Université Claude Bernard - Lyon 1 Semestre d’automne 2012-2013 Math III - PMI Durée : 1 heure et 30 minutes Partie CCP - Devoir numéro 1 Le candidat attachera la plus grande importance à la clarté, à la précision et à la concision de la rédaction. Si un candidat est amené à repérer ce qui peut lui sembler être une erreur d’énoncé, il le signalera sur sa copie et devra poursuivre sa composition en expliquant les raisons des initiatives qu’il a été amené à prendre. Dans toutes les questions, il sera tenu le plus grand compte de la rigueur de la rédaction ; toute réponse insuffisamment justifiée sera considérée comme nulle. Dans tout le problème, on fixe un nombre entier n ∈ N∗ et un nombre réel α. Notations : • si p et q sont deux nombres entiers naturels p ≤ q, alors on désigne par Jp, qK l’ensemble des nombres entiers naturels k tels que p ≤ k ≤ q, • si k ∈ N, alors on note Ck [X] l’ensemble des polynômes de degré au plus k à coefficients complexes. Partie 1 : un ensemble de matrices λ 1 0 On note J l’ensemble de toutes les matrices du type Jλ = 0 λ 1 lorsque λ décrit C∗ . On note également I 0 0 λ la matrice diagonale d’ordre 3 dont les éléments diagonaux sont tous égaux à 1. 1. L’ensemble J est-il un sous-espace vectoriel de M3 (C) ? 2. On note N la matrice J0 . Calculer N p pour tout p ∈ N. En déduire que, pour λ ∈ C∗ , il existe trois suites complexes (up )p , (vp )p et (wp )p dont on exprimera le terme général à l’aide de λ telles que : ∀p ∈ N, (Jλ )p = up · I + vp · N + wp · N 2 . p X 1 (Jλ )k . k! k=0 Montrer qu’il existe une suite complexe (xp )p≥0 que l’on explicitera, telle que pour tout entier p ≥ 2, on 3. Soit λ ∈ C∗ . On pose, pour tout p ∈ N, Sp = ait : 1 Sp = xp · I + xp−1 · N + xp−2 · N 2 . 2 p X zk 4. On admettra le résultat suivant : si z ∈ C∗ alors lim = ez . p→+∞ k! k=0 Pour p ∈ N, on note ai,j (p) le coefficient de Sp situé sur la ligne i et sur la colonne j (avec (i, j) ∈ {1, 2, 3}2 ). Déterminer la matrice S dont le coefficient général ai,j est égal à : ai,j = lim ai,j (p). p→+∞ Partie 2 : étude d’une application linéaire On note E l’ensemble de toutes les applications définies sur R à valeurs dans C. On rappelle que E est un C-espace vectoriel pour les lois suivantes : si f et g sont deux telles applications et λ un nombre complexe, alors f + g et λf sont définies comme suit : ∀x ∈ R, (f + g)(x) = f (x) + g(x) et (λf )(x) = λf (x). On note d’autre part [0] l’application nulle de R dans C, à savoir [0] : x ∈ R 7−→ 0. 1 5. Pour f ∈ E, on appelle g l’application définie par : ∀x ∈ R, g(x) = f (x + 2π). Montrer avec soin que l’application ϕ : f 7−→ ϕ(f ) = g est un endomorphisme de E. Pour k ∈ N, on désigne par Ek le sous-ensemble de E constitué des applications du type : x 7−→ P (x) · eiαx avec P ∈ Ck [X]. 6. (a) Montrer que En est le sous-espace vectoriel de E engendré par la famille F = (fk )0≤k≤n où l’on a noté : fk : x 7−→ xk eiαx ∀k ∈ J0, nK. Montrer alors que F est une base de En . (b) Exprimer simplement En+1 à l’aide de En et de la droite vectorielle {λfn+1 | λ ∈ C}. 7. (a) Soit k ∈ J0, nK. Écrire ϕ(fk ) comme une combinaison linéaire des éléments de F. (b) En déduire que ϕ(En ) ⊂ En . 