b di ilan ne ag o gn ur no rth e it o s o éc nfa ive psy tic, pho lo rit nt, s, ch l n tro o og iqu m gic , tro en o- lan ad ub log ic e, fo u t, m g ol le ie el, év gi nc ble d ath ag es s n , fo p al dé e, tio s ys ém e ce eu n ro ua ca m pa ns d flu a or nt, ro cti toc tio tiq tio en ra o e en tiq al, lo o n o n l s c gi c l e , ue u e n , c e ys ro l e a o , , co , ie f -fa ap v , pé ng que oé év mp pil aci cial pre oix b rat age s al o ps ale es nt s ég ion ua rte ie , , is ur ai tio m , dé dy sa dit e n en co glu sp ge é s pe t, p mm titio ha rc rag un n ep m itiv ae 40e Année Décembre 2002 Trimestriel N° 212 le le g év bi bil di al lan aln ag ua o ne no tio rth u s n o en rop tic, , di pho f s l ni éc ant yc ogi qu c h , r e tro it, l ado olo iel ub ang le pa l e a s c e r s g dé aly de e o nt m s s r év en ie f ap al al ce ac pr f o u a , é iale n ti p m ctio on ile Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY Le bilan orthophonique Rééducation Orthophonique Rencontres Données actuelles Examens et interventions Perspectives Fédération Nationale des Orthophonistes texte 212 10/01/03 14:45 Page 2 Revue éditée par la Fédération N ati o n ale des O rth opho n is tes R é d a c ti o n - A d mi n i s t r a ti o n : 2, rue des Deux-Gares, 75010 PARIS — Tél. : 01 40 34 6 2 65 — — Fax : 01 40 37 41 42 — e-mail : [email protected] Abonnement normal : 84 euro s Abonnement réduit : 61 euro s réservé aux adhérents de la F.N.O., de l ’ A . R . P. L . O . E . V. ou d’une association e u ropéenne membre du C.P. L . O . L . Abonnement étudiant : 35 euros Abonnement étudiant étranger : 40 euros réservé aux étudiants en orthophonie Abonnement étranger : 96 euros Vent e a u n umé ro : 2 6 e u ro s Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V. Paris Directeur de la publication : le Président de la F.N.O. : Jacques ROUSTIT Membres fondateurs du comité de lecture : Pr ALLIERES • A. A P PAIX • S. BOREL-MAISONNY G . D E C R O I X • R . D I AT K I N E • H . D U C H Ê N E M. DUGAS • J. FAVEZ-BOUTONNIER • J. GERAUD R. GRIMAUD • L. HUSSON • Cl. KOHLER • Cl. LAUNAY F. L H E R M I T T E • L . M I C H A U X • P. P E T I T G . P O RTMANN • M. PORTMANN • B. VA L L A N C I E N . Comité scientifique Aline d’ALBOY Dr Guy CORNUT Ghislaine COUTURE Dominique CRUNELLE Pierre FERRAND Lya GACHES Olivier HERAL Jany LAMBERT Frédéric MARTIN Alain MENISSIER Pr Marie-Christine MOUREN-SIMEONI Bernard ROUBEAU Anne-Marie SIMON Monique TOUZIN Rédacteur en chef Jacques ROUSTIT Secrétariat de rédaction Marie-Dominique LASSERRE Abonnements Emilia BENHAMZA Commission paritaire : 0907 G 82026 Impression : TORI 11, rue Dubrunfaut, 75012 Paris Téléphone : 01 43 46 92 92 texte 212 10/01/03 14:45 Sommaire Page 1 Décembre 2002 N° 212 Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris Ce numéro a été dirigé par Pierre Ferrand, orthophoniste LE BILAN ORTHOPHONIQUE Pierre Ferrand, orthophoniste, Castres 3 Labo 2002, aide au bilan orthophonique Gilles Leloup, Jacques Roustit, orthophonistes 7 1. Le bilan du langage oral Françoise Coquet, orthophoniste, Douai 2. Evaluation du langage écrit Monique Touzin, orthophoniste, Le Kremlin Bicêtre 3. Le bilan vocal Bernard Roubeau, orthophoniste, Docteur es Sciences, Paris 4. Le bilan des activités logico-mathématiques : indications pratiques et cliniques Alain Ménissier, orthophoniste, Arc-les-Gray 5. Le bilan du bégaiement de l’adulte et de l’enfant Véronique Boucand, Bernard Roubeau, orthophonistes, Paris 6. Aphasie de l’enfant : Protocole d’examen Gilles Leloup, orthophoniste, Paris 13 43 53 61 95 103 1 texte 212 10/01/03 14:45 Page 2 7. Evaluation des troubles neurologiques : une aide au bilan dans la perspective de la psychologie cognitive Philippe Lhuissier, orthophoniste, Montreuil-Juigné 8. Aide au bilan surdité Audrey Colleau, orthophoniste, Bandol 9. Bilan du patient suspecté de démence Thierry Rousseau, orthophoniste, docteur en psychologie, Sablé sur Sarthe 10. Epilepsie et troubles des apprentissages chez l’enfant : Protocole d’examen Gilles Leloup, orthophoniste, Levallois 11. La déglutition dysfonctionnelle : Protocole d’examen Isabelle Eyoum, Gilles Leloup, orthophonistes, Paris 12. Bilans des fonctions oro-faciales Isabelle Eyoum, orthophoniste, Nogent sur Marne 13. Protocole du bilan de la dysarthrie Isabelle Eyoum, orthophoniste, Nogent sur Marne 14. Maladies neuro-dégénératives : Protocole d’examen Isabelle Eyoum, orthophoniste, Nogent sur Marne Vers un bilan idéologiquement maîtrisé ? Marie-Pierre Thibault, orthophoniste, Mont-Saint Aignan 2 111 121 127 135 147 153 159 161 163 texte 212 10/01/03 14:45 Page 3 Des souris … Pierre Ferrand Pierre FERRAND Le Mas d’Enfau 81210 Roquecourbe Tél et Fax : 05.63.75.82.97 [email protected] J e vous parle d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître … En ce temps-là, le Bilan Orthophonique n’existait ni légalement, ni réglementairement, ni administrativement ! Cet acte essentiel n’était qu’une « tolérance », soutenue par des médecins amis mais octroyée du bout des lèvres par les autres ! Et pourtant, celles et ceux d’entre vous qui ont eu le privilège de voir travailler Suzanne Borel-Maisonny, Denise Sadek ou Andrée Girolami et tant d’autres pionnières, savent que le Bilan était, depuis toujours, au cœur de leur démarche professionnelle … Et que chacune de ces cliniciennes savait utiliser et parfois inventer des outils divers et variés, nécessaires à la construction progressive d’un Diagnostic Orthophonique et indispensables à l’élaboration d’un Projet Thérapeutique. Oh ! Certes ! Ces outils n’étaient pas toujours étalonnés avec la rigueur que l’on exige aujourd’hui, à juste titre …mais, ils étaient, en quelque sorte, validés par de multiples ajustements, fruits de multiples passations auprès de multiples patients ! Et les observations ainsi glanées étaient minutieusement rapportées dans un compte-rendu clair et toujours pédagogique ! Il est vrai que ces outils relevaient parfois d’un certain folklore quand ils ne présentaient pas une dimension surréaliste ! Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 3 texte 212 10/01/03 14:45 Page 4 Ainsi, le « piège à souris » cher à Suzanne Borel-Maisonny ! Imaginez : « Une boîte en bois (longueur 14 cm ; largeur 8 cm ; hauteur 5,5cm.), fermée d’un couvercle à glissière qu’on peut ouvrir. A l’intérieur sont 4 plaquettes amovibles. L’une est lisse ; une autre striée transversalement ; les deux autres recouvertes d’un papier de verre à grain de grosseur différente. En face des plaquettes, tout près de la base, pour pouvoir tâter facilement l’intérieur, quatre trous assez grands pour y introduire l’index, mais pas assez larges pour laisser voir les plaquettes. D’autre part, un dessin de ces quatre plaquettes représente les aspérités qu’on sentira au doigt ». (Fig. 1 et Fig. 2) 1. Et l’enfant, d’introduire l’index dans les trous, de tâter la plaquette et de montrer ensuite le dessin correspondant à la sensation tactile qu’il a perçue ! Outre son aspect stér é og n o s i q u e, c ette é p re u ve e s t u n e remarquable illustration de fo n c t i o n n ement cognitif : de la sensation tactile digitale aveugle à la traduction symbolique visuelle … analyse perceptive, c o n s t ruction de rep r é s e n t ations mentales stockées et conservées en « buffer », avant transformation concrète … du toucher à l’abstraction ! On se croirait en pleine actualité scientifique ! Mais nous sommes en …1946, date de la première publication des « tests Borel » ! Constatons que dès cette époque, les orthophonistes savaient décrire, observer et utiliser tous les canaux d’entrée de l’information et commençaient à comprendre ce qui se passait dans « La boîte noire » ! Bien sûr, tout cela date, comme on dit, surtout lorsqu’on évoque les autres outils inventés pour les besoins de la cause : jouets sonores, flacons emplis de liqueurs suspectes, perles et jetons de couleur à ranger, lacet de chaussure à enfiler, boîtes à secouer, plaquettes de tailles différentes à classer, élastique servant de diapason, dessin de visage « à l’œil de travers », canards, indiens et fédéraux à manipuler, girafe à 5 pattes, chat à queue d’écureuil … et toutes ces images séquentielles vieillottes à classer et à raconter … et ces « nostikazofimalé » et autres « rikapé » à répéter… 1 Langage oral et écrit, tome II, p.146 et 147, Delachaux et Niestlé 4 texte 212 10/01/03 14:45 Page 5 Oui ! Tout cet attirail fait sourire aujourd’hui ! Et pourtant, c’est bien de l’observation minutieuse, de la description et de l’interprétation des comportements non verbaux et langagiers produits à l’occasion de ces manipulations que naissaient des diagnostics orthophoniques précis et argumentés, porteurs de traitements efficaces parce que cohérents ! Et c’est peut-être aussi du génie clinique sous-tendant ces activités ludiques, que sont issus dans le domaine du Langage, de son apprentissage ou de son éventuelle rééducation, les « concepts » contemporains : Conscience phonologique, traitement cognitif, habiletés pragmatiques, intentionnalité, interactions, approches métalinguistiques, stratégies palliatives, adaptation au contexte, composantes non verbales, symptômes spécifiques, facteurs de risque … pour ne citer que les plus à la mode … tous ces concepts étaient en filigrane dans la démarche clinique de ce temps-là et en germe dans les recherches en cours. Le génie clinique de Suzanne Borel, fortement intuitif certes, s’était développé à partir d’une formation scientifique solide. Voilà pourquoi elle n’a jamais séparé, dans le Bilan Orthophonique, l’application de tests de l’observation des comportements, le quantitatif du qualitatif, la demande de l’anamnèse, le diagnostic du traitement. Cette praticienne était assurément la première généraliste, à une époque où il était déjà de bon ton de découper le Sujet souffrant dans sa communication, en tranches symptomatiques et traitées comme telles ! Nous l’avons peut-être oublié ! Et puis … et puis … Les progrès scientifiques s’enchaînant les uns aux autres, les modèles théoriques se précisant au contact de courants de pensée évolutifs, les outils d’évaluation s’améliorant et se multipliant, il est devenu indispensable d’introduire dans notre approche intuitive et notre savoir-faire, davantage de méthode et de rigueur. C’est ce que nous avons essayé de faire avec Anne-Marie Tréanton et une petite équipe de volontaires bénévoles mais passionnés, en rédigeant, au début des années 80 et avec l’accord de S. Borel-Maisonny qui en a écrit la préface, le manuel « Le Bilan Orthophonique ». Ce nouvel outil avait un but informatif : Codifier sans rigidité notre pratique du Bilan, afin de le rendre plus « lisible » aux yeux des médecins prescripteurs et des médecins-conseils des Caisses. 5 texte 212 10/01/03 14:45 Page 6 Il avait aussi, une ambition pédagogique : En permettant aux orthophonistes de parler une même langue dans un cadre méthodologique commun, il nous donnait la chance de pouvoir évaluer nos capacités diagnostiques et thérapeutiques, tout en enrichissant nos savoirs. Il avait enfin, une exigence concrète : Obtenir des pouvoirs publics et de la communauté scientifique la reconnaissance indiscutable de notre compétence professionnelle. Le décret du 24 Août 1983 donnait raison à nos espoirs. Celui du 2 Mai 2002 les transformait en certitudes. Mais tout évolue. La méthodologie du Bilan Orthophonique doit correspondre aux exigences justifiées de notre temps. Aujourd’hui, grâce au travail d’une équipe de bénévoles dont je salue, ici, le courage, la ténacité et les compétences, le Manuel cède la place au CD.rom. Au nom de cette équipe, Gilles Leloup et Jacques Roustit présentent par ailleurs le contenu de ce document construit à partir de tests, batteries et autres protocoles de plus en plus fiables et reliés à des modèles théoriques reconnus. En se transformant, cet outil conserve toutes ses qualités et toutes ses ambitions. Il n’est pas et ne sera pas un cadre rigide visant à « caporaliser les esprits ». Ce CD reste un OUTIL d’évaluation et de synthèse, certes rigoureux, mais qui laisse à chaque praticien sa liberté d’approche et son intuition clinique fondée sur l’expérience et l’auto-évaluation, qui renvoie chacune et chacun de nous à sa sensibilité, ses connaissances spécifiques et ses responsabilités. Ainsi du « piège à souris » de Suzanne Borel à la souris de votre ordinateur, la boucle est bouclée ! J’étais à Florence, en ce Printemps 2002. Ce jour-là, dans la Galerie de l’Académie, je méditais longuement devant les quatre statues des « prisonniers » de Michel-Ange.. Ces prisonniers qui tentent de se libérer du marbre qui les retient... Ces œuvres sublimes, pensai-je, sont nées de la richesse même de l’artiste, de son savoir-faire de ses qualités d’observation, de son intuition, de son imagination tendue vers la création … et non pas des seuls outils qu’il a su utiliser ! Nous sommes tous des Michel-Ange ! Roquecourbe, le 26 Novembre 2002 6 texte 212 10/01/03 14:45 Page 7 LABO 2002 : Aide au bilan orthophonique Gilles Leloup, Jacques Roustit Résumé Le logiciel Labo 2002 est avant tout un outil d’information et de formation. Il a été conçu par des orthophonistes pour des orthophonistes afin d’apporter des éléments de réflexion clinique dans le champ de l’évaluation et d’aider au diagnostic orthophonique. Il a aussi pour objet de constituer une banque de données de tests et d’épreuves d’évaluation, de servir de support à la rédaction du bilan orthophonique en proposant optionnellement des protocoles de bilan destinés, entre autre, à harmoniser l’évaluation. La modélisation de l’aide au bilan s’est appuyée d’une part sur le courant cognitiviste en reprenant la thèse « modulariste » et, d’autre part, sur les travaux en neuropsychologie cognitive, centrés sur les troubles présentés par les sujets atteints de lésions cérébrales. Il ne néglige, par ailleurs, ni les relations entre cognition et affect, ni l’observation et le sens clinique de l’orthophoniste. Mots clés : bilan orthophonique, évaluation, CD Rom, logiciel, neuropsychologie, fonctions cognitives. LABO 2002 : Aid to the speech and language evaluation procedure Abstract Software LABO 2002 is primarily an informational and training tool. It was conceptualized by speech and language therapists for speech and language therapists, for the purpose of stimulating clinical thinking in the area of evaluation and aiding speech and language diagnostic procedures. Another objective was to create a database that regroups evaluation tests and tools, helps report writing, and offers optional evaluation protocols that contribute to harmonizing the evaluation process. Model building drew upon both the cognitivistic movement and its “modularistic” theory, and research from cognitive neuropsychology centered on disorders displayed by braindamaged patients. This model also takes into account relationships between cognition and affect, as well as the therapist’s sense of observation and clinical judgment. Key Words : speech and language work up, evaluation, CD Rom, software, neuropsychology, cognitive functions. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 7 texte 212 10/01/03 14:45 Page 8 Gilles LELOUP Orthophoniste 3 bis rue Louise Michel 92300 Levallois [email protected] Jacques ROUSTIT Orthophoniste 24 boulevard Andrieu 81000 Albi [email protected] E n 1999, Pierre Ferrand et Jacques Roustit ont réuni un groupe d’orthophonistes afin de réfléchir à la création d’un logiciel d’aide au bilan. Ce logiciel devait répondre à un objectif de formation, constituer une banque de données de tests et d’épreuves d’évaluation, servir de support à la rédaction du bilan orthophonique. Il devait aussi s’inscrire dans la perspective de la nécessaire refonte de la nomenclature alors existante. En effet, à cette période, la finalité du bilan était de relever des éléments de diagnostic et de soumettre une proposition de prise en charge au prescripteur. Une nouvelle nomenclature devait consacrer le bilan, tout à la fois, comme la pièce maîtresse sur laquelle reposent les fondements de la décision de l’orthophoniste en matière diagnostique et thérapeutique, comme vecteur de communication interprofessionnelle et comme support d’évaluation de la rééducation orthophonique. Ce dernier point soulève la question de la validation des pratiques de remédiation. Aussi, le logiciel devait pouvoir soumettre un choix d’épreuves standardisées qui puissent permettre, en fin de rééducation ou lors d’un suivi longitudinal, de valider l’efficacité du traitement ou bien d’apporter des éléments quantitatifs et qualitatifs de l’évolution du sujet, de son mieux-être. Il se devait également d’aborder des pratiques comme la prévention (petite enfance) au travers d’épreuves de repérage et dépistage ou comme l’accompagnement thérapeutique (démence) qui ne relèvent pas systématiquement d’une évaluation standardisée et quantitative. Par ailleurs, les aspects touchant à la relation avec le sujet, son comportement, les interactions entre fonctions instrumentales et psychisme ne devaient pas être négligés. Dresser tout l’éventail des choix thérapeutiques et les confronter à celui des conduites de bilan ne fut pas simple. Il est très vite apparu le besoin d’un cadre commun, une « méthodologie » de l’évaluation afin de tisser des liens entre les différentes conduites de bilan et les épreuves qui le composent ; l’objectif étant d’aider à développer les conduites de diagnostic. 8 texte 212 10/01/03 14:45 Page 9 ♦ Choix d’une modélisation Depuis les années 1960, un courant de pensée, initié par les sciences cognitives s’est développé pour essayer de comprendre et d’expliquer les processus mentaux permettant l’acquisition de connaissances. Des disciplines comme la psychologie, la linguistique, la neurobiologie se sont inscrites dans ce cadre difficile à délimiter que l’on nomme le cognitivisme. L’influence de ce courant s’est progressivement installée en orthophonie. Il permet de comprendre et d’évaluer la communication et l’apprentissage dans le cadre plus général de l’ensemble des fonctions cognitives. La modélisation de l’aide au bilan s’est appuyée d’une part sur ce courant en reprenant la thèse « modulariste » qui a permis de définir l’organisation de la structure de ce bilan : - un module de perception à les entrées perceptives visuelles, auditives, kinesthésiques ; - un module de traitement à les fonctions supéri e u res (langage, mémoire, attention, raisonnement, …) ; - un module de sortie à les productions orales, écrites, motrices et, d’autre part, sur les travaux en neuropsychologie cognitive, centrés sur les troubles présentés par les sujets atteints de lésions cérébrales ayant par exemple permis de faire une relation entre mémoire verbale et langage. L’idée proposée est de concevoir l’évaluation d’un trouble ou d’un déficit chez l’enfant, chez l’adolescent ou chez l’adulte de la manière la plus globale et la plus large possible afin de rendre le diagnostic plus précis. ♦ Limites de cette modélisation Dans le cadre de ce travail, les limites de la modélisation sont essentiellement de deux ordres : - cette approche permet de cerner les troubles dans le cadre des bilans du langage oral et écrit, de la dyscalculie, de la surdité, des maladies neurologiques, des troubles des apprentissages et dans un esprit plus large, d’aborder le bilan de la déglutition. Elle n’est cependant plus opérationnelle pour évaluer les troubles de la phonation, le bégaiement, la dysphagie qui ne s’inscrivent pas forcément dans une logique de traitements par niveaux. Pour cette raison et pour respecter le choix des auteurs, ces bilans ne sont pas tous présentés selon la structure : entrées, traitements et sorties. Cela nous rappelle que toute modélisation est réductrice. Elle doit être conçue comme un moyen pour faciliter la compréhension et l’illustration des processus mentaux. 9 texte 212 10/01/03 14:45 Page 10 - la perspective cognitiviste est née de la recherche sur l’intelligence artificielle. Dès lors, elle a eu tendance à effacer tout ce qui relève de l’esprit et de la conscience. « L’étude du système nerveux de la chauve-souris ne peut nous faire comprendre ce qu’elle éprouve 1 », écrivait Guillebaud. Depuis, des relations s’établissent entre la neuropsychologie cognitive, la psychopathologie et la psychanalyse. Ces interrelations doivent replacer le sujet en tant qu’être humain lors de l’évaluation de ses compétences cognitives. La modélisation trouve ici une limite dont il faut tenir compte : l’analyse d’un trouble doit aussi bien s’inscrire dans une globalité cognitive que psychique. Les auteurs ont proposé une grille commune d’évaluation du comportement. Cette grille doit cependant être davantage interprétée comme le besoin de ne pas négliger les relations entre cognition et affect que comme la finalité d’une évaluation comportementale du sujet. La vie psychique du sujet ne doit pas être exclue de l’évaluation. Elle permet d’envisager des avis complémentaires en vue d’un diagnostic différentiel. ♦ Choix des épreuves et protocoles Un des objectifs de départ de Labo 2002 fut de proposer optionnellement des protocoles de bilan destinés, entre autre, à harmoniser l’évaluation. Cette harmonisation doit reposer, pour chaque bilan, sur un socle d’épreuves afin d’offrir aux cliniciens des outils communs de testing leur permettant de comparer les résultats de l’évaluation de leurs patients. Ces protocoles tiennent compte de la souplesse nécessaire à l’exploration des capacités, des aptitudes, des compétences du patient. L’utilisation d’épreuves communes est un apport non négligeable dans le discernement des difficultés de nos patients car elle permet de partager la compréhension des pathologies. Ce langage commun peut aussi permettre à notre profession de valider, sur un plus grand nombre de sujet, l’impact de la remédiation. Chaque fois que cela était possible, dans l’évaluation de telle ou telle compétence, les auteurs ont choisi des tests avec des scores standardisés qui pourront permettre également une évaluation longitudinale, une validation de la remédiation et la mise en commun des évaluations. Nous espérons qu’une harmonisation de l’évaluation et du contenu des bilans pourra permettre à terme de mieux valider et donc de mieux défendre la pratique orthophonique. ♦ Limite du choix des épreuves Cette limite s’inscrit dans le bon sens. Tout n’est pas évaluable et tout ne peut être standardisé. La méthodologie proposée par Labo 2002 tient compte du 1 Guillebaud, J.C. (2000). Le cerveau et l’ordinateur : une comparaison abusive, Revue Esprit. 10 texte 212 10/01/03 14:45 Page 11 fait que l’évaluation d’une compétence ne passe pas nécessairement par un test quantitatif, mais peut passer aussi par une analyse qualitative. Aussi, pour chaque test ou épreuve, il est proposé un champ « remarques » qui permettra aux cliniciens de noter, non pas la performance du sujet, mais les éléments qualitatifs de sa production et les éléments d’adaptation à la demande de testing. Le choix des épreuves a été défini par chaque auteur. Il peut être exhaustif ou partiel. Ces choix pourraient paraître discutables car ils ne relèvent pas d’un consensus formel. La liste des tests, pour chaque bilan, est une proposition d’aide à la construction du bilan. Labo 2002 fonctionne comme une banque de données permettant de guider le clinicien dans ce choix d'épreuves. Une série d’épreuves ne permet pas de poser à elle seule un diagnostic, elle ne remplace pas l’interprétation, l’observation et le sens clinique de l’orthophoniste, c’est-à-dire la mise en relation et en corrélation des différents éléments explicites ou implicites relevés lors du bilan. ♦ Architecture de Labo 2002 : choix du bilan, liens et typologies, anamnèse, fiches spécifiques, glossaire et impression du bilan Lors du choix d’un bilan, il est possible de visualiser ou d’imprimer le protocole d’évaluation de base et d’obtenir, pour un certain nombre d’entre eux, des typologies, c’est à dire un regroupement de mots-clés liés à un trouble ou à un syndrome. On peut également accéder, à tous moments, au glossaire des définitions. Un glossaire des tests est également consultable. L’anamnèse comportant les éléments d’information concernant le patient, fait l’objet d’une fiche spécifique qui permet d’offrir un choix exhaustif vis à vis des questions à poser en vue de cerner le tableau clinique. Toutes les informations saisies sont récupérables, en fin de bilan, sur une feuille de synthèse. Une proposition de mise en forme du bilan est mise à disposition. La synthèse des résultats des différentes épreuves du bilan est transférable sur traitement de texte. ♦ Discussion Le logiciel d’aide au bilan, Labo 2002, est avant tout un outil d’information et de formation. Il a été conçu par des orthophonistes pour des orthophonistes afin d’apporter des éléments de réflexion clinique dans le champ de l’évaluation et d’aider au diagnostic orthophonique. 11 texte 212 10/01/03 14:45 Page 12 La modélisation de ce bilan a ses limites. Elle peut apparaître réductrice, arbitraire ou trop complexe. Les propositions des protocoles et des épreuves peuvent apparaître formelles. Mais dans l’objectif que s’est fixé le groupe de travail, il a été nécessaire de faire des choix. Si ces choix peuvent enrichir le débat sur le bilan orthophonique, le diagnostic et la validation des hypothèses de remédiation, un des objectifs de ce logiciel sera atteint. Ce logiciel peut être utilisé soit comme un guide pour l’évaluation, soit comme une base de données. La préoccupation des auteurs a été de proposer une structure commune de base pour chaque bilan et de placer les fonctions du langage et de la communication dans le cadre global des évaluations des fonctions cognitives sans négliger l’importance des aspects de la personnalité du sujet. ♦ Remerciements Nous tenons à remercier : - Pierre Ferrand, pour sa précieuse expérience et pour sa confiance qui ont permis d’engager ce travail sur des bases solides. Elles nous ont permis d’atteindre le but que nous nous étions fixé. - Les auteurs : Audrey Colleau, Françoise Coquet, Isabelle Eyoum, Gilles Leloup, Philippe Lhuisset, Alain Ménissier, Bernard Roubeau, Thierry Rousseau, Monique Touzin, pour leur active participation à une mission commune qui a réclamé beaucoup de disponibilité, mais surtout un important potentiel de connaissances, de compétences et une expertise approfondie dans chacun de leurs domaines. - Marie-Pierre Thibault qui a assuré la synthèse et la coordination décisive de ces travaux. - Dominique Depoorter qui a efficacement entretenu le lien entre Ortho Edition et la société informatique Cixi et pour tout le travail de production du logiciel. Que tous ceux qui, de près ou de loin, ont soutenu cette entreprise et la création de Labo 2002 2, se retrouvent dans ces mots de reconnaissance. 2 Outil pédagogique soutenu par un financement FIF-PL dans le cadre de la formation continue des orthophonistes. 12 texte 212 10/01/03 14:45 Page 13 Le bilan du langage oral Françoise Coquet Résumé Le bilan de langage oral est une démarche d'évaluation qui se conçoit en fonction d'un modèle théorique de référence qui décrit le(s) trouble(s) du langage et l'étiologie, oriente les investigations et ultérieurement la prise en charge. Il a été retenu une analyse à trois niveaux qui sert de « parcours diagnostic » : évaluation des entrées (auditives, visuelles, kiné somesthésiques), des procédures de traitement (attention, mémoire, cognitif, linguistique/sémantique, métalinguistique, pragmatique…) et des sorties (production - praxies visuelles, production - praxies motrices, production - expression). Les outils d'évaluation retenus (tests, points de repères de développement, modalités d'observation) sont décrits et classés par domaines et par tranches d'âge. Sept protocoles de base sont proposés pour permettre un screening et servir de base à une étude longitudinale (enfants de moins de 3 ans, adolescents et adultes, articulation et parole, retard de langage, dysphasie, langage et communication, examen d'aptitudes à l'acquisition du langage écrit). Des fiches spécifiques ont été construites pour permettre une formalisation et une synthèse de données d'anamnèse, d'examens cliniques (articulation, parole, langage verbal) et de comportements de communication (comportement non verbal, capacités pragmatiques, interactions parents/enfant). Une mise en perspective des pathologies du langage (troubles spécifiques primaires, formes différentes de dysphasies, troubles secondaires - dans le cadre du handicap) permet de mettre en évidence les signes particuliers à rechercher au niveau de l'anamnèse et du bilan à proprement parler. La proposition d'aide au bilan se veut assez souple pour permettre une utilisation à différents niveaux (utilisation des protocoles de base, parcours diagnostic linéaire, parcours diagnostic à la carte, ajout de tests et de remarques, utilisation pour la rédaction du compte rendu). Mots clés : orthophonie, langage oral, communication, évaluation, enfant, adolescent, adulte, aide au bilan. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 13 texte 212 10/01/03 14:45 Page 14 Evaluation of oral language Abstract The assessment of oral language follows an evaluation procedure guided by a theoretical model. This model not only describes language disorders and their etiology, but it also directs explorations to be made and future treatment choices. We selected a three-step analytical procedure which defines a specific “diagnostic trajectory” : evaluation of input (auditory, visual, kinesomesthesic), evaluation of processing (attention, memory, cognitive, linguistic/semantic, metalinguistic, pragmatic…), and evaluation of output (production-visual praxes, production-motor praxes, production-expression). Evaluation tools (tests, developmental milestones, modalities of observation) are described and categorized according to areas tested and age. As a result, seven basic protocols are suggested that can be used for screening and for collecting data in longitudinal studies : children below the age of 3, adolescents and adults, articulation and speech, language delay, dysphasia, language and communication, readiness for written language skills). Special files were created which formalize and synthesize data concerning the history of the disorder, clinical exams (articulation, speech, verbal language), and communicational behaviors (non verbal behaviors, pragmatic skills, parent-child interactions). This type of perspective on language pathology (specific disorders-primary, different forms of dysphasia, secondary disorders-handicap) highlights those specific signs to look for, both in the process of taking the history and during the evaluation. This evaluation aid remains flexible enough to be used at different levels : use of basic protocols, linear diagnostic trajectory, “à la carte” diagnostic trajectory, additional tests and comments, use for report writing. Key Words : speech and language, oral language, communication, evaluation, child, adolescent, adult, evaluation aid. 14 texte 212 10/01/03 14:45 Page 15 Françoise COQUET Orthophoniste 163 rue Saint Albin 59500 Douai [email protected] ♦ La démarche de bilan du langage oral Cadre général : la démarche d’évaluation La rencontre avec l’orthophoniste lors du bilan part d’une demande qu’il convient de clarifier (qui demande ? pour qui ? pourquoi ? pour quoi faire ?). Cette demande [d’aide] est formulée suite à un problème, une difficulté rencontrée qui fait l’objet d’une plainte et d’une recherche de solution. Il s’agit pour l’orthophoniste d’objectiver la plainte dans le champ de la pathologie du langage. Le bilan du langage oral est une démarche d’évaluation. Qu’évaluet-on ? On évalue dans sa globalité un sujet. On cherche à estimer ses savoirs (ses connaissances de base dans différents domaines), ses savoir-être (son comportement), ses savoir-faire (ses stratégies cognitives ou physiques pour communiquer, s’exprimer et apprendre), ses représentations concernant le langage normal et sa propre difficulté. Il s’agit de : - faire un bilan d’ensemble de ce que le sujet est capable de faire ; - repérer des difficultés, des déficits, en découvrir l’origine, en étudier les répercussions sur l’autonomie, la communication, le langage et les apprentissages ; - proposer une orientation, une suite à donner (indication d’examen complémentaire, action d’accompagnement parental ou de surveillance, décision de prise en charge) ; - de définir éventuellement un projet thérapeutique en établissant une progression selon des objectifs précis, projet adapté à la personnalité du sujet, son âge, sa pathologie, ses potentialités et qui tient compte de la demande et de l’implication de l’entourage. 15 texte 212 10/01/03 14:45 Page 16 Modèles théoriques de référence Une démarche d’évaluation se conçoit en fonction d’un modèle théorique de référence qui décrit le(s) trouble(s) du langage et l’étiologie, oriente les investigations et les modalités de prise en charge. Pour ce qui concerne le langage oral, on peut distinguer différentes approches (liste non exhaustive) : - une approche en terme de « syndrome » : trouble du langage secondaire ou associé à un déficit sensoriel, moteur, mental, de développement de la personnalité… ou trouble spécifique (primaire) du développement du langage (critères diagnostiques du DSM IV American Psychiatric Association) ; - une approche centrée sur la compétence langagière à l’intersection de trois composantes : la forme du langage : comment dire ? le langage est un code ; le contenu : quoi dire ? le langage exprime des idées ; l’utilisation pour quoi dire ?, le langage est utilisé pour communiquer (modèle tridimensionnel de Bloom et Lahey, 1988) ; - une approche modulaire : le langage est le produit de l’intégration de plusieurs sous-systèmes : phonologie, lexique, morphosyntaxe, discours, pragmatique, auxquels s’ajoute un niveau métalinguistique (Rondal, 1997) ; - une approche qui s’inscrit dans une démarche psychothérapeutique (pédagogie relationnelle du langage, Chassagny, 1977) ; - une approche en terme de « dysfonction » d’habiletés spécifiques hiérarchisées : au niveau primaire sensori-moteur, au niveau secondaire gnosique et pra x i q u e, au niveau tert i a i re des opérations cog n i t ive s (démarche de la neuropsychologie). Architecture globale Le bilan de langage oral doit suivre une procédure rigoureuse quel que soit le type de trouble à évaluer ou le domaine de déficit. Il a été retenu une analyse à trois niveaux selon le tableau synoptique suivant, appliquée au bilan de langage oral. 16 texte 212 10/01/03 14:45 Page 17 ANALYSE DE LA DEMANDE ENTRETIEN D’ANAMNESE EVALUATION PROPREMENT DITE à trois niveaux 17 texte 212 10/01/03 14:45 Page 18 OBSERVATION DU COMPORTEMENT PSYCHOLOGIQUE DIAGNOSTIC ORTHOPHONIQUE PROPOSITION D’INTERVENTION ET OBJECTIFS THERAPEUTIQUES Outils Le choix du « point de vue » (critère) auquel on se place pour mener l’évaluation est primordial. En orthophonie et particulièrement pour le bilan de langage oral, trois modalités d’évaluation sont possibles : - une observation dite « naturelle » permettant un relevé (manuscrit, audio, vidéo) des comportements et des productions spontanés ; - une observation semi dirigée à l’aide d’une situation ou d’un matériel standardisés permettant des inductions pour faire émerger un certain type de réponses ; - des épreuves de tests qui ciblent un domaine spécifique ou des batteries de tests qui déterminent un profil global. L’évaluation doit permettre : - une appréciation qualitative et quantitative en référence à une norme chiffrée ou à une norme sociale ; 18 texte 212 10/01/03 14:45 Page 19 - l’élaboration d’hypothèses diagnostiques en cas de trouble ; - des procédures de réévaluation (pour estimer une progression, pour décider de l’arrêt d’une prise en charge…) - des études transversales et longitudinales par croisement de données comparables et standardisées (pour harmoniser les pratiques). L’observation entraîne le recueil d’informations à partir des comportements du sujet ou de ses productions de surface. Il est souhaitable de pouvoir en faire une synthèse et une analyse quantitative et qualitative. Des fiches spécifiques sont proposées (décrites ultérieurement). Le testing détermine soit un âge de développement, soit un écart par rapport à la moyenne des scores, soit une situation par rapport à une population témoin. Les tests actuellement disponibles (édités ou décrits dans des revues) ont été recensés. Chaque test est décrit dans le glossaire (nom – auteur(s) – année de publication – éditeur – âge d’application – étalonnage – objectifs – description et analyse). Le test est présenté avec différents paramètres. Place dans l’architecture Traitement Groupe de test Intitulé Cotation Age mini maxi Dénomination L2MA Vocabulaire Ecart type 8a6 8a 6 mois à -2ds +2ds 11ans 6 mois 11a6 A défaut de tests étalonnés, sont proposés des « points de repères de développement » (établis d’après une recherche bibliographique). Les termes techniques sont repris dans le glossaire et chaque point de repère est inscrit selon une présentation similaire à celle des tests. Place dans l’architecture Traitement Groupe de test Intitulé Pragmatique Répartition des bris de communication (3 ans) Cotation Age mini maxi Oui / Non >3a 19 texte 212 10/01/03 14:45 Page 20 Niveaux d'analyse L'analyse des données recueillies peut être menée selon différents axes : Analyse en terme de « connaissances » (analyse quantitative) * relevé (prise de note, enregistrement audio ou vidéo) de ce qui est compris ou produit (mots compris, utilisés, comportements…) de façon à constituer un « répertoire » ; * liste à cocher en termes de’oui’/’non',’présent’/’absent’ou’acquis’/’non acquis’/’en cours d'acquisition’; * calcul d'un nombre (rapporté à un total éventuellement) de choses connues, de comportements utilisés… * calcul d'un pourcentage d'erreurs ou de bonnes réponses ; * Mesure d'empan, de temps de réponse. Analyse en termes de « performances » (analyse statistique le plus souvent, en référence à une norme établie par rapport à un étalonnage réalisé sur un échantillon de population témoin d'une même classe d'âge, d'un même niveau de développement ou d'un même niveau scolaire ou professionnel) ; Calcul d'un score qui permet : * analyse en écart type (déviation standard) : le score du patient présente un écart par rapport à la moyenne des scores de la population d'étalonnage ; le seuil de la pathologie est fixé à -1,5 ou -2 écarts types ; * analyse en percentiles (déciles, quartiles, quintiles) : situation du sujet par rapport à ses pairs ; les sujets pathologiques sont au décile 1 (dans les 10 % des sujets qui obtiennent les scores les plus bas) ; * analyse en référence à une échelle normalisée à n classes : situation du sujet par rapport à ses pairs (note standard / note pondérée) ; * estimation d'un âge de développement ou d'un "quotient" de développement. Calcul d'un indice moyen (Longueur Moyenne des énoncés, Indice de Diversité Lexicale…) qui permet de situer le sujet dans une table de performances. Analyse en termes de « comportements » ou de « stratégies » (analyse qualitative) : * description des comportements ou stratégies observés (nature, qualité …) ; * appréciation en termes d'‘adéquation’/‘inadéquation’ à la situation, à la tâche, à l'interlocuteur, au message linguistique, aux objectifs / fonctions du langage… 20 texte 212 10/01/03 14:45 Page 21 Hypothèses diagnostiques : L’évaluation en langage oral doit permettre de préciser : - 1) la spécificité ou non du trouble : * troubles spécifiques du développement de la parole et du langage (définition de la CIM 10-O.M.S.) : « troubles dans lesquels les modalités normales d’acquisition du langage sont altérées dès les premiers stades du développement. Ces troubles ne sont pas directement attribuables à des anomalies neurologiques, des anomalies de l'appareil phonatoire, des troubles sensoriels, un retard mental ou des facteurs de l’environnement ». * troubles secondaires à des anomalies neurologiques, des anomalies de l'appareil phonatoire, des troubles sensoriels, un retard mental ou des facteurs de l'environnement. - 2) le type de trouble : La tradition orthophonique française distingue : * le trouble d’articulation : « erreur permanente et systématique dans l’exécution d’un mouvement qu’exige la production d’un phonème » (dictionnaire d’orthophonie, 1997). * le retard de parole : « toute altération de la chaîne parlée constatée dans les productions verbales de l’enfant à partir de quatre ans » (dictionnaire d’orthophonie, 1997). * le retard de langage : « toute pathologie du langage oral se manifestant par un développement linguistique qui ne correspond pas aux normes connues, se référant habituellement à l’âge ordinaire d’acquisition de telle ou telle structure » (dictionnaire d’orthophonie, 1997). * la dysphasie : « trouble développemental grave du langage se manifestant par une structuration déviante, lente et dysharmonique du langage, ainsi que des difficultés de manipulation du code entraînant des altérations durables dans l’organisation du langage à différents niveaux : phonologique, lexical, syntaxique, sémantique et pragmatique » (dictionnaire d’orthophonie, 1997). Chaque type de trouble doit être précisément caractérisé en fonction de sa symptomatologie : sigmatisme latéral sur /s/ /z/, dysphasie phonologique, syntaxique… - 3) le degré de sévérité 21 texte 212 10/01/03 14:45 Page 22 ♦ Aide au bilan Architecture de base : descriptif et objectifs Dans le cadre précédemment ébauché, le bilan de langage oral peut être envisagé selon le protocole suivant. ENTREES Perception auditive * évaluation incontournable quel que soit l’âge * le message que l’orthophoniste propose dans ses interactions ou les consignes données comporte : - des paramètres acoustiques (qualité de la voix de l’orthophoniste, intensité, émergence par rapport à un bruit de fond) - des caractéristiques linguistiques (longueur et structure des énoncés) dont il faut tenir compte au même titre que des réactions et perceptions du sujet. - audition (discrimination auditive) pour vérifier l’intégrité de la fonction sensorielle par des épreuves de dépistage d’un déficit auditif (réaction au son, appel au prénom, jouets sonores, voix chuchotée, répétition avec et sans lecture labiale) ; - gnosies auditives pour vérifier la qualité de l’intégration gnosique (loto sonore, épreuves de gnosies auditivo-phonétiques). Perception visuelle * vérifier au minimum la fixation et la poursuite visuelle * évaluation intéressante du point de vue de l’entrée dans les apprentissages * évaluation indispensable dans le cadre de l’examen d’aptitudes à l’acquisition du langage écrit * ne pas oublier que toute situation d’interaction a une composante perceptible visuellement (environnement, caractéristiques physiques de l’orthophoniste, matériel : jouets, images, écrits, composantes non verbales : mimogestualité, images labiales). - vision (discrimination visuelle) pour préciser les aptitudes de repérage (fixation et poursuite visuelle, exploration visuelle) ; - gnosies visuelles pour vérifier la qualité de l’intégration gnosique (identification d’images, de signes entremêlés ou identiques). 