Hystérie chez l`enfant : d`un diagnostic du passé à un état des lieux

Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
(2015)
63,
109—115
Disponible
en
ligne
sur
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www.sciencedirect.com
REVUE
DE
LITTÉRATURE
Hystérie
chez
l’enfant
:
d’un
diagnostic
du
passé
à
un
état
des
lieux
actuel
Hysteria
in
childhood:
View
and
concepts
from
the
past
to
the
present
days
A.
Papazovaa,,
H.
Nicolisb
aConsultation
de
psychiatrie,
centre
hospitalier
universitaire
Brugmann,
4,
place
Van-Gehuchten,
1020
Bruxelles,
Belgique
bÉquipe
«
enfants-adolescents
»,
SSM
ULB
«
Psycho-Belliard-Plaine
»,
boulevard
du
triomphe,
accès
no2,
bâtiment
HB,
1050
Bruxelles,
Belgique
MOTS
CLÉS
Conversion
hystérique
;
Enfant
;
Adolescent
;
Névrose
infantile
;
Étiologie
Résumé
But.
L’objectif
de
ce
travail
est
de
réaliser
une
revue
objective
et
critique
de
la
littérature
concernant
la
notion
d’hystérie
chez
les
enfants
et
les
adolescents.
Méthode.
La
littérature
à
ce
sujet
reste
limitée
et
la
validité
du
concept
lui-même
est
sujette
à
controverse,
notamment
en
raison
de
l’imprécision
du
diagnostic.
Résultats.
Le
trouble
concerne
essentiellement
la
préadolescence
et
la
prépondérance
semble
être
nettement
féminine.
Certaines
caractéristiques
familiales
ont
pu
être
mises
en
évidence.
Le
terrain
de
l’enfant
hystérique
semble
souvent
constitué
d’éléments
retrouvés
on
pourrait
dire
«
physiologiquement
»
chez
le
jeune
enfant.
Cette
entité
n’est
donc
pas
un
simple
diagnostic
d’exclusion,
une
évaluation
minutieuse
et
approfondie
de
la
situation
est
recommandée
car
derrière
tout
symptôme
hystérique
se
cache
une
demande
et
une
angoisse.
Conclusions.
Il
est
essentiel
de
(a)
s’intéresser
attentivement
à
l’histoire
de
l’affection,
ainsi
qu’à
l’histoire
individuelle
et
familiale,
(b)
de
procéder
à
un
examen
clinique
approfondi
accom-
pagné
d’examens
complémentaires
aux
résultats
négatifs,
ainsi
que
de
tests
projectifs.
La
prise
en
charge
est
de
longue
durée
et
inclut
la
thérapie
familiale.
L’attitude
du
thérapeute,
du
clini-
cien
se
doit
d’être
rassurante,
tout
en
maniant
la
suggestibilité
de
manière
adéquate.
L’attitude
de
l’entourage
du
patient
est
également
primordiale.
L’hystérie
«
normale
»
ou
«
physiologique
»
est
banale.
La
névrose
hystérique
est
plus
rare.
Ainsi,
en
l’absence
d’une
structure
sous-jacente,
on
ne
peut
parler
de
personnalité
hystérique
chez
l’enfant,
vu
que
cela
implique
une
structure
sous-jacente
dont
l’existence
n’est
pas
établie.
©
2014
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
Auteur
correspondant.
Adresses
e-mail
:
(A.
Papazova),
(H.
Nicolis).
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.05.002
0222-9617/©
2014
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réservés.
110
A.
Papazova,
H.
Nicolis
KEYWORDS
Hysterical
conversion;
Child;
Adolescent;
Infantile
neurosis;
Etiology
Summary
Background.
The
aim
of
this
work
is
to
provide
a
critical
account
of
the
ideas
on
hysteria
in
children
and
adolescents.
Methods.
The
literature
on
this
subject
is
rather
limited
and
the
validity
of
the
concept
itself
remains
questionable,
particularly
in
view
of
the
lack
of
precision
in
the
diagnosis.
Findings.
The
affection
concerns
essentially
preadolescence
and,
in
the
vast
majority,
female
subjects.
Some
evidence
of
family-related
factors
is
also
available.
In
most
cases
the
world
of
the
hysterical
child
seems
to
be
constructed
by
elements
found
in
the
physiologically
nor-
mal
child.
The
affection
is
therefore
not
a
simple
diagnosis
of
exclusion.
A
careful
search
is
recommended,
since
behind
hysteria
syndrome
there
is
a
hidden
anguish
and
a
call
for
help.
Perspective.
