depuis le traité de Montreux en 1936. Mais ces détroits sont des « eaux internationales »
pour les navires de commerce : en temps de paix, la Turquie n’a pas le droit d’en empêcher
le passage, mais peut inspecter les navires et leur imposer des droits de passage.
Chaque année, environ 50 000 navires passent par le détroit de Bosphore, dont plus de 8
000 transportent du gaz naturel liquéfié (GNL) et du pétrole. A nouveau, par le contrôle de
ces deux détroits, la Turquie bénéficie d’une source de revenus confortable, ce qui
souligne le caractère stratégique de leur possession.
Des hydrocarbures peu exploités : vers une guerre des oléoducs ?
On peut considérer que la mer Noire comme « la route de la soie » du 21e siècle car
plusieurs gazoducs et oléoducs traversent déjà cette zone vers l’Europe, très dépendante
de ce trafic. Les hydrocarbures qui transitent par la mer Noire proviennent de la Russie
(Sibérie) et de la mer Caspienne (Bakou), mais passent par des pays de transit riverains,
tels que la Géorgie et la Turquie : pétrole et gaz sont une source de revenus très
profitables pour ces pays, qui connaissent grâce à elle une transformation économique
importante.
Un nouveau projet de gazoduc (de la Russie à la Turquie sous la mer Noire) a été lancé,
le Turkish Stream par Vladimir Poutine en décembre 2014, suite à l’annulation par
Gazprom du projet South Stream qui devait alimenter l’Europe sans passer par l’Ukraine,
comme l’actuel gazoduc Brotherhood.
Le port de Sébastopol : reflet des tribulations de la Russie
La flotte russe est à Sébastopol depuis 1997 lorsque que la Russie a signé un accord avec
l’Ukraine pour y stationner jusqu’en 2042, moyennant une réduction de 30% de la facture
d’énergie de l’Ukraine sur ses importations d’hydrocarbures. Mais la révolution de Maïdan
(2013-2014) a débouché sur la crise de Crimée en mars 2014 : depuis, celle-ci et la ville-
territoire de Sébastopol sont russes (96% de oui au référendum), de quoi retrouver une
influence importante sur la mer. Etre propriétaire de ce port apporte en effet à la Russie la
possibilité d’une intervention militaire rapide en cas de conflit ou de menace, par exemple
lors du conflit avec la Géorgie en 2008.
Enjeux de la paix et de la sécurité de l’UE
Depuis que l’UE s’est agrandie à la Roumanie et la Bulgarie en janvier 2007, la Mer Noire
est devenue l’objet d’une « politique de voisinage », d’autant que chaque année, l’UE voit
des migrants illégaux passant par Constanta (Roumanie) et la frontière sud de la Grèce. De
plus, au vu des instabilités croissantes dans cette région, l’UE se sent de plus en plus
responsable et souhaite vivement accompagner les Etats-Unis dans leur rôle de
« protecteur ». Par exemple, la « synergie de la mer Noire » est une initiative européenne
pour favoriser la coopération régionale avec et entre les pays bordant la mer Noire.
Le jeu des Etats-Unis
La stratégie américaine dans la Mer Noire est de contrecarrer la Russie et son influence.
Les Etats-Unis ont notamment soutenu en 1997 l’Organisation régionale GUAM (Géorgie,
Ukraine, Azerbaïdjan et Moldavie) ainsi que les révolutions pro-démocratiques en Géorgie
(2003, révolution des Roses) et Ukraine (2004, révolution Orange).