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Géraldine Tapia • David Clarys • Wissam El-Hage • Michel Isingrini
L’année psychologique, 2007, 107, 489-523
cognitive, émotionnelle et comportementale. L’évitement cognitif correspond au
fait que le sujet garde son esprit constamment occupé par d’autres pensées. L’évi-
tement émotionnel se manifeste par le fait de penser à l’événement traumatique
d’une manière complètement déchargée d’émotion. L’évitement comportemental
se traduit par un effort pour éviter les lieux, les activités ou les personnes rappe-
lant le traumatisme. Ces tentatives pour échapper aux souvenirs traumatiques
peuvent faire apparaître chez le sujet une amnésie psychogène, se traduisant par
une incapacité à évoquer l’ensemble ou une partie des souvenirs personnels liés à
l’événement traumatique. Ce phénomène serait sous-tendu par des processus dis-
sociatifs de la conscience associée à la mémoire en ce sens que les perceptions
seraient correctement perçues et stockées mais n’accèderaient plus à la conscience
normale pour finalement échapper au contrôle du sujet et se manifester de
manière autonome (Janet, 1904).
Parallèlement à ces conduites d’évitement, des symptômes d’hyperactivation neu-
rovégétative apparaissent. Ils se caractérisent par des manifestations d’angoisse
somato-psychique associées à l’impression d’une perte de contrôle de soi et sur
les événements du monde extérieur. Les manifestations les plus fréquentes corres-
pondent à une difficulté d’endormissement, un sommeil interrompu, une forte
irritabilité, des accès de colère et des difficultés de concentration. Ces symptômes
peuvent conduire à une hypervigilance vis-à-vis de l’environnement. Elle se
traduit par des états de « qui-vive » quasi permanents et des réactions de sursaut
exagérées susceptibles de constituer des indices précoces du développement d’un
PTSD (APA, 1994). De plus, comme dans la dépression, on retrouve dans ce syn-
drome un émoussement affectif, des difficultés à ressentir des émotions,
notamment positives, des manifestations de perte de plaisir et un repli comporte-
mental allant de la marginalisation aux conduites addictives. Les symptômes de la
dépression peuvent donc ressembler à certains symptômes du PTSD sans compter
l’existence de fortes comorbidités entre les deux troubles.
Comorbidités
Le PTSD partage un certain nombre de caractéristiques cliniques avec d’autres
troubles psychiatriques et de ce fait il est rarement diagnostiqué seul (Barrett,
Green, Morris, Giles, & Croft, 1996 ; Davidson & Foa, 1991 ; McNally, 1992 ;
Keane & Kaloupeck, 1997). McFarlane et Papay (1992) ont montré que 77 % des
sujets souffrant de PTSD reçoivent un autre diagnostic. Cette forte comorbidité a
été observée avec les troubles anxieux (Marshall, Schneier, Lin, Simpson,
Vermes, & Liebowitz, 2000), dépressifs (Shalev, Freedman, Peri, Brandes, Sahar,
Orr, & Pitman, 1998), de somatisation (Pelcovitz, Van der Kolk, Roth, Mandel,
Kaplan, & Resick, 1997), de la personnalité (Pelcovitz
et al.
, 1997), dissociatifs (El-
Hage & Gaillard, 2003 ; Halligan, Clark, & Ehlers, 2002 ; Murray, Ehlers, & Mayou,
2002), et avec les troubles des conduites (suicidaires, alcooliques, addictives)
(Keane & Kaloupeck, 1997). De nombreuses études portant sur les vétérans du
Vietnam ont montré que la dépression, le trouble d’anxiété généralisée et l’abus de
substances psychoactives sont les comorbidités les plus fréquentes (Barrett
et al.
,
1996 ; Davidson & Foa, 1991). L’enquête épidémiologique menée par Keane et
Kaloupeck (1997) a révélé que l’alcoolisme complique un PTSD dans 47 % des cas,