Newsletter 24

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N° 24 Juin 2015
Contenu
1. Editorial
2. Rapport du 12ème Symposium national de Psycho-oncologie du 16.04.2015 à Berne
3. Thème principal: Dignité et oncologie
- Maladie et liberté
- Interview du Dr. Clemens Brandt et du Dr. Steffen Eychmüller
4. Formations continues et manifestations
Film „Winna – Weg der Seelen“
5. Adresses de contact
1. Editorial
Brigitte Leuthold Kradolfer, Christine Morgenthaler et Diana Zwahlen, membres du comité SSPO
Chère lectrice, cher lecteur
La présente newsletter aborde une nouvelle fois le thème de la dignité, traité sous différents aspects lors du 12ème symposium de la SSPO en Avril dernier. Voir le rapport détaillé
de ce symposium.
Jelscha Schmid et Mario Schärli, assistants au Département de Philosophie de l’université
de Bâle, nous livrent brillamment leur point de vue sur la maladie et la liberté. Ils démontrent que la maladie entrave la liberté de l’homme. Pour assurer au patient un maximum
d’autonomie et d’amour-propre, il est indispensable de le soigner avec dignité.
Lors d’interviews, les Dr. med. Clemens Brandt et Dr. med. Steffen Eychmüller ont entre
autres parlé de la dignité chez les professionnels et du risque qu’ils encourent de la perdre
pendant leur travail quotidien souvent mouvementé. Dans ce contexte, le Dr. Eychmüller
rapporte également que la collaboration vécue entre les équipes interprofessionnelles ne
serait pas toujours empreinte de dignité. Le respect avec lequel les professionnels traitent
les patient(e)s devrait également régner au sein même de l’équipe.
Nous espérons que cette newsletter vous intéressera et marquera pour longtemps votre
réflexion.
2. Rapport du 12ème Symposium de la Société Suisse de PsychoOncologie (SGPO) le 16 Avril 2015 à Berne
Rapport de Milena Petignat, étudiante en psychologie à l’université de Bâle, collaboratrice de l’étude à l’Hôpital de
Bâle
Les progrès de la médecine et l’évolution de l’état d’esprit de notre époque affectent la
dignité humaine. Lorsqu’une personne perd de son autonomie, en cas de maladie par
exemple, il arrive souvent que sa dignité s’en trouve altérée. La maladie et la faiblesse représentent-elles donc un danger pour la dignité humaine ? Dans quelles circonstances et
comment l’oncologie fait-elle face à la dignité ?
Cette question parmi d’autres a été posée sous divers aspects professionnels lors du
12ème symposium de la Société Suisse de Psycho-Oncologie (SSPO). Ce congrès a permis
de se demander comment les professionnels de la psycho-oncologie pouvaient aider les
patient(e)s à préserver et renforcer leur dignité.
Le programme de ce symposium se composait de conférences, d’ateliers et, pour la première fois, d’une exposition de posters consacrés à des projets scientifiques. Les deux
meilleurs posters reçurent une prime de 500 Francs.
Judith Alder
La présidente de la SSPO, Judith Alder, ouvrit le congrès et en présenta le thème aux
quelques 170 participant(e)s. Dès l’allocution de Kathrin Kramis, directrice de la ligue
suisse contre le cancer, il fut clair que „la maladie et la faiblesse“ ne doivent pas entraver
la dignité de l’être humain“ car „la vraie dignité est discrète et pudique, faite de sagesse et
de bonté“.
Suivirent les conférences principales. La première, animée et captivante, fut donnée par
Madame Boglarka Hadinger, psychothérapeute et directrice de l’institut de logothérapie et
d’analyse existentielle à Tübingen/Vienne. Pour pouvoir comprendre la dignité, il nous faut
d’abord comprendre „sa petite soeur“, l’estime de soi, expliqua-t-elle. Celui dont l’estime
de soi est stable n’a rien à craindre pour sa dignité. Elle énuméra également les cinq
sources de l’estime de soi – relations, compétences, idéaux et objectifs, auto-évaluation
éthique et vitalité.