22 texte 212 10/01/03 14:45 Page 23 Perception kiné-somesthésique * évaluation importante si l’enfant est jeune, apparaît comme peu à l’aise dans sa gestualité ; * évaluation de l’aspect gnosique en bilan d’articulation / parole. - somatognosie globale (dessin, identification des parties du corps) ; - gnosies tactiles ; - gnosies linguales. TRAITEMENT Les procédures de traitement peuvent être évaluées au niveau de différentes composantes : Attention * évaluation importante dans le cadre de l’examen d’aptitudes à l’acquisition du langage écrit ; * évaluation importante chez le sujet hyperactif. - attention visuelle (épreuves de barrage) ; - attention auditive. Mémoire * composante à évaluer quel que soit l’âge du sujet au minimum par des épreuves de répétition ; * un examen approfondi doit évaluer la mémoire auditive, la mémoire de travail, la mémoire à court terme, la mémoire sémantique et la mémoire à long terme. - mémoire à court terme auditive : épreuves de rythme (reproduction de séquences rythmiques, codage des rythmes) et épreuves de répétition (de chiffres, de syllabes, de mots, de phrases) permettant une mesure d’empan ; - mémoire à court terme visuelle (signes orientés) ; - apprentissage et mémoire antérograde : épreuves permettant d’apprécier des procédures et des performances lors d’une tâche de rappel ; - mémoire à long terme. Traitement cognitif * sous-tend les conduites par rapport aux objets, personnes et événements ; * concerne les processus d’abstraction, raisonnement, analyse, synthèse et jugement ; * la passation d’épreuves d’un test instrumental permet de clarifier le diagnostic de troubles spécifiques du développement du langage ; * important à évaluer pour l’entrée dans les apprentissages. 23 texte 212 10/01/03 14:45 Page 24 - aptitudes : permettant de déterminer un niveau d’aptitudes (test sans langage ou épreuves cognitives) ; - logicomathématique : appréciation de la mise en place des schémas logiques de classification, sériation, inclusion, conservation ; - quantification : approche du concept de nombre ; - conceptualisation – raisonnement : compréhension et maniement des concepts abstraits, des stratégies de raisonnement. Traitement linguistique - sémantique * évaluation centrale pour le bilan de langage oral ; * concerne la représentation de cat é go ries d’objets, de personnes, d’états, d’événements, de sentiments, des propriétés de la réalité (dimensions, indications de temps, localisations dans l’espace) et des relations (impliquant a gents, patients, bénéficiaires, actions, états, processus, instruments) ; * doit prendre en compte les niveaux lexical, morphosyntaxique et discursif ; * doit évaluer le versant compréhension (représentation et accès au sens) et programmation (choix sémantiques et syntaxiques). Lexique - désignation et compréhension lexicale : pour évaluer le vocabulaire passif en termes d’étendue et de variété. - compréhension morphosyntaxique : épreuves de désignation ou de réalisation de consignes simples ou complexes. - dénomination pour évaluer le vocabulaire actif en termes d’étendue et de variété. - évocation et fluence pour évaluer le vocabulaire en termes d’accès. - définition et catégorisation pour évaluer le vocabulaire en termes de mise en réseaux (catégories, dérivation, association d’idées, explication). Morphosyntaxe - compréhension syntaxique (compréhension de consignes, de phrases à désigner sur images). - programmation morphosyntaxique (épreuves de closure, d’expression sur images, de manipulation de phrases). Discours - récit (récit sur images). - langage élaboré. 24 texte 212 10/01/03 14:45 Page 25 Traitement métalinguistique * évaluation indispensable dans le cadre de l’examen d’aptitudes à l’apprentissage du langage écrit, chez le grand enfant ou l’adulte - métaphonologie : dénombrement, identification, manipulation syllabique et phonémique, analyse, fusion ; - métalexique ; - métasyntaxe. Traitement pragmatique * composante habituellement peu explorée mais qui nécessite une évaluation au même titre que l’aspect formel et sémantique du langage. * le langage est utilisé pour communiquer ce qui demande une adaptation au contexte et à l’interlocuteur, le respect des règles conversationnelles et l’utilisation du langage dans un objectif précis (fonctions du langage). Pragmatique - peu de tests de pragmatique sont disponibles (traductions françaises d’épreuves en langue anglaise) ; - sont proposés des repères de développement (par âges) listés par habiletés pragmatiques (fonctions du langage, adaptation, régie de l’échange) ; - une grille pour formaliser l’observation (décrite ultérieurement). Interactions parents/enfants - sont proposés des repères et des comportements ; - une grille pour formaliser l’observation (décrite ultérieurement). Traitement / Composante non verbale * évaluation indispensable pour les enfants sans langage verbal ; * observation qui apporte souvent des informations précieuses sur l’état psycho-affectif du sujet ; * évaluation nécessaire quand est envisagée la mise en place d’un système augmentatif ou alternatif de communication. - sont proposés des repères en compréhension, imitation, production des indices mimo-gestuels et prosodiques ; - une grille pour formaliser l’observation (décrite ultérieurement). SORTIES Production – praxies motrices * évaluation intéressante du point de vue de l’entrée dans les apprentissages ; 25 texte 212 10/01/03 14:45 Page 26 * évaluation du graphisme indispensable dans le cadre de l’examen d’aptitudes à l’apprentissage du langage écrit ; * évaluation des praxies bucco-faciales et linguales nécessaire et complémentaire à l’examen de la parole et de l’articulation. - motricité globale : contrôle, ajustement et coordination ; - praxies gestuelles : copie d’attitudes, imitation de gestes ; - praxies bucco faciales et linguales ; - graphisme : dessin, écriture spontanée, copie. Production – praxies visuelles - spatiales * évaluation indispensable dans le cadre de l’examen d’aptitudes à l’acquisition du langage écrit. - praxies visuelles : épreuves de copie (de signes, lettres, figures géométriques), de labyrinthes Production – Expression * évaluation permettant un recueil et une analyse des productions de surface au niveau de l’articulation, de la parole et du langage ; * les épreuves de tests utilisées à ce stade sont souvent les mêmes que celles utilisées pour l’évaluation du traitement linguistique et sémantique ou mnésique (répétition), c’est le niveau d’analyse qui est différent. - analyse du babillage ; - épreuve d’articulation à compléter par un relevé des troubles et leur caractérisation (grille décrite ultérieurement) ; - épreuves phonologiques à compléter par un relevé des processus phonologiques altérés et des processus supra segmentaux (grille décrite ultérieurement) ; - épreuves de langage verbal permettant une analyse de corpus : longueur moyenne des énoncés, caractérisation du niveau de complexité syntaxique et relevé des processus morphosyntaxiques altérés, étude du récit et relevé des processus de récit altérés, analyse du vocabulaire (diversité, confusions…) (grille décrite ultérieurement) ; - comportement non verbal (grille décrite ultérieurement). ♦ Fenêtres communes à toutes les investigations Fenêtres « anamnèse enfant » ou « anamnèse adulte » Elles essaient de concilier : * prise de notes informelles lors d’un « entretien d’accompagnement et d’élucidation » (Estienne, 2002) qui permet de rencontrer le patient et 26 texte 212 10/01/03 14:45 Page 27 sa famille, l’aider à formuler sa plainte et préciser sa demande, appréhender son histoire et l’histoire de son trouble ; rubriques en champ libre : motif de la consultation, histoire du patient, histoire de la maladie, remarques. * renseignement de rubriques ciblées cases à cocher et à compléter : antécédents (médicaux et familiaux), repères de développement, niveau intellectuel, protocole de latéralité. Fenêtre « comportement psychologique » On y trouve : * des rubriques en champ libre pour appréhender la façon dont le sujet (et son entourage) vit [avec] le trouble « au niveau de l’être, de l’avoir, du faire, du savoir » (Estienne, 2002) rubriques comportement en situation de vie quotidienne décrit par le sujet, décrit par l’entourage. * des questions fermées pour mieux cerner : comportement, réactions en situation de test, style de communication, qualité de l’attention, nature des interactions avec l’orthophoniste (regard, distance interpersonnelle, compréhension des consignes, stratégies utilisées, besoin de renforcements…). ♦ Protocoles de base pour le bilan de langage oral : argumentaire Sept protocoles de base sont proposés pour permettre un screening et servir de base à une étude longitudinale. En fonction de l’âge : § Bilan du langage oral des enfants de moins de trois ans L’évaluation et la prise en charge précoce du jeune enfant présentant un trouble du langage oral est encore peu décrite dans la littérature. 27 texte 212 10/01/03 14:45 Page 28 Olswang et al (1998) proposent des « recommandations » pour la prise en charge précoce (avant 3 ans) des enfants présentant un trouble du langage et distinguent deux types d’indicateurs : * des facteurs de risques : - antécédents familiaux de troubles de la parole et du langage ; - épisodes prolongés et récurrents d’otites moyennes non traitées ; - facteurs liés aux parents en terme de niveau socio économique et culturel (défavorisé), de style d’interaction (directif) et de niveau d’inquiétude élevé. * des comportements langagiers et non langagiers à basses performances : - vocabulaire réduit et peu diversifié (en particulier pour les verbes) ; - décalage compréhension / production et retard de compréhension ; - difficultés d’ordre phonologique (structure syllabique non respectée, erreurs sur les voyelles, limitation du nombre de consonnes et de leur variété et erreurs dans leur réalisation) ; - imitation peu développée ; - peu de jeux à thèmes avec scénarios ou de jeux symboliques ; - problèmes de comportement (entrée dans le groupe, incitation de l’interaction, contacts avec les pairs). Le choix des items retenus a pris en compte ces éléments. § Examen du langage chez l’adolescent et l’adulte Le langage de l’adolescent et de l’adulte est peu décrit dans la littérature hormis dans un contexte de situation d’illettrisme, de problématique neurologique ou de vieillissement cérébral. Pour les sujets en situation d'illettrisme, D. Morcrette (1992) propose d'évaluer : - les capacités perceptives (reproduction de rythmes, répétition de logatomes, copies de signes orientés) ; - les capacités au niveau de la conscience phonologique ; - la mémoire de travail ; - les capacités de compréhension dans le domaine discursif ; - les capacités d'expression en particulier le langage explicite dans le récit. J.F. Huff (1992) a étudié les processus de vieillissement normal dans le passage de l'âge adulte à l'âge mûr. Il estime que les capacités d'utilisation du vocabulaire (en dénomination) restent stables voire s'accroissent alors que les stratégies de fluence (qui demandent soutien de l'attention, vitesse de récupéra- 28 texte 212 10/01/03 14:45 Page 29 tion et mise en place de stratégies cognitives conjointement à des stratégies lexicales) ont des performances qui diminuent. Au niveau morphosyntaxique, le traitement automatique de la phrase (par rapport à sa longueur et à sa complexité) est préservé alors que les processus actifs de traitement des inférences dans la compréhension des phrases isolées ou du récit comme la capacité à corriger une phrase syntaxiquement aberrante peuvent être altérés. Les items qui ont été choisis tiennent compte de ces éléments. En fonction d’une cible complémentaire § Examen d’aptitudes à l’acquisition du langage écrit La recherche de signes prédictifs de troubles des apprentissages ou d’un trouble du langage écrit fait l’objet d’une évaluation particulière. La lecture implique diff é rentes pro c é d u res de traitement de l’information : la reconnaissance et l’identification des mots écrits s’appuyant sur des pro c é d u res visuo-spatiales (perc eption, attention, discri m i n at i o n visuelle, identification de lettres) et des procédures auditivo-verbales (discrimination phonémique, répétition en particulier de non-mots, habiletés métaphonologiques) et sur la compréhension en relation avec des compétences d’ordre syntaxique et lexical sémantique permettant un accès au sens. Casalis (2000) évoque l’idée d’un déficit en conscience phonologique, dénomination rapide et mémoire à court terme phonologique lié à la dyslexie phonologique et l’idée d’un déficit conjoint au plan de la mémoire visuelle (reconnaissance des mots, des visages, ordre des stimuli) lié à la dyslexie de surface. Plazza (2000) isole des difficultés au niveau des compétences phonologiques (percevoir, isoler, manipuler les unités syllabiques puis phonémiques), des compétences mnésiques séquentielles (répéter des mots, des logatomes, des chiffres), des compétences syntaxiques (jugement de grammaticalité et correction), comme signes prédictifs de troubles de la lecture. Le choix des items retenus a pris en compte ces éléments. § Examen du langage et de la communication Face à des enfants sans langage ou avec des difficultés importantes d’entrée en relation il peut être nécessaire de cibler différemment l’évaluation. Le jeu et le dialogue président au développement de la compétence communicative et de la compétence linguistique. L’enfant, à travers le jeu, fait l’ex- 29 texte 212 10/01/03 14:45 Page 30 périence des liaisons entre action et langage en partage avec quelqu’un (attention conjointe). Winnicoot (1975) parle de « l’espace transitionnel du jeu ». Lors des routines interactives mère/enfant puis au cours des jeux symboliques, l’enfant : - découvre son corps, l’autre, les objets ; - intègre l’expérience, le senti, le vécu ; - découvre le tour de rôle ; - fait l’expérience de modalités pragmatiques de la communication (demander – de l’aide, un objet, une réponse, une information –, échanger – échange réciproque) ; - intègre des schèmes intonatifs, les différents genres du discours (raconter, expliquer, tenir une conversation) ; - parle de ce qui est « ici et maintenant » puis de ce qui est « ailleurs et à un autre moment » ; - découvre des mots et des structures syntaxiques (le code de la langue). la mère (l’adulte) dont les conduites sont orientées par l’agir et le dire de l’enfant : - donne signification aux gestes, aux productions, vocales ; - offre des objets ; - aide l’enfant à symboliser les actions. Objets et mots acquièrent une référence commune dans l’échange et la réciprocité des actes. Le choix des items retenus a pris en compte ces éléments. En fonction de la pathologie § Retard de langage Il n’existe pas une approche unique du retard de langage ni de critères diagnostiques évidents (en matière de particularité et de gravité des troubles). En fonction du champ disciplinaire des chercheurs qui s’y intéressent on distingue des conceptions différentes, de plus le retard de langage est souvent décrit en opposition à la dysphasie. Rondal (1997) évoque le terme de troubles fonctionnels et propose de mettre en évidence des critères de simplification au niveau : * phonologique (immaturité du système : les erreurs rappellent les altérations qui sont normales au cours du développement mais qui perdurent au delà de 4 ans) ; * lexical (manque d'étendue, de diversité et de précision) ; 30 texte 212 10/01/03 14:45 Page 31 * morphosyntaxique (persistance de formes archaïques du langage enfantin au niveau des articles, pronoms, termes de relation et des flexions verbales) ; * pragmatique (difficultés à investir un échange, adaptation retardée au contexte et à l'interlocuteur, informativité insuffisante). Le choix des items retenus a pris en compte ces éléments. § Dysphasie La re ch e rche de symptômes spécifiques (ou de « marq u e u rs de déviance ») doit permettre l’évocation d’un diagnostic de dysphasie (à confirmer par un examen multi disciplinaire). M o n fo rt (1996) rep rend l’idée de symptômes spécifiques pour la dysphasie : * non linguistiques : - cognitifs (fonction et jeu symboliques et construction d’images mentales déficitaires ou retardées ; difficultés mnésiques en mémoire séquentielle, auditive à court terme, verbale, de travail ; difficultés dans le domaine de l’espace et du temps ; hétérogénéité des résultats) ; - perceptifs (troubles de la discrimination fine, allongement du temps de latence) ; - psychomoteurs (difficultés praxiques, troubles de la latéralisation, immaturité des habiletés motrices) ; - comportementaux (troubles de l’attention, difficultés dans les relations affectives) ; - neurologiques mineurs. * linguistiques : - trouble de l’évocation lexicale (cf. Gérard, 1991) : manque du mot, paraphasies, conduites d’approche et persévérations ; - hétérogénéité lexicale manifeste ; - différence importante entre le niveau d’expression et le niveau de compréhension ; - troubles de la compréhension (cf. Gérard, 1991) : au niveau auditivoverbal (discrimination fine des sons), au niveau sémantique (différenciation des mots sémantiquement et morphologiquement proches) et au niveau syntaxique (découpage des mots, prise en compte des indices morphosyntaxiques et du langage complexe) ; - trouble de l’encodage syntaxique ne dépendant pas du lexique ni de la compréhension verbale ni de la mémoire immédiate (cf. Gérard, 1991) : incapacité à utiliser les règles syntaxiques et grammaticales 31 texte 212 10/01/03 14:45 Page 32 entraînant une dysyntaxie (erreurs de flexions verbales, de choix des déterminants ou des pronoms, de genre et nombre) ou un agrammatisme (juxtaposition de mots sans monèmes fonctionnels) ; - hypospontanéité verbale (cf. Gérard, 1991) : expression a minima, réduction de la longueur des énoncés, de leur structure et de leur variété ; - trouble de l’informativité (cf. Gérard, 1991) : difficultés à transmettre un contenu, à adapter le discours à la situation et à l’interlocuteur ; - dissociation automatico volontaire (cf. G é ra rd, 1991) : trouble aggravé par la répétition ou une situation dirigée ; - présence simultanée de différents niveaux de réalisation pour un même acte de langage. Il envisage aussi des caractéristiques de l’interaction familiale dans la fréquence des interactions, l’utilisation d’un style dirigiste, la contingence des réponses. Le choix des items retenus a pris en compte ces éléments. § Articulation et parole Van Borsel (in Rondal, 1999) distingue le trouble d’articulation du trouble de la parole sur un facteur linguistique. Le trouble phonétique (trouble d’articulation) est une incapacité à produire correctement au niveau moteur un phonème (trouble simple) ou plusieurs (trouble multiple) à un âge où le sujet devrait être capable de le(s) produire. Le trouble doit être spécifié en fonction des phonèmes concernés. Les causes de cette incapacité sont multiples et doivent être retrouvées : trouble auditif, trouble de la discrimination inter phonèmes (savoir si sa production est correcte ou non), trouble de la perception sensorielle au niveau du feed back tactile ou kinesthésique de la réalisation motrice, atteinte structurelle de l’appareil phonatoire ou lésion cérébrale entraînant paralysie ou apraxie. Le trouble phonologique (trouble de la parole) est une problématique qui concerne l’usage linguistique des phonèmes dans leur agencement en syllabes et en mots en dehors d’une atteinte des organes sensoriels, d’une symptomatologie neurologique ou d’une absence de stimulations linguistiques. Le trouble se caractérise par un usage prolongé des processus de simplification utilisés à un âge plus précoce (retard de parole), ou par des processus idiosyncrasiques de simplification instables, rares ou variables pour un même phonème, de complexification, voire une préférence sonore pour un seul type de phonème (trouble de parole). Le choix des items retenus a pris en compte ces éléments. 32 texte 212 10/01/03 14:45 Page 33 ♦ Fiches spécifiques : présentation § Fiche anamnèse langage oral (en complément de la fiche anamnèse enfant ou adulte) Permet de saisir des informations complémentaires concernant : - l’aspect global de la communication ; - des malformations éventuelles des organes phonateurs ; - des caractéristiques de l’audition ; - des caractéristiques de la vision ; - des antécédents familiaux de troubles du langage ; - une autre langue parlée dans la famille ; - des évaluations ou des prises en charge antérieures ou conjointes. § 3 Fiches de synthèse pour l’examen clinique et l’analyse des productions de surface Les grilles ont été établies à partir de l'expérience clinique, des travaux de Nicole Maurin pour l'examen de l'articulation, ceux de Shirley Vinter pour l'examen de la parole et de ceux de Pierre Ferrand pour l'examen du langage verbal. Un espace est proposé pour l'ajout de remarques, une conclusion. Examen clinique de l’Articulation A partir d'un relevé ou d'un enregistrement des productions du sujet, il faut préciser : - quels sont les phonèmes affectés (phonèmes classés par catégories) ; - la typologie du trouble (absence, substitution, [dé]sonorisation ou distorsion) ; - une altération particulière de l'ensemble du système. Il est important de noter s'il existe : - une particularité au niveau de la sphère bucco-faciale (maxillaires, dents, palais, voile…) ; - des facteurs associés (déglutition, praxies, gnosies, parole et langage) ; - un contexte particulier (audition, génétique, neurologie). Examen clinique de la Parole A partir d'un relevé ou d'un enregistrement des productions du sujet, il faut caractériser : - les processus phonologiques (substitutions, assimilations ou interversions de sons, altérations de la syllabe ou du mot) et quand ils se produisent (en spontané ou en répétition) ; 33 texte 212 10/01/03 14:45 Page 34 - les éléments prosodiques (timbre, intensité, débit – noter la présence d'un bégaiement –, accentuation, intonation). Examen clinique du langage verbal A partir d'un relevé ou d'un enregistrement des productions du sujet, il faut caractériser : - la compréhension verbale (qualité, modalité, difficultés spécifiques pour certaines structures) ; - le langage spontané (fluidité, informativité, intelligibilité) ; - le vocabulaire (étendue du stock lexical passif et actif, diversité, précision, capacité d'évocation) ; - la morphosyntaxe (niveau de base, processus altérés) ; - le discours (niveau de base, maîtrise, cohérence, cohésion, processus altérés). § 3 Fiches de synthèse concernant la communication Pour G. Bateson et l'école de Palo Alto (1950), « la communication est un processus social intégrant différents modes de comportements, la parole, le geste, la mimique, l'espace interindividuel … Chaque échange met en interaction un émetteur et un destinataire ». Trois grilles sont proposées pour formaliser et synthétiser les comportements non verbaux, les compétences dans le domaine de la pragmatique et les interactions parents/enfant. Un espace est réservé pour les remarques. Comportement non verbal Pour Corraze (1992), les signaux non linguistiques à valeur de communication sont les expressions faciales (qui traduisent les états émotionnels), le regard (qui signifie la disposition affective par rapport à l'autre et régule les échanges), le geste (à valeur expressive ou représentative), les postures (d'accueil ou de rejet), la proxémique (les rapports spatiaux entre les interlocuteurs) et les signaux paraverbaux. A partir d'une observation des comportements du sujet, il faut relever la présence en compréhension, en imitation, en production spontanée ou en production en réponse de caractéristiques concernant : - le comportement corporel global ; - la proxémique ; - les postures ; - le regard ; - les mimiques ; 34 texte 212 10/01/03 14:45 Page 35 - les productions vocales ; - les gestes (et leurs fonctions) ; - la prosodie ; - le dessin. Evaluation de la compétence pragmatique La compétence pragmatique est définie par Hupet (1996) comme la « capacité d’un individu à effectuer des choix contextuellement appropriés de contenu, de forme et de fonction ». Il faut repérer et analyser les comportements du sujet en termes : - d’intentionnalité (actes de langage primitifs ou fonctions du langage) ; - d’adaptation au contexte, à l’interlocuteur, au message linguistique ; - de régie de l’échange (tours de parole, thèmes et routines conversationnelles, prise en compte du feed back) ; - d’organisation de l’information (au versant compréhension comme au versant expression) ; Il faut mettre en évidence d’éventuels signes de déviance. Interactions parents/enfant La fiche a été établie à partir des travaux de Rondal (1983), Aimard (1991). La fiche se présente sous forme d’un tableau à double entrée permettant de mettre en parallèle les comportements des parents comme ceux de l’enfant : - situation spatiale des interlocuteurs ; - qualité de l’échange ; - mise en place du thème de l’échange ; - stratégies de retour ; - caractéristiques de la prosodie ; - choix en langage verbal ; - comportements non verbaux ; - contenu des messages. ♦ Mise en perspectives Il a semblé intéressant de mettre en parallèle différentes pathologies du langage oral : * troubles primaires (spécifiques) : trouble expressif phonologique (retard de parole), trouble expressif (retard de langage simple), trouble expressif - réceptif (dysphasie) (tableau 1) 35 texte 212 10/01/03 14:45 Page 36 * sémiologie des différents types de dysphasie (tableau 2) * troubles secondaires dans le cadre d'une surdité, d'une déficience mentale, d'une infirmité motrice cérébrale, d'un trouble de la personnalité, d'un syndrome génétique (tableau 3) de façon à souligner l'intérêt et l'importance de certaines évaluations et de mettre en évidence des signes spécifiques à l'un ou l'autre des troubles : - éléments d'anamnèse : antécédents personnels ou familiaux, développement psychomoteur, examen neurologique, niveau intellectuel, comportement psychologique, entrée en relation ; - bilan : entrées, traitement, sorties ; - pronostic. ♦ Glossaire Les ajouts et développements principaux concernent le domaine de la pragmatique. 36 texte 212 10/01/03 14:46 Page 37 37 texte 212 10/01/03 14:46 38 Page 38 texte 212 10/01/03 14:46 Page 39 39 texte 212 10/01/03 14:46 40 Page 40 texte 212 10/01/03 14:46 Page 41 41 texte 212 10/01/03 14:46 Page 42 REFERENCES ABADIE C., AIMARD P., 1991, Les interventions précoces dans les troubles du langage de l'enfant, Paris, Masson AIMARD P., MORGON A., 1983, Approche méthodologique des troubles du langage de l’enfant, Paris, Masson BELOT C., TRICOT M., 2001, Les tests en orthophonie, Isbergues, Ortho Édition CHEVRIE-MULLER C., NARBONA J., 1996, Le langage de l’enfant : aspects normaux et pathologiques, Paris, Masson Collectif d'auteurs, 2001, Langage oral et dysphasie de développement, in ANAE n° 61, Paris COQUET F., 2000, A propos du bilan de langage oral de l’enfant, in Entretiens d’Orthophonie, Paris COQUET F., 2000, Essai de modélisation de la démarche de bilan orthophonique, in GLOSSA n° 74, Isbergues CORRAZE J., 1980 et publications ultérieures, La communication non verbale, PUF, Paris COSTERMAN J., HUPET M., pour revue, Dimensions pragmatiques, in RONDAL J.A. et THIBAUT J.P., 1987, Problèmes de psycholinguistique, MARDAGA, Bruxelles DE WECK G. et al, 1996, Troubles du développement du langage : perspectives pragmatiques et discursives, Lausanne, Delachaux et Niestlé. DSM IV : Diagnostic in Statistical Manual of Mental Disorders, American Psychiatric Association ESTIENNE F., 2002, Discours de la méthode, in Ortho magazine n° 41 (dossier), Paris FERRAND P., Cours en formation permanente sur le bilan de langage oral FERRAND P., TREANTON A.M., 1983, Le bilan orthophonique, Isbergues, Ortho Édition GILLET P. et al, 2000, Neuropsychologie de l’enfant : une introduction, Marseille, Solal HUFF J. F., M.D., 1992, Le langage dans le vieillissement normal et celui lié aux maladies neurologiques, in Glossa n° 28, Paris LAHEY M., 1988, Language disorders and language development, New-York, Mac Millan Publishing Company MAURIN N., 1993, Rééducation des troubles articulatoires isolés, Isbergues, Ortho Édition MORCRETTE D.,1992, Difficultés et Moyens dans la lutte contre l'Illettrisme Isbergues, Ortho Édition OLSWANG B., RODRIGUEZ B., TIMLER G., 1998, Recommanding Intervention for Toddlers with Specific Language Learning Dificulties in American Journal of Speech Language Pathology Vol. 7 PLAZA M., 2000, Composantes cognitives et linguistiques des troubles du langage. Intérêt du dépistage et du diagnostic précoce. Actes du colloque de la Sorbonne du 10-11-2000. Paris. POUECH F.,1997, Les compétences communicatives : étude de cas, in Glossa n° 55 RONDAL J.A., 1997, L’évaluation du langage, Sprimont, Mardaga. RONDAL J.A., 1983, L’interaction adulte/enfant et la construction du langage, Mardaga, Bruxelles RONDAL J.A. et SERON X., 1999, Troubles du langage Bases théoriques, diagnostic et rééducation, Sprimont, Mardaga ROUSTIT J., 2001, Le bilan orthophonique, in L’Orthophoniste n° 206 (dossier), Isbergues VINTER S., Cours en formation permanente sur le développement de la parole WINNICOTT D.W., 1975, Jeu et réalité, Paris, Gallimard 42 texte 212 10/01/03 14:46 Page 43 Evaluation du langage écrit Monique Touzin Résumé L’évaluation du langage écrit chez l’enfant nécessite en premier lieu, après avoir vérifié la vision et l’audition, de s’assurer de la bonne qualité des gnosies visuelles et auditives. Le traitement de ces informations visuelles et auditives dépend de capacités attentionnelles et mnésiques, ainsi que de compétences linguistiques (lexicales, syntaxiques, métaphonologiques), qui permettront la production de la lecture ou de la transcription. Tous ces domaines seront évalués lors du bilan qui consistera à analyser les difficultés (sur le plan quantitatif et qualitatif), à les interpréter en fonction des modèles cognitifs et à mettre en évidence les compétences et compensations possibles. Mots clés : perception, traitement, production, lecture, transcription, tests, compétences. Evaluation of written language skills Abstract After conducting a visual and hearing check up, the evaluation of written language skills in children requires an assessment of the quality of visual and auditory gnosis. Adequate processing of visual and auditory information relies on and uses attentional and memory skills, as well as linguistic skills (lexical, syntactical, metaphonological), all needed for the production of reading and writing. The speech and language evaluation will explore these areas, analyze existing problems ( both from a qualitative and quantitative standpoint), interpret them according to cognitive models, and highlight competencies and possible areas of compensation. Key Words : perception, therapy, production, reading, transcription, tests, competencies. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 43 texte 212 10/01/03 14:46 Page 44 Monique TOUZIN Orthophoniste CHU de Bicêtre Unité de rééducation neuropédiatrique 78, rue du Général Leclerc 94275 Le Kremlin Bicêtre Cedex [email protected] L es recherches des dernières années montrent bien la complexité de l’acquisition de la lecture chez le sujet normal. En conséquence, la suspicion d’un trouble d’acquisition de la lecture ou la constatation de difficultés certaines dans l’apprentissage nécessitent une évaluation précise et détaillée devant conduire à des hypothèses quant à la nature de ce dysfonctionnement. Toutes les dyslexies ne sont pas identiques et n’ont pas à leur origine le même déficit. La compréhension de la nature du trouble permettra à l’orthophoniste de conduire une rééducation adaptée. L’évaluation se situe à plusieurs niveaux : - évaluation quantitative permettant de situer l’enfant par rapport à une norme (soit la norme de sa classe soit celle de son âge). Rappelons que la dyslexie se définit entre autres par un retard d’au moins 18 mois de l’âge de lecture. - évaluation qualitative dans laquelle déficits et compétences sont interprétés en fonction des modèles cognitifs de la lecture. Cette analyse devra permettre de poser des hypothèses quant aux dysfonctionnements et donc d’orienter la rééducation. L’évaluation n’a pas uniquement une visée diagnostique. Elle permet également au cours de la rééducation d’évaluer les progrès de l’enfant et donc de juger de l’efficacité de la rééducation, des outils et des stratégies employés. L’évaluation du langage écrit : Elle comporte plusieurs parties dont le recueil de l'anamnèse et l’examen clinique. L’analyse des résultats conduit à la formulation d’hypothèses diagnostiques et rééducatives qui feront l’objet d’un compte-rendu argumenté. ♦ L’anamnèse Elle permet de retracer l’histoire développementale de l’enfant dans laquelle s’inscrit l’histoire des troubles (date d’apparition, répercussions, ayant 44 texte 212 10/01/03 14:46 Page 45 conduit à quels types de consultations…). Elle devra comporter des informations sur les antécédents personnels (médicaux et de troubles du langage) et familiaux (notamment de troubles des apprentissages). Des info rm at i o n s concernant le cursus scolaire seront également utiles (redoublements éventuels), de même que celles concernant les prises en charge passées et/ou actuelles. ♦ L’examen clinique On sait maintenant que certains déficits au niveau du langage oral peuvent entraîner des troubles d’acquisition de la lecture. Le langage écrit partage donc certaines compétences avec le langage oral, ce qui nécessite d’en faire l’examen. L’évaluation portera sur : la perception (visuelle et auditive), le traitement des informations (sur le plan phonologique, syntaxique, lexical, nécessitant également des compétences mnésiques, attentionnelles) et la production (lecture et transcription). Evaluation des troubles de la lecture : Sur le plan perceptif, il faut s’assurer de la bonne qualité des gnosies visuelles (figures entremêlées, Reversal) et auditives (EDP 4-8, G.A.P.), ellesmêmes dépendantes des processus attentionnels (tests de barrage pour le versant visuel). De la qualité de ces perceptions visuelles et auditives vont dépendre les possibilités de traitement de l’information. Cette analyse peut être effectuée à l’intérieur de l’examen psychologique. L’identification du mot écrit, à partir de sa perception, va nécessiter plusieurs niveaux de traitement qui devront être évalués séparément, selon la stratégie utilisée par le lecteur. - chaque unité graphique est convertie en sons, qui après fusion, vont constituer des syllabes. Ces syllabes maintenues en mémoire de travail vont ensuite être assemblées en mots. La forme phonologique ainsi obtenue par assemblage sera comparée avec une forme phonologique stockée dans le lexique et qui est associée à un sens. Plusieurs niveaux devront donc être évalués : l’identification des graphies (différencier les lettres proches par leur forme ou leur orientation spatiale), la reconnaissance visuelle des graphèmes (reconnaissance individuelle et bonne segmentation des différents digraphes, trigraphes), leur conversion en phonèmes correspondants, la fusion de plusieurs sons en syllabes, la possibilité de maintien en mémoire de travail, la reconstruction de la forme phonologique du mot, l’accès au sens (dépendant du niveau lexical du lecteur). 