It
is
important
(a),
to
consider
carefully
the
history
of
appearance
of
the
syndrome
as
well
as
individual
and
family
history;
and
(b),
to
perform
an
in-depth
clinical
examination,
negative
complementary
examinations
and
projective
psychological
tests.
Taking
in
charge
is
long
and
includes
family
therapy.
The
attitude
of
the
clinician
and
of
the
therapist
must
be
reassuring,
while
applying
suggestibility
in
an
adequate
way.
Of
equal
importance
is
the
attitude
of
the
patient’s
environment.
‘‘Normal’’,
physiological
hysteria
is
standard.
Hysterical
nevrose
is
on
the
other
hand
rarer.
As
a
matter
of
fact
for
a
child
one
cannot
really
speak
of
hysterical
personality,
as
this
implies
an
underlying
structure
that
is
not
yet
fully
established.
©
2014
Elsevier
Masson
SAS.
All
rights
reserved.
Introduction
Le
diagnostic
d’hystérie
dans
l’enfance
et
l’adolescence
pose
question,
tant
sur
la
validité
du
concept
théorique,
que
sur
le
fait
de
poser
ce
diagnostic
en
soi.
Selon
cer-
tains
auteurs,
le
diagnostic
d’hystérie
serait
un
«
diagnostic
du
passé
»,
pratiquement
éteint
aux
jours
d’aujourd’hui.
D’ailleurs,
le
concept
de
«
trouble
de
conversion
»
et
d’
«
hystérie
»
ont
disparu
tous
les
deux
du
chapitre
relatif
aux
troubles
liés
à
l’enfance
et
l’adolescence
déjà
dans
le
DSM
III
R
[1].
La
conversion
est
un
mécanisme
de
formation
de
symptômes
qui
consiste
en
une
tentative
de
résolution
de
conflit
psychique
par
sa
transposition
en
des
symptômes
somatiques,
prenant
une
signification
symbolique
et
que
des
bénéfices
secondaires
contribuent
à
entretenir
[2].
Il
semblerait
plutôt
que
cette
observation
soit
due
à
la
société
actuelle
plus
permissive
en
comparaison
à
la
société
viennoise
au
temps
de
Freud.
Malgré
un
éveil
clinique
gran-
dissant,
les
écrits
concernant
l’hystérie
durant
l’enfance
restent
peu
nombreux.
Des
symptômes
de
conversion
s’observent
fréquemment
durant
les
phases
de
la
vie
les
changements
physio-
logiques
perturbent
la
représentation
mentale
du
corps,
comme
spécifiquement
durant
la
phase
de
latence
et
l’adolescence.
D’autre
part,
la
conversion
peut
accom-
pagner
d’autres
situations
psychopathogéniques
(épisode
isolé
dans
le
développement
d’un
enfant
au
développe-
ment
par
ailleurs
«
normal
»,
désordre
borderline
ou
même
psychotique).
Selon
la
pensée
médicale,
l’hystérie
est
une
affection
définie
par
l’absence
de
pathologie
ou
de
maladie.
Ce
manque
d’explication
biomédicale
a
entraîné
la
limita-
tion
de
la
compréhension
de
cette
entité.
En
effet,
l’étiquette
de
«
psychologique
»,
qui
est
fré-
quemment
apposée
dans
ces
situations,
est
porteuse
d’un
sens,
d’une
connotation
morale
et
d’implications
négatives
à
propos
de
la
parentalité.
Mais,
d’une
part,
c’est
un
désordre
psychiatrique
sérieux
qui
peut
être
souvent
craint
et
nié
par
les
parents
et,
d’autre
part,
l’hystérie
est
un
phénomène
ubiquitaire
dont
la
pré-
sentation
clinique
varie
entre
les
cultures
et
même
au
sein
d’une
même
culture
[3].
Selon
Freud
[4],
la
compréhension
de
l’hystérie
va
de
pair
avec
la
découverte
de
la
sexualité
infantile.
Or
cela
ne
semble
pas
pouvoir
être
un
lien
valable
pour
l’hystérie
chez
l’enfant.
En
effet,
il
existe
des
difficultés
multiples
à
parler
de
névroses,
d’hystérie
chez
l’enfant.
Car,
d’une
part,
les
présentations
cliniques,
les
formes
sont
différentes
par
rap-
port
à
l’adulte
et,
d’autre
part,
durant
son
développement
psychique
l’enfant
peut
négocier
des
conflits
existentiels
en
reproduisant
des
symptômes
névrotiques
passagers.
C’est
important
de
différencier
ces
symptômes
passagers
«
banals
»
et
«
labiles
»,
des
organisations
névrotiques
l’enfant
s’immobilise
dans
la
répétition
de
symptômes.