8. On désigne par m l’endomorphisme de En défini par : pour f ∈ En , m(f ) = ϕ(f ). On note M la matrice de m relativement à la base F. Montrer que M est une matrice triangulaire supérieure (d’ordre n + 1) que l’on précisera (on pourra faire figurer dans cette matrice uniquement les coefficients nuls, les coefficients diagonaux, ainsi que ceux situés juste au-dessus de la diagonale). 9. Calculer, pour p ∈ N, le déterminant de l’endomorphisme mp . Partie 3 : changement de base On reprend toutes les notations de la partie précédente. On note Id l’application identité de En , à savoir Id : f 7−→ f . On considère un nouvel endomorphisme : l = m − (e2iπα ) Id. 10. (a) Vérifier que l(f0 ) est l’application nulle [0]. (b) Soit k ∈ J0, n − 1K. Montrer que l(fk+1 ) est un élément de Ek et que sa composante selon fk vaut : 2(k + 1)πe2iπα . (c) En déduire que pour tout k ∈ J0, nK, Ek ⊂ Ker(lk+1 ). (d) Établir la propriété suivante : ∀k ∈ J0, nK, lk (fk ) = (k!(2π)k e2ikπα )f0 . (e) En déduire que ln (fn ) 6= [0] et ln+1 (fn ) = [0]. 11. Montrer que B = (ln (fn ), ln−1 (fn ), . . . , l(fn ), fn ) est une base de En . 12. Déterminer la matrice de l relativement à la base B. 13. En déduire la matrice de m dans la base B. Dans la suite, on notera M 0 cette matrice. 14. On note Jn+1 l’ensemble des matrices carrées A = (ai,j )(i,j)∈J1,n+1K2 à coefficients complexes vérifiant les quatre conditions suivantes : • a1,1 est de module 1, • ∀(i, j) ∈ J1, n + 1K2 , ai,i = aj,j , • ∀i ∈ J1, nK, ai,i+1 = 1, • ∀(i, j) ∈ J1, n + 1K2 , (j − i ∈ / {0, 1} ⇔ ai,j = 0). Montrer que l’application qui à un nombre réel α associe la matrice M 0 est une surjection de R dans Jn+1 . 2 Correction du Devoir Surveillé 1 - partie CCP Partie 1 - un ensemble de matrices 1. La matrice nulle, élément neutre de l’addition des matrices, n’appartient pas à J, donc J n’est pas un sous-espace vectoriel de M3 (C). 0 1 0 0 0 2. On a N 0 = I, N 1 = 0 0 1, N 2 = 0 0 0 0 0 0 0 Soit λ ∈ C∗ , on a Jλ = λI + N . Puisque I et 1 0, et pour p ≥ 3, N p est la matrice nulle (notée 0M3 (C) ). 0 N commutent, on peut utiliser la formule du binôme de Newton, on obtient donc : ∀p ∈ N, p p (Jλ ) = (λI + N ) = p X p k=0 k (λI)p−k N k . p(p − 1) p−2 2 λ N . De plus, pour p = 0, le membre de droite 2 de l’égalité précédente vaut I = (Jλ )0 , et pour p = 1, le membre de droite vaut λI + N = Jλ . En conclusion, p(p − 1) p−2 λ . pour tout p ∈ N, on a (Jλ )p = up I + vp N + wp N 2 , avec up = λp , vp = pλp−1 et wp = 2 3. On pose pour tout p ∈ N, ! ! ! p p p p p X X X X X 1 1 1 1 1 k 2 (Jλ ) = (uk I + vk N + wk N ) = uk I + vk N + wk N 2 Sp = k! k! k! k! k! k=0 k=0 k=0 k=0 k=0 ! ! ! p p p X 1 X 1 k(k − 1) X 1 λk I + kλk−1 N + λk−2 N 2 = k! k! k! 2 k=0 k=0 k=0 ! ! ! p p p X X 1 k k k−1 1 X k(k − 1) k−2 = λ I+ λ N+ λ N2 k! k! 2 k! k=0 k=1 k=2 ! ! ! p p p X X 1 k 1 1 X 1 k−1 k−2 = λ I+ λ N+ λ N2 k! (k − 1)! 2 (k − 2)! k=0 k=1 k=2 ! ! ! p−1 p−2 p k k k Xλ Xλ 1 Xλ = I+ N+ N2 k! k! 2 k! D’où pour tout p ≥ 2, (Jλ )p = λp I + pλp−1 N + k=0 k=0 k=0 1 On obtient donc, pour tout p ≥ 2, Sp = xp I + xp−1 N + xp−2 N 2 , où la suite (xp )p est définie pour tout 2 p X λk p ∈ N par xp = . k! k=0 xp xp−1 12 xp−2 xp xp−1 . 