COLLOQUE INTERNATIONAL SUR L’ARBITRAGE 18-19-20 Octobre 2016 Antananarivo – Madagascar RAPPORT Suite à l’effort continu du Secrétariat général du Centre d’Arbitrage et de Médiation de Madagascar (CAMM) depuis plus d’un (01) an, un Colloque International sur l’Arbitrage a été organisé, les 18, 19 et 20 octobre à la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Antananarivo (Madagascar). Ce Colloque a vu la participation de nombreux participants (institutions, cabinet d’avocats, professeurs et étudiants) provenant de divers pays comme : la France, la Réunion, Maurice, la Tunisie, la Belgique, le Sénégal, le Cameroun, l’Allemagne, Madagascar, etc. Trois (03) axes de discussions ont été abordés : Un axe comparatif (jour 1) ; Un axe relatif à l’éthique (jour 2) ; Un axe portant sur les litiges relatifs aux investissements, avec une empreinte internationale et régionale spécifique sur l’arbitrage OHADA (jour 3). Une conclusion sous forme d’atelier sur l’avenir de l’arbitrage dans le cadre institutionnel existant ou par d’autres moyens, a mis fin au Colloque. Elle a permis de s’interroger sur la place qui pouvait être accordée à Madagascar, idéalement situé à l’intersection des pays membres de l’OHADA, de l’Afrique Australe, du sous-continent indien et du monde francophone a Le Colloque a été ouvert par Mme Noro ANDRIAMAMONJIARISON, présidente de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Antananarivo (CCIA) et du CAMM. Elle a entamé son propos en remerciant tous les partenaires et les participants. Elle a rappelé que le colloque avait pour objectif de parvenir à un renforcement des capacités théoriques et un transfert de bonnes pratiques en matière d’arbitrage commercial et des investissements. Elle ne doutait pas que les nombreux experts internationaux permettraient, par la qualité de leurs exposés que l’objectif du colloque soit atteint. 1 M. Johary RAVALOSON, secrétaire général du CAMM et coordonnateur du Colloque, a ensuite pris la parole. Il a proposé, pour le bon déroulement de l’évènement, de privilégier la cordialité dans les échanges, le respect mutuel et une grande ponctualité, sans verser dans un protocole excessif. Cette proposition a été respectée en général pendant les trois (3) jours qu’ont duré le Colloque. Chaque journée de travail étant organisée autour de deux conférences principalement (matinée/après-midi), le Colloque a été extrêmement riche, tant par la qualité des interventions que, par l’intensité des débats qui étaient très animés. Le Professeur Raymond RANJEVA, agrégé des Facultés de Droit, ancien Vice-président de la Cour Internationale de Justice, Président de la Société africaine de droit international, arbitre du CAMM, qui présidait la première conférence, l’a introduite par un discours inaugural. Il a défini, d’une part, le contexte des discussions et, d’autre part, les questions que les discussions pourraient susciter. Il a évoqué plusieurs axes de réflexion notamment, la tendance à l’uniformisation de l’arbitrage par un mimétisme législatif et institutionnel, les difficultés liées au contexte insulaire. Il a insisté sur le fait que la crédibilité de l’arbitrage relève des praticiens : ainsi, la sécurité juridique attendue dépend, non seulement, de l’environnement juridique, mais surtout, de la sécurisation méthodologique assurée et démontrée par les arbitres. Cette première journée portait sur les pratiques comparées et visait essentiellement à répondre à la question suivante : « Dix-sept années après l’adoption de la loi nationale n°98-019 relative à l’arbitrage, de quelle manière la procédure arbitrale est-elle appliquée ? Est-ce un succès ou un échec ? Pourquoi serait-ce un échec ou, au contraire, un succès ? Pourquoi, malgré la présence de textes très similaires relatifs à l’arbitrage Madagascar, par rapport à l’île Maurice ou à la Tunisie connaît des résultats différents ? Quelles sont les bonnes pratiques à diffuser ? » Les travaux de la première journée, réservés aux pratiques comparées étaient principalement articulés autour des thématiques suivantes : - Le rôle du juge judiciaire dans le développement de l’arbitrage ; - La présentation et la comparaison des spécificités de l’arbitrage institutionnel mauricien et malgache ; - L’emprunt et l’inspiration en droit de l’arbitrage commercial : Tunisie et Madagascar ; - L’arbitrage à l’épreuve des nouvelles tendances et TIC. Le thème relatif au rôle du juge judiciaire dans le développement de l’arbitrage a été traité dans la matinée et a donné lieu à quatre (04) exposés dont le premier a été présenté par Me. Antoine LEROSIER (cas russe, français et européen) et le second par M. Lalaina CHUK HEN SHUN (cas de Maurice, Madagascar et la Réunion). 