
Théorème 13.2.3 Soit E un espace vectoriel de dimen0
E0
sion finie, E et E deux bases de E, P = PE la matrice
de passage de E à E 0 . Soit ϕ ∈ L3/2 (E), Ω = Mat(ϕ, E) et
Ω0 = Mat(ϕ, E 0 ). Alors
Ω0 = P ∗ ΩP
Démonstration 13.2.7 Si X (resp. Y ) désigne le vecteur
colonne des coordonnées de x (resp. y) dans la base E et X 0
(resp. Y 0 ) désigne le vecteur colonne des coordonnées de x
(resp. y) dans la base E 0 , on a X = P X 0 , Y = P Y 0 , d’où
ϕ(x, y) = (P X 0 )∗ Ω(P Y 0 ) = X 0∗ (P ∗ ΩP )Y 0
13.2. Formes sesquilinéaires
1649
Comme Ω0 est l’unique matrice vérifiant ∀(x, y) ∈ E ×
E, ϕ(x, y) = X 0∗ Ω0 Y 0 , on a Ω0 = P ∗ ΩP .
1650
13.2.5
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Orthogonalité
Soit E un C-espace vectoriel
sesquilinéaire hermitienne sur E.
et ϕ une forme
Définition 13.2.6 On dit que x est orthogonal à y (relativement à ϕ), et on pose x ⊥ y, si ϕ(x, y) = 0.
Remarque 13.2.4 ϕ étant supposée hermitienne, il s’agit
visiblement d’une relation symétrique
Définition 13.2.7 Soit A une partie de E. On pose A⊥ =
{x ∈ E | ∀a ∈ A, ϕ(a, x) = 0}
13.2. Formes sesquilinéaires
1651
∗
Remarque 13.2.5 Notons A⊥ l’orthogonal de A dans
le dual E ∗ de E, c’est-à-dire l’espace vectoriel des formes
linéaires sur E qui sont nulles sur A. On a
x ∈ A⊥
⇐⇒
⇐⇒
⇐⇒
∀a ∈ A, ϕ(a, x) = 0
£
¤
∀a ∈ A, dϕ (x) (a) = 0
∗
∗
⊥
dϕ (x) ∈ A⊥ ⇐⇒ x ∈ d−1
(A
)
ϕ
∗
∗
⊥
−1
⊥
On en déduit que A⊥ = d−1
ϕ (A ) = gϕ (A ).
Proposition 13.2.6 Soit A une partie de E ; alors
– (i)A⊥ est un sous-espace vectoriel de E
– (ii)A⊥ = Vect(A)⊥
1652
Chapitre 13. Formes hermitiennes
– (iii) A ⊂ (A⊥ )⊥
– (iv) A ⊂ B ⇒ B ⊥ ⊂ A⊥ .
Démonstration 13.2.8 (i) découle immédiatement de la
sesquilinéarité de ϕ ou de la remarque précédente. Il en
est de même pour (ii) puisqu’un vecteur x est orthogonal
à tout vecteur de A si et seulement si il est orthogonal à
toute combinaison linéaire de vecteurs de A, c’est à dire
à Vect(A). En ce qui concerne (iii), il suffit de remarquer
que tout vecteur a de A est orthogonal à tout vecteur qui
est orthogonal à tout vecteur de A. Pour (iv), un vecteur
x qui est orthogonal à tout vecteur de B est évidemment
orthogonal à tout vecteur de A.
13.2. Formes sesquilinéaires
13.2.6
1653
Formes non dégénérées
En règle générale on posera
Définition 13.2.8 Soit E un C-espace vectoriel , ϕ une
forme sesquilinéaire hermitienne sur E. On appelle noyau
de ϕ le sous-espace
Ker ϕ = {x ∈ E | ∀y ∈ E, ϕ(x, y) = 0} = E ⊥ = Ker dϕ
Définition 13.2.9 Soit E un C-espace vectoriel , ϕ une
forme sesquilinéaire hermitienne sur E. On dit que ϕ est
non dégénérée si elle vérifie les conditions équivalentes
– (i) Ker ϕ = E ⊥ = {0}
1654
Chapitre 13. Formes hermitiennes
³
´
– (ii) pour x ∈ E on a ∀y ∈ E, ϕ(x, y) = 0 ⇒ x = 0
– (iii) dϕ (resp. gϕ ) est une application semilinéaire injective de E dans E ∗ .
L’équivalence entre ces trois propriétés est évidente.
Si E est un espace vectoriel de dimension finie, on
sait que dim E ∗ = dim E. Si gϕ est injective, elle est
nécessairement bijective et on obtient
Théorème 13.2.4 Soit E un C-espace vectoriel de dimension finie, ϕ une forme sesquilinéaire hermitienne non
dégénérée sur E. Alors l’application semilinéaire gauche
gϕ est un isomorphisme d’espace vectoriel de E sur E ∗ ;
13.2. Formes sesquilinéaires
1655
autrement dit, pour toute forme linéaire f sur E, il existe
un unique vecteur vf ∈ E tel que ∀x ∈ E, f (x) = ϕ(vf , x).
Corollaire 13.2.2 Soit E un C-espace vectoriel de dimension finie, ϕ une forme sesquilinéaire hermitienne non
dégénérée sur E. Soit A un sous-espace vectoriel de E.
