COLLOQUE INTERNATIONAL SUR L`ARBITRAGE 18-19

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COLLOQUE INTERNATIONAL SUR L’ARBITRAGE
18-19-20 Octobre 2016
Antananarivo – Madagascar
RAPPORT
Suite à l’effort continu du Secrétariat général du Centre d’Arbitrage et de Médiation de
Madagascar (CAMM) depuis plus d’un (01) an, un Colloque International sur l’Arbitrage a été
organisé, les 18, 19 et 20 octobre à la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Antananarivo
(Madagascar).
Ce Colloque a vu la participation de nombreux participants (institutions, cabinet d’avocats,
professeurs et étudiants) provenant de divers pays comme : la France, la Réunion, Maurice, la
Tunisie, la Belgique, le Sénégal, le Cameroun, l’Allemagne, Madagascar, etc.
Trois (03) axes de discussions ont été abordés :
 Un axe comparatif (jour 1) ;
 Un axe relatif à l’éthique (jour 2) ;
 Un axe portant sur les litiges relatifs aux investissements, avec une empreinte internationale
et régionale spécifique sur l’arbitrage OHADA (jour 3).
Une conclusion sous forme d’atelier sur l’avenir de l’arbitrage dans le cadre institutionnel
existant ou par d’autres moyens, a mis fin au Colloque. Elle a permis de s’interroger sur la
place qui pouvait être accordée à Madagascar, idéalement situé à l’intersection des pays
membres de l’OHADA, de l’Afrique Australe, du sous-continent indien et du monde
francophone a
Le Colloque a été ouvert par Mme Noro ANDRIAMAMONJIARISON, présidente de la
Chambre de Commerce et d’Industrie d’Antananarivo (CCIA) et du CAMM. Elle a entamé son
propos en remerciant tous les partenaires et les participants. Elle a rappelé que le colloque
avait pour objectif de parvenir à un renforcement des capacités théoriques et un transfert de
bonnes pratiques en matière d’arbitrage commercial et des investissements. Elle ne doutait
pas que les nombreux experts internationaux permettraient, par la qualité de leurs exposés
que l’objectif du colloque soit atteint.
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M. Johary RAVALOSON, secrétaire général du CAMM et coordonnateur du Colloque, a
ensuite pris la parole. Il a proposé, pour le bon déroulement de l’évènement, de privilégier la
cordialité dans les échanges, le respect mutuel et une grande ponctualité, sans verser dans
un protocole excessif. Cette proposition a été respectée en général pendant les trois (3) jours
qu’ont duré le Colloque. Chaque journée de travail étant organisée autour de deux
conférences principalement (matinée/après-midi), le Colloque a été extrêmement riche, tant
par la qualité des interventions que, par l’intensité des débats qui étaient très animés.
Le Professeur Raymond RANJEVA, agrégé des Facultés de Droit, ancien Vice-président de
la Cour Internationale de Justice, Président de la Société africaine de droit international,
arbitre du CAMM, qui présidait la première conférence, l’a introduite par un discours inaugural.
Il a défini, d’une part, le contexte des discussions et, d’autre part, les questions que les
discussions pourraient susciter. Il a évoqué plusieurs axes de réflexion notamment, la
tendance à l’uniformisation de l’arbitrage par un mimétisme législatif et institutionnel, les
difficultés liées au contexte insulaire. Il a insisté sur le fait que la crédibilité de l’arbitrage
relève des praticiens : ainsi, la sécurité juridique attendue dépend, non seulement, de
l’environnement juridique, mais surtout, de la sécurisation méthodologique assurée et
démontrée par les arbitres.
Cette première journée portait sur les pratiques comparées et visait essentiellement à
répondre à la question suivante :
« Dix-sept années après l’adoption de la loi nationale n°98-019 relative à l’arbitrage,
de quelle manière la procédure arbitrale est-elle appliquée ? Est-ce un succès ou un
échec ? Pourquoi serait-ce un échec ou, au contraire, un succès ? Pourquoi, malgré
la présence de textes très similaires relatifs à l’arbitrage Madagascar, par rapport à
l’île Maurice ou à la Tunisie connaît des résultats différents ? Quelles sont les bonnes
pratiques à diffuser ? »
Les travaux de la première journée, réservés aux pratiques comparées étaient principalement
articulés autour des thématiques suivantes :
- Le rôle du juge judiciaire dans le développement de l’arbitrage ;
- La présentation et la comparaison des spécificités de l’arbitrage institutionnel mauricien et
malgache ;
- L’emprunt et l’inspiration en droit de l’arbitrage commercial : Tunisie et Madagascar ;
- L’arbitrage à l’épreuve des nouvelles tendances et TIC.