La conférence de Steffen Eychmüller, médecin chef du centre de soins palliatifs à l’hôpital
de l’Ile à Berne, offrit une superbe transition vers le quotidien médical. Se basant sur ses
innombrables expériences avec des patients palliatifs, il aborda le thème « une fin de vie
dans la dignité – expression très galvaudée ». La citation de l’un de ses patients : «Pour
rester son propre maître en fin de vie, il faut s’y prendre tôt » démontre en peu de mots
qu’il ne faut pas attendre les dernières heures de sa vie pour se préparer à la mort.
2
Steffen Eychmüller
La troisième conférence « Encourager la dignité – voir l’être humain en grand » fut donnée
par Matthias Mettner, directeur des soins palliatifs et éthique d’organisation à Meilen. Il
évoqua les peurs, en particulier celle de dépendre d’autres personnes susceptibles de blesser leur sens de la dignité. Cependant, Monsieur Mettner interprète cette dépendance
comme le « noyau de l’humanité », que l’on ne doit pas craindre mais au contraire accepter comme un « besoin humain de l’importance des autres ».
L’humour subtil de l’artiste Baldrian sut détendre et faire rire le public entre ces trois conférences.
Ces dernières, suivies de la pause déjeuner, firent place à six ateliers, qui permirent
d’apporter un éclairage sur le thème du symposium et de l’approfondir sous différents aspects.
Pour finir, l’artiste Baldrian sortit de son rôle pour parler de ses expériences de patient
AML en isolement. Un moment émouvant et très personnel pour clôre le symposium de
digne manière.
L’artiste Baldrian
Membres de l’équipe de l’organisation
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Deux lauréates du prix du meilleur poster lors du symposium
Une exposition de posters a eu lieu pour la première fois pendant le symposium. En raison
de la grande qualité des sujets, il a été décerné deux prix au lieu d’un seul. Les deux lauréates présentent ci-après un résumé de leur projet.
Abstract du Katrin Conen
Valeur pronostique du stress et de l’activité physique chez les patients avec glioblastome
nouvellement diagnostiqué ainsi que leur entourage (TOGETHER). Une étude de cohorte
prospective et multicentrique.
Katrin Conen1, Regula Schüpach1, Diana Zwahlen1, Benjamin Kasenda1, Mira Katan2, Mirjam ChristCrain3, Katharina Rentsch4, Ralf Beyrau4, Michael Weller2, Viviane Hess1
1 University Hospital Basel, Medical Oncology, Petersgraben 4, 4033 Basel, Switzerland
2 Clinic of Neurology, University Hospital Zürich, Frauenklinikstrasse 26, 8091 Zürich, Switzerland
3 University Hospital Basel, Endicrinology, Diabetology and Metabolism, Petersgraben 4, 4033 Basel,
Switzerland
4 University Hospital Basel, Laboratory Medicine, Petersgraben 4, 4033 Basel, Switzerland
Le diagnostic de glioblastome (GBM), une forme de tumeur cérébrale des plus fréquentes
et des plus malignes, déclenche chez le patient atteint et son entourage un stress chronique dont le rôle n’a jusqu’à présent pas été vraiment analysé ni compris.
Le stress modifie la réaction neuroendocrinienne de l’organisme sur la tumeur. On ne sait
pas si de telles modifications influencent le pronostic de cette tumeur. Nous partons du fait
que le stress, mesuré sur la base d’une sécrétion quotidienne anormale de cortisol, est un
facteur indépendant du pronostic chez les patients avec GBM. Nous supposons également
que l’activité physique des patients et le stress de leur partenaire (facteurs dits modulateurs de stress) peuvent influencer encore plus le stress du patient et son pronostic. Le
but de cette étude de cohorte prospective et multicentrique est de définir le stress et les
facteurs modulateurs de stress, qui permettront à l’avenir d’élaborer des concepts de traitements palliatifs multiprofessionnels innovants, facilitant pour le patient et son entourage
une approche thérapeutique plus globale, en adjuvant de la thérapie anti-tumorale. On
envisage d’étudier tous les patients nouvellement atteints, avec un partenaire chacun, qui
vont être soumis à une thérapie standard. L’étude recrute depuis Septembre 2014 à
l’hôpital universitaire de Bâle et à l’hôpital cantonal de Lucerne. Depuis Février 2015, la
clinique universitaire de Zurich est également ouverte. A l’heure actuelle, l’étude compte 7
patient(e)s et 6 partenaires. Nous projetons au moins un autre centre d’étude au CHUV de
Lausanne.
