La face cachée des enfants dans la lune

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familles
dimanche Ouest-France
8 mai 2011
Parents - Enfants
La face cachée des enfants dans la lune
Un enfant rêveur, dans la lune, est parfois un enfant qui souffre. Comment et quand l’aider
à redescendre sur terre ?
Il rêvasse souvent, plane parfois et se
réfugie souvent dans sa bulle. De cet
enfant, on dit qu’il est dans la lune.
Une image à la connotation plutôt
sympathique. Jeanne Siaud-Facchin,
psychologue, connaît bien ces enfants des étoiles : « Cette expression
« être dans la lune » revêt en effet
une signification très poétique et romantique. On y associe la créativité,
l’imagination, la sensibilité, la sérénité. » Ce qui reste vrai pour certains
enfants. Mais la spécialiste sait aussi
que cette posture astrale peut cacher
d’autres réalités. « Il faut être vigilant
sur ce genre de comportement car
un enfant peut, en s’extrayant du
monde, se protéger de souffrances
diverses. »
Détachement de la réalité
Du petit problème technique qui
trouble les apprentissages à la douleur psychologique qui affecte la personnalité, « le spectre des problématiques peut être très large derrière
ce détachement de la réalité. » Évidemment, l’âge de l’enfant est aussi
un facteur important : « On ne traite
pas de la même façon un enfant et
un adolescent. Mais quel que soit le
grain de sable qui gêne le rouage,
plus tôt il sera pris en charge, mieux
ce sera. »
Tous les jours, Jeanne Siaud-Facchin et son équipe de Cogitoz aident
les enfants de la lune à nettoyer leur
Evgeny Kan/Fotolia
DR
Jeanne SiaudFacchin est
psychologue,
directrice et
fondatrice de
Cogitoz (1).
La posture astrale d’un enfant peut aussi être un moyen pour lui de se protéger de souffrances diverses.
plage intime afin de mieux redescendre sur terre. « Nous traitons, par
exemple, les difficultés de l’apprentissage notamment les troubles dits
visio-attentionnels. Dans ce cas,
l’enfant a du mal à poser son regard
et peine à écrire, à lire. Il y a aussi
les troubles comme la dyslexie et les
troubles du comportement avec une
impulsivité très forte. »
Autant de désagréments qui, perturbant le quotidien de l’enfant, le poussent à adopter « une stratégie d’évitement ». Il se met dans sa bulle parce
qu’il n’arrive pas à se concentrer, à
fournir le travail demandé ou à respecter les consignes. Ce retrait du monde
n’est alors plus une évasion pleine de
poésie mais bel et bien un refuge plein
de douleurs : « l’enfant qui n’arrive
pas à faire ce qu’on lui demande
perd confiance en lui et l’estime de
soi en prend un sacré coup. »
Et si les troubles techniques et bénins se résolvent de mieux en mieux,
les plaies psychologiques sont plus
complexes à soigner. « Un enfant
dit « dans la lune » peut aussi masquer des problèmes plus importants
comme la dépression ou des troubles anxieux sévères. Et là, il faut
une aide très attentive pour l’aider à
sortir de ce décrochage. »
D’autant que la pression est forte,
autant sur les enfants que sur les parents. « Notre société vante en permanence la performance, la réussite, le challenge. Résultat, on attend de plus en plus de choses et
cela, dès le plus jeune âge. Celui qui
est dans sa bulle pour se protéger
est vite mis de côté. Il ne faut surtout pas l’y laisser souffrir trop longtemps. » Pour aider les parents à repérer les lunes inconfortables, les enseignants, les médecins et psychologues scolaires restent de bons relais.
Quant aux enfants sans souffrance
particulière qui traversent les nuages
pour des alunissages tranquilles et
temporaires, pas de panique, ceux-là
retrouvent facilement le chemin de la
terre.
Dossier :
Valérie PARLAN.
(1) Cogitoz, centre français de diagnostic et de prise en charge des
troubles des apprentissages scolaires
(http://www.cogitoz.com).
La maîtresse trouvait qu’Inès était « un peu trop dans la lune »
Témoignage
Sophie, 47 ans, parle avec humour
de sa fille de la lune. Sa petite Inès,
aujourd’hui âgée de 17 ans, a passé
beaucoup de temps dans les nuages
« mais on n’a pas eu tout de suite la
liaison satellite ! ». Dès son entrée à
la crèche, « elle a eu cette attitude
détachée. Tout semblait lui passer
au-dessus de la tête, elle avait du
mal à se concentrer et paraissait
absente. Toute petite déjà, elle avait
un caractère plutôt facile, calme et
c’est vrai qu’elle donnait l’impression de planer. Mais on ne s’inquiétait pas car on se disait que c’était
sa nature. »
C’est finalement la maîtresse de maternelle qui a mis la puce à l’oreille
de la famille. Inès était, à son avis,
« quand même un peu trop dans la
lune ». De là, Sophie et son mari ont
engagé quelques examens. Rien de
grave hormis une déficience visuelle à
corriger d’urgence. Inès, faute de pouvoir décoder aisément le monde qui
l’entourait, se mettait dans son propre
monde « fait de ses repères, de ses
terrains familiers. »
Au fil des mois de traitement, la
petite a pu s’ouvrir au monde qui lui
semblait si trouble auparavant. Port
de lunettes et rééducation oculaire
ont permis à Inès de se « reconnecter ».
Et donc de sortir de sa bulle : « Ses
progrès à l’école furent significatifs
et, même à la maison, on l’a vite
sentie plus impliquée ».
Trois livres pour trois âges sur la liberté (sélection Anne-Flore Hervé)
À partir de 5 ans
À partir de 8 ans
À partir de 9 ans
Les oiseaux
Un camionneur se gare au bord
d’une falaise. Lorsqu’il ouvre sa
remorque, une nuée d’oiseaux
s’envole vers la liberté. Sauf un.
L’homme l’incite alors à battre
des ailes… Des illustrations magnifiques et un texte minimaliste pour un bel apprentissage
de la liberté et de l’amitié. Ce De Germano Zullo
livre a reçu le Prix sorcière 2011 et Albertine, La joie
de lire, 70 p., 14 €.
dans la catégorie Albums.
Libre
Amu est une enfant de la planète Hamada sur laquelle les
Terriens se sont installés. Elle
travaille pour une famille terrienne dans leur jardin. C’est
son destin. Une histoire du
futur accessible, un texte limpide, un sujet complexe. Un
mini-roman de science-fiction De Nathalie Lepour réfléchir sur l’oppression, gendre, Mini Syros,
48 p., 2,95 €.
l’esclavage et la liberté.
Les invités
Les habitants d’un village offrent l’hospitalité à des visiteurs.
Les invités s’installent dans les
maisons mais mangent leur
propre nourriture et proposent
d’apprendre aux villageois leur
langue… Ces derniers vont-ils
perdre leur identité et leur liberté ? Ce texte, très court mais De Charlotte Moundense, invite à discuter avec dlic, Thierry Magnier, 48 p., 5 €.
l’enfant sur la colonisation.
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