RAPPELS nésies laryngées observées sur l’hémilarynx paralysé au niveau

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Le traitement chirurgical de la paralysie laryngée
unilatérale : données actuelles
● O. Laccourreye*
RAPPELS
L’incidence de la paralysie laryngée unilatérale (PLU) n’est pas
connue. L’étiologie idiopathique et la chirurgie de la glande
thyroïde sont traditionnellement considérées comme les principales étiologies, mais cette donnée semble évoluer. Ainsi, en
1998, Benninger et al. (1) notaient une augmentation des étiologies en rapport avec les affections tumorales (principalement
pulmonaires) et une diminution des étiologies en rapport avec
la chirurgie de la glande thyroïde. Cette notion est confirmée
dans une étude récente qui analyse l’évolution des données épidémiologiques en France au décours des années 1990-2000 (2).
Cette évolution a conduit à faire du bilan tomodensitométrique
(adapté en fonction du côté de la PLU) le premier examen complémentaire à demander en présence d’une PLU dont la cause
n’est pas évidente lors de l’interrogatoire. Le taux de PLU définitive après chirurgie de la glande thyroïde varie de 0 % à 2 %
dans les études basées sur de grandes séries de patients (3-6).
Ce taux est classiquement plus élevé au décours des reprises
chirurgicales, des exérèses pour goitre plongeant, maladie de
Basedow ou cancer, et en l’absence de repérage du tronc du nerf
laryngé inférieur préalablement à l’exérèse du tissu thyroïdien
pathologique. Cette dernière notion est cependant extrêmement
discutée. Koch et al. (6), dans la seule étude prospective randomisée bien conduite portant sur 800 résections thyroïdiennes,
ont précisé que le taux de PLU définitive ne variait pas, que
l’opérateur ait ou non recherché le tronc du nerf laryngé inférieur préalablement à l’exérèse.
Sur le plan symptomatique, la majorité des auteurs insiste, à
l’heure actuelle, sur la fréquence des troubles de la déglutition
(qui atteignent 30 à 40 % des cas dans certaines séries lorsqu’une
analyse objective de la déglutition est réalisée) et sur la recherche
de syncinésies. Les syncinésies sont définies dans le Petit
Larousse comme des mouvements anormaux survenant dans un
groupe musculaire à l’occasion d’un mouvement volontaire ou
réflexe d’une autre partie du corps. Pour Crumley (7), les synci* Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale, hôpital
européen Georges-Pompidou, Assistance publique des hôpitaux de Paris,
université Paris-V, 20-40, rue Leblanc, 75015 Paris.
nésies laryngées observées sur l’hémilarynx paralysé au niveau
de la corde vocale, de la bande ventriculaire ou de l’aryténoïde
se définissent comme la contraction synchrone de groupes musculaires qui ne se contractent pas habituellement de façon simultanée. La fréquence de survenue des syncinésies laryngées est
inconnue. Les syncinésies laryngées témoignent du processus de
réinnervation aberrante des muscles abducteurs du larynx par des
fibres adductrices (et vice versa). Cette réinnervation aberrante
a pour corollaire une incoordination neuromusculaire lors du
cycle respiratoire. Ces syncinésies laryngées sont dites défavorables lorsqu’elles génèrent une forte diminution de la surface
glottique lors de l’inspiration (secondaire à un déplacement
médial aberrant de l’aryténoïde et de la corde vocale du côté paralysé). L’existence de syncinésies défavorables explique la survenue d’épisodes de dyspnée paroxystique à l’effort chez certains patients avec une PLU.
Tout comme pour l’épidémiologie et la symptomatologie, des
changements sont apparus ces dernières années quant à la prise
en charge thérapeutique des PLU, et en particulier quant à la
place de la réhabilitation chirurgicale de cette affection. Le traitement chirurgical des conséquences de la PLU est ancien et
repose principalement sur le déplacement mécanique de la corde
vocale paralysée vers la ligne médiane, d’où le terme de “médialisation cordale” utilisé par les auteurs anglo-saxons. Payr (8),
en 1915, fut le premier à proposer un abord chirurgical par voie
transcutanée pour réaliser cette médialisation, alors que Brunnings (in 9), dès 1911, avait proposé la réalisation d’une injection intracordale pour “médialiser” la corde vocale paralysée.