Abstract du Sarah Cairo Notari
Les changements du fonctionnement sexuel de la femme pendant les premiers mois de
traitement pour un cancer du sein: une étude mixed-methods.
Sarah Cairo Notari, MSc1, Luca Notari, MSc1, Prof. Nicolas Favez, PhD1, Tania Antonini, MSc1, Bénédicte Panes-Ruedin, BNS2, Dr. Linda Charvoz, PhD3, & Prof. Jean-François Delaloye, MD2.
Nous avons mené une étude, financée par le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique et qui était une partie du Pôle National LIVES, dont le but était de décrire les changements du fonctionnement sexuel qui peuvent survenir chez des femmes ayant un cancer
du sein, au tout début du traitement de la maladie. Septante-cinq femmes, âgées entre 31
et 77 ans, ont été recrutée à l’Unité de Sénologie du CHUV (Lausanne). Nous avons procédé à une analyse qualitative d’entretiens semi-structurés dans lesquels nous leur avons
demandé de décrire les changements éventuels de leur vie sexuelle ; elles ont également
Université de Genève, FPSE, Genève
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Unité de Sénologie, Lausanne
3 Ecole d’Etudes Sociales et Pédagogiques (EESP), Lausanne
1
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rempli des questionnaires auto-reportés qui ont permis de récolter des données quantitatives. Les résultats ont montré que les femmes peuvent suivre trois trajectoires différentes dans cette situation: elles peuvent arrêter toute activité sexuelle ; garder une
sexualité tout en faisant l’expérience de multiples changements d’ordre quantitatif et/ou
qualitatif ; continuer à avoir une vie sexuelle comme avant la maladie (sans changement).
Les femmes ayant arrêté tout activité sexuelle ont en outre rapporté plus de perturbations
de l’image corporelle que les autres. Cette étude a montré que les fait de se focaliser sur
les trajectoires individuelles des femmes au travers la maladie pourrait aider à mettre sur
place des interventions plus adaptées pour les problèmes sexuels rencontrés dans cette
population.
3. Thème principal : Dignité et oncologie
- Maladie et liberté
- Interview du Dr. Clemens Brandt et du Dr. Steffen Eychmüller
Maladie et liberté
Jelscha Schmid, assistante au Département de Philosophie à l’université de Bâle
Mario Schärli, assistant au Département de Philosophie à l’université de Bâle
La dignité entre en jeu dès que l’on ne peut parler de prix. Au quotidien, on parle de prix
pour tout ce que l’on peut payer avec de l’argent. Comme nous donnons une valeur monétaire aux choses, nous les évaluons toutes selon un critère uniforme. La conséquence de
ce critère uniforme est donc que les choses évaluées ne sont pas seulement comparables,
mais également potentiellement interchangeables. Car si les valeurs marchandes des objets se laissent comparer, un système de références est engendré, selon lequel ce qui est
très différent devient comparable : c’est ainsi que nous pouvons nous demander si nous
préférons acheter un anneau en diamant ou une voiture ; ces deux objets remplissent des
buts totalement différents tout en étant pourtant comparables, car on peut les obtenir
avec le même argent. – Cependant, nous posons implicitement des limites à cette comparabilité universelle. Cela nous dérange d’appliquer ce système de valeurs marchandes s’il
s’agit de vie humaine : le prix d’un traitement médical peut-il dépasser la valeur d’un être
humain ? Nous sommes tentés de répondre : non.