Alors dim A + dim A⊥ = dim E et A = A⊥⊥ .
Démonstration 13.2.9 On a en effet
∗
∗
dim A⊥ = dim gϕ−1 (A⊥ ) = dim A⊥ = dim E − dim A
puisque gϕ est un isomorphisme d’espaces vectoriels. On
1656
Chapitre 13. Formes hermitiennes
sait d’autre part que A ⊂ A⊥⊥ et que dim A⊥⊥ = dim E −
dim A⊥ = dim A, d’où l’égalité.
Remarque 13.2.6 Il ne faudrait pas en déduire abusivement que A et A⊥ sont supplémentaires ; en effet,
en général A ∩ A⊥ 6= {0}. Nous nous intéresserons plus
particulièrement à ce point dans le paragraphe suivant.
Si E est une base de E, alors Ω = Mat(ϕ, E) =
t
Mat(gϕ , E, E ∗ ) et rg ϕ = rg Ω. On en déduit
Théorème 13.2.5 Soit E un C-espace vectoriel de dimension finie n, ϕ une forme sesquilinéaire hermitienne
13.2. Formes sesquilinéaires
1657
sur E, E une base de E et Ω = Mat(ϕ, E ). Alors les propositions suivantes sont équivalentes
– (i) ϕ est non dégénérée
– (ii) Ω est une matrice inversible
– (iii) rg ϕ = n.
Remarque 13.2.7 En général, Ker ϕ = Ker gϕ , rg ϕ =
rg gϕ , si bien que le théorème du rang devient
Proposition 13.2.7 Soit E un C-espace vectoriel de dimension finie n, ϕ une forme sesquilinéaire hermitienne
sur E, E une base de E. Alors dim E = rg ϕ + dim Ker ϕ.
1658
Chapitre 13. Formes hermitiennes
13.3 Formes quadratiques hermitiennes
13.3.1
Notion de forme quadratique hermitienne
Soit E un C-espace vectoriel et ϕ une forme
sesquilinéaire hermitienne sur E. Soit Φ l’application
de E dans R qui à x associe Φ(x) = ϕ(x, x) (on a en effet
ϕ(x, x) = ϕ(x, x) donc Φ(x) ∈ R).
Proposition 13.3.1 On a les identités suivantes
– (i) Φ(λx) = |λ|2 Φ(x)
– (ii) Φ(x + y) = Φ(x) + 2 Re(ϕ(x, y)) + Φ(y)
13.3. Formes quadratiques hermitiennes
1659
– (ii)’ Φ(x + y) − Φ(x − y) + iΦ(x + iy) − iΦ(x − iy) =
4ϕ(y, x) (identité de polarisation)
– (iii) Φ(x + y) + Φ(x − y) = 2(Φ(x) + Φ(y)) (identité
de la médiane)
Démonstration 13.3.1 (i) Φ(λx)
λλϕ(x, x) = |λ|2 Φ(x)
=
ϕ(λx, λx)
=
(ii) Φ(x + y) = ϕ(x + y, x + y) = Φ(x) + ϕ(x, y) + ϕ(y, x) +
Φ(y) = Φ(x) + 2 Re(ϕ(x, y)) + Φ(y) ; (ii)’ s’en déduit
immédiatement par un petit calcul
(iii) changeant y en −y dans l’identité précédente, on a aussi
Φ(x − y) = Φ(x) − 2ϕ(x, y) + Φ(y), et en additionnant les
deux on trouve Φ(x + y) + Φ(x − y) = 2(Φ(x) + Φ(y)).
1660
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Remarque 13.3.1 L’identité (ii)’ montre que l’application ϕ 7→ Φ est injective de H(E) dans RE (espace vectoriel
des applications de E dans R) puisque la connaissance de
Φ permet de retrouver ϕ. Ceci nous amène à poser
Définition 13.3.1 Soit E un C-espace vectoriel . On appelle forme quadratique hermitienne sur E toute application
Φ : E → R telle qu’il existe une forme sesquilinéaire hermitienne ϕ : E × E → C vérifiant ∀x ∈ E, Φ(x) = ϕ(x, x).
Dans ce cas, ϕ est unique et est appelée la forme polaire de
Φ.
13.3. Formes quadratiques hermitiennes
Exemple 13.3.1 Sur Cn , Φ(x) =
n
X
i=1
1661
|xi |2 est une forme
quadratique hermitienne dont la forme polaire associée est
n
X
ϕ(x, y) =
xi yi . Si E désigne l’espace vectoriel des fonci=1
tions continues de [a, b] dans C, Φ(f ) =
Z
a
b
|f(t)|2 dt est
une forme quadratique hermitienne dont la forme polaire
Z b
est ϕ(f, g) =
f (t)g(t) dt.
a
Proposition 13.3.2 L’ensemble Q(E) des formes quadratiques sur E est un R-sous-espace vectoriel de RE ; l’appli-
1662
Chapitre 13. Formes hermitiennes
cation ϕ 7→ Φ est un isomorphisme de R-espaces vectoriels
de H(E) sur Q(E).
