Urologie Sommaire • Les cancers : en augmentation avec l’âge • L’insuffisance rénale : de la dialyse à la greffe • L’AFIDTN : une association pivot pour les infirmières de dialyse L’appareil urinaire • Transplantation de rein : beaucoup d’appelés, peu de greffés • Incontinence urinaire de la femme : étapes et mode de vie • Infections nosocomiales urinaires : mauvais chiffres pour les sondages • L’autosondage intermittent : simple mais protocole rigoureux • Congrès ATC : les greffes au cœur des débats Le système uronéphrologique comporte les reins, les uretères, la vessie et l’urètre. C’est un système ouvert sur l’extérieur, comme le système digestif ou respiratoire mais, contrairement à ces deux systèmes, il ne participe pas aux fonctions d’incorporation, c’est-à-dire à un apport extérieur quelconque tel celui des aliments ou de l’air. une des fonctions principales de l’appareil urinaire est de “drainer les émonctoires” auL’ rait pu affirmer Molière en son temps. De nos jours, on parlerait plus couramment d’éliminer les toxines. Le maintien de la balance hydroélectrolytique, avec la régulation de l’équilibre acidobasique, est la fonction essentielle du rein. Le rôle chimique important s’exerce dans le maintien de l’hydratation du corps et d’un pH sanguin corrects, dans la régulation catabolique, dans l’hématopoïèse (la synthèse d’EPO stimule la moelle osseuse productrice des hématies). Le rein contribue à l’excrétion des déchets azotés résultant du catabolisme interne, mais aussi des substances exogènes comme les métabolites des médicaments et des hormones. Au niveau du rein, la vitamine D est synthétisée sous sa forme active, contrôlant le métabolisme phosphocalcique. Le rein a aussi une fonction régulatrice de la pression artérielle, grâce à la synthèse de la rénine et à la régulation volumétrique liquidienne. Quand les reins fonctionnent mal, une ou plu- Composition normale de l’urine A 96 %, l’urine est formée d’eau et, à 4 %, de matières solides. Parmi celles-ci, les déchets azotés, dont l’urée, l’acide urique, la créatinine mais aussi les Na, K, Ca, Mg, P, So4, et les nitrates, Cl, HCO3. Elle contient les acides organiques, l’ammoniac et ses sels, et les métabolites de médicaments. sieurs de ces fonctions sont perturbées, avec des conséquences sur le cœur (HTA, insuffisance cardiaque), sur l’équilibre acidobasique, sur le métabolisme calcique. Et dans ce cas, le mauvais fonctionnement de la filtration rénale résulte d’une atteinte de son parenchyme qui cause une insuffisance rénale. Si un calcul bloque l’écoulement de l’urine, c’est une lithiase urinaire et sa conséquence douloureuse : la colique néphrétique, avec les risques d’atteinte rénale, voire d’infection. En aval, la vessie sert de réceptacle aux urines, et de sa contraction musculaire naît la miction, laquelle dépend, chez l’homme, de la pression de la prostate. Cette glande exocrine constitue un véritable plancher vésical en même temps qu’un défilé pour l’urètre. Quand elle s’hypertrophie, la vessie se bloque, l’urètre se trouve comprimé, situation qui peut aboutir à une véritable rétention aiguë d’urine. Comme glande, elle joue un rôle essentiel, avec les vésicules séminales, dans la fertilisation. Leur sécrétion sert à véhiculer, nourrir et donner ainsi un maximum de chances de survie aux spermatozoïdes produits par les testicules. La prostate joue également un rôle important dans l’éjaculation, notamment dans sa première phase, ou phase d’émission grâce à sa musculature lisse. Atteinte de l’appareil urinaire L’ensemble de l’appareil urinaire peut être infecté au niveau : – des reins (il s’agit alors d’une pyélonéphrite) ; Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002 ●●● 21 Urologie ●●● – de la vessie (cystite) ; – de l’urètre (urétrite, surtout en cas de MST) ; – de la prostate (prostatite). Chaque niveau peut être aussi le siège d’une atteinte tumorale bénigne ou maligne. Des symptômes spécifiques guident vers la sphère urinaire : une hématurie (sang dans les urines), une pyurie (présence de pus), une dysurie (difficultés ou douleurs à la miction), une anurie (arrêt de la production d’urine) ou encore une pollakiurie (émission fréquente