Depuis ces communications princeps, les travaux consacrés à
ces techniques se sont multipliés (9, 10). Ce dossier synthétique
analyse les moyens chirurgicaux actuellement disponibles pour
pallier les conséquences fonctionnelles d’une PLU ainsi que les
indications respectives de ces diverses techniques chirurgicales.
MOYENS THÉRAPEUTIQUES
Les injections intracordales
Les injections intracordales sont, à l’heure actuelle, avec les thyroplasties, les deux approches chirurgicales les plus largement
diffusées de par le monde pour pallier les conséquences de la
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Tableau I. Matériaux disponibles pour médialiser une corde vocale
paralysée.
Injections intracordales
Thyroplasties
• Graisse autologue
• Goretex
• Fascia autologue
• Silicone préformé
• Collagène autologue ou homologue
• Titane
• Fascia autologue
• Hydroxyapatite
• Gelfoam
• Vitallium®
• Gel de silicone
• Céramique
• Téflon
• Cartilage
®
PLU (9, 10). Les injections intracordales, réalisées dans la majorité des cas sous anesthésie générale, sont parfois effectuées sous
anesthésie locale par voie transorale ou par voie transcutanée
(intercricothyroïdienne ou transcartilagineuse thyroïdienne ipsilatérale) sous contrôle nasofibroscopique.
Divers matériaux plus ou moins résorbables peuvent être mis en
place au sein de la corde vocale paralysée afin de déplacer son
bord libre vers la ligne médiane (tableau I) (10, 11). Le téflon
a été considéré, ces trente dernières années, comme le matériau
standard lors de la réalisation d’une injection intracordale. C’est
une pâte stérile constituée à 50 % de glycérine et à 50 % de particules de polytétrafluoroéthylène. La résorption de la glycérine
conduit à une diminution à 50 % du volume injecté. Cette résorption est partiellement compensée par la réaction inflammatoire
aiguë puis chronique induite par l’implantation au sein du muscle
thyroaryténoïdien des particules. Les réactions aiguës connues
faisant suite à une injection intracordale de téflon sont l’érythème et l’œdème de la corde vocale (avec au moins un cas clinique documenté dans la littérature de décès par asphyxie dans
les 48 heures suivant une injection intracordale de téflon, et un
pourcentage de trachéotomies post-injection estimé à 0,5 %), les
douleurs cervicales, l’odynophagie, la toux et l’apparition d’adénopathies cervicales. À ce jour, aucune réaction de type allergique, aucune complication infectieuse et aucune cancérisation
n’a été documentée après injection intracordale de téflon. La
principale complication rencontrée après la réalisation d’une
injection intracordale de téflon pour pallier les conséquences
d’une PLU est la survenue d’un granulome à corps étranger avec
cellules géantes. La formation d’un tel granulome témoigne
d’une réaction à corps étranger intracordal et a pour conséquence
une altération de la vibration muqueuse du bord libre de la
corde vocale qui conduit à un mauvais résultat phonatoire. Pour
Gardner et al. (11), cette complication est notée dans 36 % des
cas et paraît d’autant plus fréquente que le délai qui fait suite à
l’injection intracordale est important.
Le silicone a été largement utilisé ces vingt dernières années,
principalement au Japon, en raison de difficultés à se procurer du
téflon dans ce pays. Le silicone injecté disponible en France est
un polymère de silicone en suspension (Bioplastique®) qui a le
marquage CE depuis 1996. Ce matériau, proche du téflon par sa
non-résorption et sa biocompatibilité, semble générer une réac10
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tion inflammatoire chronique nettement moins importante que
le téflon.