2 Ces rapporteurs ont mis en exergue l’idée que, bien que la procédure arbitrale soit distincte, voire autonome du judiciaire, l’intervention du juge étatique n’est cependant pas exclue en matière d’arbitrage. Il ne saurait par conséquent avoir d’arbitrage valable sans un « judiciaire » crédible et performant, lequel peut interférer dans une procédure arbitrale de différentes manières : juge d’appui, juge d’exécution, juge de contrôle. Il peut également faire des interprétations législatives. Ils ont ainsi rappelé que le juge judiciaire est un acteur clé pour le développement de l’arbitrage, car il est le garant d’une procédure efficace, même si certaines institutions arbitrales tentent néanmoins d’élargir au maximum l’autonomie de l’arbitrage en s’appuyant sur des règlements techniques auxquels les parties déclarent adhérer dans les conventions ou les clauses d’arbitrage. Dans le troisième exposé, Mme Diamana DIAWARA a traité de la question du traitement des mesures conservatoires et provisoires dans l’arbitrage CCI. Cette question a été abordée sous le prisme de l’arbitre d’urgence, du juge des référés/référé pré-arbitral, des procédures rapides qui permettent l’octroi de mesures provisoires devant un arbitre avant la constitution du tribunal arbitral et comme alternative efficace au juge étatique. La question principale qui a suscité les échanges les plus vifs lors de cette première partie portait sur le degré d’autonomie de l’arbitrage par rapport aux juridictions judiciaires. Quel que soit le degré d’autonomie, la procédure arbitrale repose de façon ultime sur la garantie d’exécution de ces juridictions étatiques. C’est la raison pour laquelle, le quatrième exposé a essentiellement porté sur les conditions d’obtention de l’exequatur des sentences arbitrales devant le juge étatique malgache Mme Bakolalao RAMANANDRAIBE a notamment apporté la démonstration de la faveur du législateur malgache pour l’arbitrage, relevant, à cet effet, que la loi sur l’arbitrage de 1998 allège la procédure en limitant les recours et en facilitant l’exécution des sentences arbitrales. Sur le plan du droit comparé, l’exécution et la reconnaissance des sentences internationales obéissent à des règles spécifiques, même si la plupart des Etats sont liés par la Convention de New-York du 10 juin 1958. En définitive, l’on retiendra de cette première partie des travaux sur les pratiques comparées, que des efforts doivent être entrepris pour que le juge étatique joue pleinement son rôle dans le développement de l’arbitrage à Madagascar. C’est cet objectif que poursuit le CAMM, qui tente, depuis 2013, de combler les insuffisances des magistrats à travers l’organisation, tous les ans, des Journées MARL qui constituent une plateforme d’échange et de formation sur les MARL. 3 Les travaux relatifs aux pratiques comparées ont continué dans l’après-midi, sous la présidence du Professeur Alisaona RAHARINARIVONIRINA, agrégé des Facultés de Droit, Université Catholique de Madagascar, avocat au barreau de Madagascar, membre du Conseil d’administration du CAMM. Le thème relatif à la présentation et la comparaison des spécificités de l’arbitrage institutionnel mauricien et malgache a fait l’objet d’un exposé présenté par Me Dipna GUNNOO. La conseillère juridique d’un des centres d’arbitrage de Maurice, LCIA-MIAC en a profité pour présenter son institution au public. L’étude comparative entre l’arbitrage à Maurice et à Madagascar a été basée sur la loi CNUDCI [mesures provisoires, juges d’appui, représentation, droit d’appel : « privacy council » pour Maurice) et la pratique juridictionnelle (sphère d’intervention, code de procédure)]. Son analyse a mis en valeur les similarités des pratiques malgaches et mauriciennes et leurs différences. Me DIPNA a notamment insisté sur les forces de l’île Maurice comme véritable hub de l’arbitrage international. La problématique de l’emprunt et l’inspiration