45 texte 212 10/01/03 14:46 Page 46 Les orthophonistes ont à leur disposition un certain nombre de tests pour évaluer ces différentes composantes : la BELEC (batterie d’évaluation du langage écrit) permet d’évaluer les connaissances sur les graphèmes et les conversions en phonèmes, les compétences de perception de la parole et de mémoire phonologique de travail (répétition de pseudo-mots), les habiletés métaphonologiques (inversions et soustractions syllabiques et phonémiques, acronymes auditifs). Elle teste également l’identification des mots (variant en longueur, complexité et fréquence) et des non-mots (variant en longueur et complexité). L’interprétation des résultats tient compte à la fois du nombre et du type d’erreurs, mais aussi du temps d’identification. Ce test est actuellement étalonné pour les CE1 et CM1, mais l’analyse qualitative reste de première importance quelle que soit la classe. Dans la batterie L2MA (Langage oral, langage écrit, mémoire, attention), on trouve également des épreuves testant la perception de la parole (répétition de mots difficiles), l’attention continue (test de barrage visuel), les différentes mémoires (rappel immédiat et différé de mots avec et sans aide visuelle, séquences de chiffres à l’endroit et à l’envers), la lecture par assemblage (lecture de mots sans signification), l’évocation et le lexique (épreuves de fluences phonétique et sémantique, antonymes, dénomination). Ces épreuves sont étalonnées du CE2 au CM2, mais également par âge (9 et 10 ans). Dans le LMC-R (lecture de mots, compréhension), on trouve une épreuve d’identification de mots écrits (IME), dans laquelle l’enfant doit juger de l’adéquation d’une forme écrite avec l’image. L’enfant qui lit par assemblage risque d’accepter des formes phonologiquement correctes, mais orthographiquement altérées (homophones graphiques) et de rejeter les formes comportant des perturbations graphiques par ajout, suppression ou substitution de lettres. Ce test est étalonné du CE1 à la 5e. - Le mot est identifié par adressage, c’est-à-dire par appariement direct de la forme perçue visuellement à une représentation orthographique stockée dans le lexique orthographique d’entrée, ce qui permet ensuite de récupérer le code phonologique correspondant (stocké dans le lexique phonologique de sortie) et d’avoir accès au sens. L’efficacité de cette stratégie dépend de bonnes compétences visuo-attentionnelles, d’une bonne perception et d’un bon stockage de l’information visuelle. Elle nécessite en outre des liens entre forme phonologique et sens. Plusieurs épreuves testent l’efficacité de cette procédure : la BELEC en proposant l’identification de mots de longueur, fréquence et régularité différentes (dans les listes MIM (mécanismes d’identification de mots) et REGUL (mots réguliers et irréguliers), la L2MA dans les listes MRE (mots réguliers) et MIR (mots irréguliers). On trouve également 46 texte 212 10/01/03 14:46 Page 47 dans le LMC-R une épreuve de reconnaissance de mots (IME, identification de mots écrits). Que l’identification de mots se fasse par assemblage ou adressage, l’accès au sens dépend de compétences linguistiques lexicales et syntaxiques, entre autres. Il convient donc d’évaluer à l’oral, le lexique actif et passif de l’enfant, par des épreuves de vocabulaire issues des batteries déjà décrites, ou d’épreuves indépendantes comme le TVAP, l’EVIP ou le VOCIM. Concernant la syntaxe, la batterie L2MA propose quelques épreuves de compréhension morphosyntaxique (CCC : compréhension des consignes complexes). On peut également citer d’autres tests comme le O-52, l’ECOSSE ou le NSST. Ces tests évaluent la compréhension orale, certains auteurs affirmant le caractère non spécifique de la compréhension du langage écrit. Il existe également un certain nombre d’épreuves évaluant directement la compréhension du matériel écrit. Ainsi, dans la L2MA, on trouve une épreuve de compréhension morpho-syntaxique (LMS) avec 4 planches (pronoms personnels compléments et phrases enchâssées), épreuve également présente dans le LMC-R (CL : compréhension en lecture), avec 21 énoncés pour les enfants les plus jeunes auxquels s’ajoutent 11 énoncés pour les plus âgés. D’autre épreuves complètent cette évaluation de la compréhension : notamment dans la L2MA une lecture-flash (LF) dans laquelle il faut choisir parmi plusieurs mots celui qui complète correctement la phrase proposée, une lecture puzzle (PUZ) qui consiste en la remise en ordre des paragraphes d’un texte (en lecture silencieuse), une lecture-compréhension « les Ours », dans laquelle l’enfant doit remettre les textes sous les images correspondantes de l’histoire. Beaucoup d’autres batteries de tests proposent des épreuves de compréhension de lecture, comme l’ANALEC, ORLEC, BATELEM-D, ainsi que Claire et Bruno, Jeannot et Georges, Le Poucet. Cette compréhension est testée à partir de phrases à compléter, de questions sur un texte, de récit du texte lu). La vitesse de lecture témoigne de l’automatisation des différentes stratégies. C’est pourquoi un certain nombre d’épreuves permettent de mesurer la vitesse de lecture (« leximétrie »), comme l’« Alouette », « la pipe et le rat », … et de déterminer un âge de lecture. On trouve également dans la LMC-R une épreuve de lecture en une minute (LUM), qui permet de mesurer le niveau d’automatisation de l’identification du mots à travers la vitesse. Ces épreuves ne tiennent pas compte de la compréhension. Le temps d’identification des mots permet également de savoir quelle est la stratégie utilisée par l’enfant (l’adressage permet une reconnaissance très 47 texte 212 10/01/03 14:46 Page 48 rapide, le temps n’est pas fonction de la longueur du mot, l’assemblage se fait plus lentement et le temps d’identification est proportionnel à la longueur et à la complexité du mot). C’est pourquoi les épreuves d’identification de mots de la BELEC sont chronométrées. Des protocoles de recherche sont en cours d’élaboration qui permettront de mesurer les temps de latence avant réponse ou les temps de lecture de mots différant par leur lexicalité et leur régularité. La transcription Les compétences impliquées dans l’orthographe sont en partie identiques à celles déjà décrites pour la lecture. On distingue plusieurs types d’évaluation de l’orthographe : - la transcription de non-mots : l’épreuve LOG de la L2MA propose la transcription de 15 non-mots constitués de syllabes complexes et de disyllabes. Ce type d’épreuve permet d’évaluer les compétences d’assemblage, c’est-à-dire de conversion phonographémique. - la transcription de mots : c’est le cas de l’épreuve ORTH3 de la BELEC, (les mots manquants dans les phrases étant dictés à l’enfant), de l’évocation écrite dans l’ANALEC, de la transcription de mots de l’ORLEC (sous dictée ou en évocation). Ces épreuves permettent d’évaluer le stock orthographique de sortie. - la transcription sous dictée de phrases, étalonnées selon l’âge ou la classe : ANALEC, BATELEM-D, ORLEC. - la transcription sous dictée de textes, étalonnés selon l’âge ou la classe : « Le Corbeau » (L2MA) étalonnée du CE2 au CM2 et de 9 à 10 ans, « Le Marché », étalonné du CE1 à la 6e… - la transcription libre de texte : « Les ours » (dans la L2MA), permettant notamment d’explorer les capacités morphosyntaxiques. D’autres éléments vont pouvoir être analysés dans la transcription de phrases et de textes, notamment la notion de segmentation de la phrase en mots, l’orthographe dite grammaticale. La transcription de phrases et de texte confronte l’enfant à plusieurs tâches simultanées, ce qui permet d’évaluer le niveau d’automatisation de certaines de ces tâches (conversions phonographémiques, accès au lexique orthographique…). Dans toutes ces épreuves, il y a différents niveaux d’analyse : - l’analyse des compétences, qu’elles soient phonétiques (transposition phonographémique), lexicales (stock orthographique de sortie), grammaticales (application des règles), de récit (formulation des idées, informativité dans le récit libre). Ces compétences sont elles-mêmes dépendantes de capacités de perception de la parole, de mémoire de travail, 48 texte 212 10/01/03 14:46 Page 49 d’attention… Les étalonnages permettent de situer l’enfant par rapport à son groupe d’âge ou sa classe. - le degré d’automatisation de l’écrit (accès au lexique orthographique) : si celui-ci est bon, cela libèrera de l’espace cognitif pour que l’enfant puisse réfléchir sur l’écrit, notamment pour appliquer les règles grammaticales, il gagnera en rapidité et donc en fonctionnalité. - l’analyse des stratégies : compensation, relecture, autocorrections. Le graphisme Le passage à la transcription nécessite le maniement de compétences graphiques, comme la tenue du scripteur et son maniement, la production de traces graphiques précises dont le tracé est parfois complexe (enchaînement des lettres, précision, régularité, sens du tracé…). Certains auteurs ont noté que plusieurs sujets dysorthographiques se caractérisaient par une écriture de mauvaise qualité ou difficilement lisible (Temple, 1986 ; Seymour, 1987). Toutefois il ne semble pas y avoir de lien nécessaire entre dysorthographie et dysgraphie. Cependant, la production du langage écrit requérant une forte charge attentionnelle, toute augmentation de cette charge (par confrontation à des mots orthographiquement complexes à transcrire par exemple) est susceptible d’augmenter la probabilité d’apparition de manifestations pathologiques (Zesiger, 1995). Quand l’enfant présente des difficultés de production graphique, touchant la lisibilité du tracé ou la rapidité d’écriture, il convient de demander un bilan psychomoteur ou ergothérapique. Il est alors important d’évaluer la latéralité : certains tests simples peuvent être utilisés comme les épreuves de Préférence Manuelle chez l’enfant de Agostini et Dellatolas. Ces tests permettent de connaître la latéralité de la main, mais aussi de l’œil ou du pied pour savoir si l’enfant est latéralisé de façon homogène. Les aptitudes grapho-motrices peuvent être évaluées à partir d’épreuves comme la reproduction de la figure de Rey, ou le VMI. ♦ Interprétation des résultats Les résultats des différentes épreuves devront être interprétées en référence à un modèle neuropsychologique du fonctionnement de la lecture, pour permettre l’identification des procédures déficientes et/ou efficientes. Plusieurs types de résultats seront obtenus : - des résultats quantitatifs qui permettront de situer les performances de l’enfant par rapport à une norme (que ce soit d’après le nombre d’erreurs commises, le temps de lecture ou la compréhension) ; 49 texte 212 10/01/03 14:46 Page 50 - des résultats qualitatifs qui porteront sur le type d’erreurs commises, sur les variations de temps d’identification selon les stimuli (par exemple selon la longueur, la fréquence, la régularité, la complexité), sur la compréhension (intégration syntaxique, sémantique, pragmatique). ♦ Hypothèses diagnostiques De cette analyse vont découler les hypothèses diagnostiques : difficultés perceptives visuelles ou auditives ne permettant pas de prendre les bons indices, identification des compétences déficitaires ne permettant pas l’utilisation de telle ou telle stratégie de traitement des perceptions pour aboutir à l’identification des mots (assemblage ou adressage), à la compréhension du texte, à la production d’écrits. Cette analyse permet donc d’identifier les déficits, de les quantifier, d’en évaluer les répercussions sur le fonctionnement du langage écrit et éventuellement les compensations spontanément développées par l’enfant (compensations efficaces ou non). Elle permet de différencier les types de dyslexiesdysorthographies, en référence aux modèles neuropsychologiques, en situant le niveau et l’importance de l’atteinte. ♦ Rédaction du compte-rendu Toute évaluation doit faire l’objet d’un compte-rendu, indispensable pour l’élaboration du diagnostic et qui servira à l’orthophoniste pour déterminer les axes de rééducation et pour évaluer l’évolution de l’enfant. D’après les recommandations de l’ANAES, « le compte-rendu de bilan orthophonique mentionne les tests utilisés et leurs résultats, est adressé au médecin prescripteur du bilan. Il doit être écrit, argumenté et clairement explicité. Il doit également préciser le projet thérapeutique, les objectifs thérapeutiques et éventuellement suggérer des investigations complémentaires ». ♦ Projet thérapeutique Une fois formulées les hypothèses quant au dysfonctionnement, il est important de définir un projet thérapeutique qui pourra porter sur le rétablissement des procédures déficientes en développant les compétences nécessaires, ou instaurer des compensations, en automatisant des stratégies. ♦ Conclusion L’évaluation a une place importante tant pour le diagnostic que pour la rééducation. Elle doit permettre de quantifier et qualifier les déficits, pour 50 texte 212 10/01/03 14:46 Page 51 contribuer au diagnostic. Mais elle a aussi pour but de déterminer les interventions rééducatives possibles. Ces hypothèses diagnostiques reposent sur la connaissance des modèles de lecture et la compréhension des dysfonctionnements et de leurs répercussions. L’évaluation permettra également au cours du traitement de juger de la progression de l’enfant, en comparant, à différents moments de la rééducation, ses performances à des épreuves standardisées, et de juger du moment de l’arrêt de la rééducation. Il ne faut pas non plus négliger le fait que les études longitudinales qui manquent en France sur le sujet des troubles des apprentissages du langage écrit, ne pourront se faire qu’à partir de données issues des évaluations des enfants. REFERENCES Alouette : P. Lefavrais, 1967, ECPA ANALEC : Analyse du savoir lire de 8 ans à l’âge adulte, A. Inizan, 1991, EAP BATELEM-R : Batterie d’épreuves pour l’école élémentaire, M. Savigny et coll, 2001, EAP BELEC : Batterie d’évaluation du langage écrit. J.Alegria, A. Content, J. Leybaert, J. Morais, P. Mousty, 1994. Laboratoire de Psychologie Expérimentale, Université Libre de Bruxelles, 50 Avenue F. D.Roosevelt, CP 191, 1050 Bruxelles, Belgique Claire et Bruno : Test d’efficience en lecture au CP, C. Giribone, M. Hugon, 1987, ECPA EDP 4-8 : Epreuve de discrimination phonétique des 4-8 ans, Autesserre, 1988, EAP Epreuve de Préférence manuelle chez l’enfant : De Agostini M., Delatollas G., 1988 EVIP : Echelle de vocabulaire en images Peabody, C.M. Thiériault-Whalen, L.M. Dunn, 1983, EAP Figure de Rey : test de copie d’une figure complexe, Rey A., 1959, ECPA GAP : Epreuves testant les gnosies auditivo-phonétiques. Etalonnage chez l’enfant de 4 et 5 ans. ChevrieMuller C., Ballan B., Simon A.M., Ossos Y., Hourdin C., Houssin N. : 1979, EAP Jeannot et Georges : G. Hermabessière, H. Sax, 1972, ECPA L2MA : Langage oral, Langage écrit, Mémoire, Attention, C. Chevrie-Muller, A.M. Simon, S. Fournier, 1997, ECPA La pipe et le rat : L’évaluation du savoir lire, P. Lefavrais, 1986, EAP Le Marché : Epreuve d’orthographe RUP, T. Simon, Revue belge de psychologie et de pédagogie, tome 42, n° 170, 1956 Le Poucet : Epreuve de lecture, T. Simon, 1968 LMC-R : Lecture de mots et compréhension, A. Khomsi, 1999, ECPA NSST : Northwestern Syntax Screening Test, C. Chevrie-Muller, C. Guidet, A.M. Simon, F. Weil-Halpern, 1983, EAP O-52 : Evaluation des stratégies de compréhension en situation orale, A. Khomsi, 1987, ECPA ORLEC : Orthographe Lecture, M. Lobrot, 1988, EAP Reversal : Edfeldt A.W., 1970, ECPA TVAP : Test de Vocabulaire Actif Passif, J.J. Deltour, 1980, EAP VMI : Developmental Test of Visual-Motor Integration, Beery K.E., 1967 VOCIM : Test de vocabulaire en images, Y. Lege, P. Dague, 1989, ECPA 51 texte 212 10/01/03 14:46 Page 52 texte 212 10/01/03 14:46 Page 53 Le bilan vocal Bernard Roubeau Résumé Au cours du bilan vocal sont abordés avec le même intérêt la production acoustique, le geste vocal, le « schéma corporel vocal » et l’« écologie » de la production. L’aspect acoustique de la voix est analysé d’un point de vue perceptif et instrumental. L’analyse instrumentale utilise des logiciels de traitement du signal qui présentent un intérêt certain à condition d’en connaître les propriétés et les limites. Le degré d’enracinement du trouble et l’ensemble des transformations qui y sont rattachées aussi bien physiques que psychiques, voire sociales sont pris en compte car ils constituent un pôle important de la prise en charge. Mots clés : acoustique, geste vocal, GRBAS, évaluation perceptive, évaluation instrumentale. Assessment of vocal functions Abstract An assessment of vocal functions must include all of the following : acoustic production, vocal gesture, “vocal body schema”, and “ecology” of production. The acoustic dimension of voice is analyzed from both the perceptual and instrumental points of view. The instrumental part of the evaluation uses software designed for signal processing ; these tools are quite useful as long as one knows their properties and recognizes their limits. How entrenched the disorder is, and all the transformations that are related to it (whether physical, psychological or social), must be taken into account as these factors strongly determine the way the disorder is treated. Key Words : acoustic, vocal gesture, GRBAS, evaluation of perceptual skills, instrumental evaluation. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 53 texte 212 10/01/03 14:46 Page 54 Bernard ROUBEAU Orthophoniste, Docteur es Sciences Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale Hôpital Tenon 75020 Paris [email protected] L’ évaluation de la phonation au cours du bilan vocal a pour but : - l’étude de la production sonore ; - l’observation de la fonction, c’est-à-dire de l’ensemble des phénomènes moteurs et sensitifs impliqués dans la production vocale ; - mais aussi l’analyse de son «écologie» physique et psychique. Si l’aspect acoustique est parfois délicat à décrire, les deux autres le sont plus encore, sans compter que leur importance est souvent sous-estimée. A l’heure où nous cherchons un vocabulaire commun pour approcher les multiples évaluations en orthophonie, celui qui concerne la voix n’est pas le plus facile à trouver. A propos de cette fonction principalement motrice, les modèles théoriques ne sont pas aussi développés que ceux qui concernent le langage. L’exploration de la voix ne peut respecter le schéma : « entrée, traitement, sortie » applicable aux autres fonctions telles que le langage oral et écrit ou le calcul. L’évaluation est donc principalement une observation et une description des productions, des gestes et des comportements, plutôt que l’application de véritables tests élaborés et standardisés aux résultats étalonnés. Le souci actuel d’homogénéisation des outils d’évaluation des pathologies et des pratiques est l’occasion, non pas de réduire le champ d’investigation mais de l’ouvrir en replaçant cette fonction dans celle plus vaste qu’est la communication. C’est l’ensemble de cette dernière, qui doit également être prise en compte aussi bien lors de l’évaluation que lors de la rééducation. Si le bilan est souvent et à juste titre considéré comme le premier pas vers la prise en charge rééducative, il joue ici une place considérable car il donne en grande part la direction et l’esprit de cette prise en charge. 54 texte 212 10/01/03 14:46 Page 55 ♦ Circonstances d’apparition ou de développement de la pathologie vocale Il n’est pas question ici de se contenter de la simple dichotomie entre dysphonie organique ou fonctionnelle, mais d’approcher le type de transformation que présente la voix, le geste vocal ainsi que la relation que le patient entretient avec cette fonction. Si l’approche est très différente entre un patient ayant subi une laryngectomie totale et un patient ayant subi une laryngectomie partielle, elle l’est beaucoup moins entre une dysphonie fonctionnelle avec complication organique et une autre sans complication organique. Ce qui est recherché à travers le développement de la pathologie est le degré d’enracinement à tous les niveaux de la dysfonction. Dans le cas des immobilités laryngées par exemple, l’ancienneté de l’atteinte et l’importance des dysfonctionnements développés depuis son apparition sont étroitement liés. Le degré d’« ancrage » qui en découle orientera la prise en charge. Tant au niveau de l’évaluation que de la rééducation, les approches seront donc différentes si le problème vocal est consécutif à un événement traumatique ponctuel sans passé dysphonique tel qu’à la suite d’une intervention chirurgicale récente ou au contraire si le problème vocal est installé depuis longtemps. C’est au cours de l’interrogatoire que nous recueillons par ailleurs des informations précieuses sur la conscience que le patient a de son trouble et sur l’ensemble des comportements aussi bien physiques que psychiques et sociaux qui sont liés à son problème vocal. ♦ Evaluation de la production vocale Evaluation perceptive Nous ne ferons pas l’inventaire de tous les paramètres évalués au sein des items proposés au patient tel que la voix conversationnelle, forte, chantée, la lecture berceuse et d’autres types de production. Signalons seulement qu’en plus de la description analytique classique il existe quelques échelles d’évaluation qui utilisent un vocabulaire commun. Le GRBAS est une évaluation perceptive et subjective d’un certain nombre de paramètres vocaux caractérisant la dysphonie. Ces paramètres sont, en anglais, respectivement, Grade (sévérité), Roughtness (raucité), Breathy (bruit de souffle), Astheny (faiblesse) et Strained (serrage et forçage). 55 texte 212 10/01/03 14:46 Page 56 Les cinq paramètres sont côtés de 0 à 3, normal (0), altération maximale (3). Il s’agit là d’une évaluation grossière effectuée par le thérapeute mais qui a l’intérêt de considérer des critères connus de tous. Ce type de grille permet une transmission aisée de l’information concernant la production vocale et un suivi de son évolution grâce à un vocabulaire limité mais référencé (Hirano, Schutte et Seidner). L’évaluation qualitative détaillée des altérations acoustiques est décrite dans différentes publications et parfois illustrée dans des logiciels du commerce (Le Huche et Allali, Vocalab). Evaluation instrumentale : son intérêt, ses limites. A l’heure où se développent sur le marché des logiciels d’analyse du signal plus abordables aussi bien financièrement que conceptuellement, l’évaluation instrumentale de la voix devient presque incontournable. Ceci peut être un élément très bénéfique dans la mesure où on en connaît l’intérêt mais aussi les limites. Analyse des paramètres acoustiques : - Les modulations de la fréquence fondamentale et la fréquence fondamentale moyenne peuvent être extraites automatiquement à partir d’un texte lu ou de parole spontanée. On peut ainsi apprécier objectivement l’aspect aggravé ou non d’une voix de même que l’étendue des variations intonatives. Signalons que la mesure de la fréquence fondamentale à partir d’une voyelle tenue n’a que peu de sens pour des raisons qu’on imagine aisément. - L’aspect mécanique de la vibration laryngée est estimé à partir de sa stabilité. Celle-ci est appréciée au niveau de la fréquence par le jitter et au niveau de l’amplitude par le shimmer. Ces deux variables issues de traitements complexes sont mesurées lors de la production d’une voyelle tenue par un système automatique de traitement du signal. - Le timbre peut être illustré de façon plutôt qualitative grâce à une représentation sonagraphique lors de la production d’une phrase et de façon quantitative par un spectre moyen établi lors de la production d’une voyelle tenue. Cette dernière analyse fournit une information précieuse sur la richesse en harmoniques du son et sur la composante de bruit exprimée à travers le rapport signal/bruit. Signalons que les analyses acoustiques réclament des conditions d’enregistrement rigoureuses et constantes d’un enregistrement à l’autre ainsi qu’un équipement analogique de bonne qualité. 56 texte 212 10/01/03 14:46 Page 57 - Le phonétogramme permet d’observer le « champ de liberté » de la voix en représentant la dynamique vocale sur l’ensemble de l’étendue. Les intensités limites possibles (faibles et fortes) pour l’ensemble des fréquences qui peuvent être produites sont représentées graphiquement. Les fréquences sont portées en abscisses et les amplitudes en ordonnées. La passation est plus ou moins laborieuse pour le patient car elle nécessite le parcours de toute l’étendue vocale. Signalons toutefois qu’il existe la possibilité de constituer un phonétogramme à partir de la parole spontanée ou lue à l'aide d’un logiciel qui répartit automatiquement la production suivant un repère fréquence-intensité. Il ne représente pas toutes les productions possibles mais le champ de celles utilisées spontanément par le patient au cours de sa parole. - Le temps maximum de phonation est un élément facile à obtenir et précieux pour évaluer grossièrement le rendement aérodynamique du vibrateur laryngé. - Le rapport S/Z qui s’intéresse au temps maximum de phonation lors de la production d’un /S/ sur celui durant un /Z/ peut être intéressant si l’on est très attentif aux niveaux de constriction des deux consonnes. Ceux-ci doivent être équivalents pour que les durées puissent être comparées. Plusieurs systèmes et logiciels d’analyse automatique (Dr. Speech, Signalize, EVA, Kay CSL, AVION, Sound Edi, Vocalab…) permettent d’effectuer les mesures de façon précise et fiable. Si les conditions d’enregistrement sont primordiales, il faut avoir présent à l’esprit l’importance de la variabilité intra-individuelle. En effet, la production peut considérablement varier d’une prise de son à l’autre. Cette variabilité a d’autant plus d’importance que les échantillons de signal vocal analysés sont courts. N’oublions pas que dans certains cas un /A/ tenu peut être de bonne qualité et la voix être très déficitaire par ailleurs. Dans tous les cas ces différents paramètres abordés isolément n’ont que peu de sens, c’est leur confrontation qui permet d’élaborer un profil acoustique de la production vocale. - D’autres approches électrophysiologiques telles que l’électroglottographie (E.G.G.) permettent d’étudier la forme de l’oscillation glottique, mais l’interprétation rigoureuse de celle-ci est délicate et finalement l’E.G.G, dans une pratique de routine, a surtout pour but l’extraction de la fréquence fondamentale. Il n’existe pas encore de bilan informatisé complètement satisfaisant financièrement abordable pour un cabinet d’orthophonie mais les principaux éléments sont présents dans les différents logiciels déjà édités. 57 texte 212 10/01/03 14:46 Page 58 Un logiciel idéal d’analyse devrait comporter : 1 – une analyse automatique de la fréquence moyenne de la parole et de l’ambitus parlé et chanté ; 2 – une analyse automatique de l’intensité moyenne et de la dynamique parlée et chantée ; 3 – un phonétogramme automatique de la parole continue ; 4 – une analyse des paramètres de stabilité de la fréquence et de l’intensité au cours de sons tenus (jitter et shimmer) ; 5 – une mesure du temps maximum de phonation ; 6 – un sonagramme de la parole ; 7 – un spectre moyen de voyelles tenues avec une mesure du rapport signal sur bruit. ♦ Evaluation du geste vocal La qualité acoustique de la production vocale est une chose importante mais l’effort, l’inconfort ou la souffrance du patient, la fiabilité du geste, son adéquation avec le locuteur et sa finalité en sont d’autres tout aussi importantes. Si l’analyse perceptive ou instrumentale de la production vocale est incontournable, il en est de même pour le geste qui lui donne naissance, et l’on manque dramatiquement pour l’évaluer d’un système de référence physiologique subtile et d’un vocabulaire commun suffisamment précis. Ainsi la notion de « qualité » ou d’« harmonie » du geste vocal décrit par le thérapeute fait le plus souvent référence à son propre système. La posture, le type de respiration, les tensions aux différents niveaux du geste sont autant d’éléments subtils à évaluer et qui doivent être approchés autrement que par la classique simplification qui considère la bonne et la mauvaise respiration, la bonne et la mauvaise posture, l'articulation. Cette analyse doit pourtant être très riche vu qu’elle représente le principal niveau d’intervention de la rééducation… Ici une terminologie commune et un gradient de sévérité restent à définir. La conscience que le sujet a de son trouble et le vocabulaire dont il dispose pour le décrire sont autant d’éléments fondamentaux qui permettent d’approcher la notion de « schéma corporel vocal ». Elle recouvre autant la perception corporelle des différents niveaux impliqués dans la production que la perception même des qualités et du rayonnement acoustique de la voix. Bien évaluée, cette notion qui correspond à l’espace interne et à l’espace externe de la voix permet d’élaborer une part essentielle de la rééducation. 58 texte 212 10/01/03 14:46 Page 59 ♦ Evaluation du problème vocal et son rapport à la communication A ce niveau l’évaluation de la dysphonie est bien en retard sur d’autres pathologies prises en charge en orthophonie. Elle n’a pas subi la même évolution que des pathologies comme le bégaiement par exemple, et continue d’être considérée uniquement comme un geste altéré au niveau de la posture, de la respiration voire aussi de l’articulation qu’il faut « apprendre » à corriger grâce à une « bonne » posture et une « bonne » respiration. Pourtant la dimension de communication est aussi un élément fondamental à prendre en considération lors de l’évaluation. La représentation que le patient possède de sa voix, les situations acoustiques et physiques de majoration des troubles, de même que l’influence du ou des interlocuteurs sur les performances vocales sont des éléments à noter de façon systématique afin d’évaluer le rôle de la communication dans le problème vocal. Le système de croyance lié à la voix et au problème vocal est également bien souvent à considérer pour avoir une chance de voir évoluer la situation. La prise en charge devra s’intéresser à ces différents niveaux au même titre qu’à la production corporelle elle-même. ♦ Conclusion Au cours du bilan vocal sont abordés avec le même intérêt la production acoustique, le geste vocal, le « schéma corporel vocal » et l’« écologie » de la production. L’aspect acoustique de la voix est analysé d’un point de vue perceptif et instrumental. La mesure instrumentale de la production vocale n’est pas encore incontournable mais la recherche d’un vocabulaire commun aux orthophonistes, aux médecins, et aux contrôleurs de la sécurité sociale tendent à promouvoir son utilisation. Elle est effectivement précieuse mais représente la mesure d’éléments ponctuels qui ne sont pas représentatifs de l’ensemble d’une fonction aussi complexe que la phonation. Celle-ci doit être considérée dans sa globalité, donc évaluée et prise en charge de même. Le bilan de la phonation doit donc explorer la qualité de la production vocale, le geste qui lui donne naissance, la conscience que le patient possède des mécanismes qu’il utilise, le tout restitué dans sa dimension de communication grâce à une terminologie qui rend cette évaluation crédible. 59 texte 212 10/01/03 14:46 Page 60 REFERENCES ARONSON A., 1983, Les troubles cliniques de la voix. Masson. BAKEN R.J., 1987, Clinical measurement of speech and voice. London, Taylor and Francis Ldt. CSL, Kay Elemetrics, New Jersey. USA. E.V.A : S.Q. Lab. Aix en Provence. France. GALINDO B, TESTON B., 1990, Physiologia. Un logiciel d’analyse des paramètres physiologiques de la parole. Tipa, 13, 197-217. HEUILLET-MARTIN G., GARSON-BAVARD H., LEGRÉ A., 1995, Une voix pour tous. Solal. HIRANO M., 1989, Objective evaluation of the human voice, clinical aspects. Folia Phoniatr ; 41 : 64144. HUANG D.Z., Dr Speech, Tiger DRS, Inc. Seattle Washington, Charlemagne France. KELLER E., 1990, L’analyse acoustique des perturbations de la parole : présentation d’un système informatisé. Linguistique et neuropsycholinguistique. Paris. LE HUCHE F., ALLALI A. 1991, Anatomie et physiologie de la voix. Masson. ORMEZZANO Y., 1999, Le bilan du phoniatre à l’orthophoniste. Glossa, 68. SCHUTTE H.K., SEIDNER W., 1983, Recommandations by the union of european phoniatricians (UEP) : standardizing voice area measurements/phonetography. Folia Phoniatr ; 35 : 286-288. SICARD A., SICARD E., 2002, Vocalab 2. Diffusion GERIP. Paris. WOISARD-BASSOLS V., 2000, Bilan clinique de la voix. Encycl Méd Chir, Oto-rhino-laryngologie, 20753-A10. Paris. 60 texte 212 10/01/03 14:46 Page 61 Le bilan des activités logico-mathématiques : indications pratiques et cliniques Alain Ménissier Résumé Cet article sur le bilan des activités logico-mathématiques est complémentaire au logiciel « L.A.B.O. 2002 » paru chez Ortho édition. Il reprend chaque groupe de tests pour préciser indications pratiques et cliniques. Ce bilan peut être qualifié de neuroconstructiviste dans la mesure où les différentes composantes du fonctionnement cognitif s’inscrivent dans une perspective développementale, sans négliger le rôle de la compréhension conceptuelle au détriment d’une approche procédurale (et inversement). Mots clés : bilan, calcul, épreuve, nombre, opération logico-mathématique, résolution de problèmes. Évaluation of logical-mathematical skills : practical and clinical indications Abstract This article on the evaluation of logical-mathematical skills complements L.A.B.O. 2002 Software, published by Ortho Edition Co. It specifies practical and clinical indications for each group of tests. We can call this type of evaluation neuro-constructivistic to the extent that the various components of cognitive functioning are placed within a developmental perspective, with equal attention being paid to the role of conceptual comprehension and to a procedural approach (so that each is not carried out at the expense of the other). Key Words : evaluation, arithmetic skills, test, number, logical-mathematical operation, problem-solving. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 61 texte 212 10/01/03 14:46 Page 62 Alain MÉNISSIER Orthophoniste 1, place Aragon 70100 Arc-les-Gray [email protected] D ans le Discours préliminaire sur l’Encyclopédie, d’Alembert pose cette question : « Celui qui dit que deux et deux font quatre a-t-il une connaissance de plus que celui qui se contente de dire deux et deux font deux et deux ? ». Le mathématicien voit dans la reformulation d’un point de vue en un autre un fait nouveau : c’est la démonstration qui peut ainsi révéler ce point de vue nouveau. Celle-ci est donc une série d’équivalences logiques qui partent d’une ou de plusieurs vérités et qui débouchent sur d’autres vérités. Savoir que 6 x 7 = 42 ou que 42 est égal à 6 x 7, mais aussi à 7 x 6 n’est pas équivalent au fait de savoir que 6 x 7 est égal à 6 x 7. Le psychologue verrait ici la construction d’un nouvel invariant, d’un nouvel objet permanent, si celui-ci exprime l’idée d’une stabilité relative malgré les transformations opérables sur cet objet. Deux et deux font quatre, mais quatre est aussi le résultat de nombreuses autres opérations arithmétiques. Au cours de son développement, l’enfant construit ainsi de multiples invariants qui sont en quelque sorte les piliers de son activité conceptuelle ; leur élaboration assure d’ailleurs à la Représentation (au sens large) son efficacité en lui permettant de remplir sa double fonction : 1. refléter le plus fidèlement possible la Réalité; 2. pouvoir se prêter à un calcul relationnel. La Représentation est alors opératoire au sens où les actions sont réversibles et composables entre elles. L’activité conceptuelle présente non seulement des aspects repérables au plan des signifiants mais aussi des aspects qui se situent au niveau du signifié et qui ne sont pas directement observables : cette activité au plan du signifié est elle-même en rapport avec l’action de l’enfant lorsque celui-ci se confronte avec le réel, rencontre le réel. Le temps du bilan est pour nous en premier lieu la recherche des invariants comme présence de leur permanence malgré les transformations opérables sur ceux-ci. La difficulté pour le clinicien sera de saisir cette permanence malgré la variabilité des performances et les contraintes des tâches 62 texte 212 10/01/03 14:46 Page 63 à effectuer. Si la réalisation d’un bilan se situe sur le plan de la description des compétences numériques à travers l’enregistrement des performances de l’enfant aux différents niveaux d’acquisition, le regard du clinicien se doit néanmoins d’effectuer une lecture diachronique en explicitant les liens (ou l’absence de liens) entre ces différents niveaux. Comme le domaine numérique devient de plus en plus autonome et automatisé au fur et à mesure des acquisitions scolaires de l’enfant (et notamment à partir de l’entrée au collège), celui-ci s’interprète très souvent à travers une conception modulaire du traitement de l’information (Seron, 1993 ; Mc Closkey & Caramazza, 1987). Cependant, de nombreuses études montrent que le nombre dépend à l’origine à la fois de la construction de l’espace des objets discrets et de la succession temporelle des événements (Bideaud & Lehalle, 2002). Le bilan portant sur les activités logico-mathématiques doit donc se concevoir avant tout dans une perspective développementale où le rôle de la compréhension conceptuelle n’est pas négligé au détriment d’une approche procédurale (et inversement). Le point de vue développé ci-après peut se qualifier de neuroconstructiviste (Karmiloff-Smith, 1998 ; Paterson, Brown, Gsödl, Johnson & KarmiloffSmith, 1999) dans la mesure où l’on envisage que la modularité du traitement des opérations cognitives se construit au cours du développement à partir des capacités initiales du jeune enfant comme la motricité, la préhension ou la permanence de l’objet. L’acquisition des divers mécanismes cognitifs rend alors possible les multiples pratiques du nombre à tous les niveaux de développement même si ces pratiques peuvent être plus ou moins efficaces selon les circonstances contextuelles : à l’orthophoniste de posséder un bagage méthodologique suffisamment réfléchi pour tenir compte non seulement des performances de l’enfant mais encore des conditions contextuelles, pragmatiques et socio-culturelles inhérentes à toute situation de test. ♦ Epreuves de Quantification/Dénombrement REFERENCES CAMOS V., (1999). Le dénombrement : une activité complexe à deux composantes, Rééducation Orthophonique, 199, 21-31. FUSON K.C., (1991). Relations entre comptage et cardinalité chez les enfants de 2 à 8 ans. In J.Bideaud, C.Meljac & J.P Fischer (Eds), Les chemins du nombre (pp.159-179). Lille : Presses universitaires. GELMAN R. & GALLISTEL C.R., (1978). The child’ understanding of number. Cambridge : Harvard University Press. 63 texte 212 10/01/03 14:46 Page 64 Le dénombrement est à la base des apprentissages numériques et apparaît comme un précurseur des habiletés nécessaires à la résolution d’opérations arithmétiques. Les épreuves vérifient la maîtrise du dénombrement selon la disposition de points placés : 1. en tracé linéaire 2. en distribution aléatoire 3. en forme organisée non canonique (comme par exemple en plaçant les éléments en cercle) 4. en forme organisée canonique (comme sur les faces d’un dé ou d’un domino). Dénombrer la quantité d’une collection donnée revient à se poser la question : « Combien y a-t-il d’éléments dans cette collection ? ». Pour ce faire, plusieurs conditions sont nécessaires : • connaître la suite numérique verbale dans son ordre défini ; • pouvoir pointer (du doigt ou du regard) chaque élément de la collection ; • coordonner ces deux habiletés pour effectuer un bon tracé mental de la tâche. La détermination de la quantité se fera soit par évaluation globale de petites quantités (subitizing), soit par comptage, soit par l’utilisation d’algorithmes (mécanisme d’ajout-retrait, récupération de faits numériques mis en mémoire…). Pour dénombrer correctement, l’enfant devra repérer et conserver en mémoire ce qui a été pointé pour ne pas le pointer à nouveau : le dénombrement sera incorrect en cas de moindre maîtrise de la chaîne numérique (du fait des oublis, des répétitions et des inversions) ou en cas de mauvaise coordination des principes : - de correspondance terme à terme. Soit l’enfant pointe correctement les objets mais juxtapose mal les mots-nombres (et c’est bien souvent une trop rapide récitation des mots-nombres qui est à la base de l’erreur), soit des éléments à dénombrer sont oubliés ou recomptés deux fois. - de cardinalité. L’enfant doit pouvoir extraire le dernier mot-nombre pour désigner le cardinal de la collection quantifiée. Chez le jeune enfant, il faudra dissocier ce qui est de l’ordre de la production et ce qui est de l’ordre de la compréhension. A cet effet, l’orthophoniste, par le biais d’une figurine ou d’une marionnette, effectuera des tâches d’énumération et de dénombrement en commettant des erreurs. L’enfant devra accepter ou rejeter ce que dit ou fait la figurine (activités de détection d’erreurs). 64 texte 212 10/01/03 14:46 Page 65 ♦ Quantification/Estimation REFERENCES DEHAENE S., (1997). La bosse des Maths, chap. III, Notre héritage numérique, Paris, Odile Jacob. DELOCHE G., & SERON X., (1991). EC 301 : Batterie d’évaluation du traitement des nombres et du calcul chez l’adulte, Glossa, les cahiers de l’Unadrio, n° 27, 40-42. L’épreuve d’Estimation perceptive des quantités vérifie la représentation mentale des quantités numériques. Il peut s’agir de donner une estimation du nombre d’éléments d’une collection comme une estimation de poids ou de hauteur (Batterie EC 301). Dans les épreuves de droite à graduer (encore appelée échelle analogique), il faut indiquer où se place un nombre sur une ligne ayant pour extrémité 0 et 100. L’Estimation de calculs vérifie l’organisation de la sémantique opératoire et l’utilisation des signes arithmétiques. Il ne s’agit donc pas d’effectuer un calcul exact mais d’indiquer parmi quelques nombres celui qui se rapproche le plus du résultat. ♦ Quantification/Comparaison REFERENCES SERON X., (1993). La neuropsychologie cognitive, Paris, PUF. VILETTE B., (1996). Le développement de la quantification chez l’enfant : comparer, transformer et conserver, Villeneuve d’Asq, Presses Universitaires du Septentrion Les épreuves de comparaison de quantités évaluent la compréhension de la grandeur des nombres à travers les différents systèmes de codage (oral, digital et alphabétique). Deux nombres sont proposés par oral ou par écrit (en chiffres ou en mots) et l’enfant doit dire lequel est le plus grand. L’analyse des erreurs se fera en corrélant les erreurs des trois transcodages : par exemple 1012 est plus grand que 997. En code digital, l’enfant peut simplement repérer le nombre de chiffres pour donner sa réponse ; la comparaison peut donc résulter d’une simple analyse perceptive visuelle, alors qu’en code oral ou alphabétique, le nombre de mots-nombres ne permet pas de dire lequel est le plus grand, la réponse ne pouvant être produite que par accès à une représentation sémantique. Les épreuves de rangement ou d’ordre de grandeur permettent d’évaluer la compréhension des relations ordinales entre les nombres. Rappelons 65 texte 212 10/01/03 14:46 Page 66 qu’un mot-nombre peut être utilisé dans différents contextes. Lorsque celuici fait référence à la totalité d’un ensemble d’éléments discrets, le contexte est cardinal : le mot indique de combien d’éléments l’ensemble se compose. Si le mot-nombre donne la position relative d’un élément au sein d’une collection, le contexte est alors ordinal. Cette différenciation est d’ailleurs à la base des Mathématiques, puisque Descartes leur rapportait « toutes les choses dans lesquelles on examine l’ordre ou la mesure » et Auguste Comte voyait le but des mathématiques dans la détermination « des grandeurs les unes par les autres, d’après les relations précises qui existent entre elles ». Ces épreuves sollicitent au préalable une composante linguistique majeure puisqu’il s’agit de traduire certaines expressions comme « plus grand que/ plus petit que », « ordre croissant/ ordre décroissant » puis une composante sémantique dans l’intégration des données : certains mots-nombres représentent eux-mêmes une quantité (dix, vingt, cent, mille, million…) mais ils ont aussi la propriété de se combiner avec d’autres éléments du lexique numérique dans des relations de somme et de produit. Vingt-quatre n’est pas équivalent à quatre-vingt comme cent trois ne l’est pas de trois cents : chaque premier terme doit s’intégrer comme une somme (20 + 4, 100 + 3) et chaque second terme comme un produit (4 x 20, 3 x 100). Les activités de comparaison permettent ainsi d’évaluer la compétence de l’enfant dans sa compréhension et dans son maniement de la langue numérique au niveau du système de notation verbale (dans les deux modalités orale et écrite). Au niveau du système des numéraux arabes (encore appelé code digital), on évaluera la compréhension du système de position : l’enfant a-t-il saisi que la valeur d’un chiffre est déterminée par sa position à partir de la droite dans la séquence d’un nombre. Chaque fois que l’on se décale vers la gauche, le chiffre augmente sa valeur d’une puissance de 10. Ainsi, 111 peut se décomposer en [1 x 102] + [1 x 101] + [1 x 100]. Le zéro est utilisé dans le cas où une valeur serait absente sur une position, de façon à conserver leur puissance à chaque valeur représentative. ♦ Comptage oral REFERENCES FUSON K.C., (1991). Relations entre comptage et cardinalité chez les enfants de 2 à 8 ans. In J.Bideaud, C.Meljac & J.P Fischer (Eds), Les chemins du nombre (pp.159-179). Lille : Presses universitaires. PESENTI M., (1995). La chaîne numérique verbale : acquisition et erreurs d’utilisation, ANAE, Hors Série, 24-29. VAN NIEUWENHOVEN C., (1999). Le comptage : vers la construction du nombre, Bruxelles, De Boeck. 66 texte 212 10/01/03 14:46 Page 67 Les mots représentant les nombres constituent la chaîne numérique verbale. Peu à peu, l’enfant élabore un domaine lexical numérique relativement autonome ; ses diverses activités lui permettront d’autre part d’utiliser ce lexique spécifique aussi bien en compréhension qu’en production. L’enfant ne maîtrise pas toujours correctement cette chaîne numérique d’autant que les mots-nombres ne sont pas toujours liés à une activité de dénombrement et sont souvent énumérés comme une litanie, un comptage « à vide ». Si nous demandons à l’enfant de nous montrer « jusqu’où il sait compter », et si nous réitérons cette demande, nous obtiendrons deux énoncés qui peuvent se décomposer en trois parties (suivant la classification de Fuson, 1982) : 1. une partie stable et conventionnelle : stable, car cette suite se retrouve à chaque essai de l’enfant ; conventionnelle, car l’enfant énumère correctement le début de la suite des nombres. 