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l’atelier des outils de coupe ont également été transformés
en lieux d’accueil du public. Toutefois, les activités
industrielles initiales de fabrication des formes de
chaussures subsistent, notamment dans l’atelier, le
bâtiment du séchage et le bâtiment principal.
3 Valeur universelle exceptionnelle,
intégrité et authenticité
Analyse comparative
L’État partie rappelle l’importance accordée en Allemagne
aux différents mouvements à l’origine de l’architecture
moderne, connus sous le nom général du Neues Bauen. Il
est déjà reconnu par la Liste du patrimoine mondial avec
des biens comme Le Bauhaus et ses sites à Weimar et
Dessau (1996, critères (ii), (iv) et (vi)) et Cités du
modernisme de Berlin (2008, critères (ii) et (iv)). Ces biens
sont toutefois caractéristiques de l’entre-deux-guerres.
L’usine Fagus précède ces réalisations et les annonce.
Sur un plan international, elle est également un
représentant précoce et emblématique de la naissance du
modernisme fonctionnaliste, un vaste mouvement créatif
qui se veut en accord avec les valeurs du rationalisme et
de la science contemporaine. Outre l’Allemagne, il se
développa aux États-Unis et en Europe (République
tchèque, Autriche, Pays-Bas, France, etc.). Ses
réalisations les plus marquantes furent généralement
postérieures à la Première Guerre mondiale, par des
architectes de grande valeur qui connaissaient les
réalisations allemandes pionnières, comme l’usine Fagus
et l’école du Bauhaus. Il s’agit d’un vaste mouvement
créatif international dont l’usine Fagus est un repère très
précoce et influent.
En termes d’exemples, le dossier de proposition
d’inscription examine les liens de Gropius avec l’usine de
turbines AEG, à Berlin, à laquelle il travailla sous la
direction de Peter Behrens. Cette réalisation l’inspira et en
même temps l’usine Fagus en constitua une critique
radicale et un dépassement conceptuel important.
D’autres usines ou constructions de moindre importance,
en Allemagne, sont également envisagées. L’État partie
cite l’usine United Shoe Machinery Corp. dans le
Massachusetts, avec laquelle l’industriel Carl Benscheidt
fut en relation.
Dans un document complémentaire reçu le 18 novembre
2010, l’État partie examine de manière approfondie les
liens et les originalités de l’usine Fagus en rapport avec
les biens suivants, déjà inscrits sur la Liste et illustrant
l’architecture moderniste du XXe siècle : la Halle du
Centenaire de Wroclaw (Pologne, 2008, critères (i), (ii) et
(iv)), le Bauhaus et ses sites à Weimar et Dessau déjà
cité, la Maison Schröder de Rietveld (Pays-Bas, 2000,
critères (i) et (ii)), les Cités du modernisme de Berlin déjà
citées, la Ville blanche de Tel-Aviv (Israël, 2003, critères
(ii) et (iv)), la Ciudad Universitaria de Caracas (Venezuela,
2000, critères (i) et (iv)), le Campus central de la cité
universitaire de l’Universidad Nacional Autónoma de
Mexico (UNAM) (Mexique, 2007, critères (i), (ii) et (iv)), la
Villa Tugendhat à Brno (République tchèque, 2001,
critères (ii) et (iv)). La plupart de ces réalisations sont
postérieures à l’usine Fagus, au mieux contemporaines ;
elles ont souvent été influencées par elle, plus largement
par le mouvement du Bauhaus.
L’analyse de l’État partie est complétée par une étude
comparative de la naissance du modernisme architectural
au Brésil, en Finlande, en France, en Grande-Bretagne,
au Japon, au Mexique, aux Pays-Bas, en Russie et aux
États-Unis. Elle se poursuit par la recherche des
influences directes exercées par l’usine Fagus, au niveau
des types de construction ou décoratifs, et au niveau des
exemples.
Il reste incontestable que Walter Gropius, notamment par
la réalisation précoce et innovante de l’usine Fagus, est à
l’origine du mouvement moderniste. L’usine illustre tout
particulièrement la naissance du « mur rideau » en
architecture.
L’ICOMOS considère que l’analyse comparative doit,
dans un premier temps, examiner la place de l’usine
Fagus dans la transition entre les deux mouvements
simultanément esthétiques, architecturaux et sociaux de
l’Allemagne du début du XXe siècle : le Deutscher
Werkbund, des années 1907-1910, et le Bauhaus dont
Walter Gropius est le créateur immédiatement après la
Première Guerre mondiale. C’est le rôle d’exemplarité et
de modèle joué par l’usine Fagus qui semble important.
La comparaison effectuée avec l’usine de turbines AEG à
Berlin, construite en 1910 par Peter Behrens, est de ce
point de vue pertinente, par les relations humaines quelle
met en évidence et par la critique effectuée par Gropius
de ce bâtiment. L’usine Fagus est en continuité et en
même temps en rupture avec celle-ci, par la séparation
technique entre la structure porteuse et le mur rideau dont
l’usine Fagus est l’un des exemples précoces les plus
importants, plus largement par la rupture avec les
références classiques et une entrée sans réserve dans la
modernité rationaliste.
Sur un plan européen et international, le projet de l’usine
Fagus s’insère dans l’effervescence créatrice qui conduisit
au rationalisme en architecture et au modernisme
fonctionnel. Ces expérimentations utilisent les nouveaux
matériaux de construction apportés par la révolution
industrielle (acier, verre, béton) ; elles recherchent de
nouvelles esthétiques et de nouveaux principes de
construction ; elles sont en lien avec le mouvement social
qui accompagne l’industrialisation ; elles ambitionnent
aussi de réconcilier l’humanisme et la technique. D’autres
constructions et d’autres architectes contemporains
participent à ce mouvement, dont plusieurs réalisations
importantes ont été influencées par l’usine Fagus ; ils
illustrent des valeurs ainsi que des solutions
architecturales comparables. Il s’agit par exemple d’Albert
Khan et de la construction de la première usine Ford à
Detroit (1908-1913), de Frank Lloyd Wright (États-Unis,
liste indicative), du Hallidie Building à San Francisco par
Willis Polk (1917-1918), qui suit et s’inspire de l’usine
Fagus ; en Europe, l’usine Van Nelle à Rotterdam
(années 1920, liste indicative des Pays-Bas), plus