Université Lille I Master 1 Année 2016-2017 Devoir n◦ 1 Groupes abéliens de type fini, polynômes, extensions Exercice 1 1. Soit A un groupe abélien et pour i = 1, 2 soit φ : Li → A un épimorphisme, où Li est un groupe abélien libre de rang fini. On pose L3 = {(x1 , x2 ) ∈ L1 × L2 /φ1 (x1 ) = φ2 (x2 )} (a) Montrer que si p1 : L3 → L1 est la première projection, (x1 , x2 ) 7→ x1 , alors p1 est un épimorphisme. (b) Montrer que L3 est un groupe abélien libre de rang fini. 2. Soit A un groupe abélien, L un groupe abélien libre de rang fini, φ : A → L un morphisme. Soit (l1 , · · · , lr ) une base de L et (a1 , · · · , ar ) des antécédents arbitraires par φ, i.e. pour i = 1, · · · , r on a φ(ai ) = li . (a) Montrer que la famille (a1 , · · · , ar ) est libre. (b) Si A0 = Za1 ⊕ · · · ⊕ Zar , montrer que ker φ ⊕ A0 = A. 3. Soit p : L0 → L un épimorphisme, où L et L0 sont des groupes abéliens libres de rang fini. Soit M < L et M 0 = p−1 M . On note K 0 = ker p et (e01 , · · · , e0k ) une base de K 0 . (a) Montrer que ker p|M 0 = K 0 . (b) Soit (e1 , · · · , er ) une base de L et (e0k+1 , · · · , e0k+r ) des pré-images arbitraires par p (i.e. p(e0k+i ) = ei pour i = 1, · · · , r). Montrer que (e01 , · · · , e0k+r ) est une base de L0 (on pourra appliquer la question 2. au morphisme p). (c) On impose à présent à (e1 , · · · , er ) d’être adaptée à M : il existe s 6 r et d1 |d2 | · · · |ds des entiers > 1 tels que (d1 e1 , · · · , ds es ) soit une base de M . Montrer que (e01 , · · · , e0k , d1 e0k+1 , · · · , ds e0k+s ) est une base de M 0 . (d) En déduire, si rg désigne le rang, que rg L0 − rg M 0 = rg L − rg M et que les invariants > 1 de M 0 < L0 sont les mêmes que ceux de M < L. 4. Soit A un groupe abélien de type fini, on sait qu’il existe un isomorphisme A' Z Z × ··· × × Zα δ1 Z δt Z avec δi > 2, δ1 |δ2 | · · · |δt et α > 0. Montrer, à l’aide des questions précédentes, que ces invariants, y compris α, ne dépendent pas de l’isomorphisme choisi. Exercice 2 Les polynômes suivants sont-ils irréductibles ? Y 2 − X 3 + X ∈ Z[X, Y ], P (X) − Y Q(X) ∈ k(X)[Y ] où k est un corps, P (X) − Y Q(X) ∈ k[X, Y ] où k est un corps. 1 Exercice 3 Soit E = Q[α], où α3 − α2 + α + 2 = 0. Exprimer (α2 + α + 1)(α2 − α) et (α − 1)−1 sous la forme a + bα + cα2 , où (a, b, c) ∈ Q3 . √ √ Exercice 4 Montrer que les deux corps Q( 7) et Q( 11) ne sont pas isomorphes. Exercice 5 Soient a > 0 et n > 0 deux entiers avec a non divisible par un carré. Le polynôme X n − a est alors irréductible dans Q[X] (par exemple d’après le critère d’Eisenstein). Soit K/Q une extension de degré fini d, et α la racine réelle positive de X n − a. 1. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes : (i) X n − a est irréductible dans K[X] (ii) [K(α) : K] = [Q(α) : Q] (iii) [K(α) : Q(α)] = [K : Q] 2. Montrer que si n et d sont premiers entre eux, X n − a est irréductible dans K[X]. 3. Montrer que X n − a est irréductible dans Q(i)[X]. Exercice 6 1. Déterminer le degré du corps de décomposition de X 5 − 2 sur Q (c’est à dire la plus petite extension de Q contenant toutes les racines). √ 2. Soit ζ ∈ C tel que ζ 5 = 1, ζ 6= 1, on pose z = ζ 5 2 et t = z 2 + z 3 . Montrer que Q(t) = Q(z). 