en droit de l’arbitrage commercial : Tunisie et Madagascar a été présentée par M. Walid BEN HAMIDA. Celui-ci a répondu à la question de savoir pourquoi ces deux pays n’ont pas le même développement en matière d’arbitrage alors que les textes sont quasiment identiques. Selon M.BEN HAMIDA, il convient, pour répondre à cette interrogation, de sortir du champ purement juridique et réfléchir sur le contexte d’adoption des textes. Il rappelle, à cet égard, que la loi tunisienne a été élaborée au bout de quinze années et uniquement par des Tunisiens. A Madagascar, c’est un cabinet américain qui a rédigé les projets de textes, la conséquence étant la non implication des fonctionnaires malgaches et la non appropriation par les magistrats malgaches desdits textes. Il a souligné, par ailleurs, que c’est la pratique qui fait défaut à Madagascar et qu’il faudrait briser le mythe de l’arbitre mâle, âgé et blanc, et imposer de plus en plus un « local content » dans les processus de désignation et nomination des arbitres. Rappelant ensuite la sécurité méthodologique exigée par le Président RANJEVA, le rapporteur met au centre de l’arbitrage la question de la confiance tant sur le plan de la compétence que de la probité, autant pour les arbitres que les juges d’appui. Si un arbitre ne doit pas être perçu comme un homme d’affaires, la question de la confiance au juge d’appui ainsi que la limite de son intervention entre dans le champ d’attractivité de Madagascar comme place d’arbitrage (cf. la place d’arbitrage de Paris). Enfin, Me Patrick SAERENS a exposé sur l’arbitrage à l’épreuve des nouvelles tendances et des TIC. Il a mis en avant la manière dont les TIC et les outils qu’ils offrent peuvent participer à l’évolution de l’arbitrage et comment l’arbitrage s’implique dans les échanges résultant du numérique. Aux fins d’illustration de son propos sur le développement en ligne de l’arbitrage, l’intervenant a pris l’exemple de la loi belge qui tend vers l’international. Il recommande la spécificité sectorielle des centres d’arbitrage, la formation d’alliances entre les centres locaux, l’implication du pouvoir public et la sensibilisation des entreprises (notamment par des mises à disposition de contrats-types gratuits contenant des clauses compromissoires). 4 Les débats ont révélé l’engouement des praticiens ayant déjà pratiqué l’arbitrage par visioconférence qui ont apprécié la rapidité des procédures via internet. Les débats ont également fait ressortir le rôle que devrait/pourrait jouer l’État dans le développement de l’arbitrage. L’exemple du Mauritius International Arbitration Project, un investissement important de la part de l’État Mauricien pour développer l’arbitrage, interroge quant à l’opportunité et la nécessité de l’implication de l’État dans la promotion de l’arbitrage. Les discussions ont fait ressortir que ce dont l’arbitrage à Madagascar a surtout besoin, c’est d’une intégration de l’arbitrage dans la société et dans l’économie, particulièrement dans tout le droit des affaires. Les travaux de la première journée ont été clôturés par un dîner organisé au CARLTON dans la soirée pour que les participants puissent continuer les débats mais surtout mieux se connaître et étendre leurs réseaux. La matinée du deuxième jour a été consacrée à la thématique relative à l’éthique et la lutte contre la corruption, présidée par Mme Bakolalao RAMANANDRAIBE, ancienne Garde des sceaux, ministre de la Justice, présidente Honoraire de la Cour de Cassation, arbitre du CAMM. Le Professeur Daniel TRICOT, ancien Président de chambre à la Cour de cassation française, a ouvert la séance de travail avec un exposé portant sur l’éthique, l’indépendance et le financement de l’arbitrage. L’intervenant a commencé par préciser que le financement de l’arbitrage ne peut avoir lieu sans le soutien de l’Etat, l’appui du juge et l’éthique de l’arbitre (culture du juge-état d’esprit). Deux idées qui ont rapidement suscité l’intérêt des participants sont apparues : la première concerne le fait que l’appréciation du conflit d’intérêt ne relève pas de la compétence de l’arbitre (Déclaration d’indépendance de l’arbitre) et la deuxième porte sur l’obligation de révélation. Le règlement d’arbitrage du CAMM oblige par exemple la personne pressentie pour siéger en tant qu’arbitre, à révéler