en partenariat avec Compte-rendu Innov’ON ensemble ! Vendredi 9 Novembre 2012 Les nouveaux modèles de l’innovation au 21ème siècle Décryptage des dynamiques d’innovation de la Silicon Valley par Demba Diallo, Directeur Associé Innothep concentre 27% du capital risque investi dans le pays, 11% des brevets déposés aux USA, 40% des diplômés universitaires et des revenus supérieurs de 60% à la moyenne nationale. Ce success model s’appuie sur 3 capacités essentielles : 1. celle de se renouveler, 2. celle d’inventer des business models innovants, 3. celle d’attirer les meilleurs cerveaux du monde. La Silicon Valley est toujours une « Mecque" de l'innovation ». La spécialisation technologique de la Silicon Valley date d’une cinquantaine d’années. Cela est très peu à l’égard de l’Histoire américaine et encore plus, de l’histoire économique récente de l’Europe. Et pourtant, c’est ce petit territoire qui lance, tous les 10 ans environ, des vagues d’innovations radicales, qui bouleversent l’ensemble de l’économie mondiale et accroissent l’emprise des entreprises issues de cet espace californien. Ce creuset de l’innovation technologique a su passer du statut d’une terre agricole à celui de la plus forte création de valeur mondiale. Ce technopôle s’est créé de toute pièce, en dehors de l’espace urbain de San Francisco. La Silicon Valley est encore aujourd’hui considérée comme un lieu d'excellence de l'innovation. Tout en ne pesant que 1% de la population américaine, ce territoire ZOOM Capital risque ou Venture Capital (VC) : Activité économique et financière consistant à identifier les start-up les plus prometteuses, innovantes, et à fort contenu technologique, pour leur apporter du capital lors de leur création et des premières phases de leur développement, et ce dans l'espoir d'obtenir un retour sur investissement rapide et élevé. En général, suivant les retours d’expérience des fonds de capital-risque « les projets en phase d’amorçage ont 13% de chance de réussir » nous dit Demba Diallo. Les « capital risqueurs », ou VC’s, n’ont pas réellement de recette toute prête. Leur savoir faire, au-delà de leur réseau et de leurs expériences, est de sentir le marché et d’oser faire des paris. Une fois lancés, ils vivent l’aventure de l’entreprise, et leur retour sur investissement se fait en cas de succès. En sachant se donner le temps de la réussite, leur objectif est de tenir pendant un cycle d’investissement, soit 5 à 7 ans. en partenariat avec Un rayonnement mondial construit sur une histoire locale. L’histoire de la Silicon Valley commence avec celle de la création de l’université de Stanford, un des modèles américains actuels d’Ivy League Universities (ILU). Cette grande université a été créée à la fin du XIX° siècle (1891), par Amasa Leland Standford en hommage à son fils disparu, Leland Stanford Jr. En 2012, cette université emploie environ 10 000 personnes, dont 18 prix Nobels qui y enseignent, et elle détient même des parts dans de nombreuses entreprises voisines dont… Google. La présence de cette université a contribué à réunir une population très variée. Cette diversité culturelle a ensuite été prolongée grâce à l’attractivité des entreprises siégeant à la Silicon Valley. Aujourd’hui on compte 40% de personnes nées à l’étranger, et plus de 50% des habitants qui parlent une langue étrangère. C’est donc un cercle vertueux qui s’est créé sur ce territoire. En sachant, dès sa genèse universitaire, faire venir les meilleurs cerveaux du monde, la Silicon Valley a assuré à ses citoyens un niveau de prospérité capable d’attirer le monde de l’intelligence et de l’excellence, à commencer par les fondateurs des startups devenus des grands groupes qui sont pour la plupart (à l’exclusion de de Steve Jobs, autodidacte !), issus des meilleures universités (dont Stanford pour un grand nombre d’entre eux) et sont également pour la plupart d’origine étrangère. Un renouvellement permanent des industries. Au fil du temps, les entreprises de la Silicon Valley ont su également adapter leurs activités aux besoins du moment. Depuis l’époque de la guerre froide, où les investissements de l’armée américaine étaient substantiels, elles ont du réinventer leurs business models et trouver des marchés innovants en s’orientant vers les besoins « mass market ». Des années 40 aux années 90, les