d’urine). Une douleur de la région lombaire doit être également considérée comme suspecte. D’autres symptômes ne sont guère spécifiques mais doivent alerter : une fièvre, une asthénie, un amaigrissement inexpliqués. Une affection urinaire peut être découverte quelquefois lors d’un examen fortuit, alors qu’il y a une absence totale de signes d’appel. Il ne faut jamais oublier qu’une douleur osseuse vertébrale, par exemple, peut révéler une métastase d’une néo- plasie du rein ou de la prostate. Cependant, l’exploration clinique est moins efficiente que l’emploi d’examens complémentaires. Détecter une infection urinaire basse est aisé grâce aux bandelettes réactives ou à un ECBU. Des marqueurs prostatiques (PSA) aident à diagnostiquer, et surtout à suivre l’évolution des cancers prostatiques. L’imagerie médicale a fait de réels progrès avec l’échographie et le scanner spiralé qui permettent de diagnostiquer nombre d’affections. Tout diagnostic se doit d’être précoce devant l’efficacité grandissante des traitements médico-chirurgicaux qui permettent de guérir de plus en plus de cancers urologiques. Quant à la lithotripsie (opération consistant à broyer les calculs à l’aide d’un lithotripteur permettant ainsi l’évacuation des fragments par l’urètre), elle évite nombre d’opérations chirurgicales inévitables auparavant. Jacques Bidard Les cancers En augmentation avec l’âge Parmi les affections de l’appareil néphro-urinaire, les cancers sont fréquents, surtout chez l’homme. Leur pronostic dépend souvent de la précocité du diagnostic. Or, bien souvent, ils sont asymptomatiques. Le cancer de la prostate C’est le plus fréquent des cancers de l’homme, avec 9 000 nouveaux cas déclarés annuellement. Son incidence est de 15 à 20/100 000 personnes. C’est aussi la deuxième cause de décès après le cancer du poumon. Parmi les facteurs de risque, on retrouve la notion de familles à risque et une incidence liée à l’âge, avec une nette augmentation après 50 ans. Une fréquence plus faible a été observée chez les Asiatiques, mais elle est plus élevée chez les Noirs américains. Malheureusement, le cancer de la prostate est souvent diagnostiqué à un stade métastatique (30 à 40 % des cas) à cause d’une absence de signes précoces révélateurs. En effet, dysurie et pollakiurie ne sont pas spécifiques, et la rétention aiguë d’urine ou l’hémospermie sont bien trop tardives. Ce sont les douleurs osseuses et les tassements vertébraux qui, souvent, fournissent l’occasion de le découvrir. Le traitement actuel repose sur le bilan anatomopathologique résultant des biopsies, plus gé22 néralement de l’état du malade. Dans les formes limitées, le recours à la chirurgie (même cœliochirurgie) est possible, de même que l’emploi d’ultrasons localisés au niveau du rectum, de la curiethérapie sous forme d’aiguilles ou de grains radioactifs implantés. Dans les formes étendues ou compliquées, les traitements anti-androgènes sont les plus efficaces. Le taux de PSA Le prostate specific antigen (PSA) est un marqueur de la prostate. Pratiqué à distance d’un examen prostatique ou toucher rectal, il doit guider une biopsie si son taux est supérieur à 10 ng/ml. Entre 4 et 10 ng/ml seront pris en considération l’âge du patient et le volume de la glande. Dans ce cas, le rapport PSA libre/PSA total est étudié : > 20 %, il permet d’écarter un cancer ; < 20 %, il doit entraîner la réalisation de biopsies. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002 Tumeurs de la vessie Avec une fréquence qui augmente (3 % des tumeurs malignes de l’adulte) et une mortalité qui diminue les tumeurs de la vessie sont les plus fréquentes des tumeurs des voies excrétrices urinaires. De plus, elles ont une fâcheuse tendance à récidiver et à devenir infiltrantes. Toute irritation de l’urothélium est susceptible de provoquer une tumeur vésicale et, au premier rang des responsables, se trouve encore le tabac (plus d’un cancer sur deux en est la conséquence). En dehors du tabac, les facteurs de risque de tumeurs vésicales sont la bilharziose, l’exposition aux sels d’arsenic, au caoutchouc, aux hydrocarbures, à l’aluminium, aux amines aromatiques. Le traitement, en dehors de l’exérèse