À l’heure actuelle, l’utilisation du Gelfoam® et du collagène bovin
semble en net recul en raison d’une importante résorption dans
les semaines qui suivent l’injection et d’un risque potentiel de
transmission de maladies (prion, Creutzfeldt-Jakob) et ce, bien
qu’aucun cas d’une telle transmission n’ait été rapporté après plus
de 15 ans d’utilisation par certaines équipes.
Les matériaux qui semblent les plus fréquemment utilisés lors
de la réalisation d’une injection intracordale sont le collagène
et la graisse autologues, cette dernière étant éventuellement
mélangée à du fascia autologue (9, 10). Le collagène autologue
est fabriqué aux États-Unis à partir d’un prélèvement de peau
(5 cm2 de peau sont nécessaires pour obtenir 1 à 2 ml de collagène). La préparation, réalisée aux États-Unis, demande plus
d’un mois (Vocalogen®, Autologène®). Du collagène acellulaire
Figure 1. Aspect à J1 après injection intracordale de graisse au niveau
de la corde vocale.
Figure 2. Aspect tomodensitométrique six mois après injection de graisse
intracordale.
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Figure 3. Jeu d’implants de silicone semi-rigide pour thyroplastie adaptés pour l’homme et la femme. (© Société Collin.)
micronisé humain dit homologue est également commercialisé
aux États-Unis depuis peu (Cymetra®). En raison de l’absence
de contre-indication à son utilisation, de sa parfaite tolérance,
de sa disponibilité, de son coût nul et de sa simplicité d’utilisation, la graisse autologue (figures 1 et 2, page 10), éventuellement mélangée à du fascia autologue, est un matériau particulièrement intéressant (9, 10). Les inconvénients de la graisse
et du fascia autologues tiennent au risque d’infection (secondaire à une faute d’asepsie lors du prélèvement) et au degré
imprévisible de résorption. Cette résorption des matériaux autologues impose une surcorrection importante lors de l’injection
et conduit à un taux d’échec à un an, par dégradation du résultat initialement obtenu, qui oscille entre 30 % et 40 % des cas
selon les séries.
La thyroplastie de type I
La thyroplastie de type I consiste en la mise en place d’un implant par l’intermédiaire d’une fenêtre réalisée dans l’aile cartilagineuse thyroïdienne ipsilatérale au décours d’une cervicotomie (9, 10). Divers types d’implants ont été proposés ces vingt
dernières années. Le cartilage autologue, classiquement utilisé,
est à l’heure actuelle très avantageusement remplacé par divers
implants (silastic, silicone, hydroxyapatite, céramique, goretex,
Vitallium®, titane). L’évolution actuelle des implants semble
s’effectuer vers des implants dont la conformation est étudiée
pour agir sur l’apophyse vocale et l’aryténoïde paralysée afin de
repositionner au mieux la corde vocale paralysée dans les trois
plans de l’espace (figures 3, 4 et 5). Les deux très grands avantages de cette méthode, comparativement aux techniques d’injection intracordale, sont l’absence de résorption de l’implant (à
l’exception du cartilage) et sa réalisation sous anesthésie locale.
L’utilisation de l’anesthésie locale permet une évaluation en
temps réel du résultat phonatoire par le chirurgien et par le patient
ainsi que le traitement de patients trop fragiles pour pouvoir supporter une anesthésie générale. Les seules contre-indications
Figure 4. Schéma de la mise en place d’un implant de Montgomery.
(© Société Collin.)
relatives à la réalisation d’une thyroplastie sont les troubles de
la coagulation, en raison du risque de survenue d’un hématome
intralaryngé. Plusieurs études récentes soulignent le pourcentage élevé de succès (90-95 %), la qualité et la stabilité du résultat phonatoire après thyroplastie de type I, le très faible taux de
complications et la stabilité du résultat fonctionnel (9, 10, 12).