2. une partie stable et non conventionnelle : l’enfant énonce à chaque essai la même suite de mots-nombres mais soit l’ordre de quelques nombres n’est pas respecté, soit il manque des éléments. N’oublions pas que l’enfant doit apprendre une série de seize mots-nombres (unités et nombres particuliers) qui s’enchaînent séquentiellement, avant de rencontrer la première règle syntaxique (combinaison additive de la dizaine avec l’unité). 3. une partie ni stable ni conventionnelle : l’enfant sait que la suite des nombres ne s’arrête pas à ce qu’il maîtrise. Il connaît d’autres motsnombres mais leur production reste instable sans toujours respecter l’ordre conventionnel. Dans son acquisition des premiers nombres (jusqu’à 30, 40…), l’enfant a parfois du mal à saisir les règles linguistiques qui sous-tendent la production des dénominations verbales. L’apparition de la combinatoire ne commence pas à onze en cohérence avec le système à base dix (onze devant se traduire par dix-un comme c’est le cas dans certaines langues asiatiques). Les premières règles assimilées permettent à l’enfant de diminuer son effort de mémoire et lui allègent la tâche. Il a parfois tendance à en surajouter : vingthuit, vingt-neuf, vingt-dix, vingt-onze… Il nous montre ici qu’il a compris la combinatoire, mais il reste cependant à savoir où ça commence et où ça finit ! La production de ces deux énoncés devrait faire partie du bilan de tout enfant consultant pour des problèmes de langage. Faciles à réaliser, ces énoncés restent un bon repérage sur la connaissance de la langue numérique, d’autant que celle-ci amplifie les compétences initiales et les premières habiletés numé- 67 texte 212 10/01/03 14:46 Page 68 riques (l’analyse des deux énoncés consistera à repérer ce qui est permanent au niveau séquentiel et au niveau des mots-nombres employés). Il ne s’agit pas en effet d’énumérer la chaîne numérique verbale pour le simple plaisir de l’entourage : la suite des mots-nombres n’est pas une simple comptine comme on a tendance à l’appeler parfois. La séquence numérique verbale s’élabore dans des processus de comptage et son organisation est à mettre en relation avec les procédures mobilisables qui permettront par la suite la résolution des problèmes additifs et soustractifs. Avant de pouvoir effectuer des additions et des soustractions élémentaires, l’enfant doit posséder une certaine maîtrise et une stabilité relative de cette suite numérique verbale. Nous emprunterons à Fuson (1988) sa classification par niveau d’élaboration, classification permettant de dégager les habiletés nécessaires au calcul arithmétique : Niveau du chapelet L’enfant apprend la suite comme une enfilade de sons, une totalité unique du type un-deux-trois-quatre. Il ne semble pas comprendre qu’un son isolé, par exemple trois, possède une signification arithmétique. A ce niveau, certains enfants peuvent connaître « la formule » 2 + 2 = 4 sans pour autant en posséder une représentation sémantique ; l’enfant ne fait que reproduire un apprentissage « par cœur ». Niveau de la chaîne insécable Les mots sont maintenant individualisés (du type un / deux / trois / quatre) mais la caractéristique de cette étape réside dans l’incapacité à compter à partir d’un nombre quelconque. L’enfant se doit de repartir de un à chaque comptage ; néanmoins, il développe l’habileté de « compter jusqu’à un nombre donné ». Il pourra alors résoudre une tâche comme « donner le nombre qui vient juste après », parfois même « le mot qui vient juste avant ». Le mot-nombre signifie maintenant le comptage par opposition au niveau chapelet où le mot-nombre signifiait la configuration. Niveau de la chaîne sécable L’enfant peut compter à partir de n’importe quel nombre, quel que soit le point arbitraire de départ. Deux nouvelles habiletés se mettent en place : « compter à partir de » et « compter d’un nombre à un autre ». Le comptage à rebours devient possible, si, bien sûr, celui-ci est pratiqué ; on remarque peu d’automaticité chez le jeune enfant, surtout lorsqu’on dépasse dix. Ce niveau se caractérise par le développement de la flexibilité 68 texte 212 10/01/03 14:46 Page 69 dans l’emploi de la suite numérique : le nombre prend le statut de symbole dans une série progressivement arithmétisée car il détermine de plus en plus finement les relations ordinales entre les éléments de cette série. Niveau de la chaîne terminale Les mots-nombres sont à présent totalement individualisés ; ils ne sont plus seulement énumérés mais il devient possible de les dénombrer. L’enfant peut désormais « compter n à partir d’un nombre donné » et « compter de x à y pour trouver n » (dire combien il y a entre x et y). Cela implique de coordonner l’habileté d’énumérer la suite numérique tout en conservant en mémoire à court terme les nombres déjà émis. L’enfant peut à ce moment résoudre des tâches impliquant des procédures d’addition et de soustraction. Le nombre acquiert un sens mathématique et la chaîne possède désormais un caractère bidirectionnel, avec une très forte automatisation de l’accès et de la récupération, notamment dans le comptage vers l’avant. La chaîne numérique est mobilisable à n’importe quel endroit et possède les propriétés d’emboîtement, de sériation, de cardinalité et d’unicité ; l’enfant dispose maintenant d’un système cohérent et délimité pour mesurer les quantités, ordonner les objets ou les ensembles, établir des relations entre les mesures et opérer positivement ou négativement sur les transformations possibles. Pour tester les niveaux d’élaboration, différentes tâches seront effectuées : • compter jusqu’à 9 : pour ce faire, l’enfant devra garder en mémoire le but à atteindre et ne pas le dépasser. • Compter à partir de trois. • Compter de quatre à neuf. • Compter à rebours à partir de neuf. Ces demandes seront réalisées en production. Lorsque l’enfant échoue, des épreuves de détection permettent néanmoins d’évaluer s’il parvient à différencier les traits essentiels au comptage. D’une façon similaire au dénombrement, on se servira d’une marionnette (ou d’une figurine) et l’enfant devra accepter ou rejeter ce qu’énonce la marionnette. A ce titre, l’orthophoniste en effectuant des comptages standards corrects intercalera quelques erreurs et pseudo-erreurs telles que : • Des omissions : un, deux, quatre, cinq, six… • Des répétitions : un, deux, trois, trois, quatre, cinq… • Des inversions : un, deux, trois, cinq, quatre, six… • Des ajouts : un, deux, trois, pez, quatre, cinq… 69 texte 212 10/01/03 14:46 Page 70 Chez les enfants de cours élémentaire, on proposera des tâches similaires portant sur de plus grands nombres : • Comptage à partir de… 78 • Comptage de x à y… de 65 à 72 de 95 à 105 • Comptage de y à x… de 25 à 15 de 84 à 75 • Comptage de 2 en 2… sur les nombres pairs : de 2 à 22 sur les nombres impairs : de 1 à 21 ♦ Comptage écrit REFERENCES VAN NIEUWENHOVENC., (1999). Le comptage : vers la construction du nombre, Bruxelles, De Boeck. ERMEL (Institut National de la Recherche Pédagogique), (1995). Apprentissages numériques, Paris, Hatier. A partir du cours élémentaire, l’attention sera portée sur l’application du passage de la dizaine, de la centaine et du millier et sur la production du zéro comme marque de l’absence d’une valeur à une position donnée. On proposera donc de continuer d’écrire des suites continues de nombres (suites digitales) à partir de deux nombres donnés. Ces suites se présenteront dans différentes dispositions spatiales (en ligne, et en colonne de haut en bas et de bas en haut) : • Passage de la dizaine : 57, 58, …, …, … 77, 78, …, …, … 207, 208, …, …, … …, …, …, 80, 81 …, …, …, 510, 511 …, …, …, 370, 371 • Passage de la centaine : 197, 198, …, …, … 2097, 2098, …, …, … …, …, …, 1100, 1101 • Passage du millier : 997, 998, …, …, … …, …, …., 4000, 4001 Chaque item revient à vérifier la bonne connaissance de la règle de position suivant laquelle tout chiffre placé à gauche d’un autre chiffre représente un multiple supérieur de la base décimale (système de base 10). 70 texte 212 10/01/03 14:46 Page 71 ♦ Activités de transcodage numérique REFERENCES DELOCHE G., & SERON X., (Eds). (1987). Mathematical disabilities, Hillsdale NJ : Erlbaum. MC CLOSKEY M., CARAMAZZA A., & BASILI A., (1985) Cognitive mechanisms in number processing and calculation : Evidence from dyscalculia, Brain and Cognition, 4, 171-196. MC CLOSKEY M., & CARAMAZZA A. (1987). Cognitive mechanisms in normal and impaired number processing, in Deloche G. & Séron X. (Eds), Mathematical disibilities, Hilsdale : Erlbaum. SERON X., DELOCHE G., & NOËL M.P., (1991). Un transcodage des nombres chez l’enfant : la production des chiffres sous dictée, in Bideaud J., Meljac C. & Fischer J.P., (1991). Les chemins du nombre, Lille : Presses Universitaires. SERON X. & FAYOL M., (1994). Number transcoding in children : a functionnal analysis, British Journal of Developmental Psychology, 12, 281-300. Si le système numérique possède un lexique suffisamment réduit ainsi qu’une syntaxe relativement simple à formaliser dans des relations de somme et de produit, il est surtout régi par une absence d’ambiguïté sémantique : une quantité n’est exprimée que par un seul nombre comme un seul nombre ne représente qu’une seule quantité. Néanmoins, ce nombre sera traduit dans le code verbal soit par un numéral verbal oral, soit par un numéral verbal écrit, et dans le code digital par un numéral arabe (le terme numéral désigne ainsi tout symbole ou ensemble de symboles représentant un nombre). Il ne faudrait pas croire pour autant que la transformation d’un numéral présenté dans un code en un numéral de même valeur dans un autre code se réduise à une simple transcription terme à terme effectuée de manière a-contextuelle : 257 ne s’écrit pas deux-cinq-sept comme soixante-douze ne se traduit 6012. Ce passage, dénommé transcodage, révèle les différences importantes qui existent entre les codes numériques. L’enfant de cours primaire est amené à lire et à écrire sous différentes formes les nombres qu’il connaît mais on appréhende encore très peu les mécanismes de transcodage qu’il utilise, de même que les difficultés liées à leur acquisition. Les épreuves de transcodage font généralement référence au modèle proposé en neuropsychologie par Mc Closkey et Caramazza (1985). Ce modèle se présente sous la forme d’une construction de trois systèmes : • un système de compréhension des nombres et un système de production des nombres, agencés de façon semblable. Ils possèdent tous deux : 1. un sous-système verbal (où sont dissociées forme phonologique et forme alphabétique) ; 2. un sous-système de nombres arabes. Ces systèmes sont eux-mêmes composés de modules de traitements lexical et syntaxique. On obtiendra ainsi une représentation sémantique de la valeur d’un nombre donné quel que soit le code d’entrée ou de sortie. 71 texte 212 10/01/03 14:46 Page 72 • un système de calcul qui se compose de trois sous-systèmes : 1. un sous-système de traitement des symboles précisant l’opération à effectuer ; 2. un sous-système qui recherche les faits arithmétiques (comme, par exemple, la connaissance des tables de multiplication ou des doubles en addition) ; 3. un sous-système activant les procédures de calcul lorsque la réponse ne se trouve pas dans le stock des faits arithmétiques. Ce modèle présente une valeur heuristique évidente car il permet d’élaborer un diagnostic différentiel sur la base d’épreuves de transcodage. Sept de celles-ci paraissent pertinentes pour appréhender les difficultés de l’enfant dans sa gestion des règles de transcription : 1. dictée de nombres en chiffres : transcodage d’un numéral verbal oral vers un numéral arabe. 2. répétition de nombres : transcodage d’un numéral verbal oral vers un numéral verbal oral. 3. copie de nombres en chiffres : transcodage d’un numéral arabe vers un numéral arabe. 4. lecture de nombres en chiffres : transcodage d’un numéral arabe vers un numéral verbal oral. 5. lecture de nombres écrits en lettres : transcodage d’un numéral verbal écrit vers un numéral verbal oral. 6. écriture de nombres en chiffres à partir de nombres écrits en lettres : transcodage d’un numéral verbal écrit vers un numéral arabe. 7. représentation d’un nombre avec la manipulation d’un matériel reconstituant la base 10 (matériel composé de petits cubes pour symboliser les unités, de barres pour les dizaines, de plaques pour les centaines et de gros cubes pour les milliers) : transcodage d’un numéral verbal écrit vers une représentation analogique. Différents types d’erreurs peuvent se rencontrer : 1. les erreurs lexicales où l’enfant respecte le nombre de chiffres mais remplace un ou plusieurs chiffres par un autre (par exemple, 43 pour 53, ou 700 pour 600). 2. les erreurs syntaxiques où l’enfant ne respecte pas le nombre de chiffres de l’item : - certains chiffres (différents de 0) sont manquants : 837 pour 8537. - Des zéros sont ajoutés : 20305 pour 235. - Combinaison des deux erreurs précédentes : 30408 pour 3428. 72 texte 212 10/01/03 14:46 Page 73 - L’enfant surajoute un 1 en position de cent ou de mille : 41623 pour 4623. - L’enfant lexicalise les dizaines complexes : 6015 (ou 615) pour 75. 3. les erreurs mixtes où se combinent erreurs lexicales et erreurs syntaxiques : 615 pour 76. 4. les erreurs de type « similitude phonologique » : 13 pour 16 ou 440 pour 404. 5. les erreurs aberrantes. ♦ Arithmétique élémentaire REFERENCES FAYOL M., (1990). L’enfant et le nombre, Neuchâtel-Paris, Delachaux-Niestlé. Chap. 5, l’emploi et la genèse des algorithmes : addition et soustraction. LEMAIRE P., DUVERNE S., & EL YAGOUBI R., (2002). Le développement des stratégies en situation de résolution de problèmes arithmétiques, in Bideaud J., & Lehalle H., Le développement des activités numériques chez l’enfant, Paris, Hermès Sciences Publications. LEMAIRE P., & SIEGLER R.S., (1995). Four aspects of strategic change : contributions to children’s learning of multiplication. Journal of Experimental Psychology : General, 124, 83-97. VERGNAUD G., (1981). L’enfant, la mathématique et la réalité, Berne, Peter Lang. Chap. VIII, la numération et les quatre opérations. L’enfant possède un savoir sur le réel qui lui permet peu à peu de faire abstraction des traits qualitatifs des objets pour ne conserver que leur caractère unitaire. Cette dissociation entre invariance qualitative et invariance quantitative marque le passage du nombre de au nombre en tant que tel : cela reste une prémisse indispensable dans la construction de ce que S. Baruk nomme le numérique mathématique opposé au numérique quantitatif, et qui n’est rien d’autre que le passage entre le monde physique et le monde mathématique. Une des premières rencontres de l’enfant avec cet univers mathématique est la pratique de l’addition, lorsque celle-ci est distanciée du mécanisme d’ajout-retrait appliqué sur des collections d’objets discrets. Quelles que soient les opérations proposées, l’analyse clinique devra se fixer un cadre de référence dans l’interprétation des réussites, des erreurs et des choix stratégiques de l’enfant calculateur. Lemaire et Siegler (1995 ; 2002) proposent de distinguer quatre aspects pour appréhender la variété des réponses et des démarches : • Le répertoire stratégique : le clinicien se doit de préciser les procédures et les stratégies utilisées par l’enfant. Du comptage un par un au calcul par récupération en mémoire de faits arithmétiques connus, l’enfant a le choix entre le surcomptage, l’application de la commutativité ou la décomposition (calculs à partir de faits arithmétiques dérivés comme le 73 texte 212 10/01/03 14:46 Page 74 passage par la Base 10 ou la récupération des doubles opérandes). Le ou les algorithmes utilisés par l’enfant se définissent comme des séquences d’action et/ou d’opérations élémentaires qui permettent d’aboutir à la solution. L’enfant applique-t-il successivement ces actions élémentaires et sinon pourquoi échoue-t-il ? • La distribution stratégique : l’enfant suit-il la même procédure de résolution ou emploie-t-il des procédures différentes ? L’enfant a-t-il recours fréquemment à la récupération directe des réponses en mémoire ou le résultat du calcul laborieux de 6 + 8 sera-t-il utilisé pour trouver le résultat du calcul de 8 + 6 ? (application de la commutativité) • L’exécution stratégique qui permet à une procédure d’être efficace sur tel type de calculs plutôt que sur tel autre. Le clinicien veillera à regarder si, dans une suite de calculs élémentaires, le retour de procédures proches ou l’automatisation des processus de calculs entraîne une amélioration de l’exécution stratégique. • La sélection stratégique : l’enfant emploie-t-il une stratégie efficace en terme de disponibilité, de rapidité et de précision ? Ceci n’est bien sûr possible qu’en cas de variabilité stratégique : pour choisir une stratégie, l’enfant doit en posséder au moins deux. A défaut, l’exécution systématique de la même procédure conduit-elle au bon résultat ? Et le temps passé à gérer ce calcul permet-il d’intégrer ce processus dans le cadre plus général de la Résolution de Problèmes Arithmétiques ? ♦ Résolution de problèmes additifs REFERENCES FAYOL M., (1990). L’enfant et le nombre, Neuchâtel-Paris, Delachaux-Niestlé.Chap. 6, la résolution de problèmes additifs et sa genèse. MAYER R.E., (1985). Mathemathical ability. In Sternberg R.J. (Ed). Human abilities : An informationprocessing approach, New-York, Freeman & Co, 127-140. VERGNAUD G., (1981). L’enfant, la mathématique et la réalité, Berne, Peter Lang. Chap. IX, Les problèmes de type additif. Groupe CIMETE (Meljac C., et al.), (1995). Compétences et incompétences en arithmétique (l’ECPN), A.N.A.E, Hors-série, 58-63. L’analyse ci-après porte sur la réalisation de problèmes généralement présentés par écrit. Lorsque l’enfant se trouve dans l’incapacité de lire, on choisira une épreuve n’exigeant « qu’un domaine de connaissances techniques assez limitées » (groupe CIMETE, 1995) à savoir l’ECPN, batterie de petits problèmes numériques réalisables avec un matériel très simple (jetons et trois ani- 74 texte 212 10/01/03 14:46 Page 75 maux) : l’ECPN (Epreuve conceptuelle de résolution des problèmes numériques) est, selon les auteurs « destinée aux enfants présentant des difficultés d’apprentissage exceptionnelles dans le domaine numérique ». 1°) La typologie des problèmes La difficulté essentielle d’un problème ne dépend pas de l’opération arithmétique à effectuer mais de la structure sémantique à effectuer, c’est à dire du mécanisme compréhension / interprétation des énoncés. En regard des classifications proposées par Riley, Greeno et Heller (1983) et par Vergnaud (1981), il nous semble important de distinguer quatre catégories de base : • Les problèmes de type changement Un état initial subit une transformation pour aboutir à un état final. 6 classes de problèmes peuvent découler de cette structure selon que : - la transformation est positive ou négative - la recherche de l’inconnue porte sur l’état initial, la transformation ou l’état final. Les 3 problèmes qui suivent ne présentent pas de difficulté de calcul mais leur résolution nécessite néanmoins d’accéder à l’aspect sémantique des données. La question peut porter sur : 1. la recherche de l’état final Jean avait 3 billes. Puis Paul lui a donné 5 billes. Combien Jean a-t-il de billes ? (Réussi par 95 % des élèves en fin de CE 1, étude non publiée portant sur 153 enfants) 2. la recherche de la transformation Marie avait 8 bonbons. Puis elle a donné quelques bonbons à Sophie. Maintenant Marie a 3 bonbons. Combien de bonbons a-t-elle donnés ? (Réussi par 69 % des élèves de CE 1) 3. la recherche de l’état initial Laure avait quelques fleurs. Puis Pierre lui a donné 5 fleurs. Maintenant Laure a 8 fleurs. Combien Laure avait-elle de fleurs au début ? (Réussi par 64 % des élèves de CE 1) Comme les résultats de notre étude le montrent, il est plus facile de trouver l’état final que la transformation, comme il est plus facile de trouver la transformation que l’état initial. L’analyse portera sur la différenciation entre les états et la transformation. Les états correspondent à des mesures effectuées sur des objets discrets (isolables) en un temps défini. Ils sont donc représentés par 75 texte 212 10/01/03 14:46 Page 76 des nombres entiers naturels. Par contre, ces nombres ne peuvent représenter les transformations puisque celles-ci sont nécessairement positives ou négatives. On fera alors appel aux nombres négatifs qui sont des nombres dotés du signe + ou du signe -. On montre ainsi que l’on fait subir à la mesure des objets discrets un ajout ou un retrait d’éléments. • Les problèmes de type comparaison Une relation relie deux états, ce qui amène à quantifier l’écart entre ces deux mesures. Selon que la comparaison sera négative ou positive, 6 classes de problèmes sont à nouveau possibles : l’inconnue sera recherchée soit dans la comparaison, soit dans un des états. Etat n°1 Christophe a 17 ans Etat n°2 Marion a 9 ans Comparaison Sous-classée en comparaison positive : Christophe a 8 ans de plus que Marion Sous-classée en comparaison négative : Marion a 8 ans de moins que Christophe Ce sous-classement n’indique pas pour autant le type d’opération arithmétique à employer. En effet, avec les énoncés Marion a 9 ans et Marion a 8 ans de moins que Christophe, on trouvera l’âge de Christophe en effectuant l’addition 9 + 8 = 17. Ces relations dites statiques sont plus difficiles à saisir que les transformations où le temps intervient. Luc a gagné 5 billes ce matin et Luc a 5 billes de plus que Julien ne sont pas équivalents au niveau de la signification même s’ils admettent tous deux la même forme algébrique. Le problème « Rémi a 5 jouets. Julie a 8 jouets. Combien a-t-elle de jouets de plus que Rémi ? » a été réussi par les enfants de CE1 à 68 % dans notre étude. L’erreur porte principalement dans la traduction par les enfants de l’énoncé Julie a plus de jouets que Rémi en Julie a 8 jouets (traduction d’une relation dynamique en relation statique). • Les problèmes de type combinaison Ces problèmes renvoient à la combinaison de deux états pour en obtenir un troisième. Cette catégorie donne lieu à deux classes de problèmes, selon qu’il s’agit de réunir deux états pour trouver leur composé, ou selon qu’il s’agit de la partition d’un état en deux états complémentaires. Comme il n’y a pas intervention du temps, on parle de mesures auxquelles s’applique l’ensemble des nombres naturels. 76 texte 212 10/01/03 14:46 Page 77 Le problème « Il y a 14 garçons dans la classe. Il y a 9 filles dans la classe. En tout, il y a 23 enfants dans la classe » donne lieu à deux types de recherche : - recherche de la réunion (de deux états) : combien y a-t-il d’enfants dans la classe ? (connaissant le nombre de garçons et de filles) - recherche de la partition : par exemple, combien y a-t-il de filles ? (connaissant le nombre total d’enfants et le nombre de garçons) • Les problèmes de type composition de deux transformations Deux transformations se composent pour donner une transformation : soit on trouvera la transformation composée en connaissant les deux transformations élémentaires, soit, connaissant la transformation résultante et une transformation élémentaire, il faudra trouver la transformation complémentaire. Une première difficulté consiste donc à repérer si les deux transformations sont de même sens ou de sens contraire. Gaëtan a gagné (ou perdu) 7 billes le matin. Gaëtan a gagné (ou perdu) 5 billes au cours de l’après-midi. A la fin de la journée, Gaëtan aura donc soit gagné x billes soit perdu y billes selon le type de transformations présentées. N’ayant à faire ni avec des états, ni avec des mesures, les calculs ne s’effectueront ici qu’avec des nombres relatifs. Une seconde difficulté pour les enfants réside dans le fait qu’on ne sait ni la valeur des états initiaux et finaux, ni la valeur des états intermédiaires. En effet, l’énoncé du problème ne nous renseigne ni sur le nombre de billes dont Gaëtan dispose avant de jouer ni sur le nombre de billes possédées en fin de journée et encore moins sur l’état de son stock de billes en milieu de journée. 2°) Analyse clinique Dans l’analyse d’un problème mathématique, il est utile de distinguer quatre étapes entre la première lecture de l’énoncé et l’écriture de la solution (Mayer, 1985): a) étape n° 1 : la traduction du problème Résoudre un problème arithmétique avec un énoncé écrit nécessite de lire l’énoncé pour le comprendre. De cette constatation triviale, découle une première question : l’enfant comprend-il ce qu’il a lu ? Chaque proposition du problème a-t-elle été traduite en une représentation interne ? Une bonne traduction requiert la mise en œuvre d’opérations cognitives élémentaires : 77 texte 212 10/01/03 14:46 Page 78 • Identification des objets et des relations • Reconnaissance des termes lexicaux • Jugement d’appartenance catégorielle • Distinction entre quantité continue et quantité discontinue • Inférence perceptive immédiate intervenant à des degrés divers selon la présentation des données (problème proposé par oral, par écrit, en images, en schémas, avec des objets manipulables…) b) étape n° 2 : l’intégration du problème Si l’enfant doit faire appel à des connaissances préexistantes relatives au contenu et à la forme des énoncés, les diverses propositions du problème doivent converger en une représentation cohérente sous forme de modèle mental (Johnson-Laird, 1983). Ce schéma conserve d’ailleurs un caractère analogique et constitue de ce fait une difficulté pour bon nombre d’enfants ; une représentation incohérente empêchera l’enfant d’appliquer aux objets symboliques les procédures qu’il appliquerait correctement aux objets réels dans une situation donnée. Si l’enfant repère dès le début de l’énoncé, la catégorie à laquelle appartient le problème, il pourra sélectionner et activer en mémoire à long terme le schéma élaboré sur des expériences antérieures. A défaut, il devra opérer un traitement par données successives avec le double risque de mal localiser l’inconnue et de gérer imparfaitement ces étapes par manque de coordination. Comme nous l’avons suggéré ci-dessus, la difficulté d’un problème ne dépend pas de l’opération arithmétique à effectuer mais de la structure sémantique du problème, c’est-à-dire du mécanisme compréhension/interprétation des énoncés. c) étape n° 3 : la planification des actions Dans un problème, et, c’est ce qui en fait sa définition, la solution n’est pas disponible dans l’énoncé et doit être construite mentalement. Pour ce faire, l’enfant devra gérer des procédures de résolution comme par exemple, faire des essais, formuler des hypothèses ou chercher à résoudre des sous-buts. La confrontation entre les résultats produits et le ou les buts recherchés pourra même entraîner des ajustements, des réorientations, voire une reconstruction de la situation-problème : si, dans une classe, il y a 12 enfants, il ne peut y avoir 23 garçons ! Résoudre un problème, c’est avant tout être capable d’évaluer le résultat de son action. L’enfant a donc construit une unité de connaissances, une stratégie de résolution, afin d’atteindre la solution. Mais cette élaboration sera appropriée ou non selon l’étendue de ses connaissances antérieures. Celles-ci peuvent être envisagées sous un double aspect : 78 texte 212 10/01/03 14:46 Page 79 a) Le déroulement des actions qui doit indiquer leur mode de réalisation, leur exécution. b) Le résultat de ces actions, c’est-à-dire l’état auquel elles aboutissent. L’enfant doit pouvoir anticiper ce résultat afin de choisir l’action adéquate qui permettra de trouver ce résultat : la coordination des opérations mentales doit donc en premier lieu intégrer l’inconnue à trouver. Un problème peut s’énoncer sous différentes formes mais l’on sait que certaines présentations aideront mieux que d’autres l’enfant à s’approprier une situation-problème. Bovet (1978) a montré que les résultats étaient améliorés lorsque l’ordre de présentation correspondait à l’ordre chronologique. De même, la localisation de la question est un facteur très important dans la représentation que l’on se fait d’un problème (Fayol et Abdi, 1986). Ainsi, si l’on veut faciliter la compréhension d’un problème, on présentera la question en premier (notamment dans le cas de composition de mesures ou de relations) ou à sa place chronologique dans le cas de transformations temporelles. La question devient alors une donnée intégrée au même titre que les autres informations ; on évitera peut-être des questionnements comme « il en avait combien de billes au début ? » alors que l’inconnue porte justement sur cette recherche de l’état initial ! d) étape n° 4 : l’exécution des calculs Une fois la stratégie choisie, l’enfant doit pouvoir trouver la solution en exécutant le calcul approprié. Il s’agit donc dans un premier temps d’affecter les données numériques de l’énoncé aux bonnes instances du schéma puis d’effectuer le calcul choisi. Plusieurs possibilités s’offrent à lui : il peut récupérer en mémoire certains faits arithmétiques qu’il connaît : addition de nombres doubles, résultat de tables de multiplication…(connaissances de type déclaratif). A défaut, il pourra utiliser des procédures qui permettent de trouver le nombre recherché. Pour évaluer plus précisément cette étape, nous renvoyons le lecteur à l’analyse des épreuves du chapitre « arithmétique élémentaire » de cet article. ♦ Résolution de problèmes multiplicatifs REFERENCES VERGNAUD G., (1981). L’enfant, la mathématique et la réalité, Berne, Peter Lang. Chap. XI, les problèmes de type multiplicatif Selon la forme de la relation multiplicative, deux classes de problèmes peuvent être décrites : (une troisième classe, dite structure de proportion double, 79 texte 212 10/01/03 14:46 Page 80 sera rappelée dans la présentation de l’épreuve piagétienne des îles, Chap. Opérations infralogiques). Dans l’analyse de ce type de problèmes, il faudra tenir compte d’une part du caractère discret ou continu des quantités présentes dans le problème et des propriétés des nombres utilisés (nombres entiers, nombres décimaux). D’autre part, la principale relation multiplicative est une relation quaternaire et non ternaire (ce qu’on représente généralement par la notation : a x b = c). En effet, cette relation unit quatre mesures extraites d’un tableau de correspondance entre deux sortes de quantités. 1°) la structure de proportion simple (isomorphisme de mesures) Exemple : Paul a 12 €. Il veut acheter des pochettes d’images valant 4 €. Combien de pochettes peut-il acheter ? Soit le tableau de correspondance : Si on isole les quatre quantités, on obtient un schéma qui traduit l’isomorphisme entre les mesures des pochettes et les mesures des euros : Dans ce problème élémentaire, l’une des quantités est égale à un. Selon que l’inconnue est l’une ou l’autre des trois autres quantités, on pourra décrir e trois classes de problèmes : • recherche de la valeur multipliée On recherche ici le nombre d’euros nécessaires pour acheter 3 pochettes : « Paul veut acheter 3 pochettes d’images valant 4 € l’unité. Combien va-t-il payer ? ». Le résultat s’obtient en effectuant une multiplication. 80 texte 212 10/01/03 14:46 Page 81 • recherche de la valeur unitaire Dans ce type de problèmes, on recherche la valeur de base, à partir de la connaissance du lien de correspondance entre deux grandeurs de nature différente : « Paul avait 12 €. Il a acheté 3 pochettes d’images. Combien coûte une pochette d’images ? ». Le résultat s’obtient en effectuant une division ; en effet, il faut diviser 12 par 3 pour trouver le coût d’une pochette puisque l’opérateur [ : 3] reproduit dans la colonne de droite ce qui se passe dans la colonne de gauche. Cet opérateur relate le passage de 3 pochettes à une pochette ; l’opérateur [ : 3] équivaut donc à l’opérateur inverse de l’opérateur [x 3] qui fait passer de 1 pochette à 3 pochettes. • recherche de la quantité d’unités Si la valeur unitaire est donnée, on recherche le nombre d’unités de la première mesure correspondant à une grandeur donnée par la deuxième mesure : « Paul a 12 €. Il veut acheter des pochettes d’images valant 4 €. Combien de pochettes peut-il acheter ? ». Le résultat s’obtient en effectuant une division ; on divise 12 € par 4 pour trouver le nombre de pochettes puisqu’il existe un isomorphisme entre la ligne du bas et celle du haut. La relation horizontale est semblable, donc l’opérateur [ : 4] est une fonction inverse de la fonction directe [x 4 € / paquets d’images]. Cette fonction fait passer d’un paquet au prix d’un paquet (ligne du haut), comme elle fait passer de 3 paquets au prix de trois paquets (relation quaternaire). Pour réussir ce problème, l’enfant doit donc avoir intégré la relation isomorphe qui lie l’unité à la valeur unitaire. Ces problèmes peuvent se subdiviser encore selon que l’on a affaire à des petits nombres entiers, à des plus grands nombres, à une valeur unitaire décimale, à une valeur unitaire inférieure à 1 ( de type 0,…), ou à des nombres d’unités inférieurs à 1. Comme l’évaluation diagnostique porte essentiellement sur l’intégration des composantes sémantiques des données, on pourra se contenter de proposer en bilan des problèmes avec des petits nombres afin de ne pas complexifier le calcul relationnel. 2°) la structure de produit de mesures Une deuxième classe de problèmes ne fait pas référence aux relations quaternaires : « La chambre de Paul mesure 4 m de long sur 3 m de large. Quelle en est sa superficie ? ». Il y a ici une relation ternaire entre trois quantités : l’une est le produit des deux autres, sur le plan dimensionnel comme au niveau numérique. On obtient d’ailleurs une mesure en mètre carré, mesure qui possède en elle-même 81 texte 212 10/01/03 14:46 Page 82 une double signification : celle de carré de un mètre de côté, et celle de produit de deux mesures de longueur (mètre x mètre). Ce double sens justifie ainsi l’écriture symbolique des unités d’aire : mm2, cm2, m2, dam2, km2… Pour rendre compte du type de relation unissant ces mesures, l’orthophoniste pourra le faire sous forme de tableau cartésien puisque c’est la notion même de produit cartésien qui explique la structure du produit des mesures. ♦ Opérations infra-logiques 1. Les conservations physiques REFERENCES DOLLE J-M., (1974). Pour comprendre Jean Piaget, Toulouse, Privat. PIAGET J. & INHELDER B., (1962). Le développement des quantités physiques chez l’enfant, Delachaux et Niestlé.(2e édition augmentée, p.6, 30 et 60). Les épreuves portent sur les conservations physiques de substance, poids et volume. Le matériel se compose de deux boules de plasticine de même dimension et il est demandé à l’enfant de juger s’il y a conservation ou non : 1°) de la substance malgré les transformations opérées sur l’une des deux boules, 2°) du poids (en s’aidant initialement d’une balance de Roberval pour admettre l’égalité de poids des deux boules) 3°) du volume (au moyen de deux récipients d’eau permettant le contrôle par immersion). Ces trois épreuves ne doivent pas être proposées à l’enfant à la suite l’une de l’autre, des processus de persévération pouvant fausser les réponses et masquer les états de conservation. Rappelons que l’activité cognitive de l’enfant est considérée comme opératoire si et seulement si l’action intériorisée est réversible et composable dans un système d’ensemble d’opérations mentales. La pensée logique s’appuie alors sur des invariants qui restent stables malgré les transformations : l’enfant doit donc se détacher des configurations perceptives, ne plus dépendre d’une certaine « résistance au réel » pour ne s’attacher qu’aux transformations en tant que telles. Dans le cas d’une conservation affirmée, il sera intéressant de noter le type de réversibilité revendiquée par l’enfant : • Par identité : l’enfant nous dit : « c’est toujours la même chose, on n’a rien enlevé, on n’a rien ajouté » 82 texte 212 10/01/03 14:46 Page 83 • Par compensation : l’argument met en relation deux mesures : « c’est plus long là, mais ici, c’est plus court » • Par inversion : L’enfant annule la transformation par un retour à l’état initial : « si on fait la boule comme avant, on aurait les deux mêmes boules, c’est la même chose ». C’est au niveau de l’intelligence opératoire formelle (logique de type combinatoire par classification de classifications) que se constituera un système de réversibilité combinant les deux réversibilités du niveau concret, par inversion et par réciprocité. 2. Les conservations spatiales REFERENCES PIAGET J., INHELDER B. & SZEMINSKA A., (1948). La géométrie spontanée de l’enfant, P.U.F, Paris, p. 148, p. 333, & p. 448. SCHMID-KITSIKIS E., (1969). L’examen des opérations de l’intelligence, psychopathologie de l’intelli gence, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé. a) la conservation des longueurs L’enfant choisit deux baguettes de même longueur que l’on place en situation de congruence, puis le clinicien déplace une des baguettes par translation. A chaque transformation, l’enfant doit porter un jugement sur la conservation ou non des deux longueurs. Il faut regarder ici comment l’enfant effectue l’égalité entre les deux baguettes : par tâtonnement, en prenant un repère, ou en se servant d’une même base (en position verticale sur la table). Dans un deuxième temps, il faudra se demander si l’enfant comprend bien la consigne (« est-ce qu’il y en a une plus longue que l’autre ? ») A ce sujet, on considère à la suite d’Inhelder (1969), que l’interrogatoire par la méthode clinique doit s’avérer plus organisateur qu’exploratoire. Il s’agit moins de mettre à jour des conduites nouvelles que de discriminer, entre plusieurs conduites possibles, celle qui caractérise le mieux le fonctionnement cognitif. b) la conservation des surfaces REFERENCES PIAGET J., INHELDER B. & SZEMINSKA A., (1948). La géométrie spontanée de l’enfant, P.U.F , Paris, p. 333. Le matériel se compose de deux surfaces représentant des prés où paissent deux vaches. Après avoir admis leur égalité de surface, l’enfant doit juger 83 texte 212 10/01/03 14:46 Page 84 de la conservation des surfaces restantes au fur et à mesure que l’on ajoute un nombre égal de maisons de même dimension. Le placement des maisons est différent sur chaque surface : sur le premier pré, les maisons seront collées les unes contre les autres alors que sur l’autre, les maisons seront espacées. Les vaches ont-elles la « même chose pareille » d’herbe à manger ? Piaget et ses collaboratrices ont trouvé que la conservation des surfaces est généralement affirmée comme nécessaire vers l’âge de sept ans. c) la conservation et la mesure des volumes REFERENCES PIAGET J., INHELDER B. & SZEMINSKA A.,(1948). La géométrie spontanée de l’enfant, P.U.F, Paris, p. 448 L’épreuve des îles évalue la conservation des volumes spatiaux par mise en relation des trois dimensions en un système d’ensemble de coordonnées. Sur une surface carrée de couleur bleue représentant un lac, ont été disposées des îles d’inégales grandeurs. Un bloc étalon de 7,5 x 7,5 x 10 cm figure une maison où l’eau affleure de toute part (comme à Venise). On raconte ensuite l’histoire des habitants de cette maison, qui veulent déménager sur l’île voisine (puis sur les autres) tout en conservant sur cette surface plus petite « la même chose de place qu’auparavant ». L’enfant est donc invité à réaliser un espace volumétrique équivalent à celui du bloc étalon en se servant de petits cubes de 2,5 cm de côté. De 7 à 9 ans, les enfants peuvent mettre en relation les trois dimensions en partant de la mise en relation de deux dimensions et en tâtonnant sur la troisième sans mesure ni compensation fondée sur un système d’unités. A ce stade, l’enfant s’interdit souvent de monter plus haut que le bloc étalon pour effectuer une égalisation des différences. Vers 9-10 ans, l’enfant effectue des mesures par décomposition et recomposition. Il s’agit d’un compromis entre la multiplication logique des relations (en quantifiant certaines mesures) et un calcul arithmétique qui s’appuie sur la conception du volume vu comme une addition de surfaces. A partir de 12 ans, l’enfant perçoit la relation mathématique entre le volume et les surfaces. Cette conservation apparaît tardivement dans la mesure où il est nécessaire de constituer un système d’ensembles de coordonnées par constance des verticales et des horizontales. 