Remarque 13.3.2 Par la suite on confondra toutes les
notions relatives à ϕ et à Φ : orthogonalité, matrice, non
dégénérescence, isotropie ; en particulier on posera Ker Φ =
Ker ϕ = {x ∈ E | ∀y ∈ E, ϕ(x, y) = 0}. On remarquera
qu’en général, Ker Φ 6= {x ∈ E | Φ(x) = 0}.
Théorème 13.3.1 (Pythagore). Soit E un C-espace vectoriel et Φ ∈ Q(E), ϕ la forme polaire de Φ. Alors
x ⊥ϕ y ⇒ Φ(x + y) = Φ(x) + Φ(y)
13.3. Formes quadratiques hermitiennes
1663
Démonstration 13.3.2 C’est une conséquence évidente
de l’identité Φ(x + y) = Φ(x) + 2 Re(ϕ(x, y)) + Φ(y). Remarquons l’absence de réciproque, contrairement au cas des
formes quadratiques.
1664
13.3.2
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Formes quadratiques hermitiennes
en dimension finie
Soit E un C-espace vectoriel de dimension finie, Φ ∈
Q(E) de forme polaire ϕ.
Théorème 13.3.2 Soit E une base de E. Alors Mat(ϕ, E )
est l’unique matrice Ω ∈ MC (n) qui est hermitienne et qui
vérifie
∀x ∈ E, Φ(x) = X ∗ ΩX
Démonstration 13.3.3 Il est clair que Ω = Mat(Φ, E ) est
hermitienne et vérifie Φ(x) = ϕ(x, x) = X ∗ ΩX . Inverse-
13.3. Formes quadratiques hermitiennes
1665
ment, soit Ω une matrice hermitienne vérifiant cette propriété. On a alors
1
ϕ(y, x) = (Φ(x+y)−Φ(x−y)+iΦ(x+iy)−iΦ(x−iy)) = Y ∗ ΩX
4
(après un calcul un peu pénible) ce qui montre que Ω =
Mat(ϕ, E).
Posons Ω = Mat(ϕ, E ) = (ωi,j )1≤i,j≤n . On a alors
X
X
X
ϕ(x, y) =
ωi,j xi yj =
ωi,i xi yi +
(ωi,j xi yj + ωj,i xj yi )
i,j
i
i<j
En tenant compte de ωi,j = ωj,i , on a donc
X
X
2
Φ(x) = ϕ(x, x) =
ωi,i |xi | +2 Re(
ωi,j xi xj ) = PΦ (x1, . . . , xn )
i
i<j
1666
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Inversement, soit P de la forme P (x1 , . . . , xn ) =
n
X
X
2
ai,i |xi | + 2 Re(
ai,j xi xj ). Définissons ϕ sur E
i=1
i<j
par
ϕ(x, y) =
X
i
X
X
ai,ixi yi +
(ai,j xi yj + ai,j xj yi )
i<j
X
si x =
xi ei et y =
yi ei . Alors ϕ est clairement une
forme sesquilinéaire hermitienne sur E et la forme quadratique associée vérifie Φ(x) = P (x1 , . . . , xn ). On obtient l’expression de ϕ(x, y) à partir de l’expression polynomiale
de Φ(x) en remplaçant partout les termes carrés |xi |2 par
1
xi yi et les termes rectangles Re(ai,j xi xj ) par (ai,j xi xj +
2
13.3. Formes quadratiques hermitiennes
1667
ai,j xj yi ).
Théorème 13.3.3 Si E est une base orthonormée de E
(c’est à dire ϕ(ei , ej ) = δij ), alors Mat(ϕ, E ) = In , ϕ(x, y) =
n
n
X
X
X ∗Y =
xi yi et Φ(x) = X ∗ X =
|xi |2 .
i=1
Démonstration 13.3.4 Evident.
i=1
1668
13.3.3
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Formes quadratiques hermitiennes
définies positives
Définition 13.3.2 Soit E un C espace vectoriel et Φ une
forme quadratique hermitienne sur E. On dit que Φ est
définie positive si ∀x ∈ E \ {0}, Φ(x) > 0.
Théorème 13.3.3 (inégalité de Schwarz). Soit E un C
espace vectoriel et Φ une forme quadratique hermitienne
définie positive sur E de forme polaire ϕ. Alors
∀x, y ∈ E, |ϕ(x, y)|2 ≤ Φ(x)Φ(y)
avec égalité si et seulement si la famille (x, y) est liée.
13.3. Formes quadratiques hermitiennes
1669
Démonstration 13.3.4 L’inégalité est évidente si y = 0 ;
supposons donc y 6= 0. Soit θ ∈ R. On écrit ∀t ∈ R, Φ(x +
teiθ y) ≥ 0, soit encore t2 Φ(y) +2t Re(eiθ ϕ(x, y)) +Φ(x) ≥ 0.