4. Pour tout p ∈ N, on a Sp = 0 0 0 xp Puisque la suite (xp )p converge vers eλ , on a lim xp = eλ = lim xp−1 = lim xp−2 , donc p→+∞ λ e S =0 0 eλ eλ 0 p→+∞ 1 1 1 2e eλ = eλ 0 1 0 0 eλ λ p→+∞ 1 2 1 . 1 Partie 2 - étude d’une application linéaire 5. Soit f ∈ E et g : x ∈ R 7−→ f (x + 2π). On note ϕ : f ∈ E 7−→ g. Puisque f est définie sur R à valeurs complexes, g est aussi définie sur R à valeurs dans C. Ainsi, ϕ est une application de E dans E. Il reste à 3 montrer que ϕ est linéaire. Soient (f1 , f2 ) ∈ E 2 et λ ∈ C. Pour tout x ∈ R, on a ϕ(λf1 + f2 )(x) = (λf1 + f2 )(x + 2π) = λf1 (x + 2π) + f2 (x + 2π) = (λϕ(f1 ) + ϕ(f2 ))(x). Ainsi ϕ(λf1 + f2 ) = λϕ(f1 ) + ϕ(f2 ), donc ϕ est un endomorphisme de E. 6. (a) Puisque (1, X, X 2 , . . . , X n ) est une base de Cn [X], pour tout P ∈ Cn [X], il existe (a0 , . . . , an ) ∈ Cn+1 n X tel que P = ak X k . Par conséquent, on a k=0 f ∈ En ⇐⇒ ∃P ∈ Ck [X], ∀x ∈ R, f (x) = P (x)eiαx ⇐⇒ ∃(a0 , . . . , an ) ∈ Cn+1 , ∀x ∈ R, f (x) = (a0 + a1 x + · · · + an xn )eiαx n X ∃(a0 , . . . , an ) ∈ Cn+1 , f = a k fk . ⇐⇒ k=0 On obtient donc En = Vect(f0 , . . . , fn ). Montrons que la famille (fk )0≤k≤n est libre. Soit (µ0 , . . . , µn ) ∈ Cn+1 tel que µ0 f0 + · · · + µn fn = [0]. Alors pour tout x ∈ R, on a (µ0 + µ1 x + · · · + µn xn )eiαx = 0. Comme eiαx 6= 0 pour tout x ∈ R, on obtient µ0 + µ1 x + · · · + µn xn = 0. Ainsi, le polynôme µ0 + µ1 X + · · · + µn X n ∈ Cn [X] possède une infinité de racines, c’est donc le polynôme nul. Par conséquent, ∀0 ≤ k ≤ n, on a µk = 0, donc la famille (fk )0≤k≤n est libre. C’est une famille libre et génératrice de En , donc c’est une base de En . (On en déduit au passage la dimension de En : dim(En ) = n + 1.) (b) On a En+1 = Vect(f0 , . . . , fn , fn+1 ) = Vect(f0 , . . . , fn ) + Vect(fn+1 ) = En + {λfn+1 | λ ∈ C}. k X k k iα(x+2π) (2π)k−p xp e2iπα eiαx 7. (a) Soit k ∈ J0, nK. Soit x ∈ R. On a ϕ(fk )(x) = fk (x+2π) = (x+2π) e = p p=0 k X k donc ϕ(fk ) = (2π)k−p e2iπα fp est une combinaison linéaire d’éléments de F. p p=0 (b) Soit f ∈ En . Alors il existe (a0 , . . . , an ) ∈ Cn+1 tel que f = a0 f0 + · · · + an fn . Par linéarité de n X ϕ, on obtient donc ϕ(f ) = ak ϕ(fk ). Or d’après la question précédente, pour tout 0 ≤ k ≤ n, k=0 fk appartient à En . Puisque En est un espace vectoriel, il est stable par combinaison linéaire, donc finalement ϕ(f ) ∈ En . Ainsi, on a bien ϕ(En ) ⊂ En . 8. Soit m ∈ L(En ) défini par m : f ∈ En 7−→ ϕ(f ). On remarque que m n’est rien d’autre que la restriction de ϕ à En . D’après la question 7.a, on a ϕ(f0 ) = e2iπα f0 et pour k ∈ J1, nK, ϕ(fk ) = e2iπα fk +2kπe2iπα fk−1 +hk où hk ∈ Vect((fp )0≤p≤k−1 ). La matrice de m dans la base F est donc la matrice d’ordre n + 1 suivante : 1 2π ? · · · · · · ? .. .. 0 1 4π . . .. .. . 0 0 1 6π . . M = e2iπα . . . . .. .. .. .. ? . .. 