Le résultat phonatoire “définitif” semble être obtenu dès la fin
du premier mois postopératoire, une fois que l’inflammation
induite par l’abord chirurgical et la mise en place de l’implant
phonatoire a régressé. Une corticothérapie péri- et postopératoire avec antibioprophylaxie postopératoire est préconisée par
la plupart des auteurs.
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Figure 5. Aspect tomodensitométrique six mois après mise en place d’un implant de goretex.
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Figure 6. Schéma de l’adduction aryténoïdienne (associée à une thyroplastie avec implant de silastic).
12
L’adduction laryngée
Décrite par Isshiki et al. (13), cette
technique consiste à placer, par
voie cervicale transcutanée transcartilagineuse thyroïdienne, un fil
de traction au niveau du processus
musculaire de l’aryténoïde, afin de
reproduire l’action adductrice des
muscles (thyroaryténoïdien et cricoaryténoïdien latéral) paralysés.
L’adduction aryténoïdienne reproduit en théorie les mouvements
physiologiques de l’articulation
cricoaryténoïdienne. Le corps de
l’aryténoïde subit un déplacement
médial, et le processus vocal décrit
un déplacement médial et inférieur (figures 6). Cette technique
suscite à l’heure actuelle un regain
d’intérêt, car elle permet d’améliorer le positionnement correct
du cartilage aryténoïde paralysé et
de mieux “fermer” la glotte postérieure. Elle peut être employée
seule ou en association avec la thyroplastie ou une injection intracordale, lorsqu’un défaut de fermeture de la glotte postérieure est
noté. Elle est idéalement effectuée
sous anesthésie locale afin d’évaluer le degré d’adduction nécessaire pendant la phonation. En
2000, Weinman et al. (12), sur une
série de 332 patients, ont souligné
que le pourcentage de trachéotomies était nul après thyroplastie
mais atteignait 3,5 % lorsqu’une
thyroplastie était associée à une
adduction aryténoïdienne ipsilatérale. Dans tous les cas, le problème
respiratoire survenait dans les
24 premières heures postopératoires. Ces données leur ont fait
conclure que la thyroplastie de
type I isolée pouvait être réalisée
sans crainte en hôpital de jour, alors
que la combinaison thyroplastie de
type I et adduction aryténoïdienne
nécessitait une hospitalisation de
24 heures (12).
La subluxation thyroïdienne
Récemment décrite par Zeitels et
al. (14), la subluxation cricothyroïdienne consiste, après avoir
ouvert l’articulation thyroïdienne
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ipsilatérale, à subluxer le cartilage thyroïde en tractant la petite
corne thyroïdienne vers l’arc antérieur du cartilage thyroïde. Ce
geste, réalisé sous anesthésie locale et associé à une thyroplastie de type I (figure 7), permettrait de pallier le défaut de fonctionnement du muscle cricothyroïdien ipsilatéral, qui génère
une flacidité et un raccourcissement de la corde vocale paralysée limitant l’étendue du timbre vocal.
La réinnervation laryngée
La réinnervation laryngée a fait l’objet, ces dernières années,
de nombreux travaux tant expérimentaux que cliniques (9, 10).
Les techniques de réinnervation laryngée se divisent schématiquement en deux groupes : les techniques “neuronales” et les
techniques “neuromusculaires”. Les techniques neuronales ont
pour substratum la réalisation d’une suture nerveuse entre un
nerf afférent soit moteur pour le larynx paralysé (portion proximale du nerf récurrent lésé), soit mis en jeu lors de la phonation (branche cervicale ansa cervicalis, le tronc du pneumogastrique) ou de l’inspiration (nerf phrénique), et la portion
distale du nerf récurrent lésé ou la branche de division adductrice de celui-ci. Les techniques neuromusculaires visent à transférer directement au sein du muscle thyroaryténoïdien paralysé
une greffe neuromusculaire (fragment du muscle omohyoïdien
pédiculé sur sa branche nerveuse) ou une branche nerveuse (nerf
de l’omohyoïdien). L’hétérogénéité des populations (âge, étiologies, degré de régénération, symptomatologie, etc.), le faible
nombre de patients étudiés, la multiplicité des techniques chirurgicales de réinnervation décrites, l’absence de codification
des méthodes d’analyse et des durées de suivi (en général moins
d’un an) font que les résultats obtenus avec ces diverses techniques de réinnervation laryngée sont très difficiles à apprécier.