tout fait de nature à faire naître un doute raisonnable dans l’esprit d’une/des parties. * La question du financement de l’arbitrage par des organismes financiers dont la nature et les spécificités exigent un renforcement de l’obligation de transparence, a également été abordée. La nature de l’arbitrage, notamment de son caractère mixte, contractuelle et juridictionnelle à la fois, conduit à poser une question précise relative notamment à l’ultra petita : le Tribunal arbitral peut-il soulever des arguments qui n’ont pas été invoqués par les parties ? Me Romain DUPEYRE a abordé le thème de l’éthique de l’arbitrage. Dans un premier temps, il a apporté une définition de la notion d’ « éthique », qu’il définit comme une science de la morale, l’art de diriger sa conduite. L’éthique se caractérise en matière d’arbitrage, par l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre. Me DUPEYRE a fait également la remarque qu’il y a une émergence d’un très grand nombre de règles éthiques dans l’arbitrage, mais également des sanctions diverses: contractuelle, disciplinaire, pénale mais également « réputationnelle » (sic). 5 L’exposé qui a suivi a été fait par Me Fernande ANILHA et Me Julien MAGAMOOTOO. Il portait sur le thème: Arbitrage et éthique : causes du mal, évolutions récentes et pistes d’amélioration. Regards sur le monde et sur l’Océan Indien. Cet exposé rejoint les précédents en ce sens qu’il part du postulat que, sans éthique, l’avenir de l’arbitrage est voué à l’échec. Quatre piliers fondamentaux ont par conséquent été mis en exergue à savoir : l’indépendance, la neutralité, l’impartialité et la confidentialité. L’exposé a fait ressortir que dans l’Océan Indien, l’arbitrage est caractérisé par sa petitesse, sa jeunesse et son isolement. Les deux conférenciers en appellent à en faire des atouts, d’une part, par la spécialisation, l’innovation et, d’autre part, par le regroupement. Me Nicolas LIGNEUL qui a pris la parole par la suite a donné son point de vue sur l’Arbitrage et la lutte contre la corruption. Selon l’exposant, pour éradiquer la corruption, l’arbitre doit manifester un sens de l’éthique plein et entier pendant toute la procédure arbitrale. Ainsi, l’irréprochabilité de l’arbitre est nécessaire pour ne pas mettre en péril l’arbitrage. Certes, les centres d’arbitrage jouent un rôle dans cette quête de l’irréprochabilité, mais la balle est surtout dans le camp de l’arbitre qui doit intégrer sa fonction juridictionnelle et ce que cela implique. Enfin pour clore la matinée de cette deuxième journée, Me Gérard RAMANGAHARIVONY, juriste du CAMM, a présenté La charte confiance du CAMM : son contexte, maintien de la paix sociale et accroissement du business et les motifs de l’adoption de cette charte, preuve d’un engagement moral et souhait d’une initiative préventive. Les différentes interventions ont souligné le fait que les arbitres deviennent un outil de la lutte contre la corruption. En l’occurrence, les questions relatives à l’éthique, à la déontologie et à la corruption dans l’arbitrage deviennent pertinentes du fait des abus observés dans la pratique arbitrale. L’après-midi était consacré au droit des investissements et l’arbitrage. La séquence était présidée par le Professeur RAMAROLANTO RATIARAY de l’Université d’Antananarivo, arbitre du CAMM. Me Hery RANJEVA a ouvert les travaux avec son exposé sur l’Etat dans l’arbitrage d’investissement. Selon lui, l’arbitrage d’investissement conçu comme un moyen pour l’Etat d’attirer les investisseurs est devenu un « monstre » qui s’est retourné contre lui. Il fait plusieurs constats relatifs à la faiblesse de l’Etat : les traités signés sont toujours en défaveur de l’Etat, les arbitres font parfois une mauvaise interprétation des traités d’investissement (exemple de la Clause de la Nation la plus favorisée) ; le « treaty shopping », les délais trop courts pour un Etat forcément administratif, les demandes reconventionnelles quasiment impossibles pour l’Etat et le fait que celui-ci est rarement demandeur, sont autant de symptômes de la faiblesse de l’Etat dans l’arbitrage d’investissement. 