Le thème relatif au rôle du juge judiciaire dans le développement de l’arbitrage a été traité
dans la matinée et a donné lieu à quatre (04) exposés dont le premier a été présenté par Me.
Antoine LEROSIER (cas russe, français et européen) et le second par M. Lalaina CHUK
HEN SHUN (cas de Maurice, Madagascar et la Réunion).
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Ces rapporteurs ont mis en exergue l’idée que, bien que la procédure arbitrale soit distincte,
voire autonome du judiciaire, l’intervention du juge étatique n’est cependant pas exclue en
matière d’arbitrage. Il ne saurait par conséquent avoir d’arbitrage valable sans un « judiciaire »
crédible et performant, lequel peut interférer dans une procédure arbitrale de différentes
manières : juge d’appui, juge d’exécution, juge de contrôle. Il peut également faire des
interprétations législatives.
Ils ont ainsi rappelé que le juge judiciaire est un acteur clé pour le développement de
l’arbitrage, car il est le garant d’une procédure efficace, même si certaines institutions
arbitrales tentent néanmoins d’élargir au maximum l’autonomie de l’arbitrage en s’appuyant
sur des règlements techniques auxquels les parties déclarent adhérer dans les conventions
ou les clauses d’arbitrage.
Dans le troisième exposé, Mme Diamana DIAWARA a traité de la question du traitement
des mesures conservatoires et provisoires dans l’arbitrage CCI. Cette question a été
abordée sous le prisme de l’arbitre d’urgence, du juge des référés/référé pré-arbitral, des
procédures rapides qui permettent l’octroi de mesures provisoires devant un arbitre avant la
constitution du tribunal arbitral et comme alternative efficace au juge étatique.
La question principale qui a suscité les échanges les plus vifs lors de cette première partie
portait sur le degré d’autonomie de l’arbitrage par rapport aux juridictions judiciaires.
Quel que soit le degré d’autonomie, la procédure arbitrale repose de façon ultime sur la
garantie d’exécution de ces juridictions étatiques. C’est la raison pour laquelle, le quatrième
exposé a essentiellement porté sur les conditions d’obtention de l’exequatur des
sentences arbitrales devant le juge étatique malgache
Mme Bakolalao RAMANANDRAIBE a notamment apporté la démonstration de la faveur du
législateur malgache pour l’arbitrage, relevant, à cet effet, que la loi sur l’arbitrage de 1998
allège la procédure en limitant les recours et en facilitant l’exécution des sentences arbitrales.
Sur le plan du droit comparé, l’exécution et la reconnaissance des sentences internationales
obéissent à des règles spécifiques, même si la plupart des Etats sont liés par la Convention
de New-York du 10 juin 1958.
En définitive, l’on retiendra de cette première partie des travaux sur les pratiques comparées,
que des efforts doivent être entrepris pour que le juge étatique joue pleinement son rôle dans
le développement de l’arbitrage à Madagascar. C’est cet objectif que poursuit le CAMM, qui
tente, depuis 2013, de combler les insuffisances des magistrats à travers l’organisation, tous
les ans, des Journées MARL qui constituent une plateforme d’échange et de formation sur les
MARL.
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Les travaux relatifs aux pratiques comparées ont continué dans l’après-midi, sous la
présidence du Professeur Alisaona RAHARINARIVONIRINA, agrégé des Facultés de Droit,
Université Catholique de Madagascar, avocat au barreau de Madagascar, membre du Conseil
d’administration du CAMM.
Le thème relatif à la présentation et la comparaison des spécificités de l’arbitrage
institutionnel mauricien et malgache a fait l’objet d’un exposé présenté par Me Dipna
GUNNOO. La conseillère juridique d’un des centres d’arbitrage de Maurice, LCIA-MIAC en a
profité pour présenter son institution au public. L’étude comparative entre l’arbitrage à Maurice
et à Madagascar a été basée sur la loi CNUDCI [mesures provisoires, juges d’appui,
représentation, droit d’appel : « privacy council » pour Maurice) et la pratique juridictionnelle
(sphère d’intervention, code de procédure)]. Son analyse a mis en valeur les similarités des
pratiques malgaches et mauriciennes et leurs différences. Me DIPNA a notamment insisté sur
les forces de l’île Maurice comme véritable hub de l’arbitrage international.