toujours lourde de conséquences psychologiques, comprend la radiothérapie, la chimiothérapie, voire le cumul des deux. core, ce sont un syndrome paranéoplasique ou une localisation métastatique qui révèlent la tumeur. D’où l’importance de l’échographie, puis du scanner ou de l’IRM diagnostiques ou d’éléments de bilan d’extension. Une extension tumorale existe dans moins de 5 % des tumeurs de moins de 3 cm mais dans 85 % de celles de plus de 10 cm. Le traitement de la tumeur rénale repose sur son bilan anatomopathologique, sa taille et la détermination de son extension. Petite, la tumeur sera traitée par néphrectomie (chirurgie désormais possible sous cœliochirurgie) mais, en cas de métastases, l’immunothérapie et la chimiothérapie seront utilisées. Toute hématurie (hors la présence évidente et avérée d’une infection urinaire) doit faire rechercher une tumeur du rein ; toute tumeur solide du rein est à considérer, jusqu’à preuve du contraire, comme un cancer du rein. Tumeurs du rein Au troisième rang des cancers urologiques, le cancer du rein représente 3 % de l’ensemble des tumeurs malignes de l’adulte. Avec, cependant, une incidence qui ne cesse d’augmenter. Dans 40 % des cas, sa découverte (échographique principalement) est fortuite. Cependant, une hématurie peut être un signe révélateur. Ses facteurs de risque sont principalement la dysplasie multikystique acquise de l’hémodialysé, mais aussi la transplantation rénale. Des familles à risque existent également (atteintes par la maladie de von Hippel-Lindau, les phacomatoses). L’obésité, l’hypertension artérielle, le tabac font partie également des facteurs de risque. Professionnellement, les travaux sidérurgiques, l’exposition aux solvants, à l’amiante et aux produits pétroliers est à prendre en compte. Rarement, le diagnostic peut être établi sur la triade hématurie, douleur lombaire et masse perçue dans la même région. Trop souvent en- Cancer du testicule Première cause de mortalité par cancer des moins de 25 ans, le cancer du testicule diagnostiqué suffisamment tôt a maintenant un taux de guérison avoisinant les 90 %. Un seul facteur de risque est connu : la cryptorchidie, qui augmente le risque d’apparition de ce cancer de 5 à 10 fois. L’orchidopexie (chirurgie réparatrice avec descente du testicule dans les bourses) est donc le traitement préventif de référence à engager dès que possible. Un diagnostic, parfois tardif, car il y a peu de symptômes révélateurs, est marqué par une augmentation de volume d’un testicule ou de sa consistance, plus rarement des deux. Le traitement est fonction du type anatomopathologique, et il est essentiellement fondé sur la radiothérapie ou la chimiothérapie. La toxicité de ces traitements nécessite un prélèvement préalable de sperme pour une éventuelle fécondation ultérieure. J.B. Lithiase urinaire La colique néphrétique est la manifestation la plus évidente et la mieux connue des lithiases urinaires : c’est une douleur typiquement unilatérale, intense, de siège lombaire, à irradiation inguinale. S’y ajoutent des manifestations digestives, comme des nausées et des vomissements, pouvant réaliser un véritable syndrome subocclusif. Mais quelquefois moins évidente, la douleur peut se limiter à une gêne lombaire réalisant une lombalgie banale, voire à une douleur pelvienne ou costale. La colique néphrétique qui traduit une obstruction des voies urinaires par un calcul, peut s’accompagner d’une hématurie. L’exploration de base comprend un examen de l’abdomen, qui visualise le calcul, l’échographie permettant de détecter une éventuelle dilatation des cavités rénales. L’urographie intraveineuse (UIV) confirme la présence du calcul et sa situation. Elle détecte aussi d’autres anomalies urologiques éventuelles, morphologiques par exemple. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002 23 Urologie L’insuffisance rénale De la dialyse à la greffe En France, 40 000 patients sont atteints d’insuffisance rénale chronique terminale. Un seul rein peut suffire. Mais une atteinte du deuxième rein conduirait à une issue fatale. Pour vivre, ces patients ont besoin d’une méthode de suppléance de la fonction rénale, hémodialyse ou dialyse péritonéale, voire transplantation. insuffisance rénale peut survenir comme un événement aigu ou sous forme chronique. Dans le premier cas, elle est souvent réversible, dans le second, l’altération ou la perte de néphrons progressent de façon irréversible sur plusieurs mois ou plusieurs années. Les causes de l’insuffisance rénale aiguë sont classées en prérénales, rénales ou postrénales. Les causes de la réduction progressive de la fonction rénale conduisent à l’insuffisance rénale chronique. Ce sont principalement les anomalies rénales congénitales comme la polykystose rénale, © Alix/Phanie L’ l’hypertension artérielle, les infections chroniques, les glomérulonéphrites et les néphropathies diabétiques. Les effets de l’insuffisance rénale ne deviennent apparents que lorsque le débit de filtration glomérulaire est réduit de 75 %. Lorsque la production d’urine est faible, l’organisme ne peut excréter les déchets, et un effet toxique, l’urémie, se développe, d’où l’accumulation des déchets azotés et l’élévation du taux d’urée sanguine (> 2,5 à 6 mmol/1). Il se produit alors une altération de la balance électrolytique 26 et acidobasique, et les ions potassium et hydrogène sont retenus. L’excès de potassium entraîne une hyperkaliémie responsable de troubles du rythme cardiaque ; la rétention des ions hydrogène conduit à une acidose métabolique. La rétention d’eau et de sodium entraîne des œdèmes et une insuffisance cardiaque. De plus, le patient peut se plaindre de nausées et de vomissements, d’un hoquet par irritation du nerf phrénique, d’un prurit. Une dyspnée secondaire à l’anémie, la confusion, des crises convulsives, voire un coma, peuvent survenir. Quels traitements ? Le traitement de l’insuffisance rénale dépend de sa cause, de l’âge et de l’état du patient. Il faut traiter la cause quand c’est possible, et les symptômes quand ils sont gênants. La restriction hydrique est établie en fonction de la quantité d’urine émise en tenant compte de la balance de tous les apports et pertes d’eau. Des régimes alimentaires particuliers, avec restriction de sodium, de potassium et de protéines sont habituels. Ils sont associés à une prise de glucides qui limite la consommation des protéines, des lipides et des produits du catabolisme des tissus de l’organisme. Quand ces traitements ne suffisent pas, il peut être nécessaire de mettre en route soit une dialyse péritonéale, soit une hémodialyse. La dialyse péritonéale utilise le péritoine comme membrane sélective et l’hémodialyse, une membrane de synthèse, qui fait partie du rein artificiel. Quel que soit le type de dialyse, le sang du sujet est séparé du liquide de dialyse par une membrane sélectivement perméable. Le liquide de dialyse ne contient ni dérivé azoté, ni potassium, ce qui permet que ces molécules du sang migrent vers lui. La dialyse peut constituer une mesure temporaire en cas d’insuffisance rénale aiguë, mais, dans les insuffisances rénales chroniques, des dialyses itératives sont nécessaires en attendant la greffe rénale. Malheureusement, tout le monde ne peut pas bénéficier de la greffe. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002 Marc Blin L’AFIDTN Une association pivot pour les infirmières de dialyse Infirmiers et infirmières de dialyse constatent l’incessante évolution de la prise en charge des insuffisants rénaux. L’AFIDTN* les aide depuis 1980. n matière de dialyse, de nouvelles connaissances apparaissent sans cesse. Le soignant qui choisit ce domaine doit savoir que cela requiert un apprentissage, voire une formation continue auprès de ses pairs. Il sera confronté à un environnement technologique complexe à maîtriser. Une association aide les soignants qui ont fait ce choix à appréhender les aspects techniques, relationnels et éthiques de la dialyse : l’AFIDTN (Association française des infirmières de dialyse, transplantation et néphrologie). En 1980, l’AFIDTN est créée par le “groupe France” de l’EDTNA (European Dialysis Transplantation Nurse Association). L’AFIDTN travaille avec l’EDTNA sur l’élaboration de normes européennes de soins infirmiers en néphrologie. Elle est membre de la Commission de traitement de l’insuffisance rénale au ministère