0 1 2nπ 0 ··· ··· ··· 0 1 9. On a det(mp ) = (det m)p . Or det m = det M = e2iπ(n+1)α comme produit des termes diagonaux d’une matrice triangulaire supérieure d’ordre (n + 1). Ainsi, det(mp ) = e2iπ(n+1)pα . Partie 3 - changement de base 10. On note l = m − (e2iπα ) Id. 4 (a) On a vu que m(f0 ) = e2iπα f0 , donc (m − e2iπα Id)(f0 ) = [0], ainsi on a bien l(f0 ) = [0]. (b) Soit k ∈ J0, n − 1K. On a vu que m(fk+1 ) = e2iπα fk+1 + 2(k + 1)πe2iπα fk + hk−1 avec hk−1 ∈ Vect((fp )0≤p<k ). Par suite, l(fk+1 ) = 2(k + 1)πe2iπα fk + hk−1 . Ainsi, l(fk+1 ) ∈ Ek et sa composante selon fk est 2(k + 1)πe2iπα . (c) On a démontré que Ek+1 = Vect(fk+1 ) + Ek . Comme l(fk+1 )) ∈ Ek et l(Ek ) ⊂ Ek (puisque l est un endomorphisme de Ek ), par linéarité de l, on en déduit que ∀k ∈ J0, n − 1K, l(Ek+1 ) ⊂ Ek . Démon- trons par récurrence (finie) sur k que lk+1 (Ek ) = {[0]}. Pour k ∈ J0, nK, notons H(k) la proposition “lk+1 (Ek ) = {[0]}00 . • On a E0 = Vect(f0 ) et l(f0 ) = [0] d’où l(E0 ) = {[0]}. La proposition H(0) est donc vraie. • Supposons H(k) vraie pour un entier k fixé dans J0, n − 1K. Alors (lk+2 (Ek+1 ) = lk+1 (l(Ek+1 )) ⊂ lk+1 (Ek ) = {[0]}. La propriété H(k + 1) est donc vraie, d’où le résultat voulu d’après le principe de récurrence. (d) On procède encore une fois par récurrence. Pour k ∈ J0, nK, notons P (k) la proposition “lk (fk ) = k!(2π)k e2ikπα f0 ”. • On a l0 (f0 ) = f0 et 0!(2π)0 e0 f0 = f0 donc P (0) est vraie. • Supposons P (k) vraie pour une entier k ∈ J0, n − 1K fixé. Avec les notations précédentes, on a l(fk+1 ) = (2(k + 1)πe2iπα )fk + hk−1 d’où par linéarité de lk , lk+1 (fk+1 ) = (2(k + 1)πe2iπα )lk (fk ) + lk (hk−1 ) = (2(k + 1)πe2iπα )(k!(2π)k e2ikπα )f0 + [0] = (k + 1)!(2π)k+1 e2i(k+1)πα f0 . Donc P (k + 1) est vraie. Ainsi d’après le principe de récurrence, P (k) est vraie pour tout k ∈ J0, nK. (e) On calcule ln (fn )(0) = n!(2π)n e2inπα 6= 0 donc ln (fn ) n’est pas l’application nulle. De plus, toujours par linéarité de l, ln+1 (fn ) = (n!(2π)n e2inπα )l(f0 ) = [0]. 11. Notons B = (ln (fn ), . . . , l(fn ), fn ). Comme dim(En ) = n+1 et que la famille B possède n+1 éléments de En , il suffit de démontrer que la famille est libre pour prouver que c’est une base de En . Soit (µ0 , . . . , µn ) ∈ Cn+1 tel que µ0 fn + µ1 l(fn ) + · · · + µn ln (fn ) = [0] (?). On applique ln à (?), et on obtient µ0 ln (fn ) = [0]. Puisque ln (fn ) 6= [0], on en conclut donc µ0 = 0. On réitère l’opération et on montre par récurrence immédiate que pour tout k ∈ J0, nK, µk = 0. Ainsi la famille B est libre, donc c’est une base de En . 12. Pour tout k ∈ J0, n − 1K, l(lk (fn )) = lk+1 (fn ) et l(ln (fn )) = [0], donc la matrice de l dans la base B est 0 1 0 ... ... 0 .. 0 0 1 0 . .. . . . .. .. . . ... . . . .. .. .. . . 0 . .. 0 1 0 0 ... ... 0 0 13. Par construction, m = l + e2iπα Id donc la matrice de m dans 2iπα e 1 0 e2iπα .. . M 0 = MatB (l) + e2iπα In = . .. . .. 0 0 5 la base B, notée M 0 , est 0 ... ... 0 .. 1 0 . .. .. .. .. . . . . . .. .. . . 0 2iπα e 1 ... ... 0 e2iπα λ 1 0 λ .. . 14. Jn+1 est l’ensemble des matrices de la forme Jλ = . .. . .. 0 0 0 matrice M trouvée précédemment appartient à Jn+1 . Ainsi, 0 .. 1 0 . .. .. .. .. . . . . avec λ de module 1. La .. .. . . 0 λ 1 ... ... 0 λ l’application u : α ∈ R 7−→ M 0 est bien à 1 valeurs dans Jn+1 . Soit λ ∈ C de module 1. Notons Arg(λ) un argument de λ et posons αλ = Arg(λ). 2π 2iπαλ Alors λ = e donc Jλ = u(αλ ), ce qui montre la surjectivité voulue. 6 0 ... ...