La problématique de l’emprunt et l’inspiration en droit de l’arbitrage commercial :
Tunisie et Madagascar a été présentée par M. Walid BEN HAMIDA. Celui-ci a répondu à la
question de savoir pourquoi ces deux pays n’ont pas le même développement en matière
d’arbitrage alors que les textes sont quasiment identiques.
Selon M.BEN HAMIDA, il convient, pour répondre à cette interrogation, de sortir du champ
purement juridique et réfléchir sur le contexte d’adoption des textes. Il rappelle, à cet égard,
que la loi tunisienne a été élaborée au bout de quinze années et uniquement par des
Tunisiens. A Madagascar, c’est un cabinet américain qui a rédigé les projets de textes, la
conséquence étant la non implication des fonctionnaires malgaches et la non appropriation
par les magistrats malgaches desdits textes. Il a souligné, par ailleurs, que c’est la pratique
qui fait défaut à Madagascar et qu’il faudrait briser le mythe de l’arbitre mâle, âgé et blanc, et
imposer de plus en plus un « local content » dans les processus de désignation et nomination
des arbitres.
Rappelant ensuite la sécurité méthodologique exigée par le Président RANJEVA, le
rapporteur met au centre de l’arbitrage la question de la confiance tant sur le plan de la
compétence que de la probité, autant pour les arbitres que les juges d’appui. Si un arbitre ne
doit pas être perçu comme un homme d’affaires, la question de la confiance au juge d’appui
ainsi que la limite de son intervention entre dans le champ d’attractivité de Madagascar
comme place d’arbitrage (cf. la place d’arbitrage de Paris).
Enfin, Me Patrick SAERENS a exposé sur l’arbitrage à l’épreuve des nouvelles tendances
et des TIC. Il a mis en avant la manière dont les TIC et les outils qu’ils offrent peuvent
participer à l’évolution de l’arbitrage et comment l’arbitrage s’implique dans les échanges
résultant du numérique.
Aux fins d’illustration de son propos sur le développement en ligne de l’arbitrage,
l’intervenant a pris l’exemple de la loi belge qui tend vers l’international. Il recommande la
spécificité sectorielle des centres d’arbitrage, la formation d’alliances entre les centres locaux,
l’implication du pouvoir public et la sensibilisation des entreprises (notamment par des mises à
disposition de contrats-types gratuits contenant des clauses compromissoires).
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Les débats ont révélé l’engouement des praticiens ayant déjà pratiqué l’arbitrage par
visioconférence qui ont apprécié la rapidité des procédures via internet.
Les débats ont également fait ressortir le rôle que devrait/pourrait jouer l’État dans le
développement de l’arbitrage. L’exemple du Mauritius International Arbitration Project, un
investissement important de la part de l’État Mauricien pour développer l’arbitrage, interroge
quant à l’opportunité et la nécessité de l’implication de l’État dans la promotion de l’arbitrage.
Les discussions ont fait ressortir que ce dont l’arbitrage à Madagascar a surtout besoin, c’est
d’une intégration de l’arbitrage dans la société et dans l’économie, particulièrement dans tout
le droit des affaires.
Les travaux de la première journée ont été clôturés par un dîner organisé au CARLTON dans
la soirée pour que les participants puissent continuer les débats mais surtout mieux se
connaître et étendre leurs réseaux.
La matinée du deuxième jour a été consacrée à la thématique relative à l’éthique et la lutte
contre la corruption, présidée par Mme Bakolalao RAMANANDRAIBE, ancienne Garde
des sceaux, ministre de la Justice, présidente Honoraire de la Cour de Cassation, arbitre du
CAMM.
Le Professeur Daniel TRICOT, ancien Président de chambre à la Cour de cassation
française, a ouvert la séance de travail avec un exposé portant sur l’éthique, l’indépendance
et le financement de l’arbitrage. L’intervenant a commencé par préciser que le financement
de l’arbitrage ne peut avoir lieu sans le soutien de l’Etat, l’appui du juge et l’éthique de l’arbitre
(culture du juge-état d’esprit). Deux idées qui ont rapidement suscité l’intérêt des participants
sont apparues : la première concerne le fait que l’appréciation du conflit d’intérêt ne relève pas
de la compétence de l’arbitre (Déclaration d’indépendance de l’arbitre) et la deuxième porte
sur l’obligation de révélation. Le règlement d’arbitrage du CAMM oblige par exemple la
personne pressentie pour siéger en tant qu’arbitre, à révéler tout fait de nature à faire naître
un doute raisonnable dans l’esprit d’une/des parties. *
La question du financement de l’arbitrage par des organismes financiers dont la nature et les
spécificités exigent un renforcement de l’obligation de transparence, a également été abordée.