L’ensemble des auteurs s’accorde pour reconnaître qu’aucune
de ces techniques ne permet d’obtenir une récupération de la
mobilité cordale et que la preuve formelle de l’utilité de la réinnervation laryngée en pratique clinique reste à démontrer. Les
partisans de ces techniques soutiennent cependant que la réinnervation laryngée favorise le maintien de la masse musculaire,
évite la dégradation des résultats, favorise un positionnement
paramédian de la corde vocale paralysée, évite la malposition
du cartilage aryténoïde paralysé, et qu’aucune de ces techniques,
surtout lorsqu’elles sont associées à un repositionnement mécanique de la corde vocale et/ou de l’aryténoïde paralysé (thyroplastie, adduction aryténoïdienne), n’a aggravé la situation phonatoire ou respiratoire des patients traités.
INDICATIONS CHIRURGICALES
La multiplicité des techniques chirurgicales disponibles à
l’heure actuelle et la très grande variété des situations cliniques
rencontrées rendent difficile la systématisation de la stratégie
thérapeutique chirurgicale à adopter pour pallier les conséquences d’une paralysie laryngée unilatérale. De nombreux facteurs (profession, âge, comorbidité, troubles de la déglutition,
position des structures laryngées paralysées, présence de syncinésies, lésions associées, état cutané cervical, état neurologique, évolutivité de l’affection responsable de la paralysie
Figure 7. Schéma de la subluxation cricothyroïdienne (associée à une
thyroplastie avec implant de silastic).
laryngée, possibilités de récupération, état psychologique et exigences fonctionnelles du patient, expérience et moyens des
équipes) doivent être pris en compte lors du choix de l’option
thérapeutique. La prise en charge sera cependant d’autant plus
optimale que le laryngologiste possède la pratique des diverses
techniques chirurgicales décrites pour médialiser la corde vocale
paralysée.
Quelle que soit la méthode employée, le praticien doit :
– souligner que la rééducation orthophonique est la seule option non invasive dénuée de risques, tout en sachant que cette
option thérapeutique non invasive est d’autant plus efficace
(comparativement aux techniques chirurgicales de médialisation de la corde vocale paralysée) que la paralysie est paucisymptomatique (15) ;
– préciser que l’amélioration symptomatique postopératoire
portera avant tout sur la réduction de l’essoufflement, de la
fatigue vocale et des troubles de la déglutition ;
– préciser les risques inhérents à toute approche chirurgicale
(hématome, abcès, trachéotomie) et à la réalisation d’une anesthésie, qu’elle soit locale ou générale.
Schématiquement, la réalisation d’une injection intracordale d’un
produit autologue (graisse, fascia, collagène) sous anesthésie
générale semble tout à fait licite chez l’enfant et l’adulte si une
récupération de la mobilité cordale est envisageable, et ce d’autant
qu’il existe des troubles de la déglutition, qu’il n’existe pas de
contre-indications ou de risque majeur à la réalisation d’une anesthésie générale, et qu’une rééducation orthophonique bien
conduite n’a pas apporté d’amélioration. À l’opposé, lorsque la
paralysie est secondaire à une section-résection ou à une compression tumorale maligne, lorsque la dysphonie est sévère et/ou
que la profession nécessite la meilleure qualité vocale possible,
la réalisation d’une thyroplastie (avec ou sans adduction aryténoïdienne et subluxation thyroïdienne) ou d’une injection intracordale d’un matériau non autologue et synthétique (téflon, silicone) semble être la meilleure option thérapeutique. Pour notre
part, lorsque le patient désire bénéficier de la meilleure qualité
vocale possible, lorsque l’anesthésie générale est contre-indiquée
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(comorbidité) ou dangereuse (suites immédiates de pneumonectomie, accident vasculaire cérébral, âge avancé, affection tumorale maligne en phase de traitement palliatif, par exemple), la réalisation d’une thyroplastie de type I sous anesthésie locale nous
semble la solution la plus adaptée.