84 texte 212 10/01/03 14:46 Page 85 ♦ Opérations logico-mathématiques 1) la conservation des quantités discrètes REFERENCES PIAGET J., & SZEMINSKA A., (1941). La genèse du nombre chez l’enfant, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, chap. I et II. FAYOL M., (1990).L’enfant et le nombre, Neuchâtel-Paris, Delachaux-Niestlé.chap. 4 : la conservation et ses problèmes. GRÉCO P., (1962). Quantité et quotité, Etudes d’épistémologie génétique, Paris, PUF, 13, 1-70. HOUDÉ O., (1995). Rationalité, développement et inhibition, Paris, P.U.F. De nombreuses épreuves sont décrites dans la genèse du nombre. Par exemple, dans l’épreuve de correspondance terme à terme entre des œufs et des coquetiers (p. 59), l’enfant est invité à construire et à admettre l’équivalence entre les deux collections, puis à porter son jugement sur la conservation de l’une ou de l’autre selon que l’on a détruit la correspondance optique en allongeant ou en rétrécissant une des deux collections. La conservation du nombre, telle que l’a conceptualisée Piaget, a suscité de nombreuses controverses (pour une revue de la littérature, voir Fayol, 1990). Les critiques sont d’ailleurs d’ordre méthodologique puisque sont en jeu : • le contexte pragmatique de l’interaction : le sujet pourrait échouer du fait de l’intention qu’il attribue à l’adulte ; • l’influence du langage avec l’emploi de termes relationnels comme plus grand, plus petit, autant, pareil, entraînant chez certains enfants une incompréhension des consignes ; • la modalité de présentation comme la longueur des alignements, le nombre des éléments des collections et la présentation des données. Le clinicien avant toute interprétation, devra donc veiller à contrôler ces différents paramètres. L’enfant peut ne pas faire référence au nombre pour la simple raison qu’il le considère comme un critère moins fiable que la configuration perceptive. En lui fournissant une information en retour sur l’exactitude (ou l’inexactitude) de son jugement, on aidera l’enfant à considérer le nombre comme un indice plus pertinent que la longueur ou la densité. Moins qu’un constat empirique, l’orthophoniste cherchera à faire opérer par l’enfant une prise de réflexion (par abstraction réfléchissante) portant sur les actions et leur coordination. Les trois stades repérés par Piaget et Szeminska sont : 1 - La comparaison est qualitative et globale sans pour autant présenter de correspondance terme à terme ni d’équivalence durable. 85 texte 212 10/01/03 14:46 Page 86 2 - La correspondance terme à terme est obtenue mais elle reste intuitive sans équivalence durable : en cas d’espacement des éléments d’une rangée, la correspondance devient optique, l’enfant pensant alors que le nombre d’éléments est plus grand. 3 - La correspondance est devenue opératoire, qualitative ou numérique et les équivalences perdurent malgré les transformations sur les ensembles. P. Gréco (1962) a déterminé un stade 2 bis, où l’enfant pense que le nombre se conserve alors que la quantité augmente, le nom numérique n’étant qu’un moyen d’individualiser les éléments sans que la quantité totale soit conçue comme égale à la somme des parties : il y a conservation de la quotité mais non encore de la quantité. O. Houdé (1995) parle du piège de la longueur et analyse l’échec de l’enfant en terme d’enfant « inhibiteur inefficient » puisque celui-ci ne saurait inhiber le schème dangereux « plus c’est long, plus il y a d’éléments ». 2) Les structures de classification REFERENCES LAUTREY J., (1997). La catégorisation après Piaget, in Meljac C, Voyazopoulos R & Hatwell Y, Piaget après Piaget, Grenoble, La Pensée Sauvage. ORSINI-BOUICHOU F., (1975). Régularités dans les organisations spontanées chez l’enfant et genèse des comportements cognitifs, Thèse de doctorat d’Etat, vol.2, Paris, Université René-Descartes. PIAGET J. & INHELDER B., (1959). La genèse des structures logiques élémentaires ; classifications et sériations, Neuchâtel-Paris, Delachaux-Niestlé • Les opérations de classification regroupent les objets selon leurs équivalences, selon leurs critères communs. Une classe se définit à la fois en extension par la liste des exemplaires et en compréhension ou intension par la liste des attributs communs à ces exemplaires. « Dans un système achevé de classes logiques, la définition en compréhension suffit à déterminer l’extension et réciproquement » (Lautrey, 1997). L’épreuve dichotomique de formes géométriques (Piaget, p. 210) permet de suivre les conduites classificatoires de l’enfant à travers les différents stades que sont les collections figurales (premier stade), les collections non figurales (deuxième stade) et les classifications opératoires (troisième stade). Le matériel se compose de formes géométriques se différenciant par les critères de couleur, de forme et de grandeur ; l’orthophoniste repèrera les débuts d’emboîtement lorsque l’enfant procède soit par une méthode ascendante (réalisation de grandes collections pour parvenir peu à peu aux plus petites), soit par une méthode descendante 86 texte 212 10/01/03 14:46 Page 87 (réunion progressive des petites collections dans une plus grande) mais sans combinaison véritable de ces deux procédés. On notera des rangements qui obéissent à des lois d’alternance ou de bi-alternance quand l’enfant place les éléments les uns sur les autres en les dissociant par un ou deux critères non-pertinents (mise en évidence de pré-opérateurs selon la terminologie d’Orsini-Bouichou, 1975). Au troisième stade, l’enfant construit des classifications en combinant par mobilité rétroactive et par anticipation maximum le changement de critère (shifting). • Les rapports entre l’extension et la compréhension impliquent le réglage des quantificateurs tous et quelques, (le tous préopératoire se caractérisant par une indistinction entre ces deux notions). La maîtrise verbale de ces quantificateurs reste bien dépendante de l’acquisition de la structure d’inclusion : « le propre de l’inclusion est de construire précisément un emboîtement en extension et non pas simplement une différenciation en compréhension » (Piaget, 1959, p. 108). L’épreuve de classification des animaux (Piaget, p.113) concerne ainsi les emboîtements hiérarchiques et la quantification des inclusions lorsque ces opérations ne s’appliquent plus à des objets manipulables dans l’instant, mais à des concepts relativement abstraits. Le matériel, constitué d’images, comporte 4 canards (classe A), 5 oiseaux non-canards (classe A’), et 5 animaux non-oiseaux (classe B’). Les classes qui déterminent l’emboîtement hiérarchique A B C sont : les canards A, les oiseaux B, les animaux C. Après une classification spontanée, les questions sont par exemple : - A-t-on le droit de mettre A dans B ou B dans A ?… - Si on tue tous les canards (ou des oiseaux) reste-t-il des oiseaux (ou des canards) ?… - Y a-t-il plus d’oiseaux ou plus d’animaux ?… C’est autour de 8/9 ans que les enfants sont en mesure de résoudre le problème de la quantification de l’inclusion. 3) les opérations de relation REFERENCES BIDEAUD J.,(1988). Logique et Bricolage chez l’enfant, Lille : Presses Universitaires, p.272-273 pour la recherche d’Achenbach et Weisz. PIAGET J. & INHELDER B., (1959). La genèse des structures logiques élémentaires ; classifications et sériations, Neuchâtel-Paris, Delachaux-Niestlé, p. 154. SCHMID-KITSIKIS E., (1969). L’examen des opérations de l’intelligence, psychopathologie de l’intelli gence, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé. 87 texte 212 10/01/03 14:46 Page 88 Les opérations de sériation consistent à grouper les objets selon leurs différences ordonnées. Celles-ci se mettent en place vers 7/8 ans ; si, auparavant, l’enfant était capable d’effectuer des emboîtements de gobelets ou des encastrements d’œufs gigognes, il le faisait par tâtonnement, par relation particulière de partie à partie. L’épreuve de sériation de baguettes doit ainsi permettre de discriminer ce qui relève des facteurs figuraux (composants perceptifs) et des praxies motrices et ce qui relève des opérations mentales. On dispose d’un jeu de 10 bâtonnets variant de 9,5 cm à 16,2 cm ainsi que de quelques bâtonnets pouvant être intercalés dans la série après coup. On demande à l’enfant de construire un escalier en commençant par le plus petit bâtonnet. A la suite, on lui demande également d’intercaler les bâtonnets de dimensions intermédiaires. La réussite à cette épreuve témoigne de la mise en place de procédures régulières par l’emploi de schèmes d’anticipation mobile : prendre le plus petit élément puis systématiser la méthode pour la série complète, la structure sériale dérivant d’après Piaget d’une « organisation progressive des actions qui structure les perceptions ellesmêmes ». Pour évaluer la compréhension des relations asymétriques transitives, on utilisera l’épreuve de transitivité des longueurs (Achenbach et Weisz, 1976), l’épreuve de sériation s’avérant plus facile qu’une épreuve de transitivité verbale. Le matériel est très simple à se constituer : 5 crayons de couleur différente A > B > C > D > E, variant de 11 à 13 cm. Leur différence est donc difficilement constatable. On fait comparer à l’enfant A et B, puis B et C et l’on place les trois crayons en colonne l’un sous l’autre. D et E sont placés dans une seconde colonne avec D en face de B et E en face de C : il y a donc une place vide en face de A. A B C « vide » D E A B « vide » C D E C est déplacé de la première colonne vers la place vide. L’enfant compare alors C et D, puis D et E : il devra répondre ensuite à la question de transitivité portant sur le couple B et D (lequel est le plus grand et comment le sais-tu ?). On notera d’une part la présence ou l’absence d’inférence déductive dans l’argumentation verbale ; d’autre part, on relèvera la différenciation entre ce qui est constatable de ce qui est inférentiel. Précisons encore qu’il est nécessaire pour réussir cette épreuve de mémoriser les informations pertinentes puis de les intégrer dans une représentation de l’ordre linéaire (codage linguistique et/ou localisation spatiale). 88 texte 212 10/01/03 14:46 Page 89 L’épreuve des œufs gigognes analyse l’opération de relation « plus grand que » avec l’intervention d’une forte composante praxique : il faut pouvoir emboîter la partie haute de l’œuf avec la partie basse puis encastrer les œufs les uns dans les autres (les deux parties de chaque œuf seront de couleur différente afin de supprimer l’aide figurative du critère couleur dans leur correspondance terme à terme). Cette épreuve demande un maximum d’anticipation opératoire puisque sa réussite nécessite de planifier et de combiner plusieurs actions élémentaires, à savoir le choix du plus petit à encastrer dans le plus petit restant puis réitération de cette conduite avec les œufs plus grands. ♦ Opérations logiques / Planification REFERENCES BODER A., (1992). “Le schème familier”, unité cognitive procédurale privilégiée. In Inhelder B, Cellerier G., & al,. Le cheminement des découvertes de l’enfant : recherche sur les microgenèses cognitives, Neuchâtel, Delachaux-Niestlé. INHELDER B, & DE CAPRONA D., (1992). Un parcours de recher che, in Inhelder B, Cellerier G., & al, Le cheminement des découvertes de l’enfant : recherche sur les microgenèses cognitives, Neu châtel, Delachaux-Niestlé. CLÉMENT E., (2001). Relation entre implicite et explicite dans l’activité de résolution de problèmes par des enfants de 7 ans, A.N.A.E, 65, 218-223. LEMAIRE P., (1999). Psychologie cognitive, Paris, Bruxelles, De Boeck Université (Chap. 7, La résolution de problèmes, § 2.3, Problèmes de transformation, p. 280-282) RICHARD J.F., (1990). Les activités mentales : comprendre, raisonner, trouver des solutions, Paris, A.Colin (chap. 3, Comprendre : construire une représentation, § 3.4.2, l’utilisation de l’analogie dans l’élaboration de procédures, p.148-150 & annexe p.381-382) Richard définit la planification comme « la construction et/ou l’utilisation de représentations anticipatrices hiérarchisées (plans) pour guider l’activité » (1990, p. 260). La planification a donc deux propriétés, à savoir l’anticipation et la schématisation : la première permet de construire la représentation nécessaire à une exécution ultérieure alors que la seconde est une manière de représenter l’organisation des connaissances en mémoire pour mieux les utiliser dans la compréhension et l’inférence des procédures de résolution. Si l’on considère le fonctionnement cognitif comme une organisation de composantes gérant chacune un traitement spécifique de l’information, alors la planification intervient nécessairement dans toute activité de résolution de problèmes. Cependant, le clinicien prête-t-il attention au processus de planification alors qu’il doit contrôler tout à la fois l’analyse des données du problème, l’intégration de ces données sous forme de programme, l’exécution de ce programme et l’auto-contrôle du résultat, par comparaison du résultat obtenu avec les don- 89 texte 212 10/01/03 14:46 Page 90 nées initiales en terme d’acceptibilité et de crédibilité (Gil, 1996). Certaines é p re u ves rendent donc mieux compte du processus de planification que d’autres : nous en avons sélectionné deux pour leur particularité à présenter une structure très ordonnée d’actions élémentaires, ce qui d’une part contraint le choix de l’enfant et d’autre part peut être facilement formalisée. L’épreuve du camion nous a été inspirée d’une expérimentation de Boder (1992). Sous-titrée « les derniers seront les premiers : la coordination de l’ordre inverse et de l’ordre direct » (p.70), l’expérimentation consiste à disposer des plots de couleurs différentes sur un camion de telle façon que l’on puisse les décharger ensuite devant une zone de couleur semblable, sans revenir en arrière pour autant. L’enfant devra donc charger le camion dans l’ordre inverse de l’ordre de déchargement, puisque le premier plot déchargé sera le dernier chargé. La difficulté de cette épreuve consiste donc à subordonner la représentation initiale aux procédures de chargement et de déchargement. D’un point de vue clinique, il nous a semblé nécessaire de simplifier la configuration des zones de déchargement pour ne présenter à l’enfant qu’une suite de 5 maisons de couleurs différentes et un lot de 10 colis (peints de la même couleur) parmi lesquels 5 seront à livrer devant chaque maison (Ménissier & Dal Molin-Lautel, à paraître). Piaget et Inhelder (1948) ont montré qu’un enfant de 6 ans peut réaliser un alignement d’objets en ordre inverse et parallèle à un alignement spatial donné : la difficulté de l’épreuve est ailleurs et consiste bien à anticiper la tâche à effectuer afin de proposer la procédure d’inversion comme moyen et comme fin (habileté dite d’« analyse moyen-fin » décrite par Newell & Simon, 1972). Cette épreuve sera présentée à des enfants de 6-7 ans alors que l’épreuve suivante sera réservée aux enfants plus âgés. L’épreuve de la Tour de Hanoï peut être considérée comme une des épreuves les plus étudiées en psychologie cognitive. Celle-ci permet en clinique l’observation du déroulement des séquences d’action, leur mise en automatisation et l’élaboration de la planification puisqu’il s’agit de trouver une suite d’opérations qui transforment l’état initial de la situation-problème en son état final (ce qui place cette épreuve dans la typologie des problèmes dits de transformation). Rappelons la tâche à effectuer : l’enfant est placé devant trois tiges verticales et trois disques (pour la situation la plus simple). Au départ, les trois disques sont placés sur l’une des tiges (e.g., celle de gauche) par ordre de taille croissante (un grand disque, un moyen et un petit) ; il s’agit ensuite de les déplacer sur une autre tige (e.g., celle de droite) tout en respectant un certain nombre de règles comme par exemple de ne déplacer qu’un disque à la fois, de ne prendre que celui qui se trouve en haut d’une pile et de ne poser un disque que sur un disque plus grand. Il faut donc déplacer la tour placée à gauche et la 90 texte 212 10/01/03 14:46 Page 91 reconstruire à droite dans une configuration identique à celle de départ : ce problème comporte 3n états, ce qui constitue un espace-problème (n étant le nombre de disques et avec un nombre minimal de déplacements de 2n-1). L’orthophoniste peut facilement présenter cette épreuve puisqu’il dispose déjà dans son cabinet d’un matériel approprié, à savoir les pots gigognes qu’utilisent les plus jeunes enfants pour effectuer des emboîtements par tâtonnements ; il suffit de dessiner sur une feuille de papier trois emplacements distincts (trois ronds marqués de gauche à droite) et de placer sur le rond de gauche trois pots disposés à l’envers de façon à obtenir une tour. La règle « ne pas poser un pot sur un plus petit » n’a plus alors à être mémorisée puisque le plus gros gobelet cacherait le plus petit s’il était posé dessus : à ce titre, la règle est dite interne en opposition à la règle externe qu’est le déplacement d’un seul pot (Clément, 2001). Richard a décrit les comportements des enfants de 7 ans qui passent par des cycles caractéristiques alors que les enfants de 8 ans ont des comportements moins systématiques (1990, p.149-150). Enfin Karat (1982) a proposé un modèle de résolution qui comporte un système exécutif avec un ensemble de processus cognitifs nécessaires à l’action (déplacements des disques ou des gobelets), un système propositionnel avec une analyse de l’état du problème (permettant la mise en œuvre soit d’une stratégie de compréhension, soit d’une stratégie dite d’essai), et enfin un système d’évaluation afin de vérifier si l’action engagée respecte les consignes et permet de toucher le but ou tout au moins de s’en rapprocher. 91 texte 212 10/01/03 14:46 Page 92 REFERENCES (Complémentaire aux références précédemment citées) ASSHCRAFT M.H., & FIERMAN B.A., (1982). Mental addition in thir d, fourth, and sixth g raders. Journal of Experimental Child Psychology, 33, 216-234. BAROODY A.J., & GINSBURG H.P., (1986). The relationship between initial meaningful and mechanical knowledge of arithmetic. In Hierbert J. (Ed), Conceptual and procedural knowledge : the case of mathematics, 75-112, Hillsdale : Erlbaum. BASTIEN C., (1987). Schèmes et stratégies dans l’activité cognitive de l’enfant, Paris, PUF. BIDEAUD J., & HOUDÉ O., (1987). Représentation analogique et résolution du problème dit « d’inclusion ». Archives de Psychologie, 55, 281-303. BIDEAUD J., & HOUDÉ O., (1991) Cognition et développement. Boîte à outils théoriques, Berne, Peter Lang. BIDEAUD J., HOUDÉ O. & PEDINIELLI J-L., (1993). L’homme en développement, Paris, PUF. BIDEAUD J., & LEHALLE H., (2002). Le développement des activités numériques chez l’enfant, Paris, Hermès Sciences Publications. BIDEAUD J., MELJAC C., & FISCHEr J.P., (1991). Les chemins du nombre, Lille : Presses Universitaires. BRISSIAUD R., (1989). Comment les enfants apprennent à calculer, Paris, Retz . BRISSIAUD R. , ESCARABAL M.C. (1986). Formulation des énoncés : classique vs récit, Revue Française de Pédagogie, 74, 47-52. CORDIER F.,(1981). Catégorisation d’exemplaires et degré de typicalité : étude chez des enfants, Cahiers de Psychologie Cognitive, 1, 75-83. DEHAENE S., (1992). Varieties of numerical abilities, Cognition, 44, 1-42. DESSAILLY P., (1992). Le nombre : réflexions pour un apprentissage fécond, Isbergues, Ortho-Edition. DOLLE J-M., & BELLANO D., (1989). Ces enfants qui n’apprennent pas : diagnostic et remédiations, Paris, Editions du Centurion. DONLAN C. (1998). The development of Mathemetical Skills, Hove, UK: Psychology Press. EUSTACHE F., LECHEVALIER B., & VIADER F., (2001), Les méthodes de la neuropsychologie, Bruxelles, DeBoeck Université collection. FAYOL M., & ABDI H., (1986). Impact des formulations sur la résolution de problèmes additifs. European Journal of Psychology of Education, 1, 41-58. FISCHER J-P., (1992). Apprentissages numériques : la distinction procédurale/déclaratif, Nancy, Presses universitaires de Nancy. FUSON K.C., (1988). Children’s counting and concepts of number. New-york : Springer. GAILLARD F & coll., (2000). Numerical, test neurocognitif pour l’apprentissage du nombre et du calcul, Actualités psychologiques, édition spéciale, Université de Lausanne. GELMAN R., & GALLISTEL C.R., (1978). The child’ understanding of number. Cambridge : Harvard University Press. GIBELLO B., (1984). L’enfant à l’intelligence troublée, Paris, Païdos-Centurion. GIBELLO B., (1985). Les troubles du raisonnement, Revue de neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 33/1. GIL R., (1996). Neuropsychologie, Paris, Masson. GOMBERT J-E., & FAYOL M., (1986). Auto-contrôle par l’enfant de ses réalisations dans des tâches cognitives, Les problèmes à l’école élémentaire, Caen, Ed. de l’Ecole Normale du Calvados. GRÉCO P., (1962). Quantité et quotité, Etudes d’épistémologie génétique, Paris, PUF, 13, 1-70. GRÉCO P., (1980). Comment ça marche ? Bulletin de Psychologie, XXXIII, 633-637. GRÉGOIRE J., (1992). Evaluer les troubles cognitifs au moyen des épreuves piagétiennes ? Analyse de quelques problèmes méthodologiques. Archives de Psychologie, 60, 177-204. GRÉGOIRE J., (1996). Evaluer les apprentissages, les apports de la psychologie cognitive, Bruxelles, De Boeck. HOC J.M., (1987). Psychologie cognitive de la planification, Grenoble, PUG. IFRAH G., (1994). Histoire universelle des chiffres (vol I et II), Paris, R. Laffont. INHELDER B., & PIAGET J., (1979). Procédures et structures, Les Archives de Psycholo gie, 47, 165176. 92 texte 212 10/01/03 14:46 Page 93 INHELDER B, CELLERIER G., & al, (1992). Le cheminement des découvertes de l’enfant : recherche sur les microgenèses cognitives, Neuchâtel, Delachaux-Niestlé. JARLEGAN A., FAYOL M., & BAROUILLET P., (1996). De soixante-douze à 72, et inversement: une étude du transcodage chez les enfants de 7 ans, in Revue de Psychologie de l’Education, 2, p.109-131. JAULIN-MANNONI F., (1993). Dyscalculie ou difficultés d’organisation de la pensée, Entretiens d’Orthophonie, Paris, ESF. JAULIN-MANNONI F., (1973). Pédagogie des structures logiques élémentaires, Paris, Editions Sociales Françaises. JAULIN-MANNONI F., (1974). L’apprentissage des sériations, Paris, Editions Sociales Françaises. JOHNSON-LAIRD P-N., (1980). Mental Models in Cognitive Science, 4, 71-115. JULO J., (1995). Représentation de problèmes et réussite en mathématiques, Rennes : Presses Universitaires de Rennes. KARAT J., (1982). A model of problem solving with incomplete constraint knowledge, Cognitive Psychology, 14(4), 538-559. LEVAIN J.P., (1997) Faire des maths autrement, développement cognitif et proportionnalité, Paris, L’Harmattan. LAUTREY J., (1997). La catégorisation après Piaget, in Meljac C, Voyazopoulos R & Hatwell Y, Piaget après Piaget, Grenoble, La Pensée Sauvage. LUSSIER F., & FLESSAS J., (2001). La dyscalculie, in chap. 6, Neuropsychologie de l’enfant, troubles développementaux et de l’apprentissage, Paris, Dunod. KERVOT J-C., (1987). Les difficultés en mathématique ; diversité des troubles et diversité des traitements, Rééducation Orthophonique, Vol. 25, 149, 51-60. MAZEAU M., (1995). Déficits visuo-spatiaux et dyspraxies de l’enfant : du trouble à la rééducation, Paris, Masson. MELJAC C., (1979). Décrire, agir, compter. L’enfant et le dénombrement spontané, Paris, PUF. MELJAC C., & LEMMEL G., (1999). Batterie UDN-II, Paris, ECPA. NEWELL A & SIMON H.A., (1972). Human problem solving, Englewood Cliffs, NJ : Prentice-Hall. NOËL M-P., (2000). La dyscalculie développementale : un état de la question, in Séron X. & PESENTI M., Neuropsychologie des troubles du calcul et du traitement des nombres, Marseille, Solal, 5983. NOËL M-P., & SERON X., (2001). Les dyscalculies chez l’enfant, in Rondal J.A & Comblain A., Manuel de psychologie des handicaps, Bruxelles, Mardaga. OLÉRON P., (1989). Le raisonnement, Paris, PUF. ORSINI-BOUICHOU F., (1982). L’intelligence de l’enfant. Ontogenèse des Invariants, Paris, éditions du CNRS. PERRET J-F., (1985). Comprendre l’écriture des nombres, Berne, Peter Lang. PIAGET J., & INHELDER B., (1948).La représentation de l’espace chez l’enfant, Paris, P.U.F. RAMOZZI-CHIAOTTINO Z., (1989). De la théorie de Piaget à ses applications, une hypothèse de travail pour la rééducation cognitive, Paris, Editions du Centurion. RIBEAUPIERRE A. DE (1983). Un modèle néo-piagétien du développement : la théorie des opérateurs constructifs de Pascual-Leone, Cahiers de psychologie cognitive, 3, 327-356. ROSCH E., (1975). Cognitive Représentations of Semantic Categories, J. of Exper. Psychology : General, 104, 192-233. SCHMID-KITSIKIS E., (1985). Théorie clinique du fonctionnement mental, Bruxelles, Mardaga. SCHMID-KITSIKIS E., & BUTSCHER P., (1983). Stratégies et dysfonctionnement de la pensée, Archives de Psychologie, 51, 125-131. VAN HOUT A., & MELJAC C., (2001). Troubles du calcul et dyscalculies chez l’enfant, Paris, Masson. VAN NIEUWENHOVEN C., GRÉGOIRE J., & NOËL M.P., (2002). TEDI-MATH, outil diagnostique des troubles d’apprentissage en mathématiques, Paris, ECPA. ZAZZO R., (1969). Manuel pour l’examen psychologique de l’enfant, Neuchâtel, Delachaux & Niestlé. 93 texte 212 10/01/03 14:46 Page 94 texte 212 10/01/03 14:46 Page 95 Le bilan du bégaiement de l’adulte et de l’enfant Véronique Boucand, Bernard Roubeau Résumé Le bilan du bégaiement qui s’appuie sur l’état actuel des connaissances, a pour but d’évaluer autant la parole du patient que ses attitudes réactionnelles et les aspects globaux de sa communication. Chez l’adulte et l’adolescent, les processus étant en grande partie fixés, le bilan correspond à un état des lieux des différentes composantes du bégaiement. Chez le jeune enfant, le bilan s’intéresse surtout aux processus dynamiques d’ancrage du trouble. Mots clés : bégaiement, dysfluence, communication, attitudes réactionnelles, évaluation. Evaluation of stuttering in children and adults Abstract Based on current knowledge, the assessment of stuttering should evaluate not only the patient’s speech patterns but also his (her) reactions and communication skills as a whole. In adults and adolescents, the process is more or less « fixed » and the assessment is limited to an evaluation of the various components of stuttering. In children, the evaluation is primarily centered on the dynamic anchoring processes of the disorder. Key Words : evaluation, stuttering, dysfluency, communication, attitudinal reactions, evaluation. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 95 texte 212 10/01/03 14:46 Page 96 Véronique BOUCAND Orthophoniste 243, Boulevard Raspail 75014 Paris Bernard ROUBEAU Orthophoniste, Docteur es Sciences Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale Hôpital Tenon 75020 Paris A l’heure de l’évaluation des pathologies et des pratiques par des outils standardisés, dont on peut imaginer l’apport mais aussi les limites, il apparaît indispensable d’ouvrir et de définir le champ d’investigation du bilan et de la prise en charge orthophonique. Un bilan sur support informatique tel que celui présenté dans le logiciel « L.A.B.O. 2002 » peut paraître rigide si on méconnaît tout ce qu’il sous-tend sur un plan théorique. Cet article a pour but d’en pointer les principales orientations. L’évaluation s’appuie sur l’état actuel des connaissances et prend en considération tous les aspects de la communication qui participeront également à l’élaboration du projet thérapeutique. Chez l’adulte et l’adolescent, les processus liés au bégaiement sont en grande partie fixés et le bilan s’intéresse à tous les dysfonctionnements de la parole et de la communication. Il correspond à un état des lieux des différents aspects du trouble. Chez l’enfant, le bilan se focalise surtout sur les processus dynamiques d’ancrage du trouble. On peut résumer ces processus de la façon schématique suivante : l’enfant se met progressivement à lutter contre les dysfluences qui apparaissent et c’est cette lutte qui participe à la fixation du symptôme, symptôme auquel s’ajoutera un ensemble de conduites réactionnelles du sujet et du milieu. Comme tout bilan, l’évaluation du bégaiement modifie le regard du patient et de l’entourage sur le trouble, et présente de ce fait, d’emblée, un rôle thérapeutique fondamental. ♦ Le bilan de l’adolescent et de l’adulte Le bilan est un état des lieux qui s’articule autour de trois pôles principaux : 96 texte 212 10/01/03 14:46 Page 97 • La parole en tant que production sonore et l’ensemble des événements moteurs qui l’accompagnent. • Les différentes stratégies réactionnelles mises en place : stratégies phonétiques, linguistiques et sociales. • Les aspects globaux de la communication. Nous évoquerons de façon schématique ce que recouvrent ces trois grands axes, pour une information plus complète, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages de référence. • La parole représente l’aspect le plus visible du trouble, son analyse détaillée permet une prise de conscience des dysfluences. On emploie indifféremment les termes de dysfluences ou bégayages pour nommer les accidents de parole. Tout autant que la nature des accidents de parole, le degré de tension qui les accompagne est représentatif de leur sévérité. C’est à partir de cette analyse que s’élabore la partie phonatoire et articulatoire de la rééducation. L’évaluation des dysfluences, pour être rigoureuse, est transcrite de façon aussi complète que possible, aussi bien sur un plan quantitatif que qualitatif, à partir d’un corpus de parole spontanée enregistrée (test de Northwestern, D. Hill and J. Campbell). Lors de la transcription, l’utilisation de différents codes graphiques permet de visualiser la parole. Ainsi, cette analyse, en plus des bégayages, met en évidence la parole non bégayée liée aux circonlocutions et méandres de la pensée dictés par le bégaiement. Cette analyse permet enfin d’objectiver son évolution. L’évaluation de la parole n’est pas forcément la première étape du bilan car elle nécessite un enregistrement qui ne peut être effectué qu’après la mise en place d’un climat de confiance. Dans certains cas - « cover stuttering » ou bégaiement caché - les patients bègues ne présentent que de très rares dysfluences audibles. Le bégaiement n’en est pas moins réel, ce que confirme en général la présence des attitudes réactionnelles. En effet, une grande partie de l’énergie psychique du patient est utilisée à masquer les éléments visibles du bégaiement. Le bilan s’attache donc à noter avec autant de rigueur que possible ces conduites. Lors de l’examen, une grande part est faite aux composantes suprasegmentales telles que le débit de parole, la prosodie, la présence ou l’absence de gestes et de mimiques qui l’accompagnent, le maintien ou non du contact visuel. On notera la conscience que le patient a de ces différents éléments ainsi que des mouvements parasites associés aux dysfluences (cf. livret de l’Association Parole Bégaiement) adressé aux orthophonistes en 1997. 97 texte 212 10/01/03 14:46 Page 98 • Le bilan est la première étape vers la prise de conscience des stratégies ou attitudes réactionnelles et des croyances qui s’y rapportent. Des croyances (peurs ou appréhensions) découlent des stratégies adoptées pour limiter les dysfluences, aussi bien au niveau phonétique, linguistique que social. « Les appréhensions phonétiques », qui concernent par exemple typiquement les consonnes occlusives et fricatives ou les voyelles, entraînent des stratégies linguistiques plus ou moins complexes allant du changement de mot à la circonlocution la plus élaborée, ou mènent au contraire, à l’adoption d’un discours a minima. L’appréhension du bégaiement conduit le patient à développer des stratégies d’évitement social, allant de la situation la plus anodine au repli total sur soi. Parmi les plus classiques citons la peur de parler à des inconnus qui peut se manifester en évitant de demander l’heure ou son chemin, la peur de lire à haute voix, de répondre au téléphone, etc. L’ensemble de ces stratégies est relevé librement au fil de l’entretien avec le patient mais des échelles déjà publiées (voir références bibliographiques) qui répertorient la plupart de ces stratégies peuvent être utilisées. Ces échelles présentent deux principaux avantages : d’une part, elles font prendre conscience au patient des comportements qu’il adopte ; d’autre part, le fait que ces stratégies soient répertoriées banalisent en partie sa situation. Cette banalisation lui permet d’envisager l’existence de solutions. Enfin, à distance, ces échelles servent à évaluer les progrès. • Les aspect globaux de la communication recouvrent différentes habiletés (Rustin) : les habiletés de base (contact visuel, mimique, posture, mémoire immédiate), les habiletés affectives (identification des sentiments), les habiletés interactives (gestion de l’échange) et les habiletés cognitives (capacité d’adaptation du discours). Ces éléments seront évalués au cours du bilan de même que les autres aspects généraux tels que : le niveau d’acceptation du trouble, le tabou, le ressenti du bégaiement et enfin le degré de motivation pour la prise en charge. L’évaluation du bégaiement ne s’intéresse donc pas uniquement à l’aspect visible du trouble représenté par les dysfluences mais tout autant aux conduites réactionnelles développées pour les combattre. Le recueil de ces éléments nécessite une grande qualité d’écoute et d’empathie de la part du thérapeute. 98 texte 212 10/01/03 14:46 Page 99 ♦ Le bilan de l’enfant Chez l’enfant, le bilan évalue la dynamique de « chronicisation » du bégaiement. Effectivement trois enfants sur quatre qui bégaient au moment du développement du langage auront une rémission spontanée de leur trouble mais le quatrième le fera perdurer (70% des enfants commenceraient à bégayer entre deux et quatre ans). La prévention a pour but d’éviter la fixation. Ce bilan présente un caractère d’urgence et doit être pratiqué, quelque soit l’âge de l’enfant, dès que le trouble apparaît. Plus qu’une évaluation, il a un rôle thérapeutique et se présente le plus souvent comme une séance d’accompagnement parental. Avant quatre ans et demi, ce bilan, qui peut être au besoin suivi de quelques séances, suffit pour éviter l’ancrage du trouble en l’absence de retard de parole et de langage associé. Après cet âge, l’intervention est plus longue car le trouble est plus installé sous l’effet des réactions souvent inadaptées de l’entourage et de l’enfant luimême. Aux parents qui sont souvent à la recherche d’une cause ou de facteurs déclenchants, il est important de faire admettre que cette cause peut être plurifactorielle. Les « facteurs 3P » décrits par Anne-Marie Simon Prédisposent l’enfant à développer un bégaiement, Précipitent la venue du trouble, puis le font Perdurer. Les facteurs qui prédisposent peuvent être d’ordre génétique, physiologique, environnemental ou dépendre du développement même de l’enfant. Aucun de ces facteurs n’est à lui seul suffisant pour déclencher un tel trouble, c’est leur conjugaison qui accroît le risque de survenue du bégaiement. Pour ce qui est du facteur génétique, on sait que la prévalence du bégaiement, qui affecte 1% de la population générale, est beaucoup plus importante au sein des familles de bègues (Andrews 1984). Les facteurs environnementaux qui font perdurer le trouble sont ceux sur lesquels il sera possible d’agir par la prise en charge. Le bilan s’efforce de les répertorier. Parmi ceux-ci, se trouve toute demande de performances excessives de l’entourage vis à vis de l’enfant, aussi bien en ce qui concerne le langage (modèle des parents avec un débit trop rapide, des tournures linguistiques trop 99 texte 212 10/01/03 14:46 Page 100 élaborées, un vocabulaire trop complexe) que la politesse ou la propreté par exemple. Ces exigences sont génératrices de tensions qui, comme le caractère même de l’enfant jouent un rôle dans la fixation de son trouble. Les petits enfants bègues sont souvent décrits comme étant anxieux, nerveux, volontaires, perfectionnistes. Les facteurs qui précipitent la survenue du trouble peuvent être des événements ponctuels tels que déménagement, naissance, séparation et autres traumatismes affectifs, mais aussi les situations familiales conflictuelles prolongées qui génèrent un état de tension constant chez l’enfant. Les facteurs qui le font perdurer sont les réactions de l’entourage et de l’enfant à son propre trouble ainsi que ces situations génératrices de tension qui se prolongent. Il faudra donc prendre conscience de ces différents éléments et tenter de les faire évoluer. Tous ces paramètres sont pris en compte pendant le bilan à travers des questions posées aux parents sur les circonstances d’apparition et l’évolution du trouble afin d’évaluer son niveau d’ancrage ainsi que sur les traitements antérieurs éventuels. Les questions porteront également : sur les facteurs de fluctuations (fatigue, excitation, stress, émotions, interlocuteur), sur les manifestations du trouble (type de dysfluences), sur la vie de l’enfant à la maison et à l’école (pression temporelle), sur son caractère, sur les exigences scolaires, sociales (politesse, propreté), sur les réactions aux dysfluences, sur l’existence ou non d’un retard de parole et de langage associé, sur la sensibilité de l’enfant à son trouble. Outre l’observation du niveau de perturbation de la parole et d’ancrage du bégaiement, la séance de bilan a cinq autres objectifs principaux : • Fournir aux parents des informations sur ce trouble de la communication et sur le bégaiement en tant que comportement d’effort ; • Permettre aux parents de savoir quelles attitudes adopter en face de leur enfant qui bégaie ; • Adapter les comportements de communication au sein de la famille ; • Essayer de faire baisser le niveau de pression qui s’exerce sur cet enfant, les exigences parentales ayant été répertoriées ; • Modéliser pour les parents un parler «relax», sans tension, avec un débit ralenti et de nombreuses pauses, un vocabulaire et une syntaxe adaptée au niveau de l’enfant. Cette intervention va aider les parents à modifier leur regard sur leur enfant qui bégaie et à adapter leurs attitudes face à ce bégaiement qui les gêne, les angoisse ou les interroge. Les parents vont devenir acteurs du traitement de leur enfant. 100 texte 212 10/01/03 14:46 Page 101 L’examen détaillé des dysfluences est parfois difficile à faire pendant ce premier bilan, il pourra être fait par la suite s’il s’avère nécessaire. On notera cependant le type de dysfluences et leur fréquence, le degré de tension qui les accompagne, les mouvements accompagnateurs engendrés par cette tension, la présence ou non de contact visuel pendant et en dehors des dysfluences, ainsi que les stratégies adoptées par l’enfant pour ne pas ou moins bégayer (ex : syllaber, chantonner etc.). Un examen ultérieur de la parole et du langage s’impose dans le cas d’une suspicion de retard de parole et de langage ou d’un trouble d’articulation. Le retard de parole est un facteur de chronicisation du bégaiement. Le développement du langage chez l’enfant qui bégaie est parfois précoce, parfois retardé, des troubles de l’évocation peuvent être associés au bégaiement. Il se peut que l’enfant n’ait pas présenté de dysfluences pendant ce premier bilan, malgré cela, il peut avoir besoin d’une prise en charge ou d’un suivi, la nature même du bégaiement étant de ne pas être constant. Chez l’enfant plus âgé, bien que le rôle des parents reste important, sa participation active est requise pendant le bilan et la rééducation. Certaines questions lui seront posées directement sur la conscience qu’il a de son trouble, sur les facteurs de fluctuation, sur l’identification de ses sentiments liés au bégaiement, sur sa façon de réagir au trouble, aux moqueries, sur les réactions de l’entourage et ce qu’il en pense. Outre la parole spontanée, les dysfluences sont aussi évaluées en lecture et dans la récitation de textes appris par cœur ou de séries automatiques. Enfin, le bilan est aussi le moment d’estimer les motivations de l’enfant pour la rééducation. Souvent ce bilan est l’occasion de dire des choses qui n’avaient jamais été dites ouvertement car le bégaiement est encore souvent « tabou » dans de nombreuses familles. 101 texte 212 10/01/03 14:46 Page 102 REFERENCES ANDRE C., LEGERON P. (1999) La peur des autres. Paris. Ed. Odile Jacob Association Parole Bégaiement. (1997) Prévention du bégaiement chez le jeune enfant, intervention pré coce. BENSALLAH A. (1997) Pour une linguistique du bégaiement. L’harmattan. Paris BIJLEVELD H.A. (1992) Famille et bégaiement. Entretiens d’orthophonie. Paris CONTURE G. (2001) Stuttering, its nature, diagnosis and treatment. Allyn And Bacon. USA GAGNON-FERLAND C., LACHANCE C., LADOUCEUR R. (1996) Comprendre et maîtriser le bégaiement. Québec. Chronique sociale GAYRAUD ANDEL M. (2000) Bégaiement et art thérapie. Ortho-Edition LE HUCHE F. (1998) Le bégaiement, option guérison. Albin Michel. Paris MAY A. (2001) Déjouer les mots. Ortho-Edition MONFRAIS-PFAUWADEL M.C. (2000) Un manuel du bégaiement. Solal MURRAY F. (1996) L’histoire d’un bègue. Publication APB Rééducation orthophonique. (2001) Le bégaiement. Juin N°206 Rééducation orthophonique. (2002) Le bégaiement chez l’enfant. Septembre N°211 Revue de l’association romande des logopèdes diplômés. (2002) Les bégaiements, langage et pratiques. Juin N°29 REY LACOSTE J. (1997) Le bégaiement, approche plurielle. Masson RUSTIN L., KUHR A. (1992) Troubles de la parole et habiletés sociales. Masson SHAPIRO D. A. (1999) Stuttering intervention. Texas. Pro-Ed. Austin SIMON A.M. (1991) Intervention précoce chez des enfants à risque ou déjà bègues. Glossa N°24 SIMON A.M. (1992) Très jeunes enfants bègues ou dysfluents, évaluation, intervention précoce. Entretien d’orthophonie. Paris SIMON A.M. (1999) Paroles de parents. Ortho-Edition SIMON A.M. (2001) Compte rendu d’une première expérience de stage thérapeutique intensif. L’ortho phoniste. N°211 VALLEE R. (2000) La relation émotionnelle. Ortho-Edition VAN HOUT A., ESTIENNE F. (1996) Les bégaiements. Masson ÉCHELLES Echelle de communication. Modification de l’échelle d’Erickson d’après G.J. Brutten. (Traduction V.Boucand) Echelle APB des malfaçons de F. Le Huche. Dans : Le bégaiement option guérison. F. Le Huche. Albin Michel Echelle d’aptitudes pour personnes bègues de Breitenfeld. (1999). Sucessful Stuttering management program. Eastern Washington University. USA. (Traduction V.Boucand) Echelle d’évaluation des habiletés, des aptitudes à la communication. (1992). Dans : Troubles de la parole et habiletés sociales. L. Rustin. Masson Echelle d’affirmation de soi de Rathus Echelle Iowa de sévérité du bégaiement d’après D. Williams. (Adaptation M.C. Pfauwadel). Dans : Un manuel du bégaiement. Solal Grille d’évaluation subjective du bégaiement. Projet de recherche APB-IPSO. Association Parole-Bégaiement. Dans : Le bégaiement option guérison de F. Le Huche. Albin Michel Hiérarchie des situations de parole. M.C. Pfauwadel. Dans : Un manuel du bégaiement. Solal Profil WASSP de L. Wright et A. Ayre. USA. (Traduction A.M.Simon) Questionnaire sur les stratégies utilisées pour ne pas bégayer de Breitenfeldt (1999). Sucessful Stuttering management program. Eastern Washington University. USA. (Traduction V.Boucand) Test de Northwestern. Analyse systématique de la dysfluence d’après J. Campbell et D.G. Hill traduit par N. Cibois. (1989). Mémoire d’orthophonie. Paris 102 texte 212 10/01/03 14:46 Page 103 Aphasie de l’enfant : Protocole d’examen Gilles Leloup Résumé L’examen de l’enfant ou de l’adolescent présentant une aphasie se situe dans le cadre général de l’évaluation orthophonique des sujets avec une maladie neurologique (épilepsie, trauma-crânien, tumeur cérébrale, encéphalite). Ce cadre est abordé dans l’article sur le bilan orthophonique des épilepsies et troubles d’apprentissages chez l’enfant. Mots clés : bilan, évaluation, aphasie, enfant, adolescent, épilepsie, troubles des apprentissages. Childhood aphasia : an examination protocol Abstract The examination of aphasic children or adolescents is conducted within the general framework used for evaluating subjects with a neurological disease (epilepsy, head trauma, brain tumor, encephalitis). This framework is discussed through a description of a speech and language evaluation protocol for epilepsy and learning disorders in children. Key Words : evaluation, aphasia, child, adolescent, epilepsy, learning disorders. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 103 texte 212 10/01/03 14:46 Page 104 Gilles LELOUP Orthophoniste, attaché de consultation à l’hôpital Saint-Vincent de Paul/Cochin. 3 bis rue Louise Michel 92300 Levallois [email protected] L ’examen de l’enfant ou de l’adolescent présentant une aphasie se situe dans le cadre général de l’évaluation orthophonique des sujets avec une maladie neurologique (épilepsie, trauma-crânien, tumeur cérébrale, encéphalite). Ce cadre est abordé dans l’article sur le bilan orthophonique des épilepsies et troubles d’apprentissages chez l’enfant. Bien que la question de l’évaluation de l’aphasie soit de fait plus centrée sur le langage, cette évaluation doit prendre en compte le fonctionnement cognitif global du sujet et doit également s’inscrire dans une démarche développementale. Les corrélations entre localisation lésionnelle et altérations du langage sont à poser, les enfants peuvent présenter des troubles neurologiques associés (trouble moteur, épilepsie) qui interféreront sur les conduites de compensation et de remédiation. Les aspects comportementaux sont à relever, ils diffèrent selon que la lésion est précoce ou selon qu’elle est acquise au cours du développement. Le bilan de l’enfant souffrant d’un trouble neurologique constitue un point de repère, il se doit d’être rigoureux et exhaustif. ♦ L’aphasie de l’enfant L’aphasie représente une détérioration du langage consécutive à une lésion cérébrale acquise selon A.Van Hout (1996). Les auteurs s’accordent à différencier les troubles du langage consécutifs à des lésions précoces (période prélangagière) et l’aphasie acquise de l’enfant intervenue pendant ou après l’acquisition du langage. Les auteurs parlent d’aphasie au-delà de l’âge de 2 ans. L’évaluation de l’aphasie de l’enfant est documentée. Le bilan des troubles du langage doit permettre une classification des différents syndromes aphasiques. Toutefois des troubles de l’apprentissage sont fréquemment observés, l’évaluation doit donc aussi permettre d’analyser, de comprendre et d’anticiper les difficultés en devenir. Ce bilan orthophonique doit bénéficier d’une évaluation neuropsychologique. Les déficits de mémoire de travail, de dénomination et de trouble de la fluence sont fréquents et invalidants. Les séquelles d’une lésion cérébrale ne sont pas que cognitives. Pour certains enfants, il leur faudra gérer la perte du langage ou sa 104 texte 212 10/01/03 14:46 Page 105 désorganisation, pour d’autres gérer des difficultés d’apprentissage. La capacité du milieu familial et scolaire à s’adapter aux difficultés de l’enfant interfère sur les processus d’apprentissage, sur les conduites cognitives et comportementales. ♦ Fonctionnement cognitif et démarche développementale L’enfant aphasique peut présenter divers tableaux de désorganisation du langage comme le mutisme, l’hypospontanéité verbale, des troubles articulatoires, un agrammatisme, des paraphasies verbales, des stéréotypies et des persévérations. La récupération des compétences langagières semble fortement corrélée à l’âge de l’enfant : plus l’enfant est jeune, meilleur serait le développement (et/ou la récupération du langage). Cette notion de récupération s’appuie sur la plasticité neuronale, la possibilité de transférer les compétences d’un hémisphère à l’autre lors des périodes de maturation (thèse de l’équipotentialité initiale). La récupération fonctionnelle spontanée est relevée. Pour essayer de comprendre à terme le fonctionnement cognitif de l’enfant aphasique et ses possibilités de récupération langagière et cognitive, il faut tenir compte de la lésion (circonscrite, diffuse), du délai de récupération fonctionnelle, des facteurs associés (épilepsie, troubles moteur, sensitif, kinesthésique) et des troubles neuropsychologiques (trouble mnésique, trouble attentionnel, trouble praxique, trouble de la pragmatique). Les conduites de compensation seront différentes selon l’importance des troubles associés. A la différence de l’enfant épileptique qui peut souffrir de crises plus ou moins fréquentes, l’enfant aphasique qui ne présente pas d’épilepsie associée souffre moins d’interférences, il peut être plus facile d’installer des conduites de compensation durables. Par exemple une lésion de l’aire de Broca à un trouble arthrique à déficit de la boucle articulatoire à un trouble du lexique. L’évaluation des désordres aphasiologiques doit se poser en relation avec la localisation lésionnelle et les troubles associés. L’amélioration des compétences langagières, même spontanées, ne doit pas amener à négliger le fait que le langage n’est plus parfaitement fonctionnel. L’anticipation des difficultés d’apprentissage inhérentes à un « retard développemental du langage » est à prendre en compte. ♦ Le bilan La modélisation de ce bilan repose sur le principe des entrées (perception des informations), du traitement de ces informations et de la production en sortie. Le choix des épreuves repose sur leur sensibilité et la qualité de leur standardisation. Les épreuves choisies sont « classiques » et communes à celles utilisées pour l’évaluation du langage écrit ou oral (articles de F. Coquet et de 105 texte 212 10/01/03 14:46 Page 106 M. Touzin). La batterie ELOLA a été spécialement conçue et validée pour les sujets aphasiques, elle constitue une bonne base de comparaison des performances langagières. Le but de l’évaluation n’est pas d’obtenir un listing de résultats mais de pouvoir les interpréter : - corrélation entre déficit du langage écrit et mémoire verbale ; - relation entre trouble arthrique / trouble du lexique ; - relation entre déficits cognitifs et localisation lésionnelle ; - dissociation sur le modèle cognitif du bilan : meilleure compétence en production qu’en perception. Anamnèse La connaissance précise du siège de la lésion (cortical, sous-cortical), de l’étiologie (trauma-crânien, vasculaire, métabolique, infectieux, tumeurs), et de la date de survenue (pré/post langagier) est indispensable pour venir confirmer le tableau clinique du trouble du langage et pour confronter ensuite les hypothèses sur les conséquences « développementales », tant sur le langage que sur le développement cognitif. La latéralité doit être systématiquement évaluée. Le bilan doit comporter l’ensemble des troubles neuropsychologiques associés ainsi que les troubles moteurs, sensitifs, kinesthésiques. Perception visuelle, auditive et kiné-somesthésique Evaluer les compétences perceptives, rechercher les troubles neurovisuels, les pathologies du regard, les agnosies ou les troubles « d’attention » auditifs ou visuels. Les difficultés de perception ne doivent pas être sous-estimées, elles doivent être différenciées en référence à un déficit d’entrée (perception), d’un déficit de traitement (traitement de l’information perceptive) Traitement Les capacités de mémoire de travail sont à évaluer car le span verbal est souvent faible. Il faut faire une correspondance entre déficit de mémoire verbale et trouble du lexique. La mémoire à court-terme visuelle est évaluée par la figure de Rey. Cette épreuve permet aussi d’évaluer les stratégies de copie ; la comparaison entre rappel et copie doit aussi se réaliser qualitativement. La mémoire sémantique : elle est évaluée en contexte fermé (test : EEL) et en contexte libre (raconter une histoire, un film) afin d’évaluer, dans les deux 106 texte 212 10/01/03 14:46 Page 107 contextes, les troubles d’évocation et de différencier un trouble d’évocation d’ordre mnésique d’un trouble d’évocation de l’ordre de la programmation. Les troubles de la fluence peuvent être associés à un trouble des praxies bucco-faciales, à un trouble « frontal » ou exécutif, à un trouble de la programmation phonologique. Les troubles du lexique (dénomination/désignation) peuvent être associés à un trouble de la mémoire verbale, un trouble frontal, un trouble de la boucle articulatoire, comme pour la mémoire verbale ; ils sont très fréquents. Les troubles de compréhension demandent à être évalués par plusieurs épreuves afin d’en préciser la sémiologie. Les troubles de la syntaxe se caractérisent par des troubles d’encodage syntaxique qui sont à associer à des difficultés de programmation. Le testing des fonctions langagières renvoie à une architecture cognitiviste ou psycholinguistique (cf. Ségui, J & Ferrand, L., 2000). Production expression, praxies motrices et production visuo-spatiale La répétition permet de mettre en évidence les troubles de transcodage qui correspondent au niveau du traitement (dissociation). Les troubles arthriques et les dysphonies sont à explorer, il peut être utile de s’appuyer sur les bilans plus spécifiques comme le bilan de la phonation (article de B. Roubeau) et le bilan des dysarthries (article de I. Eyoum). Trouble du comportement Les enfants et leur famille ont souvent à gérer une perte de la « communication », il faut pouvoir essayer de « démêler » ce qui est de l’ordre des séquelles lésionnelles et ce qui est de l’ordre du repli ou des conduites de réparation. ♦ Conclusion L’évaluation des enfants et des adolescents aphasiques (ou avec séquelles d’aphasie) appelle à réfléchir sur l’organisation cérébrale des fonctions cognitives et plus particulièrement du langage et quelles sont, par exemple, les relations entre langage et mémoire, langage et attention. L’évaluation devrait permettre de faire des liens entre localisation lésionnelle et/ou foyer épileptogène et la désorganisation de telle ou telle fonction mais aussi de préciser les dissociations, les diffé- 107 texte 212 10/01/03 14:46 Page 108 rentes compétences du patient afin de proposer un programme de rééducation personnalisé. Cette évaluation des compétences de l’enfant s’effectue dans un cadre plus général de la compréhension de son fonctionnement cognitif en s’inscrivant dans une démarche développementale. Les aspects comportementaux seraient à la fois tributaires des désordres cognitifs et reflets de mécanismes de défense. Protocole d’examen Aphasie de l’enfant Gilles Leloup Cette évaluation doit s’aborder sur l’angle d’une pathologie « développementale » et toute dissociation dans les résultats aux épreuves a une valeur diagnostique. Une attention particulière est à porter aux perceptions, aux processus mnésiques, aux fonctions exécutives et à l’attention. Un examen neuropsychologique complémentaire est nécessaire. Anamnèse : fiches de renseignement, importance : de la latéralité, du niveau scolaire, de l’étiologie, de la localisation, d’une association à une épilepsie, du traitement médicamenteux, connaissance de l’examen aphasiologique et neuropsychologique. Perception visuelle Discrimination visuelle : Examen du regard (fixation du regard, poursuite oculaire, tâche de pointage, suivi de tracé), rechercher une réduction du champ visuel, pathologie de l’exploration visuelle, cécité corticale Gnosies visuelles : Capacité de reconnaissance de formes (figures entremêlées : PEGV, BREV), d’images - si difficultés importantes confirmer une agnosie des images Perception auditive Gnosies auditives : Capacité de discrimination auditivo-phonétique et de bruits (loto sonore, PEGA) - si difficultés importantes demander examens complémentaires (P.E.A), surdité corticale. Perception kiné-somesthésique Somatognosie globale : Représentation du « schéma corporel » (identification parties du corps, bonhomme à compléter), « adaptation » à l’hémiplégie bracho-faciale. 108 texte 212 10/01/03 14:46 Page 109 Traitement Attention visuelle : Balayage et appariement visuel (test des cloches, Stroop), négligence et inattention. Mémoire à court terme : Evaluation visuo-spatiale et mnésique (figure de REY) Mémoire à court terme auditive : Evaluation de l’empan mnésique (span de chiffres) importance de la mémoire de travail, altération fréquente. Mémoire sémantique : Evaluation mnésique mais aussi narrative (Récit EEL, le petit chaperon rouge) Désignation et Dénomination : Evaluation du lexique (BEPL, EEL, EVIP, TVAP) Fluence : (DEN 48, ELOLA) Compréhension sémantique : (ELOLA) Compréhension syntaxique : (KHOMSI-O52, ECOSSE, TOKENTEST) Métaphonologie : (BELEC, EEL-Plaza) Production expression Articulation : (BEPL, EEL) troubles arthriques et dysphonies Répétition de mots : (ELOLA, BEPL, EEL, BREV) Langage oral : Evaluation de la production (bégaiement, mutisme, hypospontanéité, logorrhée, L.M.P.V) Langage écrit : Lecture avec compréhension (ORLEC), Lecture sans compréhension (Lefavrais -l’Alouette) Transcription : (L2MA, Borel-Maisonny) Production Praxies motrices Praxies Gestuelles : Evaluation de la coordination, évaluation des dyspraxies et des séquelles de la paralysie (Test de coordination, évaluation des praxies d’habillage) Praxies Bucco-faciales : si troubles importants se référer aux bilans de la dysarthrie, de la paralysie faciale. Production Visuo-spatiale Praxies visuelles : Evaluation de la copie de figures géométriques et stratégie de copie (figure de REY, L2MA, labyrinthe, BREV) Praxies visuo-constructives : si difficultés importantes confirmer une dyspraxie Graphisme : (V.M.I, copie de mots) 109 texte 212 10/01/03 14:46 Page 110 REFERENCES Ouvrages et articles à consulter BADDELEY, A. (1993). La mémoire Humaine, théorie et pratique, Grenoble, Puf. DE AGOSTINI, M., METZ-LUTZ, M.-N., VAN HOUT, A., CHAVANCE, M., DELOCHE, G., PAVAOMARTINS, I. & DELLATOLAS, G. (1998). Batterie d’évaluation du langage oral de l’enfant aphasique (ELOLA) : standardisation française (4-12 ans), Revue de Neuropsychologie, vol.8, 3, 319-367. HITHIER-VASSEL, J. & LAIGLE, P. (1998). Aphasie de l’enfant : concept, bilan et rééducation, cours du D.U. de Neuropsychologie de la Salpetrière. Contact : Hôpital National de Saint-Maurice, Institut National de Médecine Physique et de Réadaptation. Service du Docteur A. Laurent-Vannier, 14 – rue du Val d’Osne, 94415 Saint-Maurice cedex. LUSSIER, F. & FLESSAS, J. (2001). Neuropsychologie de l’enfant : Troubles développementaux et de l’apprentissage, Dunod, Paris. VAN HOUT, A. (1996). L’aphasie de l’enfant, in Le Langage de l'Enfant, Chevrie-Muller, C., Narbona, J., 386-397, Paris, Masson. VAN HOUT, A. & SERON, X. (1983). L’aphasie de l’enfant et les bases biologiques du langage, Mar daga, Bruxelles. SEGUI, J., FERRAND, L. (2000). Leçon de Parole, Paris, Edition Odile Jacob. 110 texte 212 10/01/03 14:46 Page 111 Evaluation des troubles neurologiques : une aide au bilan dans la perspective de la psychologie cognitive Philippe Lhuisset Résumé L’évaluation constitue un acte fondamental dans la prise en charge orthophonique. Elle va permettre le recueil de données essentielles pour établir un projet thérapeutique adapté au patient. La référence à des modèles théoriques issus de la psychologie cognitive amène l’orthophoniste à réfléchir sur le « comment » des troubles, à faire des hypothèses sur les déficits et donc à construire un cadre cohérent, argumenté pour la rééducation. La personne demeure le projet essentiel d’une prise en charge orthophonique ; l’orthophoniste ne peut ignorer les implications pragmatiques, psycholinguistiques et psychologiques d’une lésion cérébrale ou d’une maladie dégénérative. Mots clés : bilan, évaluation, neuropsychologie, troubles du langage, adulte. Évaluation of neurological disorders : Aid to the assessment process within a cognitive psychology framework Abstract The evaluation process is an essential part of speech and language therapy. During the evaluation, data are collected that are crucially useful for the construction of an individually-tailored therapeutic plan . References to theoretical models based on cognitive psychology help the speech and language therapist think about « how » disorders came about ; they help him build hypotheses regarding deficits and therefore develop a coherent, well-articulated therapeutic plan. The individual person remains at the centre of the therapeutic plan ; the speech and language therapist cannot ignore pragmatic, psycholinguistic and psychological implications of a brain lesion or a degenerative disease. Key Words : assessment, evaluation process, neuropsychology, language disorders, adult. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 111 texte 212 10/01/03 14:46 Page 112 Philippe LHUISSET Orthophoniste 7 rue Anatole France 49460 Montreuil Juigné L ’orthophoniste, dans une approche neuropsychologique, fait des hypothèses fonctionnelles sur les déficits et envisage une orientation argumentée pour la phase de réhabilitation. Cette orientation neuropsychologique trouve toute sa dimension lorsque l’orthophoniste qui travaille dans une relation d’aide questionnera les manifestations psycho-dynamiques propres au patient. « L.A.B.O. 2002 » présente une base de données : données sémiologiques (description des pathologies), bibliographiques (ouvrages de référence théoriques ou plus cliniques), techniques (listes des tests, des épreuves). Il demeure une « aide » : l’orthophoniste doit donc choisir, organiser les différentes épreuves qu’il juge utiles, nécessaires, adaptées au patient, à ses troubles. L’évaluation se veut globale, elle s’intéressera aux perturbations cognitives mais aussi au comportement psychologique, à la motivation du patient et replacera les observations dans la perspective de l’histoire du patient. ♦ Apports de la psychologie cognitive La modélisation des processus cognitifs représente une spécificité de la thérapie cognitive : les modèles veulent rendre compte du fonctionnement de modules cognitifs spécifiques. Il est important de compre n d re que ces modèles ne sont qu’hypothétiques et en constante évolution. Ils ne demeurent que des représentations, des matérialisations d’un système de traitement de l’information excessivement complexe : sans réalité anatomique, ils mettent en lumière des étapes de connexions dans un système de traitement de l’information. Ces modèles présentent néanmoins l’avantage de fournir un cadre pour essayer de saisir le traitement de l’information sensorielle ou symbolique. Notre démarche souhaite donc appliquer des modèles cognitivistes aux perturbations présentées par des patients cérébro-lésés. Chaque type de traitement d’information se voit attribuer un modèle qui précise l’architecture fonctionnelle de ce système cognitif : ce modèle va permettre une lecture du défi- 112 texte 212 10/01/03 14:46 Page 113 cit observé chez un patient comme une rupture, une anomalie dans le traitement de l’information. Il existe ainsi des modèles explicatifs du traitement lexical, de la compréhension, de la lecture, de la transcription de mots et de pseudo-mots pour ne citer que ces exemples. Le diagnostic va tenter d’élaborer une explication des troubles en mettant à l’épreuve les différents processus d’un traitement spécifique. Il envisage les perturbations et non plus le syndrome. Ainsi, sous le terme générique d’« Aphasie de Broca », il existe dans cette orientation une diversité de profils déficitaires, chaque patient révélant des perturbations particulières. Pour illustrer cette perspective, nous envisagerons l’exemple du système lexical et de ses perturbations possibles chez l’aphasique. Le modèle de Morton reste une référence pour beaucoup de travaux en neuropsychologie (fig.1) (voir p. suivante). Il est constitué d’étapes reliées entre elles par des voies et fonctionne sur le principe d’entrée/traitement/sortie de l’information comme le résume le schéma suivant : entrée à registre d’information sensorielle à reconnaissance des formes ßà sélection ßà mémoire à court terme à réponse mémoire à long terme Dans le cadre de la production orale, l’entrée est représentée par le système sensoriel qui va permettre une analyse perceptive (auditive) du stimulus. L’information s’acheminera ensuite vers le lexique phonologique d’entrée qui est un système de catégorisation. A ce stade, l’information peut utiliser deux voies différentes, la première vers le système sémantique, elle permet la compréhension du mot sans l’avoir identifié, la seconde vers le lexique phonologique de sortie, elle rend possible l’identification du mot sans le comprendre. Le lexique phonologique de sortie est sollicité pour chaque production orale, il va activer une représentation phonologique constituée d’informations sur la structure syllabique et phonémique. Cette forme « abstraite » va être stockée momentanément dans une mémoire tampon, le buffer phonologique, qui permet de préparer l’articulation de la représentation phonologique. La dernière étape est l’activation de mécanismes articulatoires (systèmes de programmation et d’exécution articulatoire). Ces cheminements théoriques sont à considérer comme des successions de « marquages », de codages neurobiologiques qui activent des traces mémori- 113 texte 212 10/01/03 14:46 Page 114 Fig. 1. – Le système lexical, d’après J. Morton et K. Patterson, 1980 (I. Morin, 1989) 114 texte 212 10/01/03 14:46 Page 115 sées, les perturbations s’expliquant en termes d’altération de l’activation. Ainsi, les manifestations pathologiques révèlent l’altération de processus et de systèmes : - l’altération des représentations phonologiques, du lexique phonologique, aboutit à des paraphasies phonémiques, des néologismes mais aussi des erreurs sémantiques ; - l’altération du système sémantique a pour conséquence des erreurs en dénomination et en compréhension (dégradation des traits intra-catégoriels, difficultés catégorielles) ; - l’altération de la transmission d’info rm ations entre le système sémantique et le lexique phonologique de sortie ou des difficultés d’accès au lexique phonologique de sortie se manifestent par le manque de mot, explicable en termes de déficit des seuils d’activation ; - l’altération du buffer phonologique entraîne des erreurs phonologiques associées à un effet de longueur (paraphasies phonémiques) et des conduites d’approche qui tendent à confirmer que le sujet a une bonne représentation phonologique du mot. Cette illustration permet de comprendre comment l’évaluation devra explorer les différents processus, pour une fonction cognitive particulière, afin de déterminer des déficits précis et « localisés ». On mesure aussi combien les fonctions cognitives sont intriquées entre elles, l’évaluation des capacités psycholinguistiques ne peut faire l’économie d’aborder le fonctionnement de la mémoire, de l’attention, de la motivation, de l’état psychologique du moment. ♦ Apports de la théorie de l’esprit Si l’organisation du fonctionnement cognitif apparaît complexe, elle ne se réduit pourtant pas à un ensemble de quelques modélisations. L’orthophoniste intervient dans une dynamique relationnelle et doit intégrer dans sa pratique et son travail d’évaluation des éléments qui dépassent les simples faits instrumentaux. La théorie de l’esprit s’inscrit dans un mouvement de pensée et de recherche qui intéresse des philosophes et des scientifiques, notamment cognitivistes. Elle organise sa réflexion autour des processus mentaux constitutifs de l’esprit intégralement sous-tendus par des processus issus du cerveau même. Ainsi le cerveau et l’esprit humain doivent être analysés en termes de coordination fonctionnelle. Cette théorie aborde un point fondamental, celui de la conscience. La notion d’intentionnalité va être le sujet d’étude privilégié 115 texte 212 10/01/03 14:46 Page 116 de philosophes au début du 20e siècle. Brentano, en Allemagne, prétend que l’intentionnalité représente le critère de distinction entre le monde physique et le monde psychique, elle est l’essence des phénomènes psychiques. Plus tard, la philosophie de l’esprit, surtout développée dans les pays anglo-saxons, reprendra cette notion et la définira comme « la capacité fondamentale de l’esprit à mettre l’organisme en rapport avec le monde » (Searle). Elle aboutira aux recherches sur la conscience qui intéressent l’individu normal et pathologique. Dans le domaine de la pathologie du langage, Goldstein distingue deux niveaux de comportement possible, l’un concret où l’individu réagit par automatismes, l’autre abstrait où il est capable de penser et d’agir symboliquement. Le langage présente les mêmes distinctions et, chez l’aphasique, les automatismes verbaux liés aux usages sociaux, culturels sont déclenchés automatiquement dans un contexte adapté alors que le langage abstrait, volontaire, rationnel est propositionnel. Plus tard, Bray avancera l’hypothèse d’une perte de la capacité d’abstraction chez l’aphasique qui se traduit au plan du langage par des difficultés conceptuelles. Si des auteurs tels que Buser (2), ou Edelman (3) préconisent l’existence d’une conscience primaire que l’on retrouve chez les animaux et une conscience réflexive, propre à l’homme, l’intérêt de ces recherches n’est pas de réduire la conscience à un ensemble de phénomènes physiques ou chimiques mais de placer la conscience au même niveau que les autres fonctions mentales que sont la perception, le langage, la mémoire, les émotions… Edelman nous dit que la conscience est intentionnelle et distingue deux instances différentes, liées à l’évolution de l’espèce : l’une permet la conscience de la présence des choses du monde, la constitution d’images mentales associées au présent immédiat. L’autre est d’ordre supérieur, le sujet est alors capable d’identifier et de reconnaître ses actes et émotions dans un temps qui couvre le passé, le présent et le futur. La conscience passerait par l’émergence des sensations, expériences personnelles, subjectives. Edelman souligne le paradoxe scientifique qui le conduit à considérer une expérience phénoménologique (et donc un retour à une forme d’introspection) comme élément de départ d’une explication scientifique de la conscience (fig. 2). Etroitement liée à la conscience, l’attention met en évidence la fragilité de celle-ci et souligne la directionnalité d’un comportement. D’un point de vue plus immédiat, toutes ces notions nous rappellent la nécessité de « préalables » qui déterminent la perception et la qualité des traitements ultérieurs. La psychologie cognitive nous fournit une grille de lecture interprétative des déficits, la théorie de l’esprit nous ramène au cœur de l’humanité du patient, à sa présence au monde, à lui-même, à la valeur et peut-être au sens de manifestations conscientes et inconscientes. 116 texte 212 10/01/03 14:46 Page 117 Fig. 2. – Relation existant entre les aires de langage et les aires conceptuelles qui permet le décelippement d’un concept de moi et la conscience d’ordre supérieur, on peut ainsi être « conscient d’être conscient » (d’après G.M. Edelman, 1992 [3]). ♦ L’évaluation De manière concrète, les apports théoriques devraient rester présents à l’esprit de l’orthophoniste tout au long de l’évaluation. Une bonne connaissance de modèles de référence, de modélisations des fonctions cognitives permet une utilisation optimale de l’aide au bilan. En effet, le Cd-rom n’offre pas un bilan tout fait, prêt à l’emploi : c’est avant tout un cadre d’investigation proposant des outils pour étudier de manière qualitative et quantitative les déficits des patients. L’évaluation se construira, au départ, autour de grands syndromes (aphasie fluente, aphasie non fluente, syndrome de l’hémisphère mineur, syndrome frontal, troubles neuro-visuels…). Chacun d’eux est pourvu d’un protocole, ensemble d’épreuves qui paraît représenter les investigations minimales pour un bilan. Le protocole est organisé à partir de la structure de base du traitement de l’information : entrée ou analyse sensorielle de l’information, traitement ou 117 texte 212 10/01/03 14:46 Page 118 capacité à se construire une représentation de cette information et sortie ou production d’une réponse. On évaluera donc successivement : - l’entrée auditive ou visuelle ou kinesthésique – motrice, conjointement on vérifiera comment sont perçues les informations, c’est l’aspect gnosique ; - le traitement, il fait référence aux modèles théoriques évoqués précédemment. Il rend compte de l’acheminement de l’information (voies), des mécanismes (règles de fonctionnement d’un système. Si l’on considère la figure 3, le mécanisme de lecture d’un mot familier est la lecture par adressage) et des processus (états générés par les mécanismes, pour continuer avec notre exemple, les processus pour la lecture de notre mot familier seront des processus phonologiques - lexique phonologique - ou mnésiques - buffer -). On retrouve des processus attentionnels, mné- Fig. 3. – Modèle de répétition, de lecture et d’écriture adapté de Caramazza et al., 1986 (S. Valdois, 1989). 118 texte 212 10/01/03 14:46 Page 119 siques, pragmatiques, de raisonnement et de logique, de compréhension verbale (orale ou écrite) ; - la sortie auditive ou visuelle ou kinesthésique ou motrice, c’est le niveau de la production qui explore l’expression (la parole, le langage oral, le langage écrit, la lecture) et les praxies (gestes, productions écrite, visuo-spatiale et constructive). A partir de ce protocole, pour affiner, confirmer une hypothèse, rechercher d’autres déficits, l’orthophoniste pourra élargir son champ d’investigations : des ponts existent entre les protocoles, le glossaire, les tests proposés (il sera d’ailleurs possible d’ajouter un test personnel ou absent de la liste). L’objectif reste essentiellement l’argumentation d’une prise en charge : l’évaluation doit mettre en lumière des déficits précis et aboutir à la construction d’un projet thérapeutique cohérent, adapté au patient. Cependant la perspective d’une telle démarche demeure la meilleure adaptation du patient et l’orthophoniste saura déterminer les priorités pour l’aider le plus écologiquement possible. Evaluer mais pourquoi faire après ? Et pour qui ? N’oublions pas que tous les modèles n’ont d’utilité qu’à nous aider à réfléchir mais que notre intervention s’inscrit dans une relation d’aide, une interaction. Nos doutes et notre humanité demeurent nos bâtons de pèlerins sur les chemins de l’évaluation. ♦ Conclusion L’aide au bilan doit porter l’orthophoniste vers une réflexion : à chaque évaluation il devient un clinicien-chercheur. Si la neuropsychologie cognitive a élaboré de nombreux modèles théoriques, il en existe peu au plan thérapeutique. Si d’aucuns pensent qu’il y a beaucoup de « cognitif » dans ces propos, il reste que cette approche a montré sa rigueur. S’inspirer de sa méthodologie peut éviter d’interpréter des manifestations de manière déplacée car l’observation de signes pathologiques reflète un dysfonctionnement du système par lésion cérébrale. La seule relation avec son patient ne me semble pas pouvoir répondre à des déficits précis et objectivables. Tout comme pour la dyslexie, il apparaît inconcevable de ne pas retenir les apports des sciences cognitives pour comprendre un trouble et ses comportements compensatoires. L’orthophoniste a une place charnière, sa spécificité réside dans sa capacité à prendre en charge des troubles acquis ou développementaux des fonctions supérieures : pour ce faire, l’aide au bilan est un outil conçu pour stimuler l’esprit d’analyse, donner une cohérence à toute action thérapeutique, susciter une réflexion sur les mécanismes de la pensée. Le thérapeute reste au cœur de l’élaboration d’un projet de soin, sa curiosité, son sens clinique, son invention vont le guider mais l’aide au bilan devrait lui permettre une synthèse, une rigueur et un questionnement argumentés. 119 texte 212 10/01/03 14:46 Page 120 REFERENCES 1 - AZOUVIPh, PERRIER D, VAN DER LINDEN M.,1999, La rééducation en neuropsychologie: études de cas, 297 p, Solal. 2 - BUSER P., 1998, Cerveau de moi, cerveau de l’autre, 429 p, Odile Jacob. 3 - EDELMAN GM.,1992, Biologie de la conscience, 366 p, Odile Jacob. 4 - EUSTACHE F, LECHEVALIER B., 1989, Langage et Aphasie, 292 p, DeBoeck Université. 5 - EUSTACHE F, LAMBERT J., 1997, Rééducations Neuropsychologiques, 345 p, DeBoeck Université. 6 - MAZAUX JM, JOSEPH PA, CAMPAN M, MOLY P, POINTREAU A., 1999, Les perspectives rééducatives en aphasiologie. Rééducation orthophonique, Paris 1999, 198, 153-62. 7 - MISSA JN.,1993, L’esprit-cerveau, 266 p, J Vrin. 8 - VARELA F., THOMPSON E, ROSCH E.,1993, L’inscription corporelle de l’esprit, 377 p, Seuil. 9 - MC CARTHY R, WARRINGTON EK.,1994, Neuropsychologie cognitive, 486 p, PUF. 120 texte 212 10/01/03 14:46 Page 121 Aide au bilan surdité Audrey Colleau Résumé Evaluer les compétences d’un enfant sourd nécessite de multiples investigations pour les orthophonistes. Parce que la surdité ne représente pas seulement un handicap auditif, le professionnel doit effectuer une évaluation exhaustive des compétences de l’enfant sourd tant perceptive, linguistique que cognitive. Face à la pauvreté des outils d’évaluation, L.A.B.O. permet de regrouper les tests actuels pouvant être administrés à des enfants sourds. Cet article présente les protocoles proposés dans L.A.B.O. : surdité chez le jeune enfant, surdité chez l’enfant lecteur, surdité et troubles associés. Véritables « pilotes », ces protocoles aideront les orthophonistes à réaliser des bilans plus rigoureux, en respectant les étapes du traitement cognitif de l’enfant. Mots clés : surdité, enfant, évaluation, perception, langage, traitement cognitif. An aid to the evaluation of deafness Abstract The assessment of deaf children’s competencies requires numerous investigations on the part of the speech and language therapist. Because deafness is not just a hearing handicap, the professional should make a comprehensive assessment of the deaf child’s skills : perceptive, linguistic, cognitive. Considering the great scarcity of assessment tools, L.A.B.O helps regroup those existing tests that can be administered to deaf children. This article presents protocols proposed by L.A.B.O : deafness in young children, deafness in children with reading skills, deafness and associated disorders. These “pilot” protocols will help speech and language therapists conduct more rigorous assessments that will take into account the different stages of cognitive processing in the child. Key Words : deafness, child, assessment, perception, language, cognitive processing. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 121 texte 212 10/01/03 14:46 Page 122 Audrey COLLEAU Orthophoniste attachée à l'hôpital La Timone, Marseille 83150 Bandol audrey–[email protected] ♦ L’enfant sourd, pas seulement un handicap auditif La prise en charge de l’enfant sourd prélingual a lieu précocement et sa durée n’est pas limitée dans le temps. La réhabilitation prothétique par un appareillage traditionnel ou un implant cochléaire améliore les compétences perceptives des enfants sourds qui pourront être évaluées par l’orthophoniste. En effet, des tests permettent d’examiner les perceptions et leur évolution dans le temps. Toutefois, l’enfant sourd n’est pas seulement entravé dans son audition, il possède un véritable trouble de la communication qui va retentir sur toutes les composantes du langage. L’appréciation des difficultés de l’enfant est souvent qualitative et se traduit la plupart du temps par un stock lexical réduit, des difficultés dans la maîtrise de la syntaxe… Compte-tenu de la durée du suivi orthophonique, il importe alors au professionnel de proposer des outils d’évaluation à son patient pour évaluer objectivement ses compétences linguistiques au fil de la prise en charge. ♦ Pourquoi une aide au bilan pour la surdité ? Face à la pauvreté des outils d’évaluation dans le domaine de la surdité, il paraissait intéressant de proposer des tests pouvant apprécier au mieux les compétences des enfants déficients auditifs. De ce fait, les protocoles présentés ne reposent pas uniquement sur l’évaluation perceptive, mais concernent les fonctions linguistiques et cognitives des enfants sourds. Exceptés les tests perceptifs, la plupart des tests de langage proposés au sein de ces protocoles n’ont pas été étalonnés pour une population sourde. Toutefois, la plupart d’entre eux ont été administrés à des enfants sourds dans le cadre des bilans orthophoniques en milieu hospitalier. Leur passation est donc réalisable et l’expérience clinique révèle un retard d’environ deux ans pour le langage. 122 texte 212 10/01/03 14:46 Page 123 L’intérêt de cet outil informatique est d’aider les professionnels soucieux d’évaluer de façon objective les compétences de leur patient. Grâce au glossaire, l’orthophoniste obtient des informations précises autour d’un mot, d’un thème qui peut mener à un domaine d’application plus large. Grâce à la banque de données concernant les tests, l’orthophoniste obtient un choix exhaustif de tests pouvant être administrés en fonction de ses critères de sélection (âge, niveau scolaire, etc.). Grâce aux protocoles, le professionnel est guidé dans son évaluation. En suivant les étapes du traitement cognitif, les secteurs à explorer apparaissent et sont accompagnés des tests les mieux adaptés. ♦ Le choix des protocoles L’aide au bilan se compose de trois protocoles : - Surdité chez le jeune enfant ; - Surdité chez l’enfant lecteur et/ou adulte ; - Surdité et troubles associés. Le choix de ces protocoles s’est réalisé par expérience, dans le souci de concerner une population assez large d’enfants suivis en orthophonie. Surdité chez le jeune enfant Sur le plan perceptif, l’évaluation tient compte de l’audiogramme et par conséquent du type de surdité. Il est nécessaire de vérifier l’alerte ou bien de questionner les parents sur la capacité de leur enfant à réagir à l’appel, et également d’apprécier sa vigilance. Puis la détection, la discrimination et l’identification sont évaluées à partir de bruits ou de la parole. Bien entendu, l’intérêt à la lecture labiale est pris en compte. Les compétences perceptives étant déficitaires, l’orthophoniste doit observer ce qui fonctionne chez l’enfant. Ainsi, la communication est l’élément le plus important à apprécier. Lors de l’annonce du diagnostic de surdité, une carence auditive existe déjà et l’enfant a déjà mis en œuvre des moyens de compensation. C’est pourquoi, avant même de procéder aux tests spécifiques, le professionnel doit proposer à l’enfant des situations interactives qui vont permettre d’observer ses stratégies de communications, d’étudier sa capacité à comprendre les questions, et voir quelles procédures il met en place pour obtenir cette compréhension. 123 texte 212 10/01/03 14:46 Page 124 De façon qualitative, deux outils paraissent essentiels : - l’Evaluation qualitative de la communication à l’aide de la Grille d’observation des interactions verbales (A. Dumont). Elle permet aussi bien d ’ a ppréc ier la q uali té de s in te ra ct io ns p are n t s / e n f an t q ue thérapeute/enfant, - l’Evaluation des moyens de communication de l’enfant avec l’épreuve Encastrement, la Malette et les Images-Actions (D. Busquet, C. Descourtieux). Dès que la communication est possible et que l’enfant dispose d’un stock de mots, des tests de vocabulaire peuvent être proposés. A partir de l’âge de 3 ans, le GAEL P 1 peut être administré. Etalonné chez une population d’enfants sourds, ce test évalue le lexique et la syntaxe (associations de mots) sur le plan réceptif et expressif. D’autres tests peuvent être réalisés tout en gardant à l’esprit que l’âge de début d’application correspond à un étalonnage pour enfant entendant, et qu’il y aura nécessairement un décalage dans le temps. L’application de ce protocole se limite à un enfant sourd non-lecteur. Surdité chez l’enfant lecteur et/ou adulte En sus des tests cités dans le premier protocole, les tests plus spécifiques à l’évaluation du langage écrit sont mentionnés. Si des troubles de cet ordre sont suspectés, il est nécessaire de vérifier l’attention visuelle du patient. En effet, si nous accordons que la perception visuelle des enfants sourds est hyperdéveloppée, cela ne leur confère pas pour autant de bonnes capacités de traitement visuel. Ainsi, il ne faut pas n é g l i ger l’attention visuelle qui peut mettre en évidence des strat é gi e s oculo-lexiques inorganisées, ce qui ne prédit pas une bonne maîtrise de la lecture. La conscience phonologique est à évaluer car elle est indispensable dans l’acte de lecture. Elle est fortement liée à l’utilisation du LPC. L’évaluation du langage écrit dans ce protocole comprend la lecture de mots et de phrases à voix haute et à voix silencieuse, la compréhension de récit, la transcription sous dictée de mots et de phrases, et enfin la transcription libre. 