Cette
distinction
n’est
pas
aisée
à
réaliser.
À
côté
de
cela,
il
est
à
noter
que
l’enfant
utilise
souvent
des
mécanismes
pour
«
emprunter
»
(par
imitation,
simulation.
.
.)
aux
adultes
proches
de
lui.
Il
s’agit
souvent
d’un
emprunt
touchant
des
traits
de
l’adulte
que
celui-ci
refoule,
désavoue.
Ces
identifications
sont
peu
accessibles
à
la
conscience
;
elles
sont
banales
dans
l’enfance
et
se
déploient
dans
le
jeu
de
l’enfant.
Cela
pose
la
question
du
lien
entre
ces
identifica-
tions
inconscientes
et
le
symptôme
hystérique
présenté
par
l’enfant.
Cramer
estime
que
la
conversion
ne
peut
être
définie
valablement
au
niveau
purement
symptomatique
en
raison
du
polymorphisme
de
sa
présentation
et
du
flou
entourant
sa
distinction
de
la
simulation
et
des
affections
psychoso-
matiques
[5].
La
fréquence
du
trouble
hystérique
dans
l’enfance
varie
selon
les
auteurs
[6—14]
et
semble
influencée
par
nombre
de
paramètres,
dont
certains
ont
étés
décrits
plus
Hystérie
chez
l’enfant
:
d’un
diagnostic
du
passé
à
un
état
des
lieux
actuel
111
spécifiquement
dans
la
littérature,
comme
le
milieu
socio-
culturel
[6].
La
fréquence
du
diagnostic
et
son
expression
seraient
en
lien
avec
le
milieu
socioculturel
mais
aussi
influencés
par
la
technique
d’échantillonnage
et
par
les
critères
de
dia-
gnostic
choisis
pour
cette
entité.
C’est
en
raison
de
toutes
ces
variables
que
beaucoup
d’auteurs
se
sont
accordés
et
s’accordent
encore
à
dire
que
la
réelle
fréquence
de
l’entité
reste
inconnue.
Néanmoins,
la
rareté
de
l’incidence
de
l’hystérie
infantile
est
confirmée
;
en
hospitalisation
pédia-
trique,
celle-ci
s’élèverait
à
0,5
[3,10]
et
2
%
parmi
les
patients
neuropédiatriques
[8].
Les
études
épidémiologiques
semblent
suggérer
que
l’incidence
serait
même
plus
rare.
Selon
Walshe
[13],
il
n’y
a
pas
de
complexe
sympto-
matique
ou
d’affection
somatique
qui
n’ait
son
double
hystérique.
Diverses
approches
cliniques
sont
décrites
en
ce
qui
concerne
la
classification
des
présentations,
des
entités,
notamment
selon
le
type
d’anomalie
et
l’aire
impli-
quée
:
sensitive,
motrice,
viscérale,
vasomotrice
[15]
avec
en
parallèle
les
névroses
dissociatives,
de
dépersonnalisa-
tion
et
la
personnalité
hystérique.
Il
existe
aussi
la
classification
selon
la
chronologie,
l’évolution
[15].
En
effet,
les
manifestations
spécifiques
à
la
phase
de
développement
dans
laquelle
se
trouve
l’enfant
et/ou
associées
à
des
crises
développementales
ou
des
stress
extérieurs
apparaissent
et
disparaissent
comme
méthode
de
gestion
de
ces
stress
ou
par
sélection
préférentielle
de
mécanismes
de
défense
associés
à
la
conversion
et
aux
phénomènes
dissociatifs
(refoulement,
déni,
déplacement).
Ceci
pourrait
expliquer
la
«
belle
indifférence
».
Cette
dernière
classification
selon
la
chronologie
a
une
implication
au
niveau
de
la
prise
en
charge
thérapeutique.
En
effet,
cela
souligne
l’importance
de
la
spécificité
d’un
diagnostic
selon
l’âge
:
une
même
présentation
n’a
pas
la
même
signification
et
n’entraîne
pas
le
même
diagnostic
à
des
âges
différents.
Globalement,
on
observe
donc
un
polymorphisme
extrême
des
présentations
cliniques.
Malgré
cela,
il
subsiste
néanmoins
une
autre
tentative
de
classification,
la
classification
par
Sichel
et
Poupier
[16].
Elle
distingue,
d’une
part,
les
symptômes
de
conversion
:
il
s’agit
de
troubles
paroxystiques,
imitant
une
pathologie
organique
surtout
des
symptômes
neurologiques
(pseudo-épilepsie,
vertiges,
tremblements,
désordres
tonico-moteurs,
troubles
sensitifs,
troubles
sensoriels,
accidents
somato-visceraux),
mais
aussi
des
manifestations
psychiques
(troubles
de
la
mémoire,
parfois
hallucinose
hystérique,
inhibition
intellec-
tuelle,
troubles
du
sommeil
avec
terreurs
nocturnes)
[17].