de la Santé. En 1982, l’AFIDTN publie sa revue et devient organisme de formation. Elle tient un congrès annuel et promeut la recherche infirmière. E L’abord vasculaire « En hémodialyse, tout commence par l’abord vasculaire, rappelle Didier Borniche, président de l’AFIDTN dans l’éditorial du dernier numéro de la revue de l’association, car pas de bonne dialyse sans bon abord vasculaire. Tout le monde le sait » (1). La ponction artérielle est-elle un gage de qualité en hémodialyse ? se demande une infirmière d’Auvergne (2). « Le choix de la ponction de la fistule artério-veineuse du patient se fait sur prescription médicale, en collaboration avec l’infirmière. Mais il arrive que dans nos centres périphériques, nous ayons à prendre des décisions concernant celle-ci en l’absence du médecin. » Son étude sur 52 patients hémodialysés a permis d’évaluer le meilleur cas de figure de ponction artérielle d’une fistule artério-veineuse (FAV). Deux index de doses de dialyse ont été utilisés comme indices de qualité. « Le Kt/V représente une fraction du volume corporel épuré durant la dialyse, dit l’auteur. Le SRI représente le pourcentage de la masse d’urée éliminée durant la dialyse. » Le diamètre de l’aiguille améliore les indices lorsqu’on l’augmente. Avec le 14 G, les indices sont meilleurs, mais cette amélioration est très faible. « Nous proposons de privilégier le diamètre 16 G, le plus fin car, psychologi- quement, il sera admis plus facilement que des grosses aiguilles. » Le sens de la ponction n’influence pas les résultats. « Le dialysé n’ayant qu’une seule veine fistulée, il faut la préserver le plus possible. Il vaut donc mieux choisir le sens le plus facile sur le plan de la dextérité, afin d’assurer le maximum de réussite du geste. » Un abord vasculaire doit pouvoir être ponctionné par toute l’équipe, et pas seulement par “le” spécialiste du patient (3). Cela renforcera la sécurité du patient et de sa FAV par diminution du risque d’hématome, du traumatisme de la fistule et de la douleur de la ponction “à côté”, qui découlent souvent de la difficulté de piquer. C’est un moyen d’atténuer l’appréhension que suscite la pose, pour le soigné comme pour le soignant. Hémodilution et ultrasons Formations, colloques et publications de l’AFIDTN abordent ainsi les stratégies soignantes en matière de dialyse, de transplantation et de néphrologie. L’éducation et la qualité de vie du patient, la prise en charge de la douleur, les risques au travail et l’ergonomie (sous tous ses aspects physiques, psychologiques, environnementaux ou liés aux horaires de travail) sont également abordés. Dans le dernier numéro de la revue de l’association, les résultats d’une étude rétrospective menée au centre hospitalier d’Angoulême font ressortir l’intérêt de l’utilisation du Transonic (4). Les infirmières y utilisent cet outil de surveillance des abords vasculaires, associant hémodilution et ultrasons, depuis 1997. Chacune assure la programmation des Transonics des patients dont elle a la charge. « Après un temps d’inquiétude, le patient est maintenant conscient que cet acte est un atout supplémentaire de dépistage dans la surveillance de son abord vasculaire. » M.B. * AFIDTN (Association française des infirmières de dialyse, transplantation et néphrologie), BP 90, 76233 BoisGuillaume Cedex. Tél. : 02 35 59 87 52. Fax : 02 35 59 86 25. Site Internet : www.afidtn.com. (1) Borniche D. Éditorial. Échanges de l’AFIDTN 2002 ; 63 ; 2. (2) Savanier F. Abords vasculaires : la ponction est-elle un gage de qualité en hémodialyse ? Échanges de l’AFIDTN 2000 ; 58. (3) Pourchez D. Suivi et surveillance des fistules. Congrès de l’AFIDTN à Saint-Lô, 1994. (4) Maguier MA, Triochet R. Le rôle infirmier dans l’utilisation du Transonic. Échanges de l’AFIDTN 2002 ; 63 ; 40-1. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002 27 Urologie Transplantation de rein Beaucoup d’appelés, peu de greffés Des organes rares et de moins bonne qualité ! Telle est la situation à laquelle se heurtent des milliers de candidats à la transplantation rénale. fisance rénale terminale ont pu bénéficier d’une telle greffe. « Cette thérapeutique a l’avantage majeur d’offrir au patient un meilleur confort de vie, avec un coût financier beaucoup moins important que la dialyse, indique le Pr Kreis. Pourtant, ce traitement connaît certains écueils. Ses modalités thérapeutiques sont complexes. Les traitements immunosuppresseurs doivent être améliorés : ils n’offrent pas encore les meilleures garanties contre les rejets, et ils ont des effets secondaires parfois majeurs. Enfin, le manque de greffons ne permet pas à tous les malades qui pourraient être greffés de bénéficier d’une transplantation rénale. » rès de vingt mille personnes relèvent d’une greffe de rein. « Pourtant, seulement 1 924 patients ont été greffés en l’an 2000, faute de greffons disponibles », observe le Pr Henri Kreis (1), chef du service de transplantation rénale à l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris). Cette annéelà, 4 893 patients étaient en attente de greffe de rein (2). Explication : « Actuellement, en France, environ 35 000 personnes sont traitées par dialyse, précise le Pr Kreis. Aujourd’hui, on estime qu’environ 50 % de ces patients pourraient bénéficier d’une transplantation. Une transplantation n’est pas indiquée pour l’autre moitié des patients, en raison de leur âge, de leurs éventuelles autres maladies, des effets indésirables des traitements immunosuppresseurs... » P Des résultats en progrès Les résultats de la transplantation rénale s’améliorent cependant. La survie du greffon à cinq ans est ainsi passée de 65 %, entre 1985 et 1987, à plus de 75 % entre 1992 et 1998 (3). Pour chaque patient, le résultat dépend de paramètres nombreux : qualité du greffon, âge et état de santé du receveur, médicaments immunosuppresseurs dont la tolérance et l’efficacité varient selon chacun. « Les résultats sont moins bons lorsqu’une greffe est faite à partir d’un rein prélevé sur une personne décédée, par exemple, que lorsque le greffon est issu d’un donneur vivant », explique le Pr Kreis. Mais 4 % seulement des greffes rénales en France sont réalisées à partir d’un donneur vivant (2). © Burger/Phanie Des premières greffes à nos jours Les premières greffes de rein chez l’homme furent mises au point dans les années cinquante. Depuis, de nombreux patients souffrant d’insuf- 28 Des organes de moins bonne qualité Non seulement les reins manquent, mais la qualité de ceux disponibles laissent à désirer. « Une des difficultés actuelles, à laquelle sont confrontés les spécialistes de la greffe, est la moins bonne “qualité” des greffons, dit le Pr Kreis. Cela s’explique surtout par la pénurie des organes et le vieillissement de la population des donneurs. » L’âge moyen des donneurs est en effet passé de 38,4 ans, en 1997, à 41,5 ans, en 2000 (2). De ce fait, les receveurs risquent davantage de perdre les greffons. Cela nécessite plus de nouvelles transplantations, parfois précédées d’un retour en dialyse. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002 Un plan pour le rein En septembre 2001, le plan de lutte contre l’insuffisance rénale, conçu pour trois ans, visait à améliorer l’accès aux greffes de rein. Son objectif : 2 500 transplantations en 2004 (contre 1 924 en 2 000). Pour cela, ce plan préconise notamment d’augmenter le nombre de sites autorisés à prélever, d’améliorer le système de répartition et d’attribution des greffons, et de favoriser la greffe rénale à partir de donneurs vivants. Les immunosuppresseurs De nombreux progrès sont attendus des nouveaux traitements immunosuppresseurs. Plus efficaces, ils devront présenter moins d’effets secondaires. « Pour la plupart des familles d’immunosuppresseurs, de nombreux travaux sont en cours pour mettre de nouveaux médicaments, comme de nouveaux anticorps, ou de nouveaux antimétabolites, explique le Pr Yvonne Lebranchu, professeur d’immunologie clinique au CHU de Tours. Mais l’innovation du début de ces années 2000 concerne une nouvelle famille d’immuno suppresseurs, les rapamycines » (4). Ces substances respecteraient davantage le rein greffé. Les spécialistes de la transplantation envisagent aussi de nouveaux traitements, permettant à l’organisme de ne pas identifier le greffon comme un corps étranger. Effets secondaires « Les immunosuppresseurs utilisés