Choisissons θ tel que ϕ(x, y) = e−iθ |ϕ(x, y)| (autrement dit
l’opposé d’un argument de ϕ(x, y)). On a donc t2 Φ(y) +
2t|ϕ(x, y)| + Φ(x) ≥ 0. Ce trinome du second degré doit
donc avoir un discriminant réduit négatif, soit |ϕ(x, y)|2 −
Φ(x)Φ(y) ≤ 0. Si on a l’égalité, deux cas sont possibles. Soit
y = 0 auquel cas la famille (x, y) est liée, soit Φ(y) 6= 0 ;
mais dans ce cas ce trinome en t a une racine double t0 ,
et donc Φ(x + t0 eiθ y) = 0 d’où x + t0 eiθ y = 0 et donc la
famille est liée. Inversement, si la famille (x, y) est liée, on a
par exemple x = λy et dans ce cas |ϕ(x, y)|2 = |λ2 |Φ(y)2 =
Φ(x)Φ(y).
1670
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Théorème 13.3.4 (inégalité de Minkowski). Soit E un C
espace vectoriel et Φ une forme quadratique hermitienne
définie positive sur E. Alors
p
p
p
∀x, y ∈ E, Φ(x + y) ≤ Φ(x) + Φ(y)
avec égalité si et seulement si la famille (x, y) est positivement liée.
Démonstration 13.3.5 On a
Φ(x + y) =
Φ(x) + 2 Re(ϕ(x, y)) + Φ(y)
≤
Φ(x) + 2|ϕ(x, y)| + Φ(y)
p
Φ(x) + 2 Φ(x)Φ(y) + Φ(y)
≤
13.3. Formes quadratiques hermitiennes
=
p
³p
Φ(x) +
p
Φ(y)
1671
´2
p
p
d’où Φ(x + y) ≤ p
Φ(x) + Φ(y). L’égalité nécessite à
la fois que |ϕ(x, y)| = Φ(x)Φ(y), donc que (x, y) soit liée,
et que Re(ϕ(x, y)) = |ϕ(x, y)| ≥ 0, c’est-à-dire que le coefficient de proportionnalité soit réel et positif.
Définition 13.3.3 On appelle espace préhilbertien complexe un couple (E, Φ) d’un C-espace vectoriel E et d’une
forme quadratique hermitienne définie positive sur E. On
appelle espace hermitien un espace préhilbertien complexe
de dimension finie.
1672
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Théorème 13.3.5 Soit (E, Φ) unp espace préhilbertien
complexe. Alors l’application x 7→ Φ(x) est une norme
sur E appelée norme hermitienne.
Démonstration 13.3.6 La propriété de séparation
provient du fait que Φ est définie. L’homogénéité provient
de l’homogénéité de la forme quadratique. Quant à
l’inégalité triangulaire, ce n’est autre que l’inégalité de
Minkowski.
Définition 13.3.4 On notera (x | y) = ϕ(x, y) et kxk2 =
(x | x) = Φ(x)
13.3. Formes quadratiques hermitiennes
13.3.4
1673
Espaces hermitiens
Une forme définie positive étant clairement non
dégénérée, on a bien évidemment
Théorème 13.3.6 Soit E un espace hermitien. Pour toute
forme linéaire f sur E, il existe un unique vecteur vf ∈ E
tel que ∀x ∈ E, f (x) = (vf | x)
D’autre part si Φ est définie positive, et si A est un
sous-espace vectoriel de E on a
x ∈ A ∩ A⊥ ⇒ x ⊥ x ⇒ (x | x) = 0 ⇒ x = 0
Comme de plus dim A + dim A⊥ = dim E, on obtient
1674
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Théorème 13.3.7 Soit E un espace hermitien.Pour tout
sous-espace vectoriel A de E, on a E = A ⊕ A⊥ et (A⊥ )⊥ =
A.
Enfin l’existence de bases orthonormées nous est garanti
par l’algorithme de Gramm-Schmidt, dont la démonstration
est strictement la même que pour les formes quadratiques :
Théorème 13.3.8 Soit E un espace hermitien. Soit E =
(e1 , . . . , en ) une base de E. Alors il existe une base orthonormée E 0 = (ε1 , . . . , εn ) de E vérifiant les conditions
équivalentes suivantes
– (i) ∀k ∈ [1, n], εk ∈ Vect(e1 , . . . , ek )
13.3. Formes quadratiques hermitiennes
1675
– (ii) ∀k ∈ [1, n], Vect(ε1 , . . . , εk ) = Vect(e1 , . . . , ek )
– (iii) la matrice de passage de E à E 0 est triangulaire
supérieure
Si E 0 = (ε1 , . . . , εn ) et E 00 = (η1 , . . . , ηn ) sont deux telles
bases orthonormées, il existe des scalaires λ1 , . . . , λn de
module 1 tels que ∀i ∈ [1, n], ηi = λi εi .
1676
Chapitre 13. Formes hermitiennes
13.4 Endomorphismes d’un espace
hermitien
13.4.1
Notion d’adjoint
Soit E un espace préhilbertien complexe
Définition 13.4.1 Soit E un espace préhilbertien complexe. Soit u, v ∈ L(E). On dit que u et v sont des
endomorphismes adjoints si
∀x, y ∈ E, (u(x) | y) = (x | v(y))
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1677
Remarque 13.4.1 La symétrie hermitienne du produit
scalaire montre clairement que u et v jouent des rôles
symétriques, donc que u est adjoint de v si et seulement si
v est adjoint de u.