1 GAEL P, Jean S. MOOG, Vicoria J.KOZAK, Ann E.GEERS 124 texte 212 10/01/03 14:46 Page 125 L’enfant sourd doit pouvoir accéder à toutes les fonctions du langage et pourtant, nous ignorons si toutes sont abordées au cours de son éducation. C’est pourquoi l’évaluation de l’enfant sourd doit comprendre des épreuves de traitement métalinguistique. En effet, l’usage d’une langue se développant par imprégnation, les enfants sourds ne bénéficient pas du bain de langage nécessaire à cette imprégnation. Par conséquent, il leur est difficile d’avoir une attitude réflexive par rapport à la langue, de pouvoir se distancier de l’aspect uniquement référentiel du langage. Seul le TLC 2 (Test of Language Competence) permet d’apprécier ces capacités linguistiques et métalinguistiques grâce à la compréhension des ambiguïtés, du langage figuré… L’enfant sourd n’est pas incapable de maîtriser cette fonction, mais les professionnels doivent créer des situations lui permettant d’accéder à ce fonctionnement, et à ce niveau de pensée. Il s’agit d’une piste de rééducation à exploiter. Surdités et troubles associés Si l’anamnèse de l’enfant révèle des étiologies connues (prématurité, foetopathies à CMV, méningites, souffrance néonatale, syndrome d’Usher) ou bien des antécédents de troubles linguistiques, ce protocole est conseillé. Plus exhaustif, et tout en respectant les étapes du traitement cognitif, il précise les modes d’input et d’output. Ainsi, dans les input, nous distinguons la perception auditive, la perception visuelle et la perception somesthésique. Aussi, dans les output, nous distinguons la production expression, la production visuo-spatiale, la production des praxies motrices. Des difficultés persistantes dans l’évaluation perceptive doivent nous alerter. En effet, l’enfant peut avoir de faibles capacités d’identification qui reflètent une difficulté d’ordre cognitif. Ceci s’est vérifié chez une petite fille sourde dont la mémoire était très déficitaire. Ce complément d’évaluation était indispensable pour que la prise en charge soit adaptée. Les tests proposés sont sélectionnés mais l’utilisateur peut à tout moment se rendre dans la banque de données pour élargir le choix des tests et en administrer d’autres. De même, si des difficultés sont décelées dans un domaine en particulier, il est conseillé de proposer un bilan plus approfondi dans le secteur concerné. Enfin, si de nombreux tests sont déficitaires, un examen neuropsychologique est vivement indiqué. 2 Test of Language Competence, E.H. WIIG, W. SECORD, The psychological corporation, Expanded Edition, 1989 125 texte 212 10/01/03 14:46 Page 126 Le suivi orthophonique d’un enfant sourd est un parcours long et l’éducation ou la rééducation s’établit sur une kyrielle d’objectifs. L’Aide au bilan représente un outil précieux pour évaluer objectivement tout au long de la prise en charge les compétences de l’enfant sourd. Au delà de ce support qui affinera le diagnostic de chacun, nous ne saurions omettre ce qui repose sur l’expérience de chacun : le partenariat indispensable entre l’enfant, ses parents et les professionnels autour d’un projet commun. De surcroît, l’orthophoniste devra être attentif à la demande parentale et ainsi mener une guidance en adéquation avec les compétences de leur enfant. 126 texte 212 10/01/03 14:46 Page 127 Bilan du patient suspecté de démence Thierry Rousseau Résumé Le bilan du patient suspecté de démence peut avoir comme objectif une aide au diagnostic, un suivi de l’évolution de la maladie et/ou être le point de départ d’une prise en charge thérapeutique non médicamenteuse. Les approches et les outils utilisés peuvent de ce fait être différents. Dans tous les cas, il s’agit d’un bilan complexe devant évaluer quantitativement et qualitativement l’intensité globale du déficit mais aussi toutes les fonctions cognitives et langagières, à la fois en termes de déficit mais aussi de préservation. Il convient également d’évaluer le retentissement des troubles dans la vie quotidienne, et inversement de mesurer l’influence de l’environnement sur la maladie, de façon écologique. Mots clés : évaluation, démence, fonctions cognitives, comportement, communication, pragmatique, écologique. Assessing patients with possible dementia Abstract The assessment of patients suspected of suffering from dementia may have one or a combination of the following objectives : help establish a diagnosis, follow the course of the illness, and/or initiate non pharmacological treatment. As a result, approaches and tools used may be very different. In all cases, it is a complex process whose endeavor is to evaluate (quantitatively and qualitatively) the severity of the deficit as well as all cognitive and language functions, both in terms of deficit and of preservation. It is also crucial to assess the impact of the disorder on daily life, and inversely to measure the influence of the environment on the illness, using an ecological framework. Key Words : evaluation, dementia, cognitive functioning, behavior, communication, pragmatic, ecological. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 127 texte 212 10/01/03 14:46 Page 128 Thierry ROUSSEAU Orthophoniste Docteur en psychologie 11 avenue Joël Le Theule 72300 Sablé/Sarthe [email protected] E n France, 500 000 personnes sont atteintes de démence, dont 3 % parmi les 65-69 ans et 30 % parmi les plus de 90 ans (dont 15 % atteints de maladie d’Alzheimer). L’incidence annuelle de la démence est de 15,9 pour 1000. Le nombre de personnes âgées et très âgées ne cessant de croître, c’est à un véritable problème de société que nous allons être très pro chainement confrontés. La re l at ive impuissance des tra i t e m e n t s médicamenteux face à ces pathologies démentielles, notamment dégénératives, donne toute son importance aux rôles que peuvent jouer des pro fe ssionnels comme les orthophonistes qui proposent des prises en charge visant à ralentir le processus dégénératif irréversible et surtout à aider le malade et son entourage à s’adapter au mieux à la situation. Cette prise en charge, lorsqu’il s’agit d’orthophonie, doit évidemment être précédée d’un bilan complexe car il nécessite une investigation à la fois des capacités cognitives et des capacités de communication. Ce bilan doit aussi être réalisé avec rigueur et précision, car le diagnostic médical s’appuiera en bonne partie sur lui. Le bilan du patient atteint d’une démence ou suspecté de l’être peut avoir trois indications : 1) participation au diagnostic ; 2) suivi de l’évolution de la maladie ; 3) mise en place d’une thérapie non médicamenteuse. Cela implique, selon l’objectif fixé, une démarche et des moyens qui peuvent être différents. ♦ Participation au diagnostic Dans ce cadre, le rôle du praticien, généralement à la demande du médecin neurologue, gériatre ou psychiatre, éventuellement dans le cadre de consultation-mémoire, va consister à tenter de : 128 texte 212 10/01/03 14:46 Page 129 - diagnostiquer la démence ; - évaluer la démence ; - identifier la démence. 1) diagnostiquer et évaluer la démence Le DSM IV entend par démence « affaiblissement intellectuel progressif et irréversible qui retentit sur la vie professionnelle, sociale et familiale du sujet avec troubles de la mémoire et atteinte d’une ou plusieurs fonctions cognitives ». Il va d’abord falloir mettre en évidence le retentissement des troubles dans la vie quotidienne du sujet grâce à l’anamnèse mais aussi grâce à des échelles psychocomportementales qui, remplies avec un membre de l’entourage vont permettre d’explorer le comportement du sujet dans les différents moments de sa vie quotidienne. Ces échelles permettent aussi, généralement, de mesurer le degré de perturbation. Les plus utilisées sont : l’IALD de Lawton, l’échelle d’autoévaluation des difficultés cognitives de Mac Nair (EDC), qui sont plus du domaine du dépistage, l’échelle comportementale de l’ADAS, l’échelle de Blessed, l’échelle comportementale de la BEC 96. L’examen devra également montrer qu’il existe un affaiblissement intellectuel global et le mesurer à l’aide d’outils spécifiques dont le plus connu est le Mini Mental State de Folstein (MMS). En France, la Batterie d’Evaluation Cognitive (BEC 96) de Signoret est également fréquemment utilisée. Ces outils permettent de dire s’il s’agit d’une démence légère, moyenne ou profonde. Des échelles plus affinées permettent également de déterminer plus précisément le stade de la démence : Dementia Rating Scale (échelle de Mattis), Clinical Dementia Rating (CDR), Global Deterioration Scale (GDS). 2) identifier la démence Afin d’établir un diagnostic différentiel entre les différentes formes de démence, l’examen neuropsychologique devra dresser un profil de l’atteinte cognitive afin de savoir à quel type de démence les différents troubles peuvent correspondre : maladie d’Alzheimer, démence fronto-temporale, démence à corps de Léwy, etc. Ces examens pourront éventuellement permettre aussi un diagnostic différentiel avec un ralentissement intellectuel lié à une pathologie non démentielle (trouble psychiatrique, syndrome dépressif,…). Avec des outils plus ou moins spécifiques, il sera nécessaire d’explorer la mémoire et toutes ses composantes, le langage, les praxies, les gnosies, les fonctions exécutives, l’attention, le comportement. Cette évaluation devra être à la fois qualitative et quantitative. 129 texte 212 10/01/03 14:46 Page 130 Voici quelques outils utilisés (voir références en bibliographie) selon la fonction explorée : - exploration de la mémoire : BEM 144 de Signoret, échelle clinique de mémoire de Weschler, test de Grober et Buschke, figure et mots de Rey, procédure de Brown-Peterson, California Verbal Learning Test, test de rétention visuelle de Benton, QAM de Van der Linden, RBMT de Wilson, - exploration du langage : BDAE de Goodglass et Kaplan, examen de l’aphasie de Ducarne, MT 86 de Nespoulous et coll., DO 80 de Deloche et Hannequin, protocole EPELE de Roch-Lecours, - exploration des gnosies et des praxies : PEGV et PEGA de Agniel, examen de l’apraxie de Ducarne, épreuves du MT 86 de Nespoulous et de l’ADAS du Greco, test de l’horloge, - exploration des fonctions exécutives et de l’attention : PM 38 et 47 de Raven, Trail Making Test, Wisconsin Card Sorting Test, WAIS-R, labyrinthes de Porteus, test d’attention sélective de Stroop, tour de Londres, fluence lexicale catégorielle ou alphabétique, - exploration du comportement : Echelle de dépression géri at ri q u e (GDS), Neuropsychiatric Inventory, Frontotemporal Behavioral Scale. ♦ Suivi de l’évolution de la maladie Il est parfois nécessaire de suivre l’évolution de la maladie dans le temps, soit pour confirmer ou infirmer un diagnostic, soit pour évaluer l’efficacité d’une thérapie médicamenteuse ou non médicamenteuse. On pourra utiliser les outils précédemment cités dans le cadre d’une procédure test-retest ou, dans le cadre d’une démence de type Alzheimer en particulier, utiliser un outil spécifique : l’ADAS de Rosen (version française du GRECO). L’ADAS permet d’évaluer le degré d’atteinte des différentes fonctions cognitives et de suivre ainsi l’évolution de la maladie. Elle contient également une partie comportementale. ♦ Mise en place d’une thérapie non médicamenteuse Lorsqu’une thérapie non médicamenteuse sera à mettre en oeuvre, notamment de type orthophonique ou neuropsychologique, le bilan réalisé tiendra compte de l’approche thérapeutique envisagée et de son soubassement théorique. L’approche classique, inspirée de l’aphasiologie, qui se veut avoir une action sur la composante linguistique utilisera les bilans déjà cités, notamment pour l’évaluation du langage. 130 texte 212 10/01/03 14:46 Page 131 L’approche neuropsychologique est basée sur des exercices qui prennent en compte l’origine des troubles afin de pallier la composante déficitaire. L’évaluation devra donc déterminer l’origine sous-jacente du trouble, certains parmi les outils précédemment cités pour évaluer les fonctions cognitives le permettent. Une approche plus globale centrée sur les troubles de la communication qui s’inscrit dans une thérapie cognitivo-comportementale que l’on peut aussi qualifier d’écosystémique est préférable à partir d’un certain stade d’évolution de la maladie, Rousseau (1998b). Cette approche globalisante s’inscrit dans le cadre d’une thérapie qui prend en compte la communication d’une manière générale, dans un contexte d’interlocution, c’est-à-dire avec un interlocuteur et une situation de communication qui ont forcément une influence, et non pas dans le cadre d’une thérapie uniquement centrée sur des tâches linguistiques isolées de leur contexte d’utilisation. Elle nécessite au préalable l’établissement du profil des capacités de communication du patient. Cette thérapie est cognitive car il va s’agir d’optimiser, en séances, certaines composantes de la communication encore préservées en intervenant notamment sur des facteurs qui influencent les capacités de communication. Elle est comportementale car nous demandons à l’entourage de modifier son comportement communicatif pour l’adapter aux troubles spécifiques du malade mis en lumière par l’évaluation. Elle est pragmatique car la priorité est donnée à la communication sous toutes ses formes, y compris non verbales, l’important étant le maintien de la relation avec l’autre, le maintien d’un échange même imparfait et limité. Elle est écologique car, que ce soit au niveau de l’évaluation ou de la thérapie elle-même, on s’intéresse à la communication en contexte, au cours d’une discussion, au cours d’une interlocution, avec un interlocuteur qui n’est pas seulement le thérapeute et non pas dans des situations particulières uniquement « thérapeutiques ». Enfin, cette thérapie est systémique car elle va contribuer à rétablir ou à maintenir, pendant un certain temps du moins, l’équilibre du système familial inévitablement perturbé par la présence d’un dément face aux comportements duquel l’entourage se trouve complètement démuni et désemparé. Le dément est souvent rejeté car très tôt il perturbe le système familial, surtout parce que l’on ne peut plus le reconnaître comme « semblable » et ce, essentiellement parce qu’il devient difficile voire impossible de communiquer avec lui. En donnant à l’entourage quelques « clefs » qui vont permettre de ré-instaurer une certaine forme de dialogue, en faisant de l’entourage le vecteur essentiel de la thérapie, en lui montrant qu’une communication même réduite 131 texte 212 10/01/03 14:46 Page 132 est encore possible, on modifiera cette vision du malade en le faisant à nouveau reconnaître comme individu communicant. Il convient alors de réaliser un bilan des troubles de la communication qui doit donc pouvoir renseigner le thérapeute sur la façon dont communique maintenant le malade mais aussi doit pouvoir le renseigner sur tous les facteurs proximaux et distaux qui agissent sur la communication. Nous proposons d’utiliser alors la grille d’évaluation des capacités de communication des patients atteints de démence de type Alzheimer que nous avons mise au point, Rousseau (1998a), qui permet une évaluation pragmatique et écologique de la communication en déterminant : • quels actes de langage le patient utilise de manière adéquate, • quels actes il utilise de manière inadéquate, • quelle est la raison de cette inadéquation, • quels thèmes de discussion favorisent la communication, • quels thèmes rendent cette communication inadéquate, • quels actes de langage produits par l’interlocuteur entraînent un discours adéquat du patient, et, au contraire, quels actes de l’interlocuteur plongent le patient dans l’inadéquation. ♦ Conclusion Le bilan d’un patient atteint de démence ou suspecté de l’être est complexe et à multiples facettes car il nécessite une exploration qui va bien entendu au delà des seules fonctions langagières pour s’étendre à l’ensemble des fonctions cognitives. Il est nécessaire également que l’examinateur ne se limite pas à une simple analyse fonctionnelle mais étende son évaluation à une analyse « situationnelle » et environnementale. Cette évaluation est à la fois quantitative et qualitative, visant le fonctionnement cognitif global et les différentes fonctions cognitives, elle concerne les capacités déficitaires et les capacités préservées. Enfin, les objectifs de ce bilan peuvent être au moins triples et éventuellement nécessiter des moyens différents selon l’objectif recherché, ce qui peut conduire le praticien à pratiquer un bilan à plusieurs entrées. 132 texte 212 10/01/03 14:46 Page 133 REFERENCES 1) Outils d’évaluation cités AGNIEL A. et coll. (1993). PEGA-PEGV. Ortho-Edition, Isbergues ALBARET J.M., MIGLIORE L. (1999). Test d’attention sélective de STROOP-R. Paris : ECPA. BENTON L. (1965). Test de rétention visuelle. Paris : ECPA. BLESSED A., TOMLINSON B.E., ROTH M. (1968). The association between quantitative measures of dementia and senile change in the cerebral grey matter of ederly subjects. Brit., J, Psychiat., 14, 797-811. DELOCHE G., HANNEQUIN D. (1997). Test de dénomination orale d’images DO 80. Paris : ECPA. DUCARNE de RIBAUCOURT B. (1978). Test pour l’examen de l’aphasie. Paris : ECPA. DUCARNE de RIBEAUCOURT B. (1978). Test pour l’examen de l’apraxie. Paris : ECPA. FOLSTEIN M.F., FOLSTEIN S.E., Mc HUGH P.R. (1975). Mini mental state, a practical method for grading the cognitive state for the clinician. J. Psychia. Resj, 2, 189-198. GOODGLASS H., KAPLAN E. (1982). Boston Diagnostic Aphasia Examination. Issy Les Moulineaux : EAP. GRECO (1995). ADAS-cog. Isbergues : Ortho-Edition. GROBER, E., BUSCHKE, H. (1987). Genuine memory deficits in dementia. Developmental Neuropsychology, 3, 13-36. HEATON, R.K., CHELUNE, G.J., TALLEY, J.L., KAY, G.G., CURTISS, G. (2002). Wisconsin Card Sorting Test. Paris : ECPA. NESPOULOUS J.L., JOANETTE Y., ROCH-LECOURS A. (1992). Montréal Toulouse 86 (MT 86). Isbergues : Ortho-Edition. PORTEUS D. (1965). Les labyrinthes. Paris : ECPA. RAVEN J. (1981). Progressive Matrice (PM 38 et 47). Issy Les Moulineaux : EAP. REY A. (1959). Test de copie et de reproduction des figures géométriques complexes. Paris : ECPA. ROCH-LECOURS A., SOUM C., NESPOULOUS J.L. (2000). EPELE. Isbergues : Ortho-Edition. ROUSSEAU T. (1998a). Grille d’évaluation des capacités de communication des patients atteints de démence de type Alzheimer. Isbergues : Ortho-Edition. SIGNORET J.L. (1991). Batterie d’Evaluation Mnésique 144 (BEM 144). Paris : Elsevier. SIGNORET J.L. et coll. (1989). Batterie d’Evaluation Cognitive 96 (BEC 96). Paris : IPSEN. VAN DER LINDEN M. (1988). Questionnaire d’Autoévaluation de la Mémoire (QAM). Bruxelles : Editest. WESCHLER D. (1965). Echelle clinique de mémoire. Paris : ECPA. WESCHLER D. (1989). WAIS-R. Paris : ECPA. WILSON B., COCKBURN J., BADDELEY A.D. (1985). Rivermead Behavioral Memory Test (RBMT). Paris : EAP. 2) Quelques ouvrages et articles à consulter - Ouvrages : EUSTACHE F., AGNIEL A. (1995). Neuropsychologie des démences : évaluations et prises en charge. Marseille : Solal. HERISSON, C., TOUCHON, J., ENJALBERT, M. (1996). Maladie d’Alzheimer et médecine de rééducation. Rencontres en rééducation, 11. Paris : Masson. ROUSSEAU T. (2001). Communication et maladie d’Alzheimer. 2ème édition. Isbergues : Ortho-Edition. SELLAL F., KRUCZEK E. (2001). Maladie d’Alzheimer. Rueil-Malmaison : Doin-Editeurs. 133 texte 212 10/01/03 14:46 Page 134 - Articles : BALLANGER, E., BRUNET, G., DERYCKE, B. (1999). Généralités sur les démences nouvelles du sujet âgé. Geriatrics-Praticiens et 3e âge. 170-175. BONIN-GUILLAUME, S., CLEMENT, J.P., CHASSAIN, A.P., LEGER, J.M. (1995). Evaluation psychométrique de la dépression du sujet âgé : quels instruments ? Quelles perspectives d’avenir ? L’Encéphale, XXI, 25-34. ERGIS, A.M., VAN DER LINDEN, M., DEWEER, B. (1994). L’exploration des troubles de la mémoire épisodique dans la maladie d’Alzheimer débutante au moyen d’une épreuve de rappel indicé. Revue de Neuropsychologie, 4, 1, 47-68. PASQUIER, F. (1998). Diagnostic différentiel de la maladie d’Alzheimer. La Revue du Praticien, 48, 1906-1911. MONTANI, C., BOUATI, N., PELISSIER, C., COUTURIER, P., JASSO-MOSQUEDA, G., HUGONOT, R., FRANCO, A. (1997). Cotation et validation du test du cadran de l’horloge en psychométrie chez le sujet âgé. L’Encéphale, XXIII, 194-199. ROUSSEAU, T. (2001). Thérapie écosystémique des troubles de la communication dans la maladie d’Alzheimer. Glossa, 75, 14-21. ROUSSEAU, T. (2000). Evaluation de l’efficacité d’une thérapie cognitivo-comportementale des troubles de la communication chez une patiente atteinte de démence de type Alzheimer. Perspectives Psychiatriques, 39, 95-103. ROUSSEAU, T. (2000). Le bilan du patient atteint de démence de type Alzheimer. In : Entretiens d’orthophonie 2000. Paris : Expansion Scientifique Française, 171-177. ROUSSEAU T. (1998b). Thér apie cognitivo-comportementale des troubles de la communication dans la démence de type Alzheimer. La revue française de psychiatrie et psychologie médicale, 20, 81-83. ROUSSEAU T. (1997). Prise en charge des troubles de la communication dans la démence de type Alzheimer. In : Entretiens d’orthophonie 1997. Paris : Expansion Scientifique française, 167-175. TEIL S., MARINA I. (1992). La désintég ration lexico-sémantique dans les démences de type Alzheimer : intérêt d’une prise en charge orthophonique spécifique : à propos de 4 observations. Glossa, 28, 44-46. YESAVAGE, J.A., BRINK, T.L., ROSE, T.L. (1983). Development and validation of a geriatric depression scale (GDS) : preliminary report. J. Psychiatr. Res., 17, 1, 37-49. 134 texte 212 10/01/03 14:46 Page 135 Epilepsie et troubles des apprentissages chez l’enfant : Protocole d’examen Gilles Leloup Résumé L’examen orthophonique de l’enfant ou de l’adolescent épileptique s’inscrit dans une démarche globale de compréhension du fonctionnement cognitif et dans une démarche « développementale ». Cette évaluation qui, en finalité, est plus spécifiquement centrée sur les troubles du langage écrit et oral, ne prétend pas se substituer à une évaluation neuropsychologique mais permet de faire un screening préalable des compétences et des stratégies de l’enfant (ou de l’adolescent) afin de poser les bases du diagnostic et des hypothèses de rééducation. Mots clés : bilan, évaluation, épilepsie, enfants. Epilepsy and learning disorders in children : an evaluation protocol Abstract The assessment of the child or adolescent with epilepsy follows a general approach which consists in trying to understand the child’s cognitive functioning within a developmental framework. In reality, it is more specifically focused on written and oral language disorders and does not pretend to compete with a neuropsychological evaluation. It is an initial screening of the child’s skills and strategies, which lays the foundation for establishing a diagnosis and constructing treatment hypotheses. Key Words : assessment, evaluation process, epilepsy, child. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 135 texte 212 10/01/03 14:46 Page 136 Gilles LELOUP Orthophoniste, attaché de consultation à l’hôpital Saint-Vincent de Paul/Cochin 3 bis rue Louise Michel 92300 Levallois [email protected] L ’examen orthophonique de l’enfant ou de l’adolescent épileptique s’inscrit dans une démarche globale de compréhension du fonctionnement cognitif et dans une démarche « développementale ». Cette évaluation qui, en finalité, est plus spécifiquement centrée sur les troubles du langage écrit et oral, ne prétend pas se substituer à une évaluation neuropsychologique mais permet de faire un screening préalable des compétences et des stratégies de l’enfant (ou de l’adolescent) afin de poser les bases du diagnostic et des hypothèses de rééducation. Les fonctions cognitives sont interdépendantes, la rééducation de la mémoire nécessite le langage et inversement. D’une part, la rééducation en neurologie infantile ne peut se départir d’une prise en charge globale des dysfonctions cognitives, d’autre part, un bilan orthophonique ne peut se limiter à la seule évaluation des compétences dites instrumentales ou développementales. Le thérapeute doit pouvoir entendre et recevoir la plainte du sujet et de ses parents, reconnaître sa souffrance psychique. Dans ce cadre global d’une évaluation cognitive et de la compréhension psychique du patient, le bilan de l’enfant souffrant d’un trouble neurologique, constitue un point de repère qui permettra dans le futur de comparer et de démontrer les progrès réalisés, il se doit donc d’être rigoureux et exhaustif. ♦ L’épilepsie infantile L’épilepsie est une des maladies neurologiques les plus fréquentes de l’enfant, elle est pourtant peu connue et sa rééducation est peu documentée. Elle peut recouvrir des formes bénignes comme « le petit mal - absences » ou bien un retard mental sévère comme le syndrome de West. La population des épileptiques est peu homogène du fait de la variabilité des étiologies connues ou inconnues (symptomatique, idiopathique, cryptogénique) ou des crises (généralisées ou partielles). L’épilepsie peut avoir des retentissements soit ponctuels, soit à long terme sur les conduites cognitives et comportementales. La capacité du milieu familial et scolaire à s’adapter aux difficultés de l’enfant épileptique 136 texte 212 10/01/03 14:46 Page 137 interfère sur les processus d’apprentissage et sur les conduites cognitives et comportementales. ♦ Fonctionnement cognitif et démarche développementale La finalité de l’évaluation sera de proposer des hypothèses rééducatives. Ces hypothèses doivent reposer sur la compréhension du fonctionnement cognitif et s’inscrire dans une démarche développementale. Le fonctionnement cognitif et la démarche développementale renvoient aux travaux récents en neuropsychologie infantile et aux travaux sur la maturation cérébrale, la plasticité neuronale, la latéralisation et la localisation des fonctions (Lussier & Flessas, 2001). La compréhension du fonctionnement cognitif passe par la relation entre les dysfonctions des processus cognitifs mises en évidence lors de l’évaluation et les conduites de compensation qui dépendent des capacités d’adaptation cérébrale et psychique de chaque patient. La question est d’évaluer si les conduites de compensation sont efficaces, c’est-à-dire si elles pourront à moyen terme devenir automatiques versus traitement implicite ou constitueront-elles un « béquillage » non automatisable, coûteux en terme d’attention et de surcharge cognitive versus traitement explicite. Par exemple : la localisation du ou des foyers épileptogènes donne une première indication sur le trouble cognitif possible (lobe temporal gauche à mémoire verbale), ce trouble cognitif est relayé par des conduites de compensation (trouble de la mémoire verbale compensable par l’imagerie visuelle ou bien insistance à traiter en verbal ou bien impossibilité à traiter en visuel). La proposition d’exercices de remédiation dépendra de l’état du fonctionnement cognitif et des capacités à modifier ou à entraîner les conduites compensatoires en place. La compréhension des troubles d’apprentissages chez les enfants épileptiques repose sur la compréhension de leur fonctionnement cognitif, des conduites de compensation cognitive et d’adaptation psychique. La démarche développementale s’inspire des modèles à étapes (Frith, 1986) et de la maturation cérébrale (Dawson, 1992) et renvoie à considérer les troubles cognitifs de l’épilepsie comme « une pathologie développementale ». L’enfant passe par différentes étapes pour accéder à un apprentissage comme, par exemple, l’apprentissage du langage écrit. Pour certains enfants, les marqueurs de déviance persistent sur le long terme. Pour l’enfant épileptique, il faudra tenir compte de la désorganisation engendrée par les crises d’épilepsie (crises contrôlées ou bien crises non-contrôlées) sur le processus de maturation cérébrale et donc prévoir que certaines étapes ne puissent être atteintes mais 137 texte 212 10/01/03 14:46 Page 138 puissent être contournées ou en partie compensées. L’évaluation doit aussi servir à une projection de compétences futures des apprentissages de l’enfant car, contrairement à certaines idées reçues, ces projections sont vécues comme rassurantes si elles sont expliquées et valorisées. Les troubles d’apprentissage de l’enfant épileptique doivent s’évaluer par un suivi longitudinal, le devenir quant à l’accès aux apprentissages dépendra du contrôle de l’épilepsie, de sa précocité, des stades de maturation cérébrale et du soutien de son environnement. ♦ Le bilan La modélisation de ce bilan repose sur le principe des entrées (perception des informations), du traitement de ces informations et de la production en sortie. Le choix des épreuves repose sur leur sensibilité et la qualité de leur standardisation. Les épreuves choisies sont « classiques » et communes à celles utilisées pour l’évaluation du langage écrit ou oral (articles de F. Coquet et de M. Touzin). Le but de l’évaluation n’est pas d’obtenir un listing de résultats mais de pouvoir les interpréter : - corrélation entre déficit de langage et mémoire verbale ; - dissociations entre les compétences : dénomination versus désignation, mémoire verbale versus mémoire visuelle ; - relation entre déficits cognitifs et localisation lésionnelle ou foyer épileptogène ; - dissociation sur le modèle cognitif du bilan : meilleure compétence en production qu’en perception. Nous ne présenterons pas un descriptif pour les épreuves mais plutôt des repères des désorganisations cognitives rencontrées chez l’enfant ou l’adolescent épileptique. Anamnèse La va ri abilité des pro fils des enfants épileptiques ne permet pas d’évoquer un cadre général de déficience intellectuelle. Toutefois certaines études (Ellenberg, 1986) montreraient un niveau intellectuel plus fa i bl e pour les épileptiques. La dissociation entre le QI verbal et le QI performance doit être prise en compte. Cette dissociation est en relation avec la l at é ralité du foyer, elle permet de comprendre le fonctionnement cognitif et aide à poser des prospectives développementales. Le plus souvent, un profil 138 texte 212 10/01/03 14:46 Page 139 intellectuel dissocié ne renvoie pas au retard mental et l’enfant peut bénéficier d’un maintien scolaire. Par contre, un faible niveau non dissocié renvoie à une limitation intellectuelle avec des difficultés à maintenir l’enfant en milieu scolaire ; une orientation en établissement médicalisé est alors envisagée. Cette dissociation peut-être constatée lors du bilan orthophonique entre, par exemple, épreuve verbale et non-verbale et peut-être interprétée de la même façon mais devra être confirmée par une évaluation standardisée (WISC III- R). La compréhension du fonctionnement cognitif et des troubles du comportement doit tenir compte de la fréquence des crises, de la date d’apparition des crises, de leur précocité, de l’étiologie (lésionnelle, génétique, inconnue). Le dysfonctionnement cérébral concerne non seulement les périodes de crises mais également les décharges inter-critiques. L’épilepsie complique le pronostic d’une hémiplégie cérébrale infantile. L’épilepsie avec POCS (pointes ondes continues pendant le sommeil lent) est responsable d’une détérioration des fonctions cognitives en l’absence de lésion évidente des structures cérébrales (Jambaqué, 1997). Ces désordres neuropsychologiques acquis réalisent parfois un tableau d’agnosie auditive verbale comme le syndrome de Landau-Kleffner ou aphasie acquise avec épilepsie. La ga u ch e rie est sur-représentée dans la population des épilepsies sévères. Perception Visuelle, Auditive et Kinesthésique Les déficits perceptifs (auditif, visuel, kinesthésique, moteur) vont interférer sur le traitement des informations et donc sur les capacités d’apprentissage de l’enfant, sur ses capacités à interagir sur son environnement. Dans le cadre de l’épilepsie et en fonction de la localisation lésionnelle ou de la localisation des crises, il faut rechercher tous les éléments pouvant évoquer une agnosie (visuelle, auditive), une pathologie du regard (dyspraxie), des troubles de représentation du schéma corporel (zones associatives). Le traitement Mémoire : La relation entre mémoire et épilepsie temporale chez l’enfant a été décrite par I. Jambaqué (1997). Les enfants avec épilepsie temporale gauche présentent une mémoire verbale déficitaire tandis que la mémoire visuelle est déficitaire dans l’épilepsie temporale droite. Les enfants épileptiques ont des 139 texte 212 10/01/03 14:46 Page 140 problèmes de mémorisation intentionnelle. Les troubles de mémoire sont relevés dans les épilepsies frontales. Si la mémoire visuelle est particulièrement développée chez le jeune enfant, il existerait une influence de la spécialisation hémisphérique avec l’âge, le langage jouerait alors de plus en plus un rôle de médiateur dans les activités mnésiques. L’évaluation de la mémoire de travail est un préalable indispensable. Attention : Les troubles attentionnels sont fréquents chez l’enfant ou l’adolescent épileptique. Une désorganisation des zones cérébrales postérieures (les entrées perceptives) ne permettrait pas de traiter correctement les informations perceptives, une désorganisation des zones frontales ne permettrait pas de maintenir un contrôle. Roulet-Perez et al. (1993) rapportent des troubles de l’attention, un comportement hyperactif et une forte tendance aux persévérations chez des enfants avec épilepsie et pointes ondes continues du sommeil. L’évaluation de l’attention relève de protocoles spécifiques. On peut se référer aux épreuves de la BREV pour une évaluation partielle. Les troubles du langage oral et écrit : L’aphasie acquise avec épilepsie (AAE) ou syndrome de Landau-Kleffner (SLK) (Landau et Kleffner, 1957) s’exprime par une détérioration majeure du langage chez des enfants de 2 à 7 ans ayant normalement développé des compétences langagières. Ces enfants présentent une agnosie auditive totale ou seulement verbale qui est concomitante à la détérioration du langage (aphasie globale ou mixte) et à un trouble sévère de la compréhension. Des anomalies paroxystiques bitemporales à l’électroencéphalogramme (EEG) sont relevées lors de la phase active de la maladie (Pointe Ondes Continues de sommeil : POCS). Le pronostic de récupération dépend de l’âge de début du syndrome, de la précocité du diagnostic, du contrôle de l’activité épileptique, de la localisation et de l’étendue de la dysfonction épileptique (Deonna, 1996). Une rééducation orthophonique adaptée semble jouer un rôle non négligeable qu’elle soit « oraliste » et/ou visuo-gestuelle. L’aspect relationnel est majeur lors de la prise en charge de ces enfants. Le syndrome de Landau-Kleffner doit être abordé et compris dans un contexte général de troubles cognitifs et comportementaux qui sont le plus souvent constatés chez les enfants épileptiques. Dans le cas des épilepsies partielles hémisphériques gauches, des désordres de langage peuvent être constatés en relation avec l’importance des manifestations critiques et disparaissent rapidement après un contrôle des crises. 140 texte 212 10/01/03 14:46 Page 141 Dans le cas des épilepsies temporales gauche ou droite, les enfants présentent un retard du langage, les enfants avec épilepsie temporale gauche ont un trouble de dénomination et de désignation. La fluence verbale et phonémique est souvent perturbée dans le cadre des épilepsies frontales. La dysphasie de développement peut être évo q u é e, toutefois les décharges paroxystiques EEG ne sont pas à retenir comme facteur étiologique dans la grande majorité des dysphasies de développement. L’évaluation du langage doit reposer sur des batteries de langage standardisées, une attention particulière est à porter sur les dissociations entre dénomination et désignation, les déficits phonologiques. Il faut dissocier traitement de l’information auditive en entrée, trouble sémantique et production orale en sortie. Les troubles du langage écrit sont fréquemment rencontrés, un diagnostic différentiel doit être fait entre un trouble du traitement auditif, un trouble du traitement visuel, un trouble cognitif global versus un trouble cognitif localisé. On ne peut pas parler au sens strict de dyslexie chez l’enfant épileptique, critère d’exclusion, mais les étapes développementales semblent être respectées (trouble développemental). Une différence est à porter entre retard d’apprentissage du langage écrit et trouble acquis ou « spécifique » du langage écrit. Les épreuves d’évaluation des compétences logico-mathématiques ne sont pas évoquées. On peut se référer au bilan mathématique de A. Menissier. Les troubles de numération et les troubles du raisonnement sont fréquemment rencontrés chez l’enfant épileptique. Il est conseillé de proposer une évaluation de ces compétences. Production expression, Production praxies motrices et Production visuo-spatiales Les troubles d’articulation spécifiques relèvent d’un trouble neurologique moteur. Les troubles du graphisme sont fréquents, ils sont soit associés à une lésion cérébrale au foyer épileptogène, soit en correspondance avec une activité critique (crises d’épilepsie partielle ou généralisée). Les épreuves de production sont généralement le reflet des déficits de traitement de l’information ou des déficits de perception, les résultats doivent donc être interprétés en relation avec ces déficits. 141 texte 212 10/01/03 14:46 Page 142 Trouble du comportement et évaluation du comportement Le syndrome de West, encéphalopathie épileptogène du nourrisson pourrait illustrer la relation entre trouble du comportement et épilepsie. Ce syndrome est caractérisé par la présence d’une activité paroxystique électroencéphalographique (hypsarythmie) persistant entre les crises (spasmes infantiles) et associée à une régression psychomotrice (hypotonie, perte de la préhension volontaire). Le nourrisson perd son intérêt pour le visage humain, il se montre indifférent à son entourage, perte de l’attention conjointe, il ne réagit plus à la voix et aux bruits familiers. Certains auteurs (Taft et Cohen, 1971) évoquent des signes précoces d’autisme. Ainsi un déficit précoce de perception va interférer significativement et à long terme sur les conduites comportementales en association avec un retard du développement. Plus généralement, les crises entraînent une désorganisation du traitement des informations, les enfants épileptiques peuvent rapidement passer de la réalité à un « sentiment d’étrangeté » de l’être, avec des retours plus ou moins favorables. Certains sont dans l’attente de la crise qu’ils cherchent parfois à provoquer, d’autres dans l’anxiété de perdre contact ou dans l’épuisement de la fréquence des crises. Les enfants épileptiques peuvent présenter des troubles de type hyperactivité. Les enfants avec une épilepsie frontale montrent des troubles du comportement qui peuvent se traduire par un manque de motivation, une opposition, un déni. La fréquence des crises, leur caractère général ou partiel, interfèrent certainement sur la construction de la structure psychique de l’enfant épileptique. Les désordres cognitifs doivent également interférer sur leurs conduites comportementales et sur leurs conduites d’évitement. Mais, de la même manière, les structures psychiques interfèrent sur les processus d’apprentissage et sur les procédures attentionnelles. La sédation des crises est suivie d’un apaisement des manifestations comportementales et une diminution des conduites d’évitement. ♦ Conclusion L’évaluation des enfants et des adolescents épileptiques appelle à réfléchir sur l’organisation cérébrale des fonctions cognitives et plus particulièrement du langage. Quelles sont les relations entre langage et mémoire, entre langage et attention ? L’évaluation devrait permettre de faire des liens entre localisation lésionnelle ou foyer épileptogène et la désorganisation de telle ou telle fonction mais aussi de relever les dissociations, les corrélations entre les différentes compétences. Cette évaluation des compétences de l’enfant s’effectue dans un cadre plus général de la compréhension de son fonctionnement cognitif en s’inscrivant dans une démarche développementale ; les aspects com- 142 texte 212 10/01/03 14:46 Page 143 portementaux seraient à la fois tributaires des désordres cognitifs et reflet de mécanismes de défense. Protocole d’examen Epilepsie et Troubles des Apprentissages chez l’enfant Cette évaluation doit s’aborder sur l’angle d’une pathologie « développementale » et toute dissociation dans les résultats aux épreuves a une valeur diagnostique. Une attention particulière est à porter aux perceptions, aux processus mnésiques, aux fonctions exécutives et à l’attention. Un examen neuropsychologique complémentaire est nécessaire. Anamnèse : fiches de renseignement, importance : de la latéralité, du niveau scolaire, de l’étiologie, du foyer épileptogène, de la fréquence des crises, du traitement médicamenteux, connaissance de l’examen aphasiologique et neuropyschologique. Perception visuelle Discrimination visuelle : Examen du regard (fixation du regard, poursuite oculaire, tâche de pointage, suivi de tracé), relation entre trouble du regard et dyspraxie. Gnosies visuelles : Capacité de reconnaissance de formes, (figures entremêlées : PEGV, BREV), d’images - si difficultés importantes confirmer une agnosie des images. Perception auditive Gnosies auditives : Capacité de discrimination auditivo-phonétique et de bruits (loto sonore, PEGA) - si difficultés importantes demander examens complémentaires (P.E.A), voir syndrome de Landau-Kleffner. Perception kiné-somesthésique Somatognosie globale : Représentation du « schéma corporel » (identification parties du corps, bonhomme à compléter) ; relations crises généralisées et perception corporelle. Traitement Attention visuelle : Balayage et appariement visuel (test des cloches, Stroop), inattention visuelle. 