La nature de l’arbitrage, notamment de son caractère mixte, contractuelle et juridictionnelle à
la fois, conduit à poser une question précise relative notamment à l’ultra petita : le Tribunal
arbitral peut-il soulever des arguments qui n’ont pas été invoqués par les parties ?
Me Romain DUPEYRE a abordé le thème de l’éthique de l’arbitrage. Dans un premier
temps, il a apporté une définition de la notion d’ « éthique », qu’il définit comme une science
de la morale, l’art de diriger sa conduite. L’éthique se caractérise en matière d’arbitrage, par
l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre. Me DUPEYRE a fait également la remarque qu’il y
a une émergence d’un très grand nombre de règles éthiques dans l’arbitrage, mais également
des sanctions diverses: contractuelle, disciplinaire, pénale mais également « réputationnelle »
(sic).
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L’exposé qui a suivi a été fait par Me Fernande ANILHA et Me Julien MAGAMOOTOO. Il
portait sur le thème: Arbitrage et éthique : causes du mal, évolutions récentes et pistes
d’amélioration. Regards sur le monde et sur l’Océan Indien. Cet exposé rejoint les
précédents en ce sens qu’il part du postulat que, sans éthique, l’avenir de l’arbitrage est voué
à l’échec. Quatre piliers fondamentaux ont par conséquent été mis en exergue à savoir :
l’indépendance, la neutralité, l’impartialité et la confidentialité. L’exposé a fait ressortir que
dans l’Océan Indien, l’arbitrage est caractérisé par sa petitesse, sa jeunesse et son isolement.
Les deux conférenciers en appellent à en faire des atouts, d’une part, par la spécialisation,
l’innovation et, d’autre part, par le regroupement.
Me Nicolas LIGNEUL qui a pris la parole par la suite a donné son point de vue sur
l’Arbitrage et la lutte contre la corruption. Selon l’exposant, pour éradiquer la corruption,
l’arbitre doit manifester un sens de l’éthique plein et entier pendant toute la procédure
arbitrale. Ainsi, l’irréprochabilité de l’arbitre est nécessaire pour ne pas mettre en péril
l’arbitrage. Certes, les centres d’arbitrage jouent un rôle dans cette quête de l’irréprochabilité,
mais la balle est surtout dans le camp de l’arbitre qui doit intégrer sa fonction juridictionnelle et
ce que cela implique.
Enfin pour clore la matinée de cette deuxième journée, Me Gérard RAMANGAHARIVONY,
juriste du CAMM, a présenté La charte confiance du CAMM : son contexte, maintien de la
paix sociale et accroissement du business et les motifs de l’adoption de cette charte, preuve
d’un engagement moral et souhait d’une initiative préventive.
Les différentes interventions ont souligné le fait que les arbitres deviennent un outil de la lutte
contre la corruption. En l’occurrence, les questions relatives à l’éthique, à la déontologie et à
la corruption dans l’arbitrage deviennent pertinentes du fait des abus observés dans la
pratique arbitrale.
L’après-midi était consacré au droit des investissements et l’arbitrage. La séquence était
présidée par le Professeur RAMAROLANTO RATIARAY de l’Université d’Antananarivo,
arbitre du CAMM.
Me Hery RANJEVA a ouvert les travaux avec son exposé sur l’Etat dans l’arbitrage
d’investissement. Selon lui, l’arbitrage d’investissement conçu comme un moyen pour l’Etat
d’attirer les investisseurs est devenu un « monstre » qui s’est retourné contre lui. Il fait
plusieurs constats relatifs à la faiblesse de l’Etat : les traités signés sont toujours en défaveur
de l’Etat, les arbitres font parfois une mauvaise interprétation des traités d’investissement
(exemple de la Clause de la Nation la plus favorisée) ; le « treaty shopping », les délais trop
courts pour un Etat forcément administratif, les demandes reconventionnelles quasiment
impossibles pour l’Etat et le fait que celui-ci est rarement demandeur, sont autant de
symptômes de la faiblesse de l’Etat dans l’arbitrage d’investissement.