Cette prise en charge chirurgicale doit ainsi participer à l’amélioration de la qualité de vie de nombreux patients atteints d’une
affection néoplasique en phase terminale. En présence de syncinésies “défavorables”, le traitement ne repose pas sur la réalisation d’une médialisation (par injection intracordale ou thyroplastie) mais fait appel aux tentatives de paralysie des muscles
adducteurs (par exemple, en réalisant des injections de toxine botulique de type A au sein des muscles adducteurs ou en sectionnant
la branche adductrice du nerf laryngé inférieur et en suturant son
extrémité proximale à l’extrémité distale de la branche abductrice
afin de favoriser une régénérescence en faveur du muscle cricoaryténoïdien postérieur). Enfin, en présence d’une atteinte isolée
du nerf laryngé supérieur (chirurgie thyroïdienne) responsable
d’une altération de la sensibilité pharyngolaryngée (favorisant la
survenue de fausses routes à la déglutition, en particulier des
liquides) et d’une paralysie du muscle cricothyroïdien ipsilatéral
(objectivée par l’impossibilité pour le patient de réaliser une montée dans les aigus et par une rotation du larynx du côté non paralysé), un travail récent de la Mayo Clinic, aux États-Unis, suggère
que la combinaison d’une thyroplastie de type IV (suture antérieure du cricoïde au thyroïde) et d’une thyroplastie de type I permettrait d’améliorer la symptomatologie (16).
CONCLUSION
L’évaluation et le traitement des patients avec une immobilité
laryngée unilatérale reposent sur un bilan clinique soigneux. Le
délai à respecter entre le traumatisme initial et la réalisation
d’une technique de médialisation reste sujet à discussion. Ce
délai sera d’autant plus court que les troubles de la déglutition
sont importants, que la dysphonie est sévère et le terrain fragile, et que les possibilités de récupération sont limitées. Loin
de s’opposer, les techniques chirurgicales décrites pour pallier
les conséquences d’une paralysie laryngée unilatérale se complètent et permettent de faire face aux multiples situations cli-
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niques rencontrées. Cependant, la standardisation des techniques de thyroplastie, l’apparition d’implants soit préformés
(implants en silicone de Montgomery) soit facilement malléables (goretex) et la réalisation sous anesthésie locale font que
cette approche chirurgicale est de plus en plus utilisée à l’heure
actuelle en première intention pour pallier les conséquences de
la paralysie laryngée unilatérale.
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8e WORKSHOP INTERNATIONAL DE PHONO-CHIRURGIE ET DE THÉRAPIES DE LA VOIX
PARIS-France - 11 et 12 avril 2003
Thèmes de l’an 2003 :
Lésions bénignes des cordes vocales : laser/chirurgie instrumentale
Reflux pharyngo-laryngé et lésions laryngées
Chaiman : Dr Jean ABITBOL (Paris, France)
Co-Chairman : Pr Robert T. SATALOFF (Philadelphia, États-Unis)
Vendredi : Principes de la physiologie de la voix et pathologies - Phono-chirurgie instrumentale et laser - Reflux
Samedi : Phono-Chirurgie en direct et vidéo-clips - Présentation de cas cliniques en direct
Langue : Anglais avec traduction en Français
Pour toute information : contacter le Dr Jean ABITBOL
1, rue Largillière, 75016 PARIS. Tél. : 01 46 47 91 89. Fax : 01 45 27 72 30. [email protected]
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 276 - octobre 2002
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