D’autre
part,
cette
classification
décrit
la
personnalité
hystérique,
même
si
l’accent
est
mis
sur
le
fait
que
la
personnalité
de
l’enfant
est
en
devenir
et
que
les
traits
attri-
bués
aux
enfants
hystériques
sont
en
réalité
communs
à
tout
enfant
(théâtralisme,
exaltation
imaginative,
suggestibilité,
dépendance
affective).
Étiopathogenie
Diverses
hypothèses
ont
été
énoncées
au
fur
et
à
mesure
de
l’histoire.
Commenc¸ons
par
le
point
de
vue
de
Freud,
avec
la
théorie
de
la
sexualité
infantile
et
la
génitalisation
[4].
En
termes
freudiens
:
lorsque
les
pensées
ou
les
désirs
sont
inacceptables
pour
le
sujet
et
ne
peuvent
être
suf-
fisamment
réprimés,
il
y
a
alors
un
déplacement
de
ces
pensées
vers
une
partie
du
corps
avec
expression
de
symp-
tômes
somatiques.
Pour
la
plupart,
ces
désirs
instinctifs
sont
d’origine
génitale
et
suivant
cela,
la
conversion
hysté-
rique
ne
pourrait
apparaître
avant
l’âge
de
2—3
ans.
Si
cela
arrive
cela
représente
une
tendance
régressive
à
la
situation
prégénitale.
Historiquement,
Freud
estime
qu’il
existe
un
déterminisme
inconscient
de
ces
symptômes
avec
le
méca-
nisme
d’identification
inconsciente
au
désir
d’autrui
et
il
met
à
jour
la
sexualité
infantile.
Elle
s’organise
en
étapes
dont
la
plus
décrite
est
la
phase
œdipienne
(marquée
pour
la
plupart
des
enfants
par
des
manifestations
névrotiques
passagères).
Notons
qu’il
est
important
de
différencier
les
névroses
infantiles
(reconstitution
du
passé
infantile
dans
les
cures
de
patients
adultes)
et
les
névroses
de
l’enfant
(apparition
de
symptômes
névrotiques
chez
l’enfant,
ce
qui
est
habituel
entre
3—10
ans,
comme
l’énurésie,
les
phobies
diverses,
les
symptômes
passagers
utiles
à
la
poursuite
du
développement
psychologique
de
l’enfant).
Plus
rarement
ces
symptômes
s’organisent
en
véritables
névroses,
quand
l’ensemble
de
l’activité
de
l’enfant
est
touchée
avec
comme
conséquence
est
un
blocage
évolutif,
comme
c’est
décrit
dans
l’exemple
du
petit
Hans
de
Freud
[18].
La
conversion
hystérique
serait
ainsi
due
à
la
répression
ou
«
distorsion
de
l’expression
sexuelle
».
Néanmoins,
la
génitalisation
et
sa
généralisation
n’aident
pas
complètement
à
la
compréhen-
sion
de
la
conversion
hystérique.
À
côté
de
cela,
il
y
a
l’hypothèse
d’une
problématique
familiale
avec
souvent
mise
en
évidence
d’un
parallèle
entre
les
conflits
souvent
cachés
chez
les
parents
et
les
conflits
intrapsychiques
propres
à
l’enfant,
donnant
naissance
au
symptôme.
Le
symptôme
serait
donc
la
partie
émergée
mais
en
même
temps
il
semble
être
porteur
d’une
individualité
pour
l’enfant
car
il
le
différencie
au
sein
de
sa
famille
;
ce
n’est
pas
un
simple
prolongement
des
conflits
familiaux.
Dans
cet
ordre
d’idées,
le
travail
individuel
ne
peut
avoir
les
mêmes
objectifs
que
le
travail
familial.
Il
y
a,
d’une
part,
une
situation
familiale
complexe
l’enfant
participe
au
travers
de
son
symptôme
et,
d’autre
part,
l’existence
d’une
maladie
qui
affecte
l’enfant
ou
un
proche.
Une
fois
la
pathologie
de
l’enfant
ou
du
proche
soignée,
cela
laisse
néanmoins
une
trace
chez
cet
enfant
qui
peut
l’exprimer
par
un
trouble
fonctionnel
qui
mime
grossièrement
le
trau-
matisme
initial.
C’est
le
symptôme
hystérique.