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Me Joachim KUCKENBURG a poursuivi avec un rapport sur l’évaluation d’un préjudice
imputable à un Etat ou à une personne morale de droit public. Il a mis en exergue le fait
que l’Etat doit assurer la réparation intégrale du préjudice, car il voit sa responsabilité
contractuelle engagée à travers le droit international public. L’auteur estime néanmoins que
les arbitres doivent prendre en considération la qualité de personne morale de droit public de
l’Etat et ajuster l’évaluation du quantum de l’indemnisation à lui imputable.
Ces deux interventions ont soulevé un débat sur, d’une part, la nature d’un État et les
difficultés que cela implique dans sa participation dans l’arbitrage et, d’autre part, l’égalité des
parties devant l’arbitrage, principe fondamental, qui ne saurait connaître d’aménagement
quand bien même, il s’agirait d’un arbitrage impliquant un État.
Il est à noter que ces questions sont de plus en plus débattues depuis l’affaire de l’abandon
du nucléaire par l’Allemagne et des traités transatlantiques sur les investissements. En
effet, les pays en développement connaissent très bien la problématique du déséquilibre entre
les Etats et les multinationales dont les solutions préconisées tiennent compte de la légalité
(l’intérêt général) de la mesure pouvant porter préjudice à l’investisseur et du principe de nondiscrimination dans son application.
Enfin, pour clore la deuxième journée, M. Raphael JAKOBA a parlé de l’arbitrage et la
sécurisation juridique des investissements pour le droit malgache.
Le rapporteur a mis en avant l’existence, en droit malgache, d’un arsenal juridique complet et
incitatif, mis en place, pour favoriser les investissements, notamment un bon dispositif
législatif complet sur l’arbitrage, d’une loi sur les investissements et d’un outil institutionnel :
l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM), un dispositif complet et moderne qui
n’atteint néanmoins pas son objectif d’attraction des investissements du fait d’un climat
d’investissement délétère et d’une pratique déviante.
S’il est ressorti du débat qu’un environnement juridique sécurisant ne suffit pas à attirer les
investisseurs (les critères économiques sont les plus décisifs), il est indéniable qu’un
environnement insécurisant n’attire pas les investissements ou, pire, n’attire que des
investissements douteux qui ne profitent pas à l’ensemble du pays, mais juste à une minorité
corrompue ne respectant pas les lois ; ces investissements, peuvent, dans certains cas,
devenir source d’insécurité et d’instabilité juridiques.
Parallèlement, l’arbitrage ne peut suffire comme solution alternative à un climat délétère. Si
l’efficacité d’un arbitrage interne dépend beaucoup de l’efficacité et de l’indépendance des
juridictions d’appui, en matière internationale, cette efficacité est confortée à l’universalité de
la Convention de New-York de 1958 et de la disponibilité des biens des Etats hors de leurs
territoires. Ceci pour dire que souvent les investissements étrangers sont davantage protégés
que les investissements nationaux.
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Lors de la troisième et dernière matinée, la séquence réservée à l’arbitrage OHADA a été
présidée par M. Olivier RIBOT du cabinet LEXEL juridique et fiscal. Il a commencé par une
présentation générale du système OHADA dont la structure unificatrice est un exemple pour
beaucoup de régions du monde.
Me Marie Andrée NGWE a, par la suite, exposé sur la pratique des arbitrages OHADA,
selon l’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage et devant la Cour commune de Justice et
d’arbitrage. L’intervenante a tout d’abord informé l’audience que l'arbitrage de droit
commun est régi par l'Acte Uniforme relatif à l'arbitrage, véritable loi de procédure harmonisée
applicable dans les 17 Etats membres de l'OHADA, aux côtés de l'arbitrage CCJA dont il est
complémentaire. Elle a ensuite démontré que l’arbitrage CCJA est parfaitement adapté au
règlement des différends relatifs aux investissements. Il suffit pour cela que l’Etat en cause,
partie au Traité OHADA, ait, d’un côté, manifesté son consentement à recourir à l’arbitrage
CCJA comme mode de règlement des différends relatifs aux investissements réalisés sur son
territoire et, de l’autre côté, que le litige présente un lien de rattachement avec l’espace
OHADA. Deux constats ont été mis en exergue, à savoir : que l’arbitrage OHADA essaye de
trouver un terrain d’entente entre les centres nationaux d’arbitrage et la CCJA, et que
l’exequatur devant la CCJA donne force exécutoire à une sentence dans tous les pays
membres de l’OHADA, pour tout arbitrage se déroulant dans l’espace OHADA.
