Décrets d’application officialisés

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Droits des patients
Décrets d’application officialisés
La loi du 4 mars 2002 donne de nouveaux droits aux patients. Certains
décrets d’application les ont officialisés. D’autres les préciseront. Repères à propos d’un bouleversement des relations soignants-soignés.
D
e nouveaux droits des malades
et des usagers ont été apportés
par la loi “Droits des malades et
qualité du système de santé” du
4 mars 2002 (1). Beaucoup étaient
réclamés depuis des années par les
associations de malades. Ces droits
concernent :
• l’accès au dossier médical, à toute
information sur la santé du patient;
• la personne à consulter si le patient ne peut s’exprimer ;
• le rôle des associations de patients
et d’usagers au sein de l’hôpital et
du système de santé, ainsi que leur
agrément ;
• les nouvelles instances et procédures de conciliation et d’indemnisation en matière d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes et
d’infections nosocomiales ;
• l’indemnisation pour la contamination par l’hépatite C ;
• le dispositif pour la “démocratie
sanitaire” ;
• les relations entre les patients et
l’Ordre des médecins ;
• les droits des patients face aux
assureurs.
Pour entrer en vigueur, ces nouvelles règles s’appuieront sur cette
loi du 4 mars 2002, et sur les décrets d’application déjà publiés (2)
ou supposés l’être prochainement,
sauf reculade du nouveau ministre
de la Santé. Les rapports entre patients et professionnels de santé devraient en être profondément modifiés. Voici ces nouvelles règles
résumées. Elles sont commentées
par les représentants des patients
et usagers regroupés au sein du
Collectif interassociatif de santé
(CISS). Créé en 1996, ce collectif
réunit une vingtaine d’associations
telles qu’AIDES, la Fédération de
lutte contre le cancer, l’Association
des paralysés de France ou l’Union
nationale des associations familiales.
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L’accès au dossier médical
La loi du 4 mars