Ainsi,
la
conversion
hystérique
constituerait
un
saut
du
psychique
vers
le
somatique
qui
fait
reproduire
par
le
malade
un
symp-
tôme
observé
sur
autrui.
Cette
observation
avait
déjà
été
mise
en
avant
par
Charcot
[19],
qui
parle
d’«
imitation
».
En
effet,
il
exerc¸ait
dans
un
service
ou
se
côtoyaient
patients
hystériques
et
épileptiques,
et
il
observait
que
les
patients
hystériques
reproduisaient
essentiellement
des
symptômes
épileptiques.
Certains
auteurs
se
sont
spécifiquement
focalisés
sur
les
hypothèses
étiopathogéniques
concernant
la
forme
mono-
symptomatique,
qui
par
ailleurs
semble,
comme
cité
plus
haut,
être
la
plus
fréquemment
observée.
Il
s’agirait
de
conversion
de
l’anxiété
en
dysfonction
physique
et
de
l’utilisation
des
symptômes,
comme
une
défense
mal
adap-
tée
contre
l’anxiété
[3].
112
A.
Papazova,
H.
Nicolis
Derrière
une
manifestation
hystérique,
il
y
a
toujours
une
demande
et
une
angoisse
profonde.
Le
milieu
familial
a
un
rôle
prépondérant
dans
l’éclosion
et
le
maintien
des
manifestations
hystériques.
La
littérature
[16]
décrit
des
milieux
familiaux
conservateurs,
hyper-protecteurs,
tou-
jours
à
l’affût
d’une
maladie
qui
ne
manque
finalement
pas
de
se
produire.
Il
s’agit
souvent
d’un
milieu
familial
clos.
Beaucoup
de
ces
familles
sont
isolées
géographiquement
et
la
plupart
de
ces
familles
sont
des
familles
nombreuses.
Les
ressources
financières
et
adaptatives
au
sein
de
ces
familles
sont
faibles.
Les
parents
semblent
par
ailleurs
enclins
au
rôle
de
«
public
»
;
l’enfant
fera
ainsi
souvent
sa
«
crise
»
devant
le
parent
qui
y
est
le
plus
sensible.
L’accident
hystérique
doit
servir
à
quelque
chose
:
attirer
l’attention
de
l’entourage,
se
faire
aimer
de
la
mère,
trouver
une
solution
à
un
conflit
familial
ou
scolaire.
C’est
ainsi
qu’on
peut
conclure
que
les
crises,
les
mani-
festations
hystériques,
posent
souvent
la
question
de
leur
place
dans
la
dynamique
familiale.
D’autres
facteurs
pourraient
être
déterminants
:
la
posi-
tion
dans
la
fratrie
;
en
effet,
90
%
cas
répertoriés
sont
les
aînés
ou
les
seconds,
ou
encore
l’altération
des
relations,
de
la
dynamique
familiale
et
dans
la
plupart
des
situations
de
fac¸on
chronique
[8].
Au
niveau
développemental,
une
hypothèse
avancée
fut
celle
de
considérer
que
la
conversion
soit
un
état
potentiel
qui
tende
à
disparaître
avec
l’âge
mais
qui
s’affirme
chez
certains
individus
et
selon
certains
environnements
culturels
[15].
Et
à
ce
niveau,
une
proposition
pouvant
expliquer
la
propension
intra-individuelle
de
voir
se
développer
ou
de
s’accentuer
ou
non
une
symptomatologie
de
conver-
sion
pourrait
être
une
modalité
particulière
de
relation
mère—enfant
[20].
C’est
le
concept
de
«
affect
attune-
ment
»
(accordage
affectif)
:
toute
initiative
du
bébé
est
interprétée
par
la
mère
comme
un
besoin
du
corps
;
ainsi
l’enfant
doit
maintenir
un
niveau
d’excitation
physique
conséquent
pour
rester
en
lien,
en
contact
avec
sa
mère
et
pour
maintenir
la
sensation
d’une
expérience,
d’un
vécu
commun.
Par
ailleurs,
l’imitation,
le
mime
de
la
maladie
semble
apparaître
comme
la
seule
communication
possible
qui
per-
mette
à
ces
enfants
d’espérer
des
soins,
des
attentions
particulières
de
leurs
pairs
[21].
Dans
cette
lignée
de
pen-
sée,
beaucoup
d’auteurs
[3]
ont
tenté
une
explication
de
l’hystérie
par
une
conceptualisation
de
celle-ci
comme
une
sorte
de
«
pretending
»,
comme
le
«
faire
semblant
»
de
l’enfance
qui
permet
de
développer
une
transaction
entre
le
patient,
les
parents
et
le
système
médical.