industries de composants et matériels électronique s(semiconducteurs et autres composants, ordinateurs, etc.) étaient omniprésentes. Les années 2000 ont vu la vague Internet lancer les géants actuels du web comme Google ou Ebay. Depuis les années 2010, ce sont les nano, bio et clean technologies qui ont le vent en poupe. La Silicon Valley compte aujourd’hui 2.5 fois plus de start-up dans le secteur des clean technologies qu’en Europe. Ces industries de demain se sont laissées convaincre par les attraits de la « vallée ». Les chances d’y réussir sont accrues grâce à son terreau ZOOM Les clean technologies, aussi appelées écotechnologies, recouvrent les énergies renouvelables (chaleur, électricité), le stockage de l’électricité, l’éco conception, la dépollution…etc. En succédant aux technologies environnementales, apanage des ONG qui opéraient sans orientation business, elles gèrent aujourd’hui des arbitrages entre gains et risques, par exemple dans le business de la lutte contre le changement climatique. fertile. Le rayonnement mondial de ce petit territoire et le volume du marché américain sont des variables non négligeables qui attirent les entrepreneurs. C’est donc l’appât du gain, et beaucoup plus encore, l’ambition de relever des challenges impossibles, de changer le monde, qui constituent le moteur des entreprises de la vallée, très peu dépendantes des subventions publiques. en partenariat avec Les conditions du succès réunies. Nous pouvons donc retenir les éléments suivants comme constitutifs de cet exemple mondial de cluster : FORMATION 1. verrou historique (création de Stanford), 2. priorité aux formations technologiques (besoin stratégique d’ingénieurs) non isolées des formations autres (business schools, law schools,…) : rôle clé de l’effet campus d’excellences (Stanford, MIT, Harvard…) dans l’émergence d’équipes polyvalentes (les ingénieurs sont déterminants mais doivent être « mariés » très tôt à d’autres profis) 3. importance de la langue anglaise comme langue véhiculaire des sciences, des technologies et du business, CULTURE 4. forte mobilité d’intelligence au niveau mondial (fertilisations croisées): passage du concept de « fuite des cerveaux à celui de « circulation des cerveaux » 2 5. environnement de travail et milieu de vie favorables à la performance, 6. haut niveau de tolérance de la diversité culturelle, 7. forte ambition partagée des entrepreneurs de « changer le monde » NIVEAU D’EXIGENCE 8. référentiel d’excellence mondial, 9. prise directe avec la réalité du business (modèles existants à proximité) : phénomène d’émulation, de réseautage et de compétition (volonté de faire mieux) 10. masse critique d’intelligences réunies en un lieu. FINANCEMENTS 11. Importance du private equity (fonds d’investissement), en particulier du volet amorçage (venture capital) 12. rôle de l’Etat-incitateur/stratège (ex : importance de la commande militaire de R&D à l’origine de la Silicon Valley et aujourd’hui importance par exemple du « small business act », aides aux petites entreprises par la commande publique en leur réservant certaines commandes), 13. Et dans les entreprises… Ces conditions de réussite se déclinent au sein des de la majorité des ex-startups de la Silicon Valley devenues les géants mondiaux Étude du cycle de vie de 12 entreprises de la Silicon Valley Dans 83% des cas, les équipes créatrices de l’entreprise sont encore à leur tête. Les créateurs avaient en moyenne 25 ans au moment de la création de leur entreprise. Autres caractéristiques clés des fondateurs : 60% sont d’origine étrangère, 80% sont issus de grandes universités dont 40% sont titulaires du titre de docteur. 2 Se référer aux travaux AnnaLee Saxenian qui a étudié les modèles de développement des clusters. Elle propose d’abandonner le concept de fuite des cerveaux et de privilégier celui de circulation des cerveaux. Ces entreprises qui ont en moyenne une vintaine d’années d’existence, ont créé en cumulé 400 000 emplois. en partenariat avec Étude de cas : les Key learnings de Google 1. Vision claire et simple (chaque collaborateur doit pouvoir expliquer très simplement ce que fait son entreprise et ses idées propres: on parle souvent de « pitch elevator » pour décrire la capacité d’expliquer un projet pendant le temps d’une montée en ascenseur) 2. Exigence de recrutement (processus très précis, exigeant et cooptatif) 3. Garder les meilleurs par la forte rémunération des innovations (plus de 1000 entrepreneurs Google sont millionnaires en dollars) 4. 