Pourquoi avons-nous l’impression qu’il est incorrect de mesurer la valeur d’une vie
humaine et de la soumettre à des comparaisons ? Pourquoi rechignons-nous à lui donner
un prix ? Parce que, selon le philosophe allemand Emmanuel Kant, l’être humain possède
une dignité. Que faut-il entendre par là ? Selon Kant, la dignité revient à ce qui a un but
intrinsèque.4 Sous cet aspect, les hommes diffèrent des objets usuels, d’après Kant. Que
les hommes aient un but intrinsèque signifie que leur existence en soi est précieuse et que
l’on ne peut donc l’échanger contre quoi que ce soit. Ce qu’il faut entendre par là devient
plus clair lorsque nous prenons conscience des objets qui nous entourent, auxquels nous
donnons un prix et qui n’ont qu’un but extérieur : un anneau en diamant est valable parce
qu’il nous plaît, une maison trouve son but en ce sens qu’elle nous offre un abri. La différence centrale entre ces objets utilitaires et l’homme réside dans le fait que les choses ont
un but seulement relatif, c.a.d. par rapport à notre vécu. Personne ne serait prêt à dépenser de l’argent pour quelque chose qui ne sert à rien et n’est apprécié par personne. Que
nous soyons prêts à payer quelque chose avec de l’argent signifie donc que ce quelque
chose nous est utile et que sa valeur dépend également de nous.
Selon Kant, ce qui possède une dignité présente un but intrinsèque. Cependant,
qu’est-ce qui justifie de différencier ainsi l’homme des choses ? Dans le document probablement le plus célèbre de l’histoire de la philosophie concernant la notion de dignité,
l’Oratio de hominis dignitate du philosophe de la renaissance italienne Jean Pic de la Mi-
4
Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, éd. par Wilhelm Weischedel, Oeuvre
en douze volumes, Vol. VII (Frankfurt am Main: Suhrkamp, 1974), BA 77–79.
5
randole, on alloue à l’homme une place spéciale dans le cosmos. 5 Dans ce récit mythique
Pic de la Mirandole décrit comment Dieu attribue une nature aux choses. Attribuer une
nature à toute créature signifie la définir ; la nature d’une chose est ce qui fait d’elle ce
qu’elle est. Cependant, l’histoire de la création de Pic prend une direction imprévue : au
moment d’attribuer sa nature à l’homme, Dieu a déjà distribué toutes les entités ! Il
n’attribue donc à l’homme aucune vocation fixe, mais lui laisse le libre arbitre de décider
par lui-même.
Si nous traduisons le mythe de Pic dans une terminologie plus familière, il dit que
l’homme n’a pas reçu à l’avance une forme de vie particulière ni des buts particuliers. Il a
la liberté de se fixer des buts et de se façonner lui-même. Martin Heidegger fit comprendre
au 20ème siècle en des termes concis que l’essence de l’homme réside dans son existence.6
De ce point de vue l’on comprend pourquoi l’on a donné aux hommes une utilité intrinsèque : étant donné qu’ils peuvent fixer eux-mêmes leurs valeurs et leurs buts, ils sont à
cet égard indépendants de choses extérieures, ils créent leurs propres systèmes de valeurs. A la différence d’objets utilitaires qui ne servent que grâce aux buts qu’on leur a assignés de l’extérieur, les hommes poursuivent les buts qu’ils se sont fixés. Ils sont donc
utiles par eux-mêmes – les hommes sont ce qu’ils font. La dignité de l’homme consiste
donc dans le fait que le sens de son existence est fondé sur sa propre détermination – en
un mot : sur l’autonomie.