Le Professeur Alisaona RAHARINARIVONIRINA, a clos la matinée avec sa Synthèse des
positions malgaches relatives à l’OHADA. Pour lui il faut plutôt se poser la question
suivante : Est-ce que Madagascar doit adhérer à l’OHADA ? Il rejoint ainsi la position de M.
Raphael JAKOBA, pour qui, la législation malgache sur l’arbitrage est considérée comme
complète. Mais cependant, il faut également un point de vue non plus législatif mais utilitariste
et politique. Les obstacles face à l’arbitrage à Madagascar sont : la préférence du judiciaire et
la mauvaise foi des acteurs de l’arbitrage (constitution du tribunal, l’abus d’utilisation des
mesures conservatoires, blocage de la procédure arbitrale). Il conseille donc d’essayer de
corriger le réflexe malgache de toujours aller vers le judiciaire à chaque litige en montrant que
l’arbitrage peut être attractif et que les institutions comme le CAMM doivent former leurs
propres « clientèles » (Cf. la Charte confiance du CAMM).
Ces interventions ont suscité un vif débat au sujet d’une éventuelle adhésion malgache au
Traité OHADA. D’une part, plusieurs participants estiment qu’il s’agit d’une opportunité
permettant d’assainir la pratique malgache, de bénéficier de la doctrine et d’une communauté
large de réflexion qu’apporte l’Organisation, et d’attirer les investisseurs qui auraient ainsi un
droit qui leur est familier. À l’inverse, d’autres participants avancent que ce n’est pas à travers
l’adhésion qu’on devrait assainir le milieu judiciaire malgache et que l’intégration serait une
atteinte à la souveraineté du pays qui s’allierait à d’autres pays qui seraient trop éloignés de
Madagascar culturellement et géographiquement.
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Il en est néanmoins ressorti que l’adhésion à l’OHADA est un gage de sécurité juridique,
d’accès à l’information et à la simplicité.
Le Colloque a été clôturé par un atelier sur l’avenir de l’arbitrage international dans la
région. Présidé par M. Eric MAGAMOOTOO, membre fondateur du Centre de Médiation et
d’Arbitrage de la Réunion (CMA), ancien Président de la CCI Réunion. L’atelier a permis de
chercher les voies de développement de l’arbitrage. Plusieurs pistes été étudiées telles que la
mise en commun des forces des centres d’arbitrage, notamment dans la Plateforme
coopérative de règlement de litiges Business Bridge OI, passant par la création de listes
communes, des formations communes, de conception commune de nouveaux outils, mais
également le renforcement de la confiance des utilisateurs à l’endroit des centres locaux à
travers un marketing plus affirmé.
Par la suite, M. Jaona RAVALOSON, Directeur général délégué de l’Agence Mde
Développement Economique et de Promotion des Entreprises (AMDP), Arbitre du CAMM,
Représentant du Forum Francophone des affaires (FFA), après avoir présenté ce
regroupement du milieu d’affaires francophone, a soumis la demande du Conseil
d’administration du FFA de création d’un centre international francophone d’arbitrage.
Dans leurs propos conclusifs, M. Lalaina CHUK HEN SHUN et M. Johary RAVALOSON,
coordonnateur du Colloque, ont partagé leurs notes de synthèse.
Quatre résolutions ont été retenues :
 La reprise de la suite du Colloque l’année prochaine par le CMA Réunion dans le cadre
d’une coopération Business Bridge OI.
 Une réflexion à mener au sein de Business Bridge OI pour étudier la perspective d’une
harmonisation des Règlements des Centres de la Région avec celui de l’OHADA.
 Des séances de formations et d’informations à dispenser aux TPE et PME. Les Centres
locaux d’arbitrage ainsi que Business Bridge OI sont à la disposition des chambres
consulaires pour organiser ces séances.
 Accueil de la demande du Forum Francophone des Affaires et proposition d’une étude
par le CAMM de l’opportunité de mise en place d’une Plateforme internationale et
francophone de règlement de litiges. Les prémisses seront présentées au XVIème
Sommet de la Francophonie, en novembre à Antananarivo. Une validation sera
demandée au niveau de la Commission Permanente des Chambres Consulaires Afrique
Francophone (CPCCAF) à la conférence d’Antananarivo de décembre 2016.
Mme Noro ANDRIAMAMONJIARISON, Présidente de la CCIA et du CAMM, a enfin honoré
l’audience de son discours de clôture.
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