Théorème 13.4.1 Soit E un espace hermitien. Tout endomorphisme de E admet un unique adjoint u∗ . Si u ∈ L(E),
E une base de E, Ω = Mat(ϕ, E) et A = Mat(u, E), alors
Mat(u∗ , E) = Ω−1 A∗ Ω
Démonstration 13.4.1 Soit E une base de E et Ω =
Mat(ϕ, E). Comme ϕ est non dégénérée, la matrice Ω est inversible. Soit u, v ∈ L(E), A = Mat(u, E ) et B = Mat(v, E).
1678
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Si x, y ∈ E, on a (u(x) | y) = (AX)∗ ΩY = X ∗ A∗ ΩY et
(x | v(y)) = X ∗ ΩBY . L’unicité de la matrice de la forme
sesquilinéaire (x, y) 7→ (u(x) | y) montre que
∀x, y ∈ E, (u(x) | y) = (x | v(y))
⇐⇒
A∗ Ω = ΩB ⇐⇒ B = Ω−1 A∗ Ω
ce qui montre à la fois l’existence et l’unicité de l’adjoint et
la formule voulue.
Proposition 13.4.1 Soit E un espace hermitien. L’application u 7→ u∗ est un endomorphisme semi-linéaire involutif de L(E). Si u, v ∈ L(E), alors u ◦ v aussi et (u ◦ v)∗ =
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1679
v∗ ◦ u∗ . Si u ∈ L(E) est inversible, alors u∗ est inversible et
(u−1)∗ = (u∗ )−1.
Démonstration 13.4.2 On a déjà vu que la relation u et
v sont adjoints était symétrique, donc si u ∈ L(E), u∗ aussi
et u∗∗ = u. Si u, v ∈ L(E), α, β ∈ C, on a
((αu + βv)(x) | y) =
=
=
=
(αu(x) + βv(x) | y)
α(u(x) | y) + β(v(x) | y)
α(x | u∗ (y)) + β(x | v ∗ (y))
(x | (αu∗ + βv ∗ )(y))
ce qui montre que (αu + βv)∗ = αu∗ + βv ∗ et donc la
1680
Chapitre 13. Formes hermitiennes
semilinéarité de u 7→ u∗ . Si u, v ∈ L(E), on a
(u ◦ v(x) | y) = (v(x) | u∗ (y)) = (x | v ∗ ◦ u∗ (y))
ce qui montre que u ◦ v admet v ∗ ◦ u∗ comme adjoint.
Si u est inversible, on a u−1 ◦ u = IdE d’où (u−1 ◦ u)∗ =
Id∗E , soit u∗ ◦ (u−1)∗ = IdE . De même u ◦ u−1 = IdE donne
par passage à l’adjoint (u−1 )∗ ◦ u∗ = IdE . Ceci montre que
u∗ est inversible et que (u−1 )∗ = (u∗ )−1
Proposition 13.4.2 Soit E un espace
u ∈ L(E). Alors
– (i) det u∗ = det u, tr u∗ = tr u, χu∗ = χu
– (ii) Ker u∗ = (Im u)⊥ , Im u∗ = (Ker u)⊥
hermitien,
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1681
– (iii) Ker u∗ u = Ker u et Im u∗ u = Im u∗
Démonstration 13.4.3 (i) Soit E une base de E, Ω =
Mat(ϕ, E) et A = Mat(u, E ), alors Mat(u∗ , E) = Ω−1 A∗ Ω.
On a donc det u∗ = det Ω−1 A∗ Ω = det A∗ = det A = det u.
La démonstration est la même pour la trace et pour le
polynôme caractéristique.
(ii) On a
x ∈ Ker u∗
⇐⇒
⇐⇒
u∗ (x) = 0 ⇐⇒ ∀y ∈ E, (u∗ (x) | y) = 0
∀y ∈ E, (x | u(y)) = 0 ⇐⇒ x ∈ (Im u)⊥
En appliquant ce résultat à u∗ on obtient, Ker u =
(Im u∗ )⊥ et en prenant l’orthogonal, Im u∗ = (Ker u)⊥
1682
Chapitre 13. Formes hermitiennes
(iii) On a visiblement u(x) = 0 ⇒ u∗ u(x) = 0, donc Ker u ⊂
Ker u∗ u ; mais d’autre part, si x ∈ Ker u∗ u, on a
ku(x)k2 = (u(x) | u(x)) = (u∗ u(x) | x) = (0 | x) = 0
et donc u(x) = 0, soit Ker u∗ u ⊂ Ker u et l’égalité. On en
déduit alors que
Im u∗ u = (Ker(u∗ u)∗ )⊥ = (Ker u∗ u)⊥ = (Ker u)⊥ = Im u∗
Une des propriétés essentielles de l’adjoint que nous
utiliserons de façon systématique pour la réduction des endomorphismes est la suivante
Théorème 13.4.2 Soit u ∈ L(E). Soit F un sous-espace
de E stable par u ; alors F ⊥ est stable par u∗ .
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1683
Démonstration 13.4.4 Soit x ∈ F ⊥ . Si y ∈ F , on a
ϕ(u∗ (x), y) = ϕ(x, u(y)) = 0 puisque u(y) ∈ F et x ∈ F ⊥ .
Donc u∗ (x) ∈ F ⊥ et F ⊥ est stable par u∗ .