après une transplantation d’organe ont l’inconvénient de provoquer une immunodéficience favorisant la survenue d’infections, mais aussi de cancers », rappelle le Pr Lebranchu. Ces effets secondaires sont liés à la nature même de ces médicaments. L’organisme est plus vulnérable aux infections bactériennes, virales, mycosiques. Le risque de cancer augmente avec la durée du traitement. Les immunosuppresseurs présentent aussi des effets toxiques pouvant être importants. « Ils peuvent engendrer des troubles métaboliques importants – diabète, hyperlipidémie... – ou générer une hypertension, souligne le Pr Kreis. Ils peuvent encore altérer le fonctionnement de certains organes, comme le foie, le rein... Un traitement efficace nécessite souvent de prendre une association de deux, trois, voire quatre médicaments. Ce qui a pour conséquence de multiplier ces effets indésirables. » Les interactions avec les autres traitements du patient (antibiotiques, anti-ulcéreux) rendent d’autant plus délicate la prescription des immunosuppresseurs. Ces difficultés déterminent les progrès escomptés. « On attend de nouveaux médicaments donnant moins d’effets secondaires, poursuit-il. Cela permettra d’optimiser leur utilisation et de mieux préserver ou traiter les épisodes de rejets. On attend aussi des médicaments qui permettront une meilleure immunosuppression ou même une immunosuppression uniquement ciblée sur l’organe greffé. » Les rapamycines Le mécanisme d’action des rapamycines diffère de celui des autres immunosuppresseurs. Parmi eux, le sirolimus est le premier inhibiteur de la mTOR, une activité enzymatique indispensable à la transmission de signaux nécessaires au déclenchement du cycle cellulaire. Son inhibition par le sirolimus freine la division des lymphocytes qui subissent un processus de mort cellulaire appelé “apoptose”. « Le sirolimus peut être utilisé en traitement d’initiation après transplantation, en association avec la ciclosporine et des corticostéroïdes durant deux ou trois mois, explique le Pr Lebranchu. En traitement d’entretien, le sirolimus peut être poursuivi, en association avec des corticostéroïdes, si la ciclosporine peut être arrêtée progressivement. » Une étude sur 525 greffes de rein a permis d’étudier comment la ciclosporine, qui constitue une partie des traitements immunosuppresseurs, peut être supprimée sans danger, tout en maintenant le patient sous sirolimus et corticostéroïdes (5). Une seconde étude, portant sur 247 greffes de reins, a montré que l’arrêt de la ciclosporine, à un stade précoce du traitement, améliorait la fonction du rein, et n’augmentait pas le taux de rejets (6). Comme pour maints immunosuppresseurs, un traitement par sirolimus nécessite de doser régulièrement sa concentration dans le sang du patient. Il faut une surveillance liée au risque d’augmentation des triglycérides et du cholestérol. Les éventuelles interactions médicamenteuses doivent être surveillées également. Il faut adapter la posologie du sirolimus en cas d’insuffisance hépatique. Parmi les effets indésirables, on observe des douleurs abdominales, des diarrhées, un lymphocèle, de l’anémie et une baisse des plaquettes, des infections urinaires, de l’acné, des arthralgies... Actuellement, des essais thérapeutiques sont en cours pour mieux connaître l’utilisation de cette molécule et mieux évaluer ses bénéfices à long terme. Pistes et recherches « L’idéal serait de dévier la réponse immunitaire pour qu’elle puisse garder ses fonctions de défense contre tout agent étranger – et notamment continuer de lutter contre des agents infectieux – mais Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002 ●●● 29 Urologie ●●● en “acceptant” la présence d’un greffon étranger, poursuit le Pr Lebranchu. Cet objectif sera peutêtre atteint grâce à l’“induction de tolérance”, sur laquelle les spécialistes de la transplantation fondent actuellement d’importants espoirs. Grâce à un traitement spécifique, il s’agirait d’induire une tolérance de l’organisme receveur à l’égard du greffon. « Par une manipulation thérapeutique, poursuit le médecin, on souhaite rendre “aveugle” l’organisme receveur pour éviter qu’il identifie le greffon comme