C’est
ainsi
qu’on
peut
émettre
l’hypothèse
suivante
:
imaginer
être
malade
avec
toute
l’attention
médicale
résul-
tante
à
laquelle
on
peut
s’attendre
peut
amener
quelqu’un
à
faire
semblant.
Cette
hypothèse
offre
l’avantage
que
nous
n’avons
pas
à
attribuer
une
pensée,
une
intentionnalité
consciente
de
la
personne
concernée
au
fait
même
de
simu-
ler.
Si
l’hystérie
serait
une
forme
de
«
jeu
de
faire
sem-
blant
»,
tellement
présent
dans
le
développement
des
jeunes
enfants,
on
peut
se
demander
pourquoi
les
phéno-
mènes
hystériques
sont
si
peu
décrits
dans
cette
tranche
d’âge.
Tout
d’abord
le
phénomène
du
«
faire
semblant
»
s’observe
plus
chez
les
jeunes
enfants
parce
qu’on
s’y
attend
;
nous
avons
tendance
à
prendre
moins
au
sérieux
les
histoires
s’entourant
de
fantaisie
chez
ceux-ci.
On
s’y
attend
moins
chez
l’enfant
plus
âgé
et
de
plus
celui-ci
le
fera
de
fac¸on
moins
publique
et
moins
ostentatoire.
C’est
uniquement
avec
la
maturité
que
la
simulation
peut
être
confrontée
de
fac¸on
consistante
et
suffisamment
lon-
guement
pour
engager
le
système
médical
et
conduire
à
l’élaboration
de
symptômes.
Le
terrain
de
l’enfant
hystérique
semble
constitué
le
plus
souvent
par
des
éléments
que
l’on
retrouve
«
physiologiquement
»
chez
le
jeune
enfant,
à
savoir
le
théâ-
tralisme,
l’exaltation
imaginative.
Ces
éléments
constituent
une
activité
ludique
pour
l’enfant
qui
est
inconscient
de
son
inauthenticité
mais
trouve
un
public
complaisant.
Ainsi,
la
«
belle
indifférence
»
n’existe
pas
chez
le
jeune
enfant
qui
joue.
La
suggestibilité
est
inconsciente,
elle
intervient
essen-
tiellement
quand
l’enfant,
pour
diminuer
son
angoisse,
utilise
une
maladie
vécue
par
ou
dans
son
entourage,
en
vue
d’attirer
l’attention,
craignant
d’être
délaissé.
Il
repro-
duit
ainsi,
dans
une
optique
identificatoire,
la
maladie
d’une
personne
aimée
ou
enviée.
C’est
également
commun
que
les
enfants
trouvent
cer-
tains
aspects
de
la
maladie
attractifs
et
qu’ils
jouent
à
être
malades.
Il
faut
noter
que
c’est
l’intensité
de
la
première
réaction
parentale
lors
des
premières
plaintes
de
l’enfant
qui
conditionnera
les
manifestations
symptomatiques
ulté-
rieures.
Une
explication
neurobiologique
a
été
proposée,
suite
à
une
étude
menée
en
janvier
2012
[22],
afin
de
comprendre
le
phénomène
de
la
conversion
hystérique
et
plus
particu-
lièrement
celui
de
l’hystérie
de
masse
[23].
Cette
explication
se
base
sur
l’existence
du
réseau
des
neurones
miroir,
réseau
mis
en
évidence
chez
le
singe,
avec
comme
hypothèse
que
ce
réseau
existerait
plus
que
probablement
selon
les
mêmes
configurations
et
avec
les
mêmes
fonctions
chez
l’être
humain.
Ce
circuit
neuronal
est
situé
dans
le
cortex
frontal,
pariétal
et
temporal
du
singe
et
décharge
lorsqu’un
mouvement
est
exécuté
et
égale-
ment
lorsque
le
même
mouvement
est
observé
par
le
sujet.
Ce
circuit
des
neurones
miroir
pourrait
ainsi
nous
aider
à
comprendre
les
actions
des
autres
et
son
inhibition
nous
aide
à
ne
pas
imiter
tout
ce
que
nous
observons.
Ainsi,
selon
Lee
et
Tsai,
quatre
caractéristiques
de
ce
système
neuronal
interviendraient
dans
l’explication
de
la
pathogenèse
de
la
conversion
hystérique.
Premièrement,
un
défaut
du
système
inhibiteur
de
ce
réseau
neuronal
chez
certaines
personnes
aurait
comme
conséquence
de
les
prédisposer
à
imiter
les
autres.
Deuxièmement,
la
transmission
du
phénomène
d’hystérie
de
masse
se
fait
typiquement
via
des
stimuli
visuels
et
audi-
tifs,
qui
sont
eux
transmis
par
les
neurones
miroirs.
