Recommandations diététiques en cas de mucoviscidose Dr

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QUAND LE PANCREAS NE FONCTIONNE PAS …
Dre. Jessica Ezri
Gastroentérologue pédiatre
Département médico-chirurgical de pédiatrie
CHUV, Lausanne
9 avril 2016
LE PANCRÉAS



Du grec: « tout en viande » (Πανκρεας - pan : tout, kréas : viande)
15 cm de long, 70-80 g
Accolé à la paroi abdominale postérieure, en arrière de l’estomac
Au scanner
Une glande avec 2 fonctions…
Pancréas
endocrine
Pancréas
exocrine
Sous le microscope…
Pancréas
endocrine
Pancréas
exocrine
Ilots de Langerhans
2% du volume total
Cellules acinaires
Queue du pancréas
Sécrétion d’hormones dans
le sang qui régulent le
métabolisme du glucose:
Diabète
Insuline, glucagon,
somatostatine
Sécrétion d’enzymes
nécessaires à la digestion (1-5l/j)
Insuffisance
pancréatique
exocrine
Lipase, amylase, trypsine,
chymotrypsine, nucléotidase,
exopeptidase, …
Les enzymes, sous forme
inactive, se déversent dans
l’intestin grêle par le canal de
Wirsung, où elles sont activées
par d’autres enzymes
(entérokinases).
Atteinte du pancréas
Pancréatite
chronique
Pancréatite
aigue
Inflammation aiguë,
œdème et/ou à une
nécrose d’intensité et
de gravité variable.
Fonction normale
entre les poussées
Inflammation
chronique, fibrose
progressive de la
glande pancréatique,
entraînant à la longue
une destruction
complète de celle-ci
Insuffisance
pancréatique
exocrine
± diabète
LA MUCOVISCIDOSE
… OU FIBROSE KYSTIQUE DU PANCREAS
Que se passe-t-il?
Mutation de la protéine CFTR à la
surface des cellules épithéliales
Trouble du transport des ions Cl-
Trouble du transport des ions Na+
Altération de la sécrétion de
bicarbonate et d’eau
Mucus épais à la surface des cellules
Et au niveau du pancréas?
Mucus épais
Obstruction des canalicules et
canaux pancréatiques
Libération des pro-enzymes et
inflammation
Fibrose et destruction progressive du
tissu glandulaire
Et au niveau du pancréas?
Insuffisance
pancréatique
exocrine
100% des
personnes ont une
atteinte, débutée
déjà in utero
• 60% des nouveau-nés avec
mucoviscidose
• 85-90% des patients > 2ans
Pancréatites
Diabète
• Chez 10-20% des patients
avec suffisance pancréatique
• Aigues / chroniques
• Adultes
• Souvent associé à une
prédisposition génétique
(mutation CFTR, SPINK1)
• Production insuffisante d’insuline,
associée à un certain degré de résistance
à l’insuline (inflammation)
• 20% des patients < 18 ans, 50% à 30 ans
• Test de tolérance orale au glucose annuel
dès l’âge de 10 ans, év. monitoring du
glucose en continu sur 24h
INSUFFISANCE PANCRÉATIQUE
EXOCRINE
(IPE)
Fibrose et destruction progressive du
tissu glandulaire
Insuffisance pancréatique exocrine:
déficit d’enzymes pancréatiques
Maldigestion des aliments (graisses,
protéines, amidon)
Stéatorrhée (perte de graisses dans les
selles) et perte de poids
Perte de la fonction endocrine: diabète
Insuffisance pancréatique exocrine
 Il faut une perte de > 90% du tissu pancréatique pour
développer une IPE
 Contrairement à l’atteinte pulmonaire qui peut être très
différente chez des personnes avec la même mutation, même
dans la même famille, le lien entre le type de mutation et
l’atteinte pancréatique est plus constant et prédictible.
 L’IPE apparaissant à l’âge adulte est souvent moins sévère que
chez les enfants (fonction pancréatique exocrine résiduelle)
 Mais risque de poussées de pancréatite…
 Diagnostic:
 Dosage de l’élastase dans les selles (< 200 mcg/g)
 Peu sensible pour détecter les formes légères d’IPE
 Dépistage néonatal: test immunoréactif à la trypsine (IRT)
Qu’est-ce que ça fait?
 Stéathorrhée: diarrhée graisseuse, avec des selles
abondantes, malodorantes, collantes et flottantes
 Ballonnement et douleurs abdominales (maldigestion,
fermentation bactérienne)
 Perte pondérale / retard de croissance staturo-pondérale
 Dénutrition
 Carence en vitamines liposolubles ADEK
 Carence en oligo-éléments (zinc, magnésium, sélénium)
 Carence en acides gras essentiels
 Précipitation / pertes des acides biliaires , calculs biliaires
PRISE EN CHARGE
ASSURER UN BON ÉTAT NUTRITIONNEL
ET UNE BONNE CROISSANCE STATUROPONDÉRALE
EVITER UNE DÉNUTRITION
Dénutrition: un problème
multifactoriel…
Insuffisance
pancréatique exocrine
Maldigestion
Malabsorption
Pertes accrues
Pathologie bronchopulmonaire chronique
Infections répétées
Dyspnée - Toux
Dépense énergétique
augmentée
DENUTRITION
Fatigue - Anorexie
Apports insuffisants
15 à 44 %
Dénutrition
fonctions pulmonaires
100
FEV1 Percent Predicted
90
Males
Females
80
70
60
<5
10
20
30
40
50
60
70
80
90
BMI Percentile
Correlation > 0.95, p < 0.0001
CFF Patient Data Registry,
2008