Toutefois, il semble que ce soit précisément cette autonomie que l’homme peut
perdre en cas de maladie. La perte des capacités physiques et psychiques limite l’homme
dans ses actions dans des proportions variables. Mais cela signifie-t-il également que l’on
enlève partiellement leur dignité humaine aux malades ? Il faut ici nuancer. L’on doit d’une
part souligner que c’est justement en raison de sa dignité que l’on soumet l’homme à un
traitement médical. Si les hommes étaient simplement interchangeables, nous serions plus
souvent enclins à penser qu’un traitement « ne vaut pas la peine ». Un homme est pourtant un individu justement parce qu’il s’est fait ce qu’il est. L’identité de chaque homme est
une œuvre de sa liberté et en tant qu’homme il est irremplaçable. C’est cette irremplaçabilité de l’homme, due à la liberté, qui fournit la raison de son traitement médical – car la
valeur de quelqu’un d’irremplaçable ne peut justement pas être remplacée, mais seulement conservée. D’un autre côté, il est également indiscutable que la maladie diminue la
liberté de l’homme. Si nous doutons que la liberté conduise à l’individualité de l’homme et
justifie le droit que rien ne peut compenser un traitement médical, nous pouvons tirer
quelques conclusions sur la conception d’un traitement digne. D’une part nous voulons
rendre aux hommes la capacité de concevoir eux-mêmes leur vie, et donc leur autonomie,
d’autre part il faut leur assurer un maximum d’autonomie même pendant le traitement. Si
cela réussit, les hommes peuvent alors prendre leur vie en mains malgré la maladie. C’est
ainsi que l’on préserve ce que le philosophe israélien Avishai Margalit appelle amourpropre. Selon Margalit, l’amour-propre est étroitement lié à la dignité ; ce mot décrit le
sentiment que les hommes ont d’eux-mêmes lorsqu’ils peuvent concevoir leur vie dignement – c.a.d. selon leurs propres critères – et sont donc en paix avec eux-mêmes.7
Ceci est bien sûr réalisable, même de façon limitée, pour des actes qui concernent
les hommes bien qu’ils n’en soient pas les auteurs. Le cas le plus représentatif est l’acte
médical. Dans l’idéal, les hommes qui y sont soumis ne tombent pas dans un rapport de
dépendance, comme le laisserait supposer une observation superficielle. La patiente devrait considérer le traitement, l’acte médical comme un acte décidé de sa propre liberté et
pouvoir ainsi conserver son amour-propre. Ceci est possible lorsqu’elle reconnait pour
siens les actes de son médecin traitant, parce qu’elle les a autorisés. Cela sous-entend
qu’elle est parfaitement informée sur toutes les possibilités de traitements à sa disposition
et sur son propre état de santé. Elle reste alors libre de ses choix et peut décider selon son
propre gré si elle accepte un traitement et lequel. Lorsqu’elle est dans une telle situation et
qu’elle autorise le traitement préconisé, la patiente peut vraiment dire qu’elle l’a décidé
5
Jean Pic de la Mirandole, Oratio de hominis dignitate. Discours de la dignité de l'homme, éd. &
trad. par Gerd von der Gönna (Stuttgart: Reclam, 2009), 6ff.
6
Martin Heidegger, Etre et Temps, 19éme éd. (Tübingen: Niemeyer, 2006), 43 (§ 9).
7
Avishai Margalit, Politik der Würde. Über Achtung und Verachtung, trad. par Gunnar Schmidt et
Anne Vonderstein, 2ème éd. (Berlin: Fest, 1997), 72–75.
6
elle-même. Il lui est ainsi au moins permis d’intégrer sa maladie dans une existence qui
reste digne et autonome et de vivre autant que faire se peut sa propre liberté.
L’autonomie est donc à la fois la raison, le mode de mise en oeuvre et l’objectif du
traitement médical.
*****
Entretien avec le Dr. Clemens Brandt
Dr. med. Médecin spécialiste en Psychiatrie et Physiothérapie. Cabinet privé depuis 2004.
Lüneburg, Allemagne
Cette interview a été réalisée par Antje Frey Nascimento, étudiante en master de psychologie à
l’université de Bâle, collaboratrice de l'étude à l’Hôpital Universitaire de Bâle
A l’occasion du symposium national en Oncologie, nous avons interviewé le Dr. med. Clemens Brandt, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et spécialiste en médecine psychothérapeutique, à propos de la dignité, thème du symposium. Le Dr. Brandt exerce dans
son propre cabinet à Lüneburg en Allemagne depuis 2004 ; lors du congrès, il a dirigé un
atelier intitulé, „Wertimagination, une méthode d’accès à la dignité, valeur fondamentale
dans le traitement de patients cancéreux“.