1684
13.4.2
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Endomorphismes hermitiens
Définition 13.4.2 Soit E un espace hermitien, u ∈ L(E).
On dit que u est hermitien (ou autoadjoint) s’il vérifie les
conditions équivalentes
– (i) u∗ = u
– (ii) ∀x, y ∈ E, (u(x) | y) = (x | u(y))
Remarque 13.4.2 Si la base E est orthonormée, alors
Mat(( | ), E ) = In et Mat(u∗ , E ) = Mat(u, E )∗ ; en
particulier
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1685
Théorème 13.4.3 Soit E une base orthonormée de E ;
alors u est hermitien si et seulement si Mat(u, E) est une
matrice hermitienne.
Proposition 13.4.3 L’ensemble H(E) des endomorphismes hermitiens est un R-sous-espace vectoriel de
L(E) (mais pas un C sous-espace vectoriel). On a
L(E) = H(E) ⊕ iH(E)
Démonstration 13.4.5 L’endomorphisme de L∗ (E), u 7→
u∗ étant R linéaire et involutif, l’espace L(E) est somme directe du sous-espace propre associé à la valeur propre 1 (les
1686
Chapitre 13. Formes hermitiennes
endomorphismes hermitiens) et du sous-espace propre associé à la valeur propre -1 (les endomorphismes antihermitiens, qui ne sont autre que les endomorphismes hermitiens
multipliés par i).
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
13.4.3
1687
Groupe unitaire
Soit E un espace hermitien
Définition 13.4.3 On dit que u ∈ L(E) est un endomorphisme unitaire si on a les propriétés équivalentes
– (i) ∀x ∈ E, ku(x)k = kxk
– (ii) ∀x, y ∈ E, (u(x) | u(y)) = (x | y)
– (iii) u est inversible et u−1 = u∗
– (iv) u ◦ u∗ = IdE
– (v) u∗ ◦ u = IdE
1688
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Démonstration 13.4.6 (ii)⇒(i) est évident (faire
y = x). (i)⇒(ii) provient de l’identité de polarisation
et de la linéarité de u. Pour un endomorphisme d’un
espace vectoriel de dimension finie, on sait que l’inversibilité est équivalente à l’inversibilité à gauche ou à
droite. On a donc (iii) ⇐⇒ (iv) ⇐⇒ (v). Supposons (ii)
vérifié. Alors ϕ(x, y) = ϕ(u(x), u(y)) = ϕ(x, u∗ ◦ u(y)),
ce qui montre (puisque ϕ est non dégénérée) que
u∗ ◦ u = IdE ; donc (ii)⇒(v). De même (v)⇒(ii) puisque
ϕ(u(x), u(y)) = ϕ(x, u∗ ◦ u(y)).
Théorème 13.4.4 L’ensemble U (E) des endomorphismes
unitaires de E est un sous-groupe de (GL(E), ◦). Pour tout
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1689
endomorphisme unitaire u de E, on a | det u| = 1. L’ensemble SU(E) des endomorphismes unitaires de déterminant 1
est un sous-groupe distingué de U (E).
Démonstration 13.4.7 On a clairement IdE ∈ U (E). La
définition (i) montre évidemment que si u et v sont unitaires, il en est de même de u◦v. De plus, soit u ∈ U(E) ; on
a ku−1 (x)k = ku(u−1 (x))k = kxk ce qui montre que u−1 ∈
U(E). Donc U (E) est un sous-groupe de (GL(E), ◦). On a
alors 1 = det IdE = det(u∗ ◦ u) = det u∗ det u = | det u|2 ,
soit | det u| = 1. L’application de U(E) dans le groupe multiplicatif des nombres complexes de module 1, u 7→ det u
est un morphisme de groupes ; son noyau SU(E) est donc
un sous groupe distingué.
1690
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Théorème 13.4.5 Soit u ∈ L(E).
– (i) Si u est unitaire, il envoie toute base orthonormée
sur une base orthonormée.
– (ii) Inversement, s’il existe une base orthonormée E
de E telle que u(E ) soit encore orthonormée, alors u
est un endomorphisme unitaire.
Démonstration 13.4.8 (i) On a (u(ei ) | u(ej )) = (ei |
ej ) = δij .
X
X
2
(ii) Soit x =
xi ei ∈ E. On a kxk =
|xi |2 . Mais on
X
a aussi u(x) =
xi u(ei ) et comme u(E) est orthonormée,
X
ku(x)k2 =
|xi |2 ; on a donc ∀x ∈ E, ku(x)k = kxk.
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1691
Théorème 13.4.6 Soit u un endomorphisme unitaire et
F un sous-espace de E stable par u. Alors F ⊥ est stable
par u.
Démonstration 13.4.9 On a u(F ) ⊂ F et comme u est
inversible, on a dim u(F ) = dim F . On a donc u(F ) = F .
Soit donc x ∈ F ⊥ et y ∈ F ; il existe z ∈ F tel que u(z) = y,
d’où (u(x) | y) = (u(x) | u(z)) = (x | z) = 0, et donc
u(x) ∈ F ⊥ .
1692
13.4.4
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Matrices unitaires
Proposition 13.4.4 Soit E un espace hermitien. Soit u ∈
L(E), E une base de E, Ω = Mat(( | ), E ) et A = Mat(u, E).