Inflammation chronique et infections répétées
 Augmentation des besoins énergétiques

Dénutrition
 Altération des moyens de défense et des processus de réparation

Diminution de la masse maigre
 Diminution force et endurance musculaires respiratoires
SUBSTITUTION D’ENZYMES
PANCRÉATIQUES
(SEP)
Substitution d’enzymes
pancréatiques
 Extraits pancréatiques d’origine porcine contenant plusieurs
enzymes: lipase, amylase, protéases
 Gélules contenant des microsphères gastro-résistantes, avec
libération des enzymes en milieu alcalin (duodénum)
 A prendre au début du repas ou de la collation
 Ne pas croquer les microsphères : risque d’ulcérations buccales et
perte d’efficacité (lipase inactivée par l’acidité gastrique)
 Le temps de transit du bol alimentaire et des enzymes peut être
différent
Substitution d’enzymes
pancréatiques
 Dose à adapter à:
 Teneur en graisse du repas/collation
 Consistance/aspect des selles
 Si la stéatorrhée est mal contrôlée malgré une prise et une
posologie adéquates :
 Ajouter un inhibiteur de la pompe à proton (Nexium,
Oméprazole,…), afin de potentialiser l’effet des enzymes
 Changer la marque du produit utilisé
 Même en cas de supplémentation enzymatique adéquate, les
pertes caloriques fécales atteignent 11%
Substitution d’enzymes
pancréatiques
 Doses:
 Adultes
Repas
Collation
25000 – 80000 UI lipase
12500 – 40000 UI lipase
 Enfants
≤ 12 mois
1 – 4 ans
≥ 4 ans
2000 – 4000 UI lipase/120 ml de lait
1000 - 2500 UI lipase/kg/repas
500 – 2500 UI lipase/kg/repas
 Maximum 10’000-12’000 U lipase/kg/jour
Substitution d’enzymes
pancréatiques
 Est-ce la bonne dose?
 Symptômes de malabsorption (douleurs abdominales,
diarrhée, stéatorrhée, …
 Poids, croissance staturo-pondérale
 Etat nutritionnel
Différentes SEP
Creon®
Eurobiol®
Pangestyme®
Panzytrat®
ZenPep®
Pertzye®
Différentes SEP
Lipase
 Contiennent des
quantités différentes
d’enzymes
 Lipase:

Pancréatine: Créon®,
Panzytrat®, Eurobiol®
 Pancrélipase :
Pertzye®, Zenpep®
 Contient plus de
lipase active
Protease
Amylase
Créon
Micro
5’000
200
3’600
25’000
25’000
1’000
18’000
25’000
1’250
22’500
25’000
1’250
22’500
16’000
57’500
60’500
25’000
85’000
136’000
Panzytrat
25’000
Eurobiol
25’000
Pertzye
16’000
Zenpep
25’000
AUGMENTATION DES APPORTS
CALORIQUES
Apports caloriques suffisants
 Alimentation équilibrée hypercalorique :
 120-150 % des apports conseillés
 Adolescents: 3500-4000 kcal/jour
 Fractionnement des prises alimentaires
 Enrichissement des mets
 Énergie
 Protéines
Société Suisse de Nutrition, 2012
Suppléments nutritifs oraux
 Spécificités :
 Adulte / enfant
 Liquide, crème, poudre
 Apport énergétique
de 1 à 2.4 kcal/ml
 Enzymes pancréatiques
nécessaires
 Remboursés par assurances
 A consommer entre les repas. Ne les remplace pas !
Nutrition entérale
 Sonde naso-gastrique (courte durée)
 Gastrostomie percutanée endoscopique (PEG)
 Bouton (améliore confort et esthétique)
 Complémente l’alimentation orale, ne la substitue pas
 Souvent exclusivement nocturne
 Prise d’enzymes pancréatiques au début, voire en cours de nuit
VITAMINES LIPOSOLUBLES
ET OLIGOÉLEMENTS
… A
D
E
K …
Vitamines liposolubles
 Besoins accrus initalement en raison de l’inflammation
chronique
 Malabsorption liée à l’insuffisance pancréatique (et atteinte
hépatique)
 Carence en vitamines liposolubles :
 Pas de signes spécifiques de carence, ou très tardivement
 Insuffisance pancréatique avec stéatorrhée 38 à 83%
 Insuffisance pancréatique sans stéatorrhée 0 à 23%
Vitamines liposolubles
Vitamine A
Développement osseux,
croissance
Vision
Reproduction
Système immunitaire
Antioxydant
Vitamine D
Minéralisation osseuse
Métabolisme du calcium
Fonction thyroïde
Fonction musculaire
Fonction immunitaire
Fonction de reproduction
Différentiation cellulaire
Système nerveux
Vitamine E
Antioxydant
Système immuniatire
Vitamine K
Coagulation
Développement osseux
Supplémentations
 Vitamines liposolubles ADEK
 AquADEK®, ADEK®, XylADEK®, vit D3 Streuli®, Ephynal®,
Konakion®
 Recommandations :
 x2 besoin en vitamines
 Débuter la supplémentation dès le diagnostic d’IPE
 A prendre avec les enzymes pancréatiques
 Taux sanguins à suivre 1x/année
 Selon le bilan sanguin et radiologique
 B12
 Minéraux : calcium, magnésium
 Oligo-éléments : fer, zinc, sélénium
 Sel : NaCl, chez les nourrissons, selon chaleur
Perte de poids?
… Ou croissance staturo-pondérale de l’enfant/adolescent
insuffisante…
 Apports alimentaires insuffisants
 Pertes excessives dans les selles
 SEP inadéquate / mauvaise adhérence
 Infection intestinale
 Maladie coeliaque (intolérance au gluten)
 Hypercatabolisme lié à l’atteinte pulmonaire (exacerbation)
 Diabète lié à la mucoviscidose sous-jacent/mal équilibré
ET EN PRATIQUE…
PAS TOUJOURS FACILE D’ASSURER LES
APPORTS ADEQUATS
Pendant l’enfance…
Des apports nutritionnels
adéquats sont essentiels
pour assurer une
croissance optimale!
Origine
organique
Troubles de
l’alimentation
Origine
comportementale
Origine
sensorielle
Pendant l’enfance
 Origine « organique »:
 Reflux gastro-œsophagien
 Douleurs abdominales, diarrhées, flatulences
 Dyspnée, fatigabilité
 Déséquilibre entre sensation de faim et satiété :
inflammation, hypercatabolisme, infections
Pendant l’enfance
 Origine « sensorielle »:
 Réponse défensive aux sollicitations négatives du corps, et
en particulier de la sphère oro-faciale, soins douloureux
 Pauvreté de l’exploration motrice, de l’échange