Interviewer: „Qu’entendez-vous personnellement par dignité ?“
Dr. Brandt: „Je considère la dignité comme une attitude fondamentale. D’une part envers
la vie – dans le sens d’une attitude positive, le regard tourné en premier vers les forces
positives de vie – et d’autre part, c’est une valeur, une valeur fondamentale, que nous
avons, nous les humains. Nous ne pouvons l’obtenir, elle nous est donnée dans le sens de
droit à la vie.
Interviewer: „Comment rencontrez-vous la dignité dans votre quotidien, privé ou professionnel ?“
Dr. Brandt: „Principalement dans mon travail. En tant que psychothérapeute c’est une
attitude primordiale, qui sous-entend que je traite la personne d’égal à égal. Cela signifie
que je la respecte dans sa souffrance et qu’en même temps, je la perçois comme une personne à part entière, au-delà donc de sa souffrance. Cela signifie aussi que je ne la juge
pas, mais que je l’accepte telle qu’elle est, avec bienveillance et estime.“
Interviewer: „Comment les professionnels de la psycho-oncologie peuvent-ils préserver
et renforcer la dignité du patient ?“
Dr. Brandt: „D’abord en ayant cette attitude fondamentale, en s’efforçant toujours de
gagner la confiance de la personne, du patient qu’ils accompagnent. En respectant le sens
que la personne donne à une vie digne et à des conditions positives en faveur de sa
propre vie.“
Interviewer: „Dans quelles situations risquons-nous, professionnels de la psychooncologie ou de l’oncologie, de perdre notre propre dignité ?“
Dr. Brandt: „Dans toutes les situations où nous sommes stressés et également lorsque
nous continuons de penser que notre mission est d’aider les gens en leur ôtant leur souffrance, au lieu de se demander ce dont ils ont besoin. Quels signaux nous envoient-ils ?
Qu’entendent-ils par « aide » ? Nous nous retrouvons alors dans des situations où nous
sommes mis à l’épreuve. Où nous atteignons nos limites. Là où nous risquons peut-être
également d’être remis en question, principalement par le patient, sa détresse et sa lutte
permanente pour la reconnaissance de sa maladie, finissant souvent par le faire douter de
nos compétences. Il nous faut alors retrouver une attitude digne.“
Interviewer: „Merci d’avoir répondu à mes questions !“
7
*****
Entretien avec le Dr. med. Steffen Eychmüller
Médecin chef, Centre Universitaire de soins palliatifs, Hôpital de l’Ile à Berne
Cette interview a été réalisée par Sandra Basset, étudiante en psychologie à l’université de Bâle,
collaboratrice de l'étude à l’Hôpital Universitaire de Bâle
Interviewer: „Monsieur Eychmüller, qu’entendez-vous personnellement par „dignité“ et
sous quels aspects la rencontrez-vous dans votre quotidien, privé et professionnel ?“
Dr. Eychmüller: „Je ne peux répondre à la première partie de votre question parce que
je crois que la dignité n’existe pas. Ainsi que j’ai tenté de le montrer dans ma présentation,
l’on peut bien sûr éprouver de la dignité, ressentir de la dignité, cela dépend de très nombreux facteurs, comme par exemple ce qui est précieux dans une société, ou ce qui est
important dans la vie et a de la valeur à nos yeux. Tout cela a une très grande influence. Il
y a une différence entre la dignité inhérente, que tout homme ou créature possède, et la
dignité cohérente, comme par exemple celle qui accompagne les titres. Et pour donner
une idée, l’on ne peut ôter la première à personne, alors qu’on le peut pour la deuxième.
