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le souci des principaux acteurs économiques était d’éviter
tout risque de surchauffe de l’économie et qu’en conséquence,
la Réserve fédérale, préoccupée de prévenir toute résurgence
de l’inflation, procédait à des relèvements successifs de ses
taux d’intérêt
(2)
, divers indicateurs faisaient peu à peu
prendre conscience que le danger potentiel allait désormais
dépendre moins des excès d’une expansion débridée que
de l’ampleur du ralentissement qui se dessinait à mesure de
la publication des indices. Au total, le rythme de croissance
sera passé, en termes annualisés, de +8,2% au quatrième
trimestre 1999 à +1,2% au quatrième trimestre 2000.
L’acquis de croissance
(3)
pour 2001 n’est que de 0,8%.
L’éclatement de la « bulle Internet » a été le signe
annonciateur de l’inversion de tendance.
L’« e-krach » et ses conséquences
Si jamais « l’exubérance irrationnelle des marchés » chère
à Alan Greenspan a été manifeste, c’est bien dans le domaine
des valeurs de haute technologie. C’est une pluie de records
à laquelle on a assisté sur le Nasdaq, Bourse des « valeurs
TMT » (technologies, médias et télécommunications) : en
cinq mois, d’octobre 1998 à mars 1999, le marché voyait
sa capitalisation doubler ; sur l’ensemble de l’année 1999,
l’indice progressait de près de +90% et, le 10 mars 2000,
après une hausse de +75% en six mois, il culminait à 5 049
points.
On peut dater précisément la fin de la période d’euphorie
du 16 mars 2000, date de l’introduction manquée à la
Bourse d’Amsterdam du fournisseur d’accès Internet
WorldOnline ; ce qui paraît n’être au départ qu’un simple
incident de séance marque en fait le lever de rideau de la
période de turbulences qui s’annonce. Le sentiment de
défiance des investisseurs face à des promesses de gains
démesurés mais toujours virtuels - l’échéance n’en est jamais
connue - va, de ce moment, monter en puissance et bientôt
peser de tout son poids sur le marché. Passée la période
d’« exubérance », le réalisme va peu à peu reprendre ses
droits : les infrastructures matérielles de la nouvelle économie
vont apparaître pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire loin d’être,
sur le plan technologique, aussi performantes qu’il est
prétendu (lenteur d’accès à la Toile, logistique défaillante
en aval lorsqu’il s’agit de transactions commerciales...), et,
pour leur part, les investisseurs vont devoir accepter le fait
que les mentalités ne sont pas encore prêtes à s’adapter à
des transactions « tout électronique ».
Jusqu’en août, ce sont les valeurs directement liées à l’Internet
qui vont décrocher pendant que le secteur des télé-
communications résiste, puis, dans la dernière partie de
l’année, les valeurs « télécom » chutent à leur tour ainsi que
celles du secteur informatique. Au total, l’indice Nasdaq
aura perdu à fin 2000 plus de la moitié de sa valeur par
rapport à son point haut de mars, dont –23% pour le seul
mois de novembre. On peut douter que de telles évolutions
excessives - tant à la hausse qu’à la baisse -, dans un laps
de temps aussi court, reflètent véritablement la réalité
économique du secteur.
La première conséquence de l’« e-krach » est une contagion
qui va toucher, par cercles concentriques, des secteurs de
plus en plus éloignés de la nouvelle économie : ce ne sont
plus les seules « start-up » qui vont être concernées mais
bientôt les opérateurs de télécommunications - conséquence,
pour certains, de l’endettement excessif auquel les ont amené
le défi de l’UMTS -, les fabricants d’ordinateurs et jusqu’aux
autres équipementiers de produits électroniques. Via les
canaux commerciaux, la répercussion aura des effets bien
au-delà des Etats-Unis, notamment dans les pays producteurs
d’Asie.
(2) A six reprises en onze mois, pour être portés en définitive le 16 mai
à 6,5% pour les fonds fédéraux et à 6% pour le taux d’escompte.
(3) Croissance annuelle en 2001 dans l’hypothèse où la croissance
serait nulle par rapport au niveau atteint au quatrième trimestre 2000.
La seconde conséquence négative, aggravant la première,
est constituée par le phénomène du passage d’un cercle
vertueux à un cercle vicieux, via l’attitude des ménages
américains. Il y a cercle vertueux lorsque ceux-ci, forts
investisseurs en actions, bénéficient de l’« effet richesse » :
celui-ci peut être virtuel en ce sens que la montée des cours
ne se concrétise pas forcément par un gain, mais entretient
la perception d’une richesse accrue qui favorise la
consommation et l’investissement. Ce climat euphorique
bénéficie donc en amont aux producteurs dont l’activité va
s’accélérer et les bénéfices grossir, ce qui se répercutera
favorablement sur les cours. Mais l’« effet richesse » peut
aussi être réel dans la mesure où des plus-values sont
effectivement réalisées à l’occasion de ventes de titres, et
réinvesties ensuite, notamment dans l’immobilier. Pourtant,
cet optimisme d’ensemble que la prospérité boursière répand
autour d’elle (y compris dans des catégories qui ne sont pas
directement concernées, puisque ne possédant pas d’actions)
peut brusquement cesser, permettant au cercle vicieux de se
mettre en place : loin de favoriser la consommation et
l’investissement, l’effet de « non-richesse » suscité par une
baisse des cours va freiner le développement de ces deux
composantes et se répercuter en amont chez les producteurs,
sur leur activité et sur leurs bénéfices qui, se réduisant, seront
d’autant sanctionnés par une mauvaise tenue des cours qui,
à son tour ...