 Nutrition artificielle précoce prolongée
 Défenses tactiles et/ou aversion pour le contact, le toucher
 Sélectivité alimentaire pour certains goûts / textures
Pendant l’enfance
 Origine comportementale :
 Réponse de l’enfant pour faire face à un facteur exogène, à
une situation affective ou relationnelle difficile
 Aggravé par l’état nutritionnel précaire
 Refus alimentaire
 Aversion pour la nourriture
 Alimentation sélective
 Lenteur pour s’alimenter
 Installation d’un cercle vicieux où les repas deviennent une
source de tensions familiales
Pendant l’enfance
Que faire?
 Certains objectifs sont contradictoires:
 Rattrapage staturo-pondéral grâce à des SNO / nutrition
entérale et manger par la bouche de façon autonome!
 Redonner sa dimension « sociale » au repas : partage, échange
 Temps spécifique de repas dédié à l’enfant puis partage du
repas familial
 Limiter le temps du repas
 Diversifier les textures, le choix des aliments, aliments
ludiques, éviter les textures mixtes
 Pas de grignotage
Pendant l’enfance
Que faire?
 Pas de lutte de pouvoir autour du repas
 La pression parentale intensifie la résistance de l’enfant
 Climat serein et détendu pendant le repas
 Eviter toute manœuvre de nourrissage intrusif
 Eviter conditionnement par distraction
 Même si difficile à accepter, une nutrition entérale peut être
utile voire nécessaire:
 Amélioration clinique (respiratoire, croissance)
 Relâchement des tensions familiales
 Ne pas désinvestir la sphère orale
 Repas-plaisir, à table, avec la famille
A l’adolescence…
 Alors que l’on voudrait être comme ses pairs…
 Difficile d’avoir une maladie chronique avec les traitements
qu’elle implique
 Importance d’assurer une croissance optimale
 Image corporelle
 Contraintes nutritionnelles: repas réguliers, apports
augmentés, SNO, év. PEG…
 Prise de SEP
 Périodes où l’on est moins bien
Comment améliorer le confort
digestif?
 Reflux gastro-oesophagien
 IPP (oméprazole, Nexium, …)
 Limiter la toux
 Repas fractionnés
 Diarrhée / douleurs abdominales / flatulences
 SEP adéquate
 Infection? Pullulation bactérienne?
 Maladie coeliaque?
 Constipation / syndrome d’obstruction intestinal distal
 Bonne hydratation
 Apports alimentaires en fibres suffisants
 SEP adéquate
Pullulation bactérienne/dysbiose
Microbiote intestinal
 100 mille milliards (1014) micro-organismes colonisent notre système
digestif, soit 10x plus que le nombre de cellules du corps humain
 Considéré comme un organe à part entière, participant à la
physiologie du corps humain
 Impliqué dans le système immunitaire, métabolisme des sucres, des
protéines, des acides biliaires, des vitamines, des fibres…
 En cas de mucoviscidose, il y a un risque augmenté de dysbiose

Antibiotiques, suppression de l’acidité gastrique, maldigestion, mucus
épais, transit ralenti, chirurgie digestive, …
Pullulation bactérienne/dysbiose
Déséquilibre du microbiote intestinal
Maldigestion des sucres, qui sont métabolisés
par les bactéries coliques
Production de gaz et acide lactique
Flatulences, douleurs abdominales, troubles
du transit
Pullulation bactérienne/dysbiose
Traitement
 Cure d’antibiotiques (métronidazole, ciprofloxacine)
 Probiotiques (Lactobacillus reuteri)
 Amélioration du confort digestif, diminution des symptômes
digestifs, diminution de l’inflammation intestinale, « correction »
du microbiote intestinal
 Pourrait avoir un effet bénéfique aussi sur les exacerbations
pulmonaires
MERCI POUR VOTRE ATTENTION
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