Troisièmement,
les
neurones
miroirs
pourraient
avoir
un
rôle
dans
la
contagion
émotionnelle
qui
nous
permet
de
cap-
ter
et
ressentir
les
émotions
des
autres.
Pour
finir,
l’activité
du
réseau
des
neurones
miroir
est
plus
importante
chez
les
personnes
de
sexe
féminin,
personnes
qui
sont
spécifiquement
majoritairement
concernées
par
le
phénomène
d’hystérie
de
masse.
Hystérie
chez
l’enfant
:
d’un
diagnostic
du
passé
à
un
état
des
lieux
actuel
113
En
conclusion,
les
recherches
avancées
et
approfondies
en
neuro-imagerie
(fMRI,
MEG,
SPECT)
et
neurostimulation
(TMS)
pourraient
nous
aider
à
fournir
une
explication
pour
le
phénomène
de
conversion
hystérique,
l’hystérie
de
masse,
en
créant
un
pont
entre
l’esprit
et
le
cerveau.
.
.
D’ici-là,
nous
sommes
contraints
de
nous
baser
sur
des
hypothèses
non
démontrées
et
de
proposer
des
traitements
empiriques
à
ces
patients
qui
se
situent
sur
cette
frontière
inconfortable
entre
neurologie
et
psychiatrie.
Méthodes
diagnostiques
Il
n’existe
pas
de
critère
diagnostique
spécifique
en
tant
que
tel.
En
conséquence,
le
diagnostic
est
difficile
[3,7,8,15]
et
l’entité
souvent
sous-diagnostiquée
[7,8].
Il
semble
dès
lors
essentiel
de
s’intéresser
attentivement
à
l’histoire
de
l’affection,
ainsi
qu’à
l’histoire
individuelle
et
familiale.
De
plus,
un
examen
clinique
approfondi
mettra
en
évidence
l’absence
de
signes
cliniques
liés
aux
plaintes
hystériques
ainsi
que
l’absence
de
territoire
anatomique
ou
neurologique
correspondant.
L’observation
du
patient
durant
l’examen
clinique
fera
également
état
d’une
grande
suggestibilité
chez
celui-ci.
En
outre,
l’expression
clinique
semble
en
général
être
hétérogène
et
les
symptômes
sont
absents
durant
le
sommeil
[8,9].
Il
est
important
d’observer
la
réaction
de
l’enfant
à
son
symptôme
:
l’enfant
hypochondriaque
est
inquiet
de
son
symptôme,
se
plaint
beaucoup
;
l’enfant
qui
simule
accen-
tue
sa
souffrance
;
l’enfant
avec
conversion
semble
moins
inquiet,
plus
indifférent
car
la
conversion
semble
être
la
fin
en
soi.
Par
définition,
les
résultats
des
examens
complémen-
taires
sont
négatifs
bien
que
des
résultats
positifs
n’excluent
pas
des
symptômes
hystériques.
Par
le
passé,
on
utilisait
une
technique
d’induction
médi-
camenteuse
d’un
état
d’hypnose,
avec,
durant
cet
état,
un
travail
sur
les
symptômes
par
suggestion.
Cela
constituait
une
méthode
tant
diagnostique
que
thérapeutique.
Ainsi,
à
cette
époque,
la
disparition
des
symptômes
hystériques
suite
à
un
tel
traitement
(parfois
après
plusieurs
séances)
signait
le
diagnostic
[3,6].
Il
semblerait
que
des
tests
psychologiques
projectifs
n’aident
pas
à
la
mise
au
point
selon
certains
auteurs.
D’autres
affirment
le
contraire
et
s’appuient
également
sur
les
tests
de
personnalité
[24].
Notons
que
selon
Caplan
(1970),
ces
enfants
ont
une
intelligence
normale
ou
supérieure
[25].
À
noter
que
la
distinction
est
faite
par
de
nombreux
auteurs
entre
conversion
et
hystérie.
En
parlant
d’hystérie,
il
semble
important
de
dissocier
le
noyau
hystérique
et
le
fonctionnement
mental
hystérique.
En
ce
qui
concerne
la
conversion,
on
note
toujours
la
même
notion
de
rareté
dans
la
petite
enfance
et
d’accentuation
de
la
fréquence
en
pré-
pubertaire.
La
recherche
d’un
«
facteur
déclenchant
»,
d’un
élément
de
vie
traumatique
peut
éclairer
mais
peut
parfois
induire
en
erreur,
ne
donnant
pas
une
explication
nécessairement
cor-
recte
de
la
situation.