Alors u est un endomorphisme unitaire si et seulement si
A∗ ΩA = Ω.
Démonstration 13.4.10 On a ϕ(u(x), u(y)) = (AX)∗Ω(AY ) =
X ∗ A∗ΩAY . L’unicité de la matrice d’une forme bilinéaire
montre que
∀x, y ∈ E, (u(x) | u(y)) = (x | y) ⇐⇒ A∗ ΩA = Ω
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1693
En particulier, si E est une base orthonormée de E, u
est un endomorphisme unitaire si et seulement si A∗ A = In .
Ceci conduit à la définition suivante
Définition 13.4.4 Soit A ∈ MC (n). On dit que A est une
matrice unitaire si elle vérifie les conditions équivalentes
– (i) A est inversible et A−1 = A∗
– (ii) A∗ A = In
– (iii) AA∗ = In
Théorème 13.4.7 L’ensemble U (n) des matrices carrées
unitaires d’ordre n est un sous-groupe de (GLC (n), .). Pour
toute matrice unitaire A, on a | det A| = 1. L’ensemble
1694
Chapitre 13. Formes hermitiennes
SU (n) des matrices unitaires de déterminant 1 est un sousgroupe distingué de U (n) .
Démonstration 13.4.11 On a clairement In ∈ U(n). La
définition (i) montre évidemment que si A et B sont unitaires, il en est de même de AB. De plus, soit A ∈ U(n) ; on
a A−1 (A−1 )∗ = A−1 (A∗ )∗ = A−1 A = In ce qui montre que
A−1 ∈ U(n). Donc U (n) est un sous-groupe de (GLK (n), .).
On a alors 1 = det In = det(A∗ A) = | det A|2 , soit | det A| =
1. L’application de U (n) dans le groupe multiplicatif des
nombres complexes de module 1, A 7→ det A est un morphisme de groupes multiplicatifs ; son noyau SU (n) est donc
un sous-groupe distingué.
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1695
Dans ce paragraphe, on munira Cn de la forme
sesquilinéaire hermitienne naturelle (qui rend la base
canonique orthonormée), c’est-à-dire que l’on posera
n
X
(x | y) =
xi y i
i=1
Théorème 13.4.8 Une matrice A ∈ MC (n) est unitaire si
et seulement si ses vecteurs colonnes (resp. lignes) forment
une base orthonormée de Cn .
Démonstration 13.4.12 Soit (c1 , . . . , cn ) les vecteurs
colonnes de A, (l1 , . . . , ln ) ses vecteurs lignes. On a
A ∈ U (n)
⇐⇒
A∗ A = In ⇐⇒ ∀i, j, (A∗ A)i,j = δij
1696
Chapitre 13. Formes hermitiennes
⇐⇒
∀i, j,
n
X
k=1
ak,i ak,j = δij ⇐⇒ ∀i, j, (ci | cj ) = δij
De la même façon, en traduisant la relation AA∗ = In , on
obtiendrait (li | lj ) = δij .
Théorème 13.4.9 Soit E un espace hermitien.Soit E une
base orthonormée de E, E 0 une base de E. Alors on a
équivalence de
– (i) E 0 est orthonormée
0
– (ii) la matrice PEE de passage de la base E à la base
E 0 est unitaire.
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
0
1697
Démonstration 13.4.13 On sait que PEE = Mat(u, E) où
u est l’endomorphisme de E défini par ∀i, u(ei ) = e0i . Or
d’après les résultats du paragraphe précédent, u est un endomorphisme unitaire si et seulement si E 0 est orthonormée ;
mais d’autre part, comme E est orthonormée, u est unitaire
si et seulement si Mat(u, E ) est une matrice unitaire, d’où
l’équivalence entre (i) et (ii).
1698
13.4.5
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Réduction
normaux
des
endomorphismes
Définition 13.4.5 Soit E un espace hermitien et
u ∈ L(E). On dit que u est un endomorphisme normal si
u∗ u = uu∗
Lemme 13.4.1 Soit u un endomorphisme normal. Alors
Ker u∗ = Ker u.
Démonstration 13.4.14 On a
x ∈ Ker u∗
⇐⇒
(u∗ (x) | u∗ (x)) = 0 ⇐⇒ (uu∗ (x) | x) = 0
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
⇐⇒
⇐⇒
1699
(u∗ u(x) | x) = 0 ⇐⇒ (u(x) | u(x)) = 0
x ∈ Ker u
Lemme 13.4.2 2. Soit u un endomorphisme normal.
Alors, pour tout λ ∈ C, Ker(u∗ − λIdE ) = Ker(u − λIdE ).
Démonstration 13.4.15 Il suffit de remarquer que u −
λId est encore normal (élémentaire) et de lui appliquer le
lemme précédent en remarquant que u∗ −λIdE = (u−λIdE )∗
Théorème 13.4.10 Soit u un endomorphisme d’un espace
hermitien. On a équivalence de
1700
Chapitre 13. Formes hermitiennes
– (i) u est normal
– (ii) u est diagonalisable dans une base orthonormée.
