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D I T O R I A L
Le couple diabétologue-cardiologue :
pourquoi faut-il approfondir nos relations ?
The diabetologist and the cardiologist: why should we work together?
B. Charbonnel*, M. Komajda**
a coopération entre diabétologues et cardiologues peut
être analysée dans un environnement scientifique en
profonde évolution :
Toutes les projections, tant nationales qu’internationales, sont
unanimes pour prédire une explosion de la prévalence du diabète, du syndrome métabolique et de l’obésité ; et l’on a parlé
d’une pandémie pour le XXIe siècle. Ce redoutable fléau de santé
publique, qui n’épargne aucun continent, est lié en grande partie
aux mauvaises habitudes alimentaires de la population, et les
groupes socio-économiques défavorisés semblent particulièrement exposés à cette épidémie.
Un autre facteur très important est la prise en compte progressive du fait que le diabète n’est pas un facteur de risque comme
les autres, mais que sa gravité en termes de risque cardiovasculaire l’amène à être considéré dans les recommandations internationales comme l’équivalent d’une prévention secondaire.
L
Cette demande accrue – tant quantitative que qualitative – de soins
pour une part importante de la population s’est-elle accompagnée
des mutations nécessaires au sein de nos deux disciplines ?
L’analyse montre que beaucoup reste à faire. La prise de
conscience du fait que le diabétique nécessite une prise en charge
agressive en termes d’investigations cardiovasculaires, pour
détecter notamment l’ischémie myocardique, est récente. La communauté cardiologique est longtemps restée sur l’impression, qui
prévalait il y a une vingtaine d’années, que le diabétique avait a
priori des lésions coronariennes multiples sévères et peu accessibles à une revascularisation, ce qui a longtemps conduit à une
prise en charge moins optimale que pour le patient non diabétique. Cette situation est d’autant plus fâcheuse que près d’un
patient sur quatre hospitalisé en unité de soins intensifs cardiologiques est diabétique, et que l’étude DIGAMI a clairement
montré qu’une prise en charge optimale du diabète lors d’un syndrome coronaire aigu améliore la survie des patients.
* Service de diabétologie, CHU de Nantes.
** Département de cardiologie, CHU de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Note. Le Pr B. Charbonnel est l’ancien président de l’ALFEDIAM et le
Pr M. Komajda, l’ancien président de la Société française de cardiologie.
C’est sous leur mandat que la décision de créer des recommandations communes a été prise.
© Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. II - n° 4 - octobrenovembre-décembre 2004.
La Lettre du Cardiologue - n° 383 - mars 2005
De même, dans la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire, le cardiologue manie moins aisément les antidiabétiques
oraux ou leurs associations, notamment dans le contexte des nouvelles classes récemment apparues telles que les statines ou les antihypertenseurs. À l’inverse, le diabétologue doit penser à contrôler
aussi strictement une hypercholestérolémie ou la pression artérielle
que la glycémie de son patient diabétique, et les grandes études
récentes telles que UKPDS, HPS et CARDS ont montré combien
cette prise en charge globale du diabétique est importante.
Il est donc très important que diabétologues et cardiologues s’entraident, ce qui passe par un processus d’éducation visant à améliorer la connaissance par les cardiologues de la prise en charge
du diabète, et celle du dépistage des complications cardiovasculaires par les diabétologues.
C’est précisément ce à quoi l’Alfediam et la Société française de
cardiologie se sont attelées, avec la création d’un groupe de travail paritaire. L’objectif initial était de rédiger des recommandations communes concernant d’une part les informations élémentaires que tout cardiologue devrait connaître pour prendre en
charge un diabétique et savoir en particulier à quel moment il doit
passer la main à son collègue diabétologue, et d’autre part une
stratégie de détection de l’ischémie myocardique silencieuse, si
fréquente chez le diabétique.
Ces recommandations ont été finalisées et publiées au sein de nos
revues respectives dans le courant de l’année 2004. Parallèlement
a été décidée l’organisation de réunions communes dans nos
grandes manifestations nationales, afin d’approfondir des points
particuliers concernant la prise en charge des complications cardiovasculaires du diabète. Ainsi ont déjà été abordés le problème
de l’insuffisance cardiaque du diabétique, des glitazones et du risque
cardiovasculaire, et la détection de l’ischémie myocardique. Nous
pensons que l’organisation de telles réunions communes est particulièrement fructueuse, amenant à un échange sur les points de vue
respectifs et permettant de définir concrètement des référentiels.
Nous sommes pleinement conscients qu’en définitive le diabétologue et le cardiologue traitent les mêmes patients, et nous espérons que cette initiative de nos deux sociétés savantes permettra
à terme une meilleure connaissance du diabète et de ses complications cardiovasculaires ainsi qu’une amélioration de la prise
O
en charge de ce fléau du XXIe siècle.
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