Dépendance à la cocaïne : de nouveaux horizons thérapeutiques ?

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Journal de pédiatrie et de puériculture (2013) 26, 281
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
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Dépendance à la cocaïne : de nouveaux horizons
thérapeutiques ?夽
Alcaloïde issu d’un arbuste des Andes, la cocaïne fait partie des stimulants du système nerveux central. Elle existe
sous deux formes distinctes. Le terme « cocaïne » désigne le
plus souvent la forme salifiée (chlorhydrate) qui se présente
sous la forme d’une poudre blanche sans odeur. Hydrosoluble et thermolabile, elle est alors sniffée ou injectée. Le
terme crack ou free-base fait, lui, référence à la transformation du chlorhydrate de cocaïne en cocaïne base, après
ajout de bicarbonate de sodium ou d’ammoniaque. Le crack,
thermostable, peut alors être fumé, à la recherche d’effets
plus intenses et d’apparition plus rapide qu’avec la cocaïne
sniffée. Le mode d’action repose sur l’inhibition de la recapture de la dopamine, de la noradrénaline et, dans une
moindre mesure, de la sérotonine. Elle est, en outre, dotée
d’une action anesthésique locale par blocage des canaux
sodiques. Sa demi-vie plasmatique est d’environ une heure.
Son métabolisme — via des cholinestérases hépatiques et
plasmatiques — aboutit à deux principaux composes inactifs.
L’association avec l’alcool conduit au cocaéthylène, dote
de propriétés pharmacologiques superposables à celles de
la cocaïne, mais de demi-vie plus prolongée (plus de deux
heures). Les effets d’une consommation de cocaïne sont
classiquement rattaches à son action sympathomimétique
tant au niveau central que périphérique. Par ailleurs, le blocage des canaux sodiques se traduit au niveau cardiaque
par un effet stabilisant de membrane. Les complications
sont bien décrites et principalement d’ordre cardiovasculaire, neurologique ou psychiatrique, voire pulmonaire avec
le crack (« crack lung » ou poumon du crack). Son potentiel addictif est élevé, en premier lieu psychique. La notion
de sevrage à la cocaïne — parfois discutée — comprend une
asthénie, une baisse de la vigilance avec ralentissement
psychomoteur, voire une hypersomnie, une hyperphagie,
une anhedonie et une tristesse de l’humeur. Le traitement
des intoxications aiguës à la cocaïne est symptomatique.
Il convient de rappeler la contre-indication des bêtabloquants susceptibles d’aggraver la vasoconstriction liée à
夽
Vigitox no 52 de juillet 2013.
0987-7983/$ — see front matter
http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2013.07.007
l’intoxication ; cependant, en raison de ses propriétés alphaet bêtabloquantes, le labétolol peut être proposé. Par
ailleurs, la prise en charge de la cocaïnomanie s’oriente
également vers la gestion des épisodes de manque et la
prévention des rechutes. Outre les monoamines, d’autres
neurotransmetteurs sont influencés par la prise de cocaïne,
en particulier les systèmes régulateurs glutamatergique et
GABAergique ; ils joueraient un rôle dans l’apparition des
symptômes de sevrage comme dans le besoin impérieux de
reprendre la consommation (craving). Divers médicaments
ont ainsi été proposés et évalués lors d’essais cliniques :
citons le methylphénidate et le bupropion (action sympathomimétique impliquant dopamine et noradrénaline), le
disulfirame (inhibition de la dopamine s-hydroxylase), la
N-acétyl-cystéine (échange entre cystéine et glutamate permettant de rééquilibrer la transmission glutamatergique),
le modafinil (agent glutamatergique et inhibant la recapture
de la dopamine en se liant à son transporteur), le topiramate
(via son action glutamatergique) ou encore la vigabatrine
ou le baclofène (agents GABAergiques). La recherche porte
également sur la vaccination anti-cocaïne, toujours en cours
de développement clinique. Les anticorps produits se fixent
sur la cocaïne, la rendant ainsi inapte à franchir la barrière
hémato-encéphalique, avant destruction par les cholinestérases sanguines. Aucun de ces traitements ne fait l’objet
d’un véritable consensus et leur efficacité s’est avérée assez
variable, traduisant vraisemblablement la complexité des
mécanismes neurobiologiques mis en jeu. En 2010, la Haute
Autorité de santé a publie des recommandations de bonne
pratique relatives à la prise en charge des patients consommateurs de cocaïne. Si aucun des médicaments précites ne
bénéficie d’une AMM dans cette indication, la HAS retient
la N-acétyl-cystéine, le topiramate et le disulfirame comme
ayant un intérêt potentiel dans la gestion du syndrome de
sevrage ou la prévention de la rechute. Leur utilisation doit
se faire dans le cadre d’un programme de soins structuré,
via une équipe spécialisée en addictologie. Il doit également
inclure une psychothérapie adaptée au patient et une prise
en charge psychosociale.
A. Boucher
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