un corps étranger. On pourrait ainsi “manipuler” les systèmes immunitaires au moment de la greffe. On espère même s’abstenir, par la suite, de tout traitement. L’idéal serait d’utiliser une immunothérapie de courte durée – de quelques jours à quelques semaines – suivie d’une simple surveillance ou d’une immunosuppression légère. » Cette solution a été envisagée, de façon empirique, par l’observation clinique. Des greffés ont arrêté, de leur propre initiative, les médicaments immunosuppresseurs. Certains ont pu conserver leur greffon. Les immunologistes envisagent d’engendrer une induction de tolérance en conjuguant différentes stratégies. Il s’agit de provoquer la destruction des lymphocytes qui reconnaissent de façon spécifique le greffon. « Certaines molécules ayant des nouvelles modalités d’action ont déjà été identifiées. Elles pourraient participer à cette mission. » Il s’agit aussi de bloquer la stimulation des lymphocytes provoquée par les cellules “présentatrices” des antigènes. Il s’agit enfin de dévier la réponse immunitaire en faisant apparaître des lymphocytes régulateurs capables de supprimer spécifiquement la réaction immunitaire. « Des premières études en laboratoire ont déjà montré, chez des animaux, des résultats d’induction de tolérance encourageants, note le Pr Lebranchu. On peut espérer que cette stratégie thérapeutique sera transposable à l’homme. » M.B. (1) “En cinquante ans, la greffe rénale a connu d’immenses progrès… mais beaucoup reste à faire”, Pr Henri Kreis, Congrès de l’European Society for Organ Transplantation (ESOT), du 6 au 11 octobre 2001, Lisbonne, atelier “la transplantation rénale”. (2) Source : Établissement français des greffes (EFG). Entente-information et change 2001 ; 15. (3) Bilan des activités de prélèvement de greffes en France en 1999. Établissement français des greffes. (4) Les Prs Yvonne Le Branchu et Henri Cherrys ont fait le point sur la transplantation rénale lors du Congrès de l’European Society for Organ Transplantation (ESOT), du 6 au 11 octobre 2001, à Lisbonne. (5) RWG et al. Sirolimus allows early cyclosporin withdrawal in renal transplantation resulting in improved renal function and lower blood pressure. Johnson Transplantation 2001 ; 72 : 777-87. (6) Hricik DE. Cyclosporin elimination in sirolimus treated renal transplant recipients results in improved renal function : 12 months results of a phase II trial. Congrès de l’European Society for Organ Transplantation (ESOT), du 6 au 11 octobre 2001, à Lisbonne. Prélèvement d’organes Une mission infirmière France Roussin est coordinatrice de prélèvements d’organes dans le département d’anesthésie réanimation chirurgicale des Prs Benoît Eurin et Laurent Jacob de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), à Paris. Interview. Quel est le rôle d’une coordinatrice de prélèvements d’organes ? France Roussin : Accueillir et recevoir les familles est ma première fonction. Il s’agit de personnes sur lesquels des prélèvements peuvent être effectués. Elles doivent être en situation de mort encéphalique, laquelle représente environ 1 % des décès en France. Il s’agit de victimes d’accidents vasculaires cérébraux, d’homicides, de suicides, d’accident de la voie publique ou du travail, etc. Comment procédez-vous ? F.R. : Je reçois, dans un bureau, deux ou trois personnes de la famille avec le médecin réanimateur. Celui-ci annonce le décès. La famille nous confie ce que le défunt aurait ou a souhaité. Tout au long de cette démarche, l’écoute et le respect de la famille s’impose en premier lieu. Vous avez aussi un rôle d’encadrement logistique. F.R. : Ce deuxième volet concerne les liens avec de nombreux partenaires : Établissement français des greffes, équipes de chirurgie, funérarium, direction de l’hôpital pour autoriser le prélèvement, police et Parquet si la mort est suspecte ou accidentelle, etc. Le facteur temps est important. La mort encéphalique constatée, la fonction des organes se dégrade très vite. Pour nous, les points clés restent : l’accompagnement des familles, le respect des procédures, la qualité de l’organisation et de la communication. 30 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002