C’est ainsi qu’on se l’imagine. Mais au quotidien, je rencontre la dignité surtout en discutant et en réfléchissant sur le sens de l’existence même. Et s’il existe de la place pour la
dignité, si c’est important, peut-être alors peut-on lui trouver une place pour se développer.“
Interviewer: „Et comment rencontrez-vous la dignité dans votre quotidien pratique ?“
Dr. Eychmüller: „Aux soins palliatifs, je crois que c’est le besoin de respect, le besoin
d’être reconnu en tant qu’individu qui n’abandonne ni sa personnalité ni ses critères en
tombant malade ; que l’on peut au contraire continuer de les vivre et que l’on peut et doit
utiliser toutes les forces dont on dispose. Chercher à être respecté, non pas à être un patient, non pas à être un cas. La question pour nous est alors celle que pose Chochinov
dans sa „thérapie de la dignité“ : moi le spécialiste, que devrais-je savoir sur vous, personne privée, afin de vous offenser le moins possible ? J’ai le sentiment que c’est la voie à
suivre.“
Interviewer: „Intéressant que vous parliez maintenant d’offense, pourquoi serait-elle un
risque ou ferait-elle partie du quotidien alors que l’on se trouve dans un contexte de soins
?“
Dr. Eychmüller: „Je crois que nous utilisons généreusement les expressions telles que
besoins du patient. L’on se trouve coincé dans une belle ornière, du moins dans les grands
hôpitaux, en raison sans doute de nombreux problèmes d’organisation. Mais si l’on était
soi-même un patient, l’on souhaiterait changer beaucoup de choses.“
Interviewer: „Dans quelles situations les professionnels de l’oncologie ou de la psychooncologie risquent-ils d’être atteints dans leur dignité ?“
Dr. Eychmüller: „La dignité des professionnels – je crois que nous avons hélas le talent,
dans les équipes interprofessionnelles ou encore dans les différentes disciplines médicales,
de nous attaquer régulièrement à la dignité de l’autre. Je crois que nous devrions nous
traiter avec autant de respect que nous voudrions traiter nos patients cancéreux. Ce serait
en fait la solution. Et je suis complètement convaincu que les équipes pour lesquelles le
respect mutuel n’est pas une règle fondamentale sont incapables de transmettre ce sentiment de dignité. Je dirais : une équipe soignante a elle aussi besoin de se faire soigner.“
Interviewer: „Merci pour cet entretien.“
8
4. Formations continues et manifestations

« Winna »
un film sur les légendes valaisannes, traite de processions de revenants, de gens
ayant eu des contacts avec les morts et des montagnes mystiques du Valais. C’est
un film émouvant, profond, sur la vie après la mort, imprégné d’histoires très personnelles des protagonistes, dans le décor grandiose des montagnes valaisannes.
Trailer, projections & presse: www.winna.ch
A ce jour, le film a été projeté au Valais et maintenant en Suisse alémanique (Bâle,
Lucerne, Berne, Zurich, etc.). Plus de 8300 spectateurs ont déjà vu „Winna“, qui a
été désigné meilleur film 2014 au cinéma Capitol de Brigue.
Dr. phil. Fabienne Mathier, Réalisatrice - productrice - psychothérapeute

12.06.2015 Nationales Austauschtreffen Onkologische Rehabilitation
 17. – 18.06.2015 Internat. Treffen der ICISG (International Cancer Information
Service Group), Heidelberg
 26.08.2015 / 4. Nationale Netzwerktagung 2015 Arbeit und psychische Gesundheit
- Herausforderungen und Lösungsansätze, Universität Zürich
 27.08.2015 / 2. Schweizer Krebskongress «Qualität in der Onkologie», Universität
Freiburg (Schweiz) www.swisscancercongress.ch
6 Credits

03.09.2015 Palliativ-Pflege-Tagung in Luzern, Caritas Schweiz, www.caritas.ch

17. – 18.09.2015 Swiss Public Health Conference 2015, Genf
 12.11.2015 Tagung Selbsthilfe: Eine effiziente Ergänzung zur Gesundheits- und
Sozialversorgung, Luzern

2. – 3.12.2015 Palliative Care Kongress «Wie kommt Palliative Care an?», Biel
5. Adresses de contact
Loredana Palandrani
Secrétariat SSPO
c/o Ligue suisse contre le cancer
Effingerstrasse 40
3001 Berne
[email protected]
Brigitte Leuthold Kradolfer
Krebsliga Ostschweiz
Grünaustrasse 24
9470 Buchs
[email protected]
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