3. Montrer que le polynôme minimal P de t sur Q est le polynôme caractéristique de l’application Q-linéaire “multiplication par t” dans Q(t). 4. Déduire des deux questions précédentes une expression explicite de P . 5. Déterminer toutes les racines de P . 2 Université Lille I Master 1 Année 2016-2017 Devoir n◦ 1 Groupes abéliens de type fini, polynômes, extensions Correction 1 1. (a) Si on fixe x1 dans L1 , ses antécédents par p1 sont les couples (x1 , x2 ) tels que φ1 (x1 ) = φ2 (x2 ). Comme φ2 est un épimorphisme, cet ensemble est non vide. (b) L1 × L2 est libre de rang fini (son rang est la somme des rangs de L1 et de L2 ) ; on en déduit que L3 , qui est sous-groupe de L1 × L2 , est aussi libre de rang fini. Pr 2. (a) Soient (ni )16i6r une famille d’entiers relatifs telle que i=1 ni ai = 0. En prenant Pr l’image par φ, on trouve que i=1 ni li = 0 ; comme (li )16i6r est une base de L, on en déduit que pour i = 1, · · · , r on a ni = 0. P (b) Montrons que ker φ ∩ A0 = 0. Soit x = ri=1 ni ai un élément de ker φ ∩ A0 , alors en prenant l’image par φ on obtient que chacun des ni est nul, pour i = 1, · · · , r, 0 et doncP x = 0. On montre à présent que A : si x ∈ A, on peut écrire Pr ker φ + AP= r r φ(x) = i=1 ni li , mais alors x = (x − i=1 ni ai ) + i=1 ni ai où le premier terme est dans ker φ et le second dans A0 . 3. (a) En général, on a toujours que ker p|M 0 = ker p ∩ M 0 . Mais comme ici ker p = p−1 (0) < p−1 (M ) = M 0 , on conclut que ker p|M 0 = ker p = K 0 . (b) C’est une conséquence de la question 2. et du fait qu’on obtient une base d’une somme directe en concaténant une base de chacun des facteurs directs. (c) On a p(di e0i ) = di p(e0i ) = di ei pour i = 1, · · · , s, donc les (di e0i )16i6s sont dans M 0 et forment une famille de pré-images de la base (di ei )16i6s de M . Compte tenu de (a), on peut conclure comme à la question précédente en appliquant 2. à p|M 0 . (d) D’après les questions précédentes, la famille (e01 , · · · , e0k+r ) est une base de L0 adaptée à M 0 , avec pour invariants 1|1| · · · |1|d1 |d2 | · · · |ds (où il y a k invariants égaux à 1 pour commencer) ce qui montre la propriété pour les invariants. Pour les rangs, on a vu que rg L0 = k + r et rg M 0 = k + s, avec r = rg L et s = rg M , d’où la conclusion. 4. L’isomorphisme A ' δ1ZZ × · · · × δZt Z × Zα permet de définir un épimorphisme de L1 := Zt × Zα → A dont le noyau est M1 := Zt , où le morphisme M1 → L1 est donné par multiplication par δi sur chaque composante. Un deuxième isomorphisme A ' δZ0 Z × ··· × Z δt0 0 Z 0 0 0 1 × Zα définit de manière similaire un épimorphisme L2 := Zt × Zα → A dont 0 le noyau est M2 := Zt . On définit alors L3 comme à la question 1. et M3 comme le noyau de l’application composée L3 → A. En appliquant la question 3., on voit que les invariants > 1 de M1 < L1 , qui sont les δi , sont aussi les invariants > 1 de M3 < L3 , qui sont aussi les invariants > 1 de M2 < L2 , qui sont les δi00 . On raisonne de même pour les rangs. Correction 2 Comme Z[X] est factoriel, de corps des fractions Q(X), et Z[X, Y ] ' Z[X][Y ], on peut appliquer le critère d’Eisenstein à P = Y 2 − X 3 + X vu comme polynôme en Y à coefficients dans Z[X], pour l’irréductible X de Z[X], P est donc irréductible dans Q(X)[Y ]. Comme il est de contenu 1, il est donc irréductible dans Z[X][Y ]. Comme P (X) − Y Q(X) est de degré 1, il est irréductible dans k(X)[Y ]. On en déduit que P (X) − Y Q(X) est irréductible dans k[X, Y ] = k[X][Y ] si et seulement s’il est de contenu 1, i.e. si et seulement P ∧ Q = 1. 