143 texte 212 10/01/03 14:46 Page 144 Mémoire à court terme : Evaluation visuo-spatiale et mnésique (figure de REY) Mémoire à court terme auditive : Evaluation de l’empan mnésique (span de chiffres) importance de la mémoire de travail, altération fréquente. Mémoire sémantique : Evaluation mnésique mais aussi narrative (Récit EEL, le petit chaperon rouge) Désignation et dénomination : Evaluation du lexique (BEPL, EEL, EVIP, TVAP) Fluence : (DEN 48, ELOLA) Compréhension sémantique : (ELOLA) Compréhension syntaxique : (KHOMSI-O52, ECOSSE, TOKEN-TEST) Métaphonologie : (BELEC, EEL-Plaza) Production expression Articulation : (BEPL, EEL) Répétition de mots : (ELOLA, BEPL, EEL, BREV) Langage oral : Evaluation de la production (bégaiement, hypospontanéité, logorrhée, L.M.P.V) Langage écrit : Lecture avec compréhension (ORLEC) Lecture sans compréhension (Lefavrais -l’Alouette) Transcription : (L2MA, Borel-Maisonny) Production Praxies motrices Praxies gestuelles : Evaluation de la coordination, évaluation des dyspraxies (Test de coordination, évaluation des praxies d’habillage) Praxies bucco-faciales : (BEPL, EEL) Production Visuo-spatiale Praxies visuelles : Evaluation de la copie de figures géométriques et stratégie de copie (figure de REY, L2MA, labyrinthe, BREV) Praxies visuo-constructives : si difficultés importantes confirmer une dyspraxie Graphisme : (V.M.I, copie de mots) 144 texte 212 10/01/03 14:46 Page 145 REFERENCES DAWSON, G., PANAGIOTIDES, H., KLINDER, L.G. & HILL, D. (1992). The Role of Frontal lobe functioning in the Development of Infant Self-Regulatory Behavior, Brain and Cognition, 20, 152-175. ELLENBERG, J.H., DEBORAH, H.H., & NELSON, K.B. (1986). Do seizures in children cause intellectual deterioration ? New England Journal of Medicine, 314, 1085-1088. FRITH, U. (1986). A developmental framework for developmental dyslexia. Annals of dyslexia, 36, 69-81. JAMBAQUÉ, I., BULTEAU, C., KIEFFER, V. et DELLATOLAS, G. (1997). Neuropsychologie de l’enfant épileptique, Revue de neuropsychologie, 7, 2, 207-226. LUSSIER, F. & FLESSAS, J. (2001). Neuropsychologie de l’enfant : Troubles développementaux et de l’apprentissage, Dunod, Paris. ROULET-PEREZ, E., DAVIDOFF, V., DESPLAND, P.A., & DEONNA, T. (1993). Mental and behavioural deterioration of children with epilepsy and CSWS : Acquired epileptic frontal syndrome. Developmental Medicine and Child Neurology, 35, 661-674. TAFT, L.T., & COHEN, H.J. (1971). Hypsarrhyttmia and infantile autism : a clinical report. Journal of Autism and Developmental Disorder, 1, 327-336. Ouvrages et articles à consulter ARZIMANOGLOU, A. & un collectif d’auteurs (1997. Les épilepsies de l’enfant, John Libbey, Montrouge (France), Londres (Angleterre). BADDELEY, A. (1993) La mémoire Humaine, théorie et pratique, Grenoble, Puf. BILLARD, C., LOISEL, M-L., GILLET, P., LUCAS, B., AUTRET, A., DEGIOVANNI, E., SANTINI, J-J., DULAC, O., PICARD, A. (1991). Relation between acquired neuropsychological deficit and noctural EEG abnormalities in a case of Landau-Kleffner syndrome, Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant, 1, 39-43. DEONNA, T.(1996). Troubles du Langage et Epilepsie, in Le Langage de l'Enfant, Chevrie-Muller,C., Narbona, J., 386-397, Paris, Masson. JAMBAQUÉ, I., LASSONDE, M., DULAC, O. (2001). Neuropsychology of Childhood epilepsy, Edition Kluwei Academic. LELOUP, G. (2002) Syndrome de Landau-Kleffner ou Aphasie acquise avec épilepsie : Sémiologie et rééducation, CD de formation, Kiosque production, Paris. LOUIS, V., Le Syndrome de Landau-Kleffner, Etude de 7 cas, Mémoire d'Orthophonie, Université de Nantes, 1999/2000. SEGUI, J., FERRAND, L. (2000). Leçon de Parole, Paris, Edition Odile Jacob. THOMAS, P., & ARZIMANOGLOU, A. (2000). Epilepsies, Masson, Paris. VANCE, M. (1991). Educational and therapeutic approaches used with a child presenting with acquired aphasia with convulsive disorder (Landau-Kleffner syndrome), Child Lang, Teach Ther, 7, 41-60. 145 texte 212 10/01/03 14:46 Page 146 texte 212 10/01/03 14:46 Page 147 La déglutition dysfonctionnelle : Protocole d’examen Isabelle Eyoum, Gilles Leloup Résumé Le bilan orthophonique de la déglutition dysfonctionnelle s’inscrit dans une démarche plus large de l’évaluation des fonctions oro-faciales et de leurs dysfonctions. Le protocole proposé tente de recouvrir tous les aspects cliniques de cette évaluation en prenant en compte les praxies bucco-faciales, la respiration, l’articulation, la cinétique mandibulaire mais également avec une prise en compte de la relation entre l’appareil hyo-lingual, la langue et la posture corporelle, les relations entre la posture linguale et les dysmorphoses dento-alvéolaires. Mots clés : bilan, évaluation, déglutition, fonctions oro-faciales. Dysfunctional swallowing : an assessment protocol Abstract The assessment of dysfunctional swallowing is part of a broader evaluation of oro-facial functions and dysfunctions. The protocol reviewed in this article regroups all clinical dimensions of the evaluation, taking into account bucco-facial praxes, breathing, articulation, and mandibular kinetics. It also takes into account the relations between the hyo-lingual apparatus, the tongue and body posturing, as well as relationships between lingual posturing and dento-alveolar dysmorphoses. Key Words : assessment, evaluation procedure, swallowing, oro-facial functions. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 147 texte 212 10/01/03 14:46 Page 148 Isabelle EYOUM Orthophoniste 11 rue Saint Quentin 94130 Nogent sur Marne [email protected] Gilles LELOUP Orthophoniste, attaché de consultation à l’hôpital Saint-Vincent de Paul/Cochin. 3 bis rue Louise Michel 92300 Levallois [email protected] L e bilan orthophonique de la déglutition dysfonctionnelle s’inscrit dans une démarche plus large de l’évaluation des fonctions oro-faciales et de leurs dysfonctions. Le protocole proposé tente de recouvrir tous les aspects cliniques de cette évaluation en prenant en compte les praxies buccofaciales, la respiration, l’articulation, la cinétique mandibulaire mais également avec une prise en compte de la relation entre l’appareil hyo-lingual, la langue et la posture corporelle, les relations entre la posture linguale et les dysmorphoses dento-alvéolaires. Une attention toute particulière doit être posée sur la perception de l’espace bouche par le sujet et son « oralisation ». Ce bilan se réalisant dans le cadre d’un traitement d’orthodontie, il apparaît nécessaire de bien connaître le tableau clinique des dysmorphoses dento-alvéolaires et les fonctions des différents types d’appareillage orthodontique. Ce traitement prend son efficacité sur un suivi longitudinal, il est donc souhaitable de revoir à distance les patients pour évaluer la persistance du bon geste de déglutition. Il est tout particulièrement indiqué de revoir les patients à la fin du traitement orthodontique. En résumé l’examen clinique doit reposer sur un examen des relations : - entre langue et « boîte à langue » ; - entre langue et corps ; - entre langue et facteurs affectifs/relationnels ; - entre langue et perception de « l’espace bouche » ; - entre langue et traitement orthodontique. Un diagnostic étiologique de la déglutition dysfonctionnelle permet de comprendre les relations de la langue avec son environnement anatomique, de prendre en compte les relations d’adaptation et de compensations linguales et de s’appuyer sur la perception de « l’espace bouche » afin de proposer les exercices de rééducation. 148 texte 212 10/01/03 14:46 Page 149 L’évaluation permet de définir avec l’orthodontiste le rôle de la déglutition dysfonctionnelle dans les dysmorphoses dento-avéolaires et de prévenir les risques de récidive du traitement orthodontique. Protocole d’examen Protocole du bilan de la déglutition atypique ou dysfonctionnelle Ce protocole permet d’évaluer le premier temps de la déglutition, il est principalement axé sur les rapports entre les fonctions oro-faciales et les dysmorphoses dento-alvéolaires (traitement d'orthodontie et chirurgie maxillo-faciale). Il inclut une évaluation de la posture et de sa relation avec l’occlusion dentaire. L’oralité du patient doit être prise en compte lors de cette évaluation. Perception auditive et perception visuelle Les enfants avec une ouverture buccale peuvent présenter un profil de fragilité O.R.L : demander un test d’audition. Relation entre otites séreuses et troubles de l’articulation. La poursuite oculaire évalue surtout une relation pouvant exister entre suivi oculaire, ouverture de la bouche et mouvement de la langue (contrôle et maturation neurologique). Perception kiné-somesthésique Evaluation de la perception de la respiration, de la déglutition, de la posture linguale au repos et de la posture corporelle. Il est souhaitable d’évaluer cliniquement la sensibilité perceptive du patient, la rééducation dépend de la qualité somésthésique et kinesthésique de la sphère oro-faciale. Les tests de respiration confirment ou infirment une respiration buccale. Une respiration buccale entraîne une posture basse de la langue. La perception de la déglutition donne des indications sur la représentation par le sujet de son espace-bouche. La posture doit être notée, l’enfant avec une respiration buccale sera voûté. Un trouble de la posture (scoliose) peut avoir des répercussions sur l’occlusion dentaire. Traitement Evaluation de l’attention et de la mémorisation des processus des fonctions oro-faciales. Le niveau de traitement est d’une part, principale- 149 texte 212 10/01/03 14:46 Page 150 ment en corrélation avec les possibilités à percevoir et à sentir la mobilité linguale et les muscles de la sphère oro-faciales et d’autre part en relation étroite avec le niveau « d’oralisation » du patient. La dimension d’investissement de la sphère orale interférera sur sa perception et sur l’acceptation d’un traitement d’orthodontie, d’une rééducation orthophonique. Production - Expression Evaluation de l’articulation et de la phonation classique, il est nécessaire de garder le même protocole d’évaluation afin de valider le re-testing. Relation fréquente entre dysfonction linguale et dysphonie vocale. Production Praxies – Motrices Les étapes suivantes sont un pointage des dysfonctions relevées : Examen des syncinésies : relation entre les praxies digitales et les praxies linguales. On demande au patient de faire rencontrer l’index, le majeur, l’annulaire et l’auriculaire au pouce afin d’évaluer la dextérité digitale mais surtout de noter si le mouvement des doigts est concomitant à une ouverture buccale et à un déplacement lingual. Evaluation de la déglutition : primaire, dysfonctionnelle, atypique. La déglutition est évaluée en demandant au sujet de boire une goutte d’eau, en avalant avec délai (compter jusqu’à 10), sans délai et lors de la lecture d’un texte. Bien relever alors le bruit d’aspiration de la salive lors de la lecture à haute voix, bruit qui remplace le mouvement de déglutition fonctionnelle. La déglutition primaire est en relation avec un mouvement de succion, la déglutition atypique ou dysfonctionnelle est en relation avec une langue basse (respiration buccale), et/ou liée à un mauvais geste lingual en regard des dysmorphoses alvéolo-dentaires (trouble de l’articulé dentaire). Examen de la face : noter la tonicité ou la faiblesse du sillon nasomentonnier, des joues, des masséters. La contraction des masséters s’évalue en maintenant les dents en contact avec serrage et sans serrage, en mordant un abaisse-langue. Noter la perception de la mâchoire et de la mandibule par le sujet, en évaluant la qualité de ses contacts occlusaux. On note si un côté de la musculature faciale est plus fort (en relation avec un déficit occlusal, en relation avec un trouble de la posture) 150 texte 212 10/01/03 14:46 Page 151 Les mimiques : sourire exagéré, baiser, faire la moue, noter s’il y a dissociation entre imitation et ordre. Les tics et les mouvements parasites sont notés et discutés avec le patient dès le bilan. Différencier tics et mouvements parasites engendrés par l’appareillage orthodontique des autres tics. Examen de l’A.T.M : noter les déviations à l’ouverture et fermeture, les claquements avec ou sans douleurs. Examen des lèvres : évaluation de la musculature des lèvres. Le test du ballon (cf. Eyoum) : gonfler un ballon pour évaluer la force des lèvres et la gestion synchronisée de la respiration. Le test du bouton : tenir un bouton derrière ses lèvres tiré par une ficelle (cf. Fournier, M., 1991) pour évaluer les orbiculaires. Examen lingual : évaluer la perception des mouvements de la langue : on demande de glisser la langue sur le palais à la jointure des plaques palatales d’avant en arrière, de déplacer sa langue de gauche à droite à l’intérieur de la cavité buccale et à l’extérieur, de haut en bas. Evaluer la force et le tonus lingual en demandant de tirer la langue et de la maintenir droite sans toucher les lèvres. Evaluer si la langue est basse (respiration buccale), si elle est étalée, si elle appuie plus spécifiquement sur un secteur de l’articulé (relation avec un diastème). Examen de la succion : vérifier s’il persiste un mouvement de succion, diurne ou nocturne. Comportement Psychologique Evaluer la gêne du patient à explorer la sphère bucco-faciale. Evaluer l’investissement de sa sphère oro-faciale. Importance de noter sa relation à la nourriture. Noter ses réactions et son investissement au traitement en orthodontie. 151 texte 212 10/01/03 14:46 Page 152 REFERENCES BRULIN-SAUVAGE, F. & TALMANT, J. (1976). Données fondamentales sur le rôle de la langue dans l’organisation oro-faciale, l’Information Dentaire, 40, 25-30. FOURNIER, M.Y. (1991).Introduction à la rééducation, in Chauvois, A., Fournier, M.Y. & Girardin, F., Rééducation des fonctions dans la thérapeutique orthodontique, 75-181, Nantes, Editions SID. EYOUM, I. & LELOUP, G. (2000). Le bilan de la déglutition, in les Entretiens de Bichat, 155-160, Expansion Scientifique, Paris. LELOUP, G. (1995). Dysfonctions linguales, in les Entretiens de Bichat, 123-130, Expansion Scientifique, Paris. LELOUP, G. (1996). Bilan des dysfonctions linguales, in les Entretiens de Bichat, 84-89, Expansion Scientifique, Paris. MAURIN-CHEROU, N. (1988). Rééducation de la déglutition. Ortho Edition, Isbergues MOUTON, L. (1998). Rééducation orthophonique pré et postopératoire des dysmorphoses maxillo-mandibulaires. Les fonctions oro-faciales : Evaluation, Traitements et Rééducation, Isbergues, Ortho Edition. 152 texte 212 10/01/03 14:46 Page 153 Bilan des fonctions oro-faciales Isabelle Eyoum Résumé Cet intitulé englobe toutes les altérations de la sphère oro-faciale sur les plans moteur, sensitif et secrétoire, ce qui recouvre les altérations de certains phonèmes, les dysfonctions linguales, les troubles des modes respiratoires, la dysphagie, les troubles observés dans les paralysies faciales et les dysfonctionnements de l’appareil manducateur. Mots clés : bilan, évaluation, fonctions oro-faciales, dysfonctions linguales, dysphagie, paralysie faciale. Assessment of oro-facial functions Abstract This title includes all alterations of the oro-facial sphere (motor, sensory and secretory), which comprises alterations of certain phonemes, lingual dysfunctions, respiratory disorders, dysphagia, disorders found in facial paralyses, and dysfunctional mastication. Key Words : assessment, evaluation procedure, oro-facial functions, lingual dysfunctions, dysphagia, facial paralysis. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 153 texte 212 10/01/03 14:46 Page 154 Isabelle EYOUM orthophoniste chargée de cours à Paris VI UFR Pitié-Salpêtrière et à l’école d’Orthophonie de la faculté de Médecine de Besançon [email protected] P ourquoi un bilan des « fonctions oro-faciales » ? Cet intitulé englobe toutes les altérations de la sphère oro-faciale sur les plans moteur, sensitif et secrétoire, ce qui recouvre les altérations de certains phonèmes, les dysfonctions linguales, les troubles des modes respiratoires, la dysphagie, les troubles observés dans les paralysies faciales et les dysfonctionnements de l’appareil manducateur. Cette énumération permet de se rendre compte de l’extrême diversité des troubles observables et il paraît nécessaire de définir des protocoles propres à chaque type de pathologie, ce qui permettra la mise en place d’études longitudinales par testing et retesting comparables grâce à l’analyse de cotations similaires au fil des mois et cela même si le praticien est différent. Anamnèse : elle est très importante car elle permet de noter : - le mode d’entrée dans la maladie : brutal ou insidieux, sur du court terme ou sur de longs mois ; - le passé médical du patient voire de sa famille (antécédents médicaux, dentaires, chirurgicaux, orthodontiques, psychologiques) ; - les signes subjectifs donnés par le patient ; - les différents traitements médicaux ou autres renseignements plus objectifs ; - les différentes prothèses s’il y en a : appareils orthodontiques, gouttières, cales, prothèses auditives, oculaires, dentaires. L’observation clinique sera essentiellement faite lors du bilan choisi en fonction de l’anamnèse et de l’interrogatoire du patient. Cette observation servira à recenser les signes généraux permettant l’établissement du diagnostic le plus probable. 154 texte 212 10/01/03 14:46 Page 155 Le bilan permettra d’analyser quantitativement et qualitativement les épreuves objectivant : - la mise en place correcte des informations nécessaires au bon déroulement des processus de la fonction testée lors du bilan. Ce sont les épreuves permettant de vérifier les différents modes d’entrée cérébrale : les entrées perceptives ; - le traitement de ces informations. Va-t-il se dérouler correctement ? Les processus de compréhension, d’attention, de concentration, de mémorisation, d’apprentissage implicite et explicite, de modélisation, le comportement du sujet et ses motivations vont-elles permettre l’engrammation correcte des informations ? ♦ Comment le savoir ? Si les informations recueillies aux épreuves de sortie correspondent aux informations présentées lors des épreuves d’entrée, c’est que tout fonctionne correctement ; mais la plupart du temps, il y a dissociation entre les tests d’entrée et les tests de sortie. Le bilan objective, par l’analyse des réponses, si le trouble se situe à l’entrée ou lors du traitement de l’information. Y a-t-il possibilité pour le patient d’avoir une représentation mentale de la fonction à traiter ? Son comportement le lui permet-il ? Vient alors le choix des hypothèses sur lesquelles la décision d’un projet thérapeutique va s’établir. ♦ Comment procéder ? En suivant le menu navigation qui commencera par les fiches patients (enfant ou adulte), on trouvera la fiche renseignements puis l’anamnèse 1 et 2. Le choix du protocole désiré ouvrira l’accès aux fiches spécifiques de la pathologie choisie. Au moment du choix des explorations, on peut imprimer le protocole choisi qui servira de guide avant de sélectionner les tests utiles pour la pathologie à « bilanter ». On peut aussi faire apparaître la typologie qui donnera plusieurs liens évoquant des pistes à ne pas oublier (si la sémiologie présentée par le patient n’est pas évidente ou si le diagnostic médical n’a pas été porté de façon indubitable). 155 texte 212 10/01/03 14:46 Page 156 Toutes les fiches d’entrée permettront de tester les modalités fonctionnelles perceptives : auditives, visuelles, motrices, kinesthésiques. Un système de cases à cocher ou de fenêtres déroulantes aidera à noter les cotations de tests et les remarques de l’orthophoniste. Toutes les fiches spécifiques proposent une fonction à tester dans la rubrique « groupe de tests » (à gauche de la feuille) ex : l’attention visuelle ; puis à droite apparaît la rubrique « tests » dans laquelle s’inscrit en regard le nom du test conseillé pour cette pathologie : ainsi dans le bilan logico-mathématique, on conseillera pour cette épreuve : comparaison de quantité, alors que dans le bilan des fonctions neuro - d é g é n é rat ives, on conseillera le Stroop ou le test des cloches et dans le bilan des paralysies faciales, on conseillera la poursuite de cibles ou un test de barrage. Chaque fois que la sémiologie permet d’opposer un ensemble de signes à un autre pour permettre un diagnostic différentiel, il a été prévu des liens informatiques les regroupant dans un même tableau. Par exemple, la paralysie faciale centrale associera les zones bouche, joue, langue, voile du palais mais pas de signe de Charles Bell alors que la paralysie périphérique associera des troubles au niveau de toute l’hémiface lésée. De même, dans les maladies neuro-dégénératives, on tro u ve ra des épreuves similaires pour toutes les maladies présentant une sémiologie voisine mais parfois un testing supplémentaire permettra d’identifier une des maladies par la cotation positive à ce test : ainsi la protraction répétée de la langue provoquera des mouvements choréiques même si, en début de pathologie, ces mouvements ne sont pas installés, alors que cette réaction sera négative pour les maladies de Parkinson ou de Steele et Richardson. On retrouvera les tests dans le glossaire mais aussi, en cliquant sur la rubrique « test » à droite de la feuille, ce qui donnera la liste des tests susceptibles d’être utilisés dans ce bilan précis. On passera en revue ainsi tous les tests permettant d’objectiver les conduites de traitement et toutes les épreuves de sortie. Une fiche spéciale analysera le comportement tant sur le plan subjectif (patient et entourage) que sur le plan objectif (évaluation). Tous les tests sélectionnés seront enregistrés et permettront lors de la rédaction du bilan d’être rajoutés sur la feuille récapitulative dans la rubrique « préparation au bilan ». Ce travail a été fait dans le but : - d’accéder à un stock de données très important, - de guider l’orthophoniste dans une pathologie qui lui serait moins habituelle en lui permettant de prévoir à l’avance le choix des épreuves à ne pas oublier, 156 texte 212 10/01/03 14:46 Page 157 - de regrouper une fiche de renseignements, très utile, si un patient doit passer différents bilans ou doit être retesté à des dates différentes, - de saisir des remarques personnelles en l’absence du patient lors de la rédaction du bilan. Les art i cles suivants contiennent les protocoles para lysies fa c i a l e s , dysarthrie, maladies neurodégénératives. 157 texte 212 10/01/03 14:46 Page 158 texte 212 10/01/03 14:46 Page 159 Protocole du bilan de la dysarthrie Isabelle Eyoum Isabelle EYOUM Orthophoniste 11 rue Saint Quentin 94130 Nogent sur Marne [email protected] Evaluation de la communication Intelligibilité Degré de gêne du patient Réactions du patient à son inintelligibilité Pa ra m è t res affectés : respiration, phonation, articulation, prosodie, rythme, mimique, toux, salivation. Evaluation motricité oro-faciale Lèvres : tonus, occlusion, étirement, propulsion Mâchoire : ouverture, fermeture Joues : tonus Voile du palais : nasonnement lors de l’articulation Langue : tonus, élévation, protrusion, mouvements latéraux, motilité Evaluation de la voix Hauteur, timbre, intensité, intonation, rythme, débit, posture Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 159 texte 212 10/01/03 14:46 Page 160 Test phonétique Motilité de la langue, des lèvres et du voile du palais Répétition : voyelles orales, voyelles nasales, syllabes, mots, phrases Lecture à haute voix : texte, mots avec des voyelles, mots avec des consonnes, groupes consonantiques Lecture en voix projetée Examen de la prosodie REFERENCES ARONSON A.E., Les troubles cliniques de la voix, Masson, Paris, 1983, 265 p. HEUILLET-MARTIN G., et al., 1997, Une voix pour tous, coll. Le monde du verbe, Tome 1, La voix normale et comment l’optimiser, Solal, Marseille, 1997, 204 p. Tome 2, La voix pathologique, Solal, Marseille, 212 p. HEUILLET- MARTIN G., CONRAD L., 1997, Du silence à la voix, Solal, Marseille, 317 p. KLEIN-DALLANT C., et al., Dysphonies et rééducations vocales de l’adulte, coll., 2001, Actualités en rééducation orthophonique, Solal, Marseille, 356 p. MONTOYA Y MARTINEZ P., BAYLON-CAMPILLO H., 1996, Incompétence vélo-pharyngée, L’Orthoédition, Isbergues, 213 p. 160 texte 212 10/01/03 14:46 Page 161 Maladies neuro-dégénératives Protocole d’examen Isabelle Eyoum Isabelle EYOUM Orthophoniste 11 rue Saint Quentin 94130 Nogent sur Marne [email protected] ♦ Anamnèse Retracer l’histoire du patient, les antécédents personnels et familiaux, les examens médicaux déjà pratiqués, l’histoire des troubles (date d’apparition, manifestations), les prises en charge passées et actuelles. ♦ Evaluation Entrées : Perception auditive : loto sonore, PEGA Montréal-Toulouse, identification de logatomes, mots entendus Perception visuelle : PEGA, PEGV, poursuite, balayage Perception somesthésique et motrice : Observation du visage du patient, praxies bucco-faciales, gênes perçues par le patient Traitement : Attention visuelle : Test des cloches, Stroop Evaluation des capacités exécutives et attentionnelles : trail making test, Ducarne Compréhension : Token test, Pierre Marie, Ducarne Dénomination : DO 80, BEC 96 Vocabulaire : Boston Conceptualisation verbale : Ducarne Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 161 texte 212 10/01/03 14:46 Page 162 Fluence : Palm tree, Bec96, Cardebat Raisonnement : MMS, BEC 96 Calcul : 4 opérations Jugement : Ducarne, Corsi Capacité visuo-constructive : Rey, BEC 96 Mémoire à court terme auditive : BEC 96, Rey Mémoire à court terme visuelle : Rey, BEC 96 Mémoire à long terme visuelle : Rivermead Behavioural memory Test, Hodges Mémoire biographique : MMS, BEC 96 Mémoire épisodique : Galveston orientation test Agilité mnésique : Rivermead Behavioural memory Test Sorties : Production/ expression : Ducarne, Lhermitte, rythme, intensité, prosodie, graphisme Production praxies motrices : praxies, Ducarne, déglutition REFERENCES BOUCART M. et al., 1998, Vision : aspects perceptifs et cognitifs, Coll. Neuropsychologie, Solal, marseille, 365 p. BRICE A., SCHORDERET D.F., 1999, Affections hérédo-dégénératives, Coll. Traité de Neurologie : Neurogénétique, Doin, L’Isle d’Espagnac, 278 p. CHANTRAINE A., 1999, Rééducation neurologique, 2ème édition, Arnette, Courtry, 403 p. COUILLET J., et coll., 2001, La neuropsychologie de l’attention, Coll. Neuropsychologie, Solal, Marseille, 305 p. DEFIVES-EYOUM I., COUTURE G., 1994, Interactivité verbale et non-verbale au sein d’un groupe thérapeutique de langage. Expansion scientifique française, Entretiens d orthophonie, Paris, pp 25-26 DEROUESNE CH., 1996, Vivre avec sa mémoire, Ed. du Rocher, La Flèche, 308 p. EUSTACHE F., AGNIEL A., 1995, clinique des démences : évaluations et prises en charge, Coll. Neuropsychologie, Solal, Marseille, 342 p. EYOUM I., et al., 1996, Alzheimer ou Parkinson ? Importance de l’observation clinique et du bilan, Expansion scientifique française, Entretiens d’ orthophonie, Paris, pp 122-124 EYOUM I., LELOUP G., 2001, De la rééducation explicite à l’apprentissage implicite. Expansion scientifique française, Entretiens d’ orthophonie, Paris, pp 150-152 GIL R., Neuropsychologie, 2000, 2ème édition, Collect. Abrégés, masson, Paris, 313 p. LOAS G., et al., 1991, Psychopathologie cognitive, Masson, Paris, 173 p. MAJERUS S., et al., Relation entre perception, mémoire de travail et mémoire à long terme, Coll. Neurosciences cognitives, Solal, marseille, 2001, 147 p. MEULEMANS TH., 1998, L’apprentissage implicite, Coll. Neuro-sciences cognitives, Solal, Marseille, 227 p. RASCOL A., 1998, Maladie de Parkinson, Masson, Paris, 245 p. REMOND-BESUCHET CH., 1991, Bilan de langage de l’adulte âgé, L’Ortho-édition, Isbergues, 111 p. VAN DER LINDEN M. et al., 1999, Neuropsychologie des lobes frontaux, Coll. Neuropsychologie, Solal, Marseille, 379 p. ZIEGLER M., BLETON J.P., 1993, La maladie de Parkinson et son traitement, Ed. Frison-Roche, Paris, 295 p. 162 texte 212 10/01/03 14:46 Page 163 Vers un bilan idéologiquement maîtrisé ? Marie-Pierre Thibault Marie-Pierre THIBAULT Orthophoniste 1 Parc de la Londe 76130 Mont-Saint-Aignan [email protected] L e bilan orthophonique, tant aujourd'hui qu'aux tout débuts de l'orthophonie, marque un passage obligé, d'un intérêt incontestable, véritable sésame vers un diagnostic orthophonique débouchant naturellement, si besoin est, sur une thérapeutique adaptée au patient. A l'heure, à l'ère, de la technologie et de l'informatique, l'apport de ces moyens novateurs et performants, loin de nous transformer en robots, nous permet de confier à l'ordinateur des tâches subalternes mais coûteuses en temps de traitement, pour nous centrer sur la clinique et nous montrer ainsi plus efficaces puisque débarrassés de la gestion d'un certain nombre de contraintes de bas niveau. L'ensemble des données contenues dans LABO 2002 ne tiendrait pas dans les nombreux classeurs qui s'alignent sur les étagères orthophoniques, et la somme des compétences ici accumulées ne pourrait en permanence figurer dans nos mémoires. Préparer un bilan de cette envergure nécessiterait réflexion longue, recherche de documents, prises de notes conséquentes à la relecture parfois difficile, manipulation de nombreuses feuilles volantes en vue de la nécessaire synthèse que représente, aujourd'hui plus encore qu'hier, le compte rendu clairement rédigé. Rééducation Orthophonique - N° 212 - Décembre 2002 163 texte 212 10/01/03 14:46 Page 164 Traditionnellement découpé en trois phases, l'analyse de la plainte, l'anamnèse et le testing proprement dit, le bilan nécessite et sollicite en permanence les compétences cliniques de l'orthophoniste. Les protocoles proposés ici reflètent bien ces trois chapitres incontournables et complémentaires. Leur seule ambition est de guider l'orthophoniste dans les méandres du recueil de données d'anamnèse et de mesures précises, tout en laissant l'impression clinique de chacun libre de ses jugements. Une seule branche de cet arbre est coupée, et c'est l'édifice entier qui perd de sa stabilité. Aujourd'hui, grâce aux avancées de toutes les disciplines, de toutes les connaissances dans les domaines des sciences, de la psychologie, de la linguistique, de la didactique, il est possible de proposer à nos patients une mesure plus efficace de leurs capacités et déficits. Néanmoins, on peut légitimement s'interroger sur la valeur réelle de la phase de test incluse dans ce long travail qu'est le bilan. Certaines écoles, dans des disciplines proches de la nôtre, pensent qu'un test ne mesure que lui-même ; ceux qui pensent ainsi n'ont pas tort. D'autres ne jurent que par les chiffres obtenus lors d'épreuves standardisées ; ils ont raison tout autant. Entre ces deux pôles, le bilan orthophonique occupe une place tout à fait particulière. Les tests cités ici, et les autres également, représentent des instruments de mesure, de plus en plus précis, mais pour lesquels nous devons toujours penser qu'ils ne mesurent que les capacités d'un patient à un moment donné et dans un cadre donné. Lorsque nous examinons le langage d'un patient, adulte ou enfant, nous testons ce qu'il peut produire, comprendre, faire, dans une situation bien particulière, assis à nos côtés, chez nous, dans un établissement particulier, ou encore chez lui. Et ce patient ne nous fournira que des réponses en rapport avec l'instant présent et ses possibilités à cet instant présent. La situation de bilan est a-normale. Les mesures inter et intra-juges le montrent bien, les résultats obtenus lors du re-test présentent des différences, qui ne doivent pas devenir statistiquement significatives, ce qui rendrait le test peu fiable. Le patient peut être stressé, il répond à des sollicitations qui sortent souvent du champ de ses habitudes, et qui pour certains sub-tests, peuvent paraître très loin des réalités de sa vie quotidienne. Si nous, orthophonistes, savons pourquoi nous proposons telle ou telle épreuve, le patient peut ne pas suivre notre cheminement clinique et se trouver plongé dans une situation qui le dérange, le perturbe, voire le déstabilise. 164 texte 212 10/01/03 14:46 Page 165 De fait, l'analyse de ses potentialités sera légitimement biaisée, puisque ne respectant pas une réelle situation écologique. Mais, pour tenter d'aller à l'encontre de ce biais, nous pouvons multiplier les épreuves, corréler les résultats obtenus à chacune d'entre elles, et ainsi définir un profil du patient le plus proche possible de sa réalité, des éléments qui perturbent sa communication, de ses compétences efficientes ou préservées. Dans cette optique, les épreuves du bilan devront répondre à deux critères bien distincts : l'analyse qualitative et l'analyse quantitative. Certaines épreuves, étalonnées durant la dernière décennie, permettent de cibler quantitativement les productions du patient, quel que soit le champ de nos compétences concerné. Cette étape, loin d'être suffisante, représente une avancée considérable pour notre profession. Nous pouvons aujourd'hui effectuer des mesures précises de certains paramètres, tenir compte fidèlement du temps de traitement de certaines opérations, et notre reconnaissance passe aussi par là. Nos interlocuteurs, quels qu'ils soient, pourront trouver là une référence à une norme, une classe, une typologie ... qui leur permettra de mieux comprendre le cheminement et le but de notre démarche clinique. Notre objectivité, parfois malmenée par une succession de patients présentant des pathologies diverses ou des degrés différents au sein d'une même pathologie, y trouvera le confort nécessaire pour poser plus sereinement un diagnostic. Mais notre sens clinique ne sera pas pour autant remisé. Il prendra toute sa force et sa valeur lors de l'analyse qualitative, peu quantifiable, mais oh combien nécessaire. Là aussi, une analyse approfondie des productions orales, écrites, métalinguistiques, gestuelles… permettra d'affiner un diagnostic orthophonique et de voir s'ébaucher un projet thérapeutique. Cette analyse, parfois longue, souvent multi-factorielle, appartient pleinement au travail de diagnostic de l'orthophoniste. Tout notre art réside dans cette trilogie : savoir comprendre, savoir mesurer, savoir analyser pour ensuite, apporter notre compétence et notre soutien au patient et à son entourage. LABO 2002 veut contribuer, humblement, machinalement, à la nécessaire élaboration de ce diagnostic initial ainsi qu'aux bilans d'évaluation que nous sommes amenés à pratiquer régulièrement, pour mesurer les progrès accomplis, 165 texte 212 10/01/03 14:46 Page 166 orienter le traitement en fonction des acquis ou des résistances, ou y mettre un terme heureux lorsque nous avons contribué à ce qu'une rééducation bien menée produise ses effets bénéfiques. Une douzaine de personnes, réunies ici, ont contribué depuis plus de deux ans, à compiler la masse d'informations contenues dans ce logiciel, et toutes ont tenu dans ce numéro spécial, à développer les cheminements scientifiques qui les ont amenés à établir les protocoles qu'ils vous ont présentés. Leur travail s'est avéré fastidieux, laborieux, minutieux ; ils s'y sont employés avec l'énergie et la foi qu'ils mettent dans tout ce qu'ils font. Ils ont rencontré dans cette aventure des moments de bonheur et des moments de doute. Ils ont constitué une équipe de travail, chacun apportant sa spécificité et ils ont tenté de dégager, avec toute la rigueur qui les caractérise, une essence commune à des pathologies parfois bien éloignées. La « logique » informatique qui en découle peut paraître lourde, elle présente les défauts de la « jeunesse ». LABO 2002 est une logiciel-primeur, qui a besoin de mûrir. Mais il a le mérite d'ouvrir une voie prometteuse dans la rigueur de l'acte orthophonique. Et si la manipulation de souris nous apporte gain de temps et confort d'utilisation, nous n'en restons pas moins, dans notre pratique quotidienne, et tout autant que chacun de nos patients, avec nos intuitions, notre créativité, nos tâtonnements… … des Hommes 166 texte 212 10/01/03 14:46 Page 167 NOTES 167 texte 212 10/01/03 14:46 Page 168 Aucun article ou résumé publié dans cette revue ne peut être reproduit sous forme d’imprimé, photocopie, microfilm ou par tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur. 168 texte 212 10/01/03 14:46 Page 169 DERNIERS NUMÉROS PARUS N °2 08 : LE LANGAGE : UN CARREFOUR D’INTERACTIONS COGNITIVES - Langage et Mémoire sémantique : Mémoire sémantique : aspects théoriques (Marie-José GAILLARD, Didier HANNEQUIN, Elodie CROCHEMORE, Carine AMOSSÉ) - Les troubles de la mémoire sémantique dans la démence sémantique (Serge BELLIARD) - Evaluation et prise en charge des troubles de la mémoire sémantique (Jany LAMBERT, DanièlePERRIER, Danielle DAVID-GRIGNOT) — Langage et Mémoire de travail : Historique et évolution du concept de mémoire de travail (Alix SEIGNEURIC, Marie-France EHRLICH) - Mémoire à court terme et pathologies du langage (Martine PONCELET, Steve MAJERUS, Martial VAN DER LINDEN) - Troubles de la rétention à court terme d’informations auditivo-verbales : évaluation et prise en charge (Martine PONCELET, Steve MAJERUS, Martial VAN DER LINDEN) — Langage et Fonctions Exécutives : Approche théorique et fractionnement des fonctions exécutives (Philippe ALLAIN, Ghislaine AUBIN, Didier LE GALL) - Evaluation et rééducation des syndromes dysexécutifs (Ghislaine AUBIN, Philippe ALLAIN, Didier LE GALL) N °2 09 : L’ O RTHOPHONIE DANS LES TROUBLES SPÉCIFIQUES DU DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE ORAL CHEZ L’ENFANT DE 3 A 6 ANS - Méthode générale - Stratégie de recherche documentaire - Glossaire - Texte des recommandations - Argumentaire - Annexes - Références (ANAES - Mai 2001 - Service des Recommandations et Références professionnelles) N°210 : CANCERS ET TRAUMATISMES DE LA FACE - Rencontre : « A la reconquête de mon visage », Témoignage d’Yvette B. (Isabelle EYOUM) — Données Actuelles : Les traumatismes de la face - Conduite à tenir et séquelles fonctionnelles (Stéphane HANS) - Les lésions inflammatoires pseudo-tumorales de la cavité buccale (François CHEILIAN) - Séquelles des lambeaux de reconstruction à la face. Comparaison des techniques de réparation dans les résultats phonétiques en particulier (Guy MARTI) — Examens et interventions : Etude de cas (Frédéric MARTIN) - V3M - Un outil de transmission didactique au service de la rééducation oro-faciale (Francis CLOUTEAU) - Bilan orthophonique – points de repères (Ghislaine COUTURE) - Evaluation de l’articulation et de la déglutition après anastomose hypoglosso-faciale (Peggy GATIGNOL, Frédéric TANKERE, Isabelle BERNAT, Frédéric MARTIN, Jacques SOUDANT, Georges LAMAS) - L’électromyographie de la face (Hélène LE SIMPLE) - Kinésithérapie et troubles des A.T.M. (Jean-Michel HUGLY) - Utilisation des gouttières thermoformées dans les pathologies articulaires des A.T.M. - Une approche non invasive (Jean-Michel HUGLY) - Le sourire temporal (Marie-Pascale LAMBERT-PROU) — Perspectives : Myoplastie d’allongement du muscle temporal et traitement de la paralysie faciale (Daniel LABBÉ, E. SOUBEYRAND) - Le biofeedback électromyographique appliqué aux fonctions oro-faciales (Frédéric MARTIN, Sylvie BELLÈME, Sophie LÉON). N°211 : LE BÉGAIEMENT CHEZ L’ENFANT - Rencontre : Bégaiement et précocité (Hélène VIDALGIRAUD) — Données Actuelles : Le bégaiement acquis chez l’enfant (Henny-Annie BIJLEVELD) - Le bégaiement de l’enfant : de l’expérience émotionnelle au symptôme somatique (Jean MARVAUD) — Examens et interventions : La rééducation du bégaiement chez l’enfant d’âge scolaire (Julie FORTIERBLANC) - Bégaiement : programme d’intervention pour les enfants d’âge préscolaire (Isabelle ROUSSEAU) - Au coeur de la communication : Traitement des enfants d’âge scolaire qui bégaient (David A. SHAPIRO) Les groupes thérapeutiques d’enfants qui bégaient (Cécile COUVIGNOU, Caroline HAFFREINGUE) Bégaiement et Bilinguisme (John VAN BORSEL) - L’apport du conte et de la métaphore dans la rééducation du bégaiement (Françoise ESTIENNE) — Perspectives : L’intégration et l’orientation scolaires des adolescents bègues (Hélène JOUAN). N° HS : HISTOIRE DE L’ORTHOPHONIE EN FRANCE : JACOB RODRIGUE PÉREIRE (1715-1780) Recherches sur sa vie : Notice sur sa vie et ses travaux d'Edouard Seguin (1812-1880) (A. BRAUNER) - Un savant juif engagé : Jacob Rodrigue Péreire (1715-1780) (R. NÉHER-BERNHEIM ) — Recherches sur ses travaux : Analyse raisonnée de la méthode de Péreire (1847) (E. SEGUIN) - Un pionnier dans l'art de faire parler les sourds-muets : Jacob Rodrigue Péreire (R. NÉHER-BERNHEIM) — Documents : Une famille juive de La Rochelle au XVIIIe siècle : les Beaumarin (J.-C. BONNIN ) - Rapport de la Commission nommée par l'Académie des Sciences - Extrait de l'Histoire naturelle générale et particulière : avec la description du Cabinet du Roy. Tome troisième (M. le Comte de BUFFON) - Jacob-Rodrigues Péreire, premier instituteur des sourds-muets en France, sa vie et ses travaux (E. LA ROCHELLE).