20% du temps de travail destiné à la créativité est une innovation managériale proposée par les dirigeants de Google à leurs employés (10% pour l’entreprise, 10% pour des projets personnels) 5. Hiérarchie simplifiée avec un organigramme très court 6. Agilité de petites équipes de 3 personnes sur une tache précise 7. Tentatives d’innovation permanentes avec la possibilité d’échouer mais vite (« fail fast ») 8. Priorisation des idées 9. 10. Organisation personnelle en 2.0 et conditions optimales de travail (confort, sensibilité écologique…) 11. Mesure systématique (audience, satisfaction client ou UX pour user experience…) et action immédiate (suppression du produit en cas d’insatisfaction) des technologies. Le référentiel d’excellence se traduit dans la vision de la performance des entreprises de la Silicon Valley. Elles préfèrent imaginer des scénarii de croissances exponentielles, de rupture. À l’esprit pionnier traditionnellement implanté aux USA, s’ajoute une culture locale qui pousse les entreprises à inventer demain et à se croire capables de changer le monde. L’attractivité historique de ce territoire a fait se rejoindre des intelligences hors normes, des inventeurs du pentium ou de Hotmail aux cofondateurs de Sun ou de Yahoo ! Ces entreprises, sachant en permanence se renouveler, ont une capacité d’innovation extrêmement forte. Elles sont à même de créer de réelles innovations de ruptures à forte valeur ajoutée (appelées « disruption » en anglais). Par exemple, au-delà de son cœur de métier (le moteur de recherche), Google considère que tout ce qui est numérisable relève de son champ de compétence. Par ailleurs Google se lance aujourd’hui dans la santé, dans l’énergie, dans les data centers éco conçus.. De nombreuses innovations sont donc certainement encore à venir. Quelles perspectives d’avenir ? Face à la montée en puissance de l’Asie dans les industries technologiques, on peut s’interroger sur la capacité de résistance dans le temps de la référence de la Silicon Valley. Les technologies asiatiques, qui font parfois l’objet de protections de marchés (protectionnisme sous différentes formes dont parfois normes et standards technologiques particuliers en Chine par exemple), ont été développées par des conglomérats nationaux qui ont su garder l’agilité nécessaire à ce secteur d’activité. L’Asie pèse aujourd’hui au moins 70% de la fabrication des hardwares. Samsung est le n°1 mondial des smartphones. L’Asie forme aujourd’hui plus d’ingénieurs que l’Europe et les Etats-Unis additionnés. Avec parfois, un niveau très compétitif (Corée du Sud, Inde,…). Cependant, certains gouvernements asiatiques, encore frileux sur l’ouverture des libertés individuelles, comme la Chine, en partenariat avec brident la créativité en restreignant les libertés publiques et individuelles. Quels enseignements pour la NouvelleCalédonie ? Les points discriminants pour un projet de cluster ou de technopôle calédonien seront avant tout la définition claire d’une ambition et d’une vision stratégique à donner à un tel projet à commencer par le choix du secteur d’activité précis, ainsi que la gouvernance spécifique à penser et à mettre en œuvre. Tou cela nécessite un travail de fonds précis, rigiureux, systématique, fondé à la fois sur du benchmarking, sur l’analyse fine des marchés mondiaux (offre et demande) et sur de l’intégration des spécificités locales Partant du constat que les ressources minières sont insuffisantes au développement économique, l’économie de la connaissance, globale et numérisée pourrait être un relais de croissance significatif et inclusif pour l’économie calédonienne. Tout comme l’armée américaine a su investir dans les technologies dès la création de la Silicon Valley, pourrions-nous imaginer que des fonds importants (fonds souverain local ? contribution du secteur minier ?) investissent dans un secteur d’avenir pour la Nouvelle-Calédonie ? Pour quel intérêt pour eux? Un projet de technopôle pourrait-il voir le jour sur notre territoire ? Avec quelle gouvernance et au service de quelle stratégie ? Sur quel secteur d’activité ? Avec quelles formations et quels nouveaux métiers ?