6 Me Joachim KUCKENBURG a poursuivi avec un rapport sur l’évaluation d’un préjudice imputable à un Etat ou à une personne morale de droit public. Il a mis en exergue le fait que l’Etat doit assurer la réparation intégrale du préjudice, car il voit sa responsabilité contractuelle engagée à travers le droit international public. L’auteur estime néanmoins que les arbitres doivent prendre en considération la qualité de personne morale de droit public de l’Etat et ajuster l’évaluation du quantum de l’indemnisation à lui imputable. Ces deux interventions ont soulevé un débat sur, d’une part, la nature d’un État et les difficultés que cela implique dans sa participation dans l’arbitrage et, d’autre part, l’égalité des parties devant l’arbitrage, principe fondamental, qui ne saurait connaître d’aménagement quand bien même, il s’agirait d’un arbitrage impliquant un État. Il est à noter que ces questions sont de plus en plus débattues depuis l’affaire de l’abandon du nucléaire par l’Allemagne et des traités transatlantiques sur les investissements. En effet, les pays en développement connaissent très bien la problématique du déséquilibre entre les Etats et les multinationales dont les solutions préconisées tiennent compte de la légalité (l’intérêt général) de la mesure pouvant porter préjudice à l’investisseur et du principe de nondiscrimination dans son application. Enfin, pour clore la deuxième journée, M. Raphael JAKOBA a parlé de l’arbitrage et la sécurisation juridique des investissements pour le droit malgache. Le rapporteur a mis en avant l’existence, en droit malgache, d’un arsenal juridique complet et incitatif, mis en place, pour favoriser les investissements, notamment un bon dispositif législatif complet sur l’arbitrage, d’une loi sur les investissements et d’un outil institutionnel : l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM), un dispositif complet et moderne qui n’atteint néanmoins pas son objectif d’attraction des investissements du fait d’un climat d’investissement délétère et d’une pratique déviante. S’il est ressorti du débat qu’un environnement juridique sécurisant ne suffit pas à attirer les investisseurs (les critères économiques sont les plus décisifs), il est indéniable qu’un environnement insécurisant n’attire pas les investissements ou, pire, n’attire que des investissements douteux qui ne profitent pas à l’ensemble du pays, mais juste à une minorité corrompue ne respectant pas les lois ; ces investissements, peuvent, dans certains cas, devenir source d’insécurité et d’instabilité juridiques. Parallèlement, l’arbitrage ne peut suffire comme solution alternative à un climat délétère. Si l’efficacité d’un arbitrage interne dépend beaucoup de l’efficacité et de l’indépendance des juridictions d’appui, en matière internationale, cette efficacité est confortée à l’universalité de la Convention de New-York de 1958 et de la disponibilité des biens des Etats hors de leurs territoires. Ceci pour dire que souvent les investissements étrangers sont davantage protégés que les investissements nationaux. 7 Lors de la troisième et dernière matinée, la séquence réservée à l’arbitrage OHADA a été présidée par M. Olivier RIBOT du cabinet LEXEL juridique et fiscal. Il a commencé par une présentation générale du système OHADA dont la structure unificatrice est un exemple pour beaucoup de régions du monde. Me Marie Andrée NGWE a, par la suite, exposé sur la pratique des arbitrages OHADA, selon l’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage et devant la Cour commune de Justice et d’arbitrage. L’intervenante a tout d’abord informé l’audience que l'arbitrage de droit commun est régi par l'Acte Uniforme relatif à l'arbitrage, véritable loi de procédure harmonisée applicable dans les 17 Etats membres de l'OHADA, aux côtés de l'arbitrage CCJA dont il est complémentaire. Elle a ensuite démontré que l’arbitrage CCJA est parfaitement adapté au règlement des différends relatifs aux investissements. Il suffit pour cela que l’Etat en cause, partie au Traité OHADA, ait, d’un côté, manifesté son consentement à recourir à l’arbitrage CCJA comme mode de règlement des différends relatifs aux investissements réalisés sur son territoire et, de l’autre côté, que le litige présente un lien de rattachement avec l’espace OHADA. Deux constats ont été mis en exergue, à savoir : que l’arbitrage OHADA essaye de trouver un terrain d’entente entre les centres nationaux d’arbitrage et la CCJA, et que l’exequatur devant la CCJA donne force exécutoire à une