1 Correction 3 La division euclidienne de (X 2 + X + 1)(X 2 − X) par X 3 − X 2 + X + 2 a pour reste −4X − 2, on en déduit que (α2 + α + 1)(α2 − α) = −4α − 2. En appliquant l’algorithme de Bezout à X − 1 et X 3 − X 2 + X + 2, on trouve 1 1 1 (X − 1)(− − X 2 ) + (X 3 − X 2 + X + 2) = 1 3 3 3 1 2 1 −1 En évaluant en α il vient : (α − 1) = − 3 − 3 α . √ Correction 4 Si ces corps étaient isomorphes, 7 serait un carré dans Q( √ 11), et on aurait √ √ 2 2 donc (a, b) ∈ Q tels que (a √ + b 11) = 7. Comme (1, 11) est une base de Q( 11), ceci donne, au vu de a2 + 11b2 + 2ab 11 = 7, que ab = 0. On a donc soit 11b2 = 7, soit a2 = 7, ce qui est absurde, car d’après Eisenstein avec p = 7 les polynômes 11X 2 − 7 et X 2 − 7 sont irréductibles sur Q. Correction 5 1. Comme les degrés sont multiplicatifs dans les tours, les deux dernières conditions équivalent au fait que [K(α) : Q] = nd, donc sont équivalentes. Comme Pα,K |Pα,Q , et [K(α) : K] = deg Pα,K , [Q(α) : Q] = deg Pα,Q , le (ii) équivaut à Pα,K = Pα,Q , i.e. Pα,K = X n − a, ce qui équivaut encore à X n − a irréductible dans K[X]. 2. Si n et d sont premiers entre eux, on sait que K et Q(α) sont linéairement disjointes, d’où [K(α) : Q] = nd, et donc d’après la première question X n − a est irréductible dans K[X]. 3. Comme α est réelle Q(α) ⊂ R, donc i 6∈ Q(α). On en déduit que [Q(α, i) : Q] = 2n, et donc d’après la première question X n − a est irréductible dans Q(i)[X]. Correction 6 1. Soit ζ√6= 1 une racine 5-ième de l’unité. Le corps de décomposition de √ 5 , 0 6 k√6 4). Ce corps est clairement contenu dans Q( 2, ζ), X 5 − 2 sur Q est Q( 5 2ζ k√ √ √ mais comme il contient 5 2ζ k / 5 2ζ k−1 = ζ, et donc 5 2ζ/ζ = 5 2, on a égalité. Or √ √ Q( 5 2) et Q(ζ), dont les degrés, 4 et 5, sont Q( 5 2, ζ) est le compositum des extensions √ premiers entre eux ; donc le degré de Q( 5 2, ζ) est 20. 2. On a clairement Q ⊂ Q(t) ⊂ Q(z). Le polynôme minimal de z sur Q est X 5 − 2, donc [Q(z) : Q] = 5. Comme ce degré est premier on a soit Q(t) = Q soit Q(t) = Q(z). Or la première égalité est exclue car la partie (1, z 2 , z 3 ) est Q-libre. 3. La matrice de l’application Q-linéaire “multiplication par t” dans Q(t), exprimée dans la base (1, t, t2 , t3 , t4 ) est la matrice compagnon associée au polynôme minimal P de t sur Q. Son polynôme caractéristique est donc P . 4. La matrice de l’application Q-linéaire “multiplication par t” dans Q(t), exprimée dans la base (1, z, z 2 , z 3 , z 4 ) est : 0 0 2 2 0 0 0 0 2 2 1 0 0 0 2 1 1 0 0 0 0 1 1 0 0 et un pivot de Gauss montre que son polynôme caractéristique vaut X 5 −10X 3 +20X−12. 5. Les racines de P sont les conjugués de t sur Q. Ce sont aussi les images de t par les 5 plongements distincts de Q(t) dans C, or comme Q(t) = Q(z) ceux-ci correspondent aussi aux conjugués de z, qui sont les racines de X 5 − 2, à savoir ζ k z pour k ∈ {0, 4}. On en déduit que les racines de P sont exactement ζ 2k z 2 + ζ 3k z 3 pour k ∈ {0, 4}. 2