Démonstration 13.4.16 (ii)⇒(i) Soit E une base orthonormée de diagonalisation de u. Alors Mat(u, E) =
diag(λ1 , . . . , λn ). Comme E est orthonormée, on a
Mat(u∗ , E ) = Mat(u, E )∗ = diag(λ1 , . . . , λn ). Les deux
matrices diagonales commutant, on a uu∗ = u∗ u, donc u
est normal.
(i)⇒(ii) Montrons le résultat par récurrence sur dim E, le
résultat étant évident si dim E = 1. Supposons que u est
normal. Comme C est algébriquement clos, u admet une
valeur propre λ. Comme Ker(u∗ − λIdE ) = Ker(u − λIdE ),
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1701
Eu (λ) = Ker(u − λIdE ) est stable par u∗ et donc Eu (λ)⊥
est stable par u∗∗ = u. Mais comme Eu (λ) est stable par
u, le sous-espace Eu (λ)⊥ est stable par u∗. Soit v = u|E (λ)⊥ .
u
∗
La relation (v(x) | y) = (u(x) | y) = (x | u (y)) pour
x, y ∈ Eu (λ)⊥ montre que v ∗ = u∗| ⊥ , donc v ∗ v = vv ∗
Eu (λ)
et donc v est un endomorphisme normal de Eu (λ)⊥ . Par
hypothèse de récurrence, il existe une base orthonormée de
Eu (λ)⊥ formée de vecteurs propres de v donc de u. Comme
⊥
E = Eu (λ) ⊕ Eu (λ)⊥ , si on réunit cette base avec une base
orthonormée de Eu (λ), on obtient une base orthonormée
de E formée évidemment de vecteurs propres de u, ce qui
achève la démonstration.
1702
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Remarque 13.4.3 Soit E une telle base. Alors Mat(u, E ) =
diag(λ1 , . . . , λn ). L’endomorphisme u est hermitien si et
seulement si sa matrice dans la base orthonormée E est
hermitienne, c’est-à-dire si et seulement si ∀i, λi ∈ R ; de
même u est unitaire si et seulement si sa matrice dans la
base orthonormée E est unitaire, c’est-à-dire si et seulement
si ∀i, |λi | = 1. Comme il est clair que tout endomorphisme
hermitien ou unitaire est normal on obtient les deux
corollaires
Corollaire 13.4.1 Soit u un endomorphisme d’un espace
hermitien. On a équivalence de
– (i) u est hermitien
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1703
– (ii) u est diagonalisable dans une base orthonormée
et Sp(u) ⊂ R
Corollaire 13.4.2 Soit u un endomorphisme d’un espace
hermitien. On a équivalence de
– (i) u est unitaire
– (ii) u est diagonalisable dans une base orthonormée
et Sp(u) ⊂ U (ensemble des nombres complexes de
module 1)
1704
13.4.6
Chapitre 13. Formes hermitiennes
Réduction des matrices normales
En traduisant le paragraphe précédent en terme de matrices (en utilisant leX
produit hermitien canonique sur C2
défini par (x | y) =
xi yi ) on obtient la définition et les
résultats suivants.
i
Définition 13.4.6 Soit A ∈ MC (n). On dit que A est une
matrice normale si
A∗ A = AA∗
Théorème 13.4.11 Soit A ∈ MC (n). On a équivalence de
13.4. Endomorphismes d’un espace hermitien
1705
– (i) A est normal
– (ii) Il existe P unitaire telle que P −1 AP = P ∗ AP soit
diagonale.
Corollaire 13.4.3 Soit A ∈ MC (n). On a équivalence de
– (i) A est hermitienne
– (ii) Il existe P unitaire telle que P −1 AP = P ∗ AP soit
diagonale réelle
Corollaire 13.4.4 Soit A ∈ MC (n). On a équivalence de
– (i) A est unitaire
1706
Chapitre 13. Formes hermitiennes
– (ii) Il existe P unitaire telle que P −1 AP = P ∗ AP soit
diagonale à éléments diagonaux dans U (ensemble des
nombres complexes de module 1)
Cours de mathématiques
par Denis Monasse
Table des
• Plan général
• Algèbre générale
• Algèbre linéaire
• Réduction des endomorphismes
• Topologie des espaces métriques
1.234,00
• Espaces vectoriels normés
43.009,45
• Comparaison des fonctions
96.000.000
• Suites et séries numériques
100.230,00
• Fonctions d’une variable réelle
1.234,00
• Intégration
43.009,45
• Suites et séries de fonctions
96.000.000
0100100010000100
1011011101111011
0100100010000100
Ed.1011011101111011
Vuibert
matières
0100100010000100
1011011101111011
0100100010000100
• Séries entières
1011011101111011
0100100010000100
• Formes quadratiques
1011011101111011
0100100010000100
• Formes hermitiennes
1011011101111011
0100100010000100
• Séries de Fourier 1011011101111011
0100100010000100
• Calcul différentiel1011011101111011
0100100010000100
• Equations différentielles
1011011101111011
0100100010000100
• Espaces affines 1011011101111011
0100100010000100
• Courbes
1011011101111011
0100100010000100
• Surfaces
1011011101111011
0100100010000100
• Intégrales multiples
1011011101111011
0100100010000100
• Index
1011011101111011
0100100010000100
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