sentence dans tous les pays membres de l’OHADA, pour tout arbitrage se déroulant dans l’espace OHADA. Le Professeur Alisaona RAHARINARIVONIRINA, a clos la matinée avec sa Synthèse des positions malgaches relatives à l’OHADA. Pour lui il faut plutôt se poser la question suivante : Est-ce que Madagascar doit adhérer à l’OHADA ? Il rejoint ainsi la position de M. Raphael JAKOBA, pour qui, la législation malgache sur l’arbitrage est considérée comme complète. Mais cependant, il faut également un point de vue non plus législatif mais utilitariste et politique. Les obstacles face à l’arbitrage à Madagascar sont : la préférence du judiciaire et la mauvaise foi des acteurs de l’arbitrage (constitution du tribunal, l’abus d’utilisation des mesures conservatoires, blocage de la procédure arbitrale). Il conseille donc d’essayer de corriger le réflexe malgache de toujours aller vers le judiciaire à chaque litige en montrant que l’arbitrage peut être attractif et que les institutions comme le CAMM doivent former leurs propres « clientèles » (Cf. la Charte confiance du CAMM). Ces interventions ont suscité un vif débat au sujet d’une éventuelle adhésion malgache au Traité OHADA. D’une part, plusieurs participants estiment qu’il s’agit d’une opportunité permettant d’assainir la pratique malgache, de bénéficier de la doctrine et d’une communauté large de réflexion qu’apporte l’Organisation, et d’attirer les investisseurs qui auraient ainsi un droit qui leur est familier. À l’inverse, d’autres participants avancent que ce n’est pas à travers l’adhésion qu’on devrait assainir le milieu judiciaire malgache et que l’intégration serait une atteinte à la souveraineté du pays qui s’allierait à d’autres pays qui seraient trop éloignés de Madagascar culturellement et géographiquement. 8 Il en est néanmoins ressorti que l’adhésion à l’OHADA est un gage de sécurité juridique, d’accès à l’information et à la simplicité. Le Colloque a été clôturé par un atelier sur l’avenir de l’arbitrage international dans la région. Présidé par M. Eric MAGAMOOTOO, membre fondateur du Centre de Médiation et d’Arbitrage de la Réunion (CMA), ancien Président de la CCI Réunion. L’atelier a permis de chercher les voies de développement de l’arbitrage. Plusieurs pistes été étudiées telles que la mise en commun des forces des centres d’arbitrage, notamment dans la Plateforme coopérative de règlement de litiges Business Bridge OI, passant par la création de listes communes, des formations communes, de conception commune de nouveaux outils, mais également le renforcement de la confiance des utilisateurs à l’endroit des centres locaux à travers un marketing plus affirmé. Par la suite, M. Jaona RAVALOSON, Directeur général délégué de l’Agence Mde Développement Economique et de Promotion des Entreprises (AMDP), Arbitre du CAMM, Représentant du Forum Francophone des affaires (FFA), après avoir présenté ce regroupement du milieu d’affaires francophone, a soumis la demande du Conseil d’administration du FFA de création d’un centre international francophone d’arbitrage. Dans leurs propos conclusifs, M. Lalaina CHUK HEN SHUN et M. Johary RAVALOSON, coordonnateur du Colloque, ont partagé leurs notes de synthèse. Quatre résolutions ont été retenues : La reprise de la suite du Colloque l’année prochaine par le CMA Réunion dans le cadre d’une coopération Business Bridge OI. Une réflexion à mener au sein de Business Bridge OI pour étudier la perspective d’une harmonisation des Règlements des Centres de la Région avec celui de l’OHADA. Des séances de formations et d’informations à dispenser aux TPE et PME. Les Centres locaux d’arbitrage ainsi que Business Bridge OI sont à la disposition des chambres consulaires pour organiser ces séances. Accueil de la demande du Forum Francophone des Affaires et proposition d’une étude par le CAMM de l’opportunité de mise en place d’une Plateforme internationale et francophone de règlement de litiges. Les prémisses seront présentées au XVIème Sommet de la Francophonie, en novembre à Antananarivo. Une validation sera demandée au niveau de la Commission Permanente des Chambres Consulaires Afrique Francophone (CPCCAF) à la conférence d’Antananarivo de décembre 2016. Mme Noro ANDRIAMAMONJIARISON, Présidente de la CCIA et du CAMM, a enfin honoré l’audience de son discours de clôture. 9