En
effet,
probablement
toute
personne
a
vécu
de
fac¸on
rapprochée
ou
lointaine
un
événement
de
vie
éprouvant.
Néanmoins,
il
semble
essentiel
d’exclure
un
abus
sexuel
chez
tous
les
enfants
se
présentant
avec
une
névrose
hystérique.
Quoi
qu’il
en
soit,
il
faudrait
éviter
de
considérer
ce
diagnostic
comme
un
«
simple
»
diagnostic
d’exclusion.
Conclure
à
ce
diagnostic
ne
peut
se
faire
que
suite
à
une
évaluation
minutieuse
de
la
situation.
Par
ailleurs,
le
diagnostic
est
malaisé,
vu
la
difficulté
de
fixer
les
limites
de
l’hystérie
infantile.
Sa
spécificité
réside
dans
le
polymorphisme
signant
l’organisation
d’un
fonctionnement
mental
caractérisé
par
un
mode
particulier
d’intrications
des
registres
conflictuels
et
narcissiques.
Les
manifestations
de
ce
phénomène
régressif
le
corps
l’emporte
sur
la
mentalisation
ne
sont
pas
inhabituelles
en
fin
de
latence
ou
en
puberté.
Cramer
[5,26]
évoque
qu’il
est
difficile
de
lier
la
conver-
sion
à
un
diagnostic
particulier,
d’autant
qu’on
a
trouvé
également
des
conversions
chez
des
enfants
psychotiques.
Si
on
essaie
de
lier
diagnostic
et
pronostic,
certains
auteurs
soulignent
que
l’hystérie
et
la
maladie
organique
ont
en
commun
certaines
symptomatologies
et
sont
dès
lors
intriquées
(cf.
épilepsie
reconnue
et
traitée).
On
relève
aussi
l’hystérie
«
normale
»
et
la
névrose
hystérique
:
ces
manifestations
qui
disparaissent
souvent
spontanément
soulignent
l’importance
pour
l’enfant
de
son
corps
comme
médiateur
auprès
de
sa
mère.
C’est
via
cette
médiation
que
s’établiront
plus
tard
ses
modalités
relation-
nelles
avec
autrui
[16].
Selon
la
plupart
des
auteurs
[16],
le
pronostic
de
cette
catégorie
est
bon.
C’est
lorsqu’il
y
a
intervention
médiatrice
maladroite
que
cela
entraînerait
un
symptôme,
un
point
de
départ
d’un
état
névrotique
en
partie
hystérique.
Il
n’existe
pas
de
continuité
entre
l’hystérie
de
l’enfant
et
celle
de
l’adolescent
ou
de
l’adulte,
ce
qui
semble
éga-
lement
le
cas
dans
le
sens
inverse
:
un
adulte
hystérique
n’a
pas
nécessairement
d’antécédent
d’hystérie
infantile
mais
plutôt
un
passé
de
névrose
infantile
au
sens
large.
De
plus,
il
peut
y
avoir
une
association
entre
hystérie
et
d’autres
névroses
infantiles
entre
symptômes
hystériques
et
phobie,
association
plus
rare
entre
obsessions
et
symptômes
hystériques.
Discussion
Plusieurs
caractéristiques
se
retrouvent
dans
nombre
d’études
effectuées.
La
prépondérance
semble
être
fémi-
nine,
l’âge
se
situe
entre
7
et
18
ans.
Selon
Proctor
[12],
se
basant
sur
les
travaux
de
Spitz,
il
existe
peu
de
distinction
entre
le
Ca
et
le
Moi
et
à
peine
entre
le
Moi
et
le
corps
durant
les
périodes
infantiles
précoces.
C’est
pourquoi,
nombre
d’auteurs
[8,14],
à
la
différence
d’Anna
Freud
[27],
consi-
dèrent
qu’on
ne
peut
parler
d’hystérie
avant
4
ans
;
les
«
phénomènes
»
majeurs
étant
le
plus
fréquemment
obser-
vés
à
partir
de
9—10
ans,
les
manifestations
labiles
mineures
ou
facilement
réductibles
avec
un
pic
vers
7—8
ans.
Au
niveau
des
caractéristiques
familiales,
le
milieu
socio-
culturel
semble
également
intervenir,
comme
cité
plus
haut.
La
fréquence
de
la
conversion
hystérique
semble
plus
élevée
que
précédemment
décrite,
avec
une
influence
significative
du
milieu
socioculturel
(isolement
social,
contrôle
patriarcal
marqué,
poids
du
folklore.
.
.).
Ainsi,
par
exemple,
une
fré-
quence
plus
élevée
est
observée
dans
une
étude
en
Inde
[7]
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