LES TROUBLES DU COMPORTEMENT DE L’ENFANT PRECOCE
O. Revol
Psychopathologie Enfant-Adolescent
Hôpital Pierre Wertheimer
Bron
_________________
Exposé bref
14h05 – Amphi 1
ACB-2005
_______________
L’existence de troubles du comportement chez les Enfants Intellectuellement Précoces (EIP) est une
réalité clinique, bien documentée dans la littérature. L’intensité et la fréquence des troubles pénalisent
l’intégration scolaire des enfants surdoués et désemparent leur entourage.
La cause des débordements paraît essentiellement liée à la dyssynchronie (Terrassier), concept défini
comme un décalage qui affecte l’enfant dans sa vie relationnelle et son développement cognitif.
Les manifestations de la précocité varient sensiblement selon les âges. Les nourrissons précoces
présentent souvent des troubles du sommeil, avec une angoisse du coucher, un retard à l’endormissement et des
cauchemars. L’instabilité psychomotrice est signalée dès deux ans ; elle prédomine de façon pathognomonique à
l’école où elle signe le désintérêt pour un milieu inapproprié.
Les attitudes d’opposition sont quasi-systématiques dans la petite enfance, en particulier chez les
garçons, et vont réapparaître de façon caricaturale à l’adolescence.
Les troubles anxieux sont constants et exacerbés lorsque l’enfant s’ennuie; de l’anxiété généralisée aux
phobies plus ou moins raisonnées, en passant par les Troubles Obsessionnels et Compulsifs (TOC), ils sont la
caractéristique d’un enfant que son intelligence surexpose « de l’intérieur » aux questionnements existentiels.
La manifestation la plus paradoxale est l’échec scolaire, lié tout à la fois au profil cognitif particulier de
l’enfant précoce et au décalage qui le fragilise au sein de sa classe. Les conséquences sont d’abord
pédagogiques, puis affectives, lorsque les enseignants imaginent à tort que l’enfant ne veut pas apprendre;
l’école devient une source de conflits, souvent dramatiques à l’adolescence.
L’humeur dépressive est fréquente et mal connue ; rarement identifiée comme telle par l’enfant et son
entourage, elle rend compte de la baisse d’estime de soi et d’une vision négative de l’avenir. La perception
douloureuse de l’échec scolaire peut être responsable d’épisodes dépressifs sévères qui doivent être rapidement
repérés et traités.
Enfin, les troubles se complexifient quant les problèmes s’accumulent ; la co-morbidité reste mal
documentée. Un trouble spécifique des apprentissages (dyslexie), un déficit d’attention ou un trouble de la
personnalité seront longtemps compensés par la précocité, empêchant un diagnostic rapide. Afin d’éviter les
conséquences d’un retard de prise en charge, l’accompagnement de l’EIP doit s’appuyer sur une procédure
diagnostique élargie, explorant l’ensemble des dimensions neuropsychopathologiques (affectives et cognitives)
du jeune patient.
Le repérage rapide de la précocité permet d’offrir différentes solutions dont l’efficacité est validée.
Certains signes d’appel chez des enfants intelligents doivent conduire à une évaluation psychométrique. La
révélation de la précocité incite à envisager certains aménagements, tant dans le milieu familial (adopter
d’emblée une attitude ferme et bienveillante, tolérer les débordements mineurs, harmoniser les compétences…),
qu’à l’école (déscolarisation exceptionnelle, accélération au primaire, recours aux classes spécialisées au
collège, contacts avec les enseignants). L‘ensemble des études soulignent que l’identification des surdoués
amène rapidement une amélioration psychocomportementale.
En somme, l’enfant précoce présente fréquemment des troubles du comportement potentiellement
délétères pour l’accès à l’autonomie psychique et sociale.
Afin que le « surdon » ne se transforme en handicap, parents et professionnels de l’enfance doivent savoir
décrypter derrière des symptômes atypiques l’existence d’une précocité et d’une souffrance psychique.
Références
Piat-Brosse C : L’échec scolaire chez l’enfant surdoué. Thèse médecine, Lyon, 2002
Planche P:Le fonctionnement et le développement cognitif de l’enfant intellectuellement précoce. L’Année psychologique, 2000,
100, 503-525.
Revol O: Les troubles du comportement de l’enfant précoce. ANAE, 2003, 73 : 159-163.
Revol O : l’enfant précoce, signes particuliers. Neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, 52, 2004, 148-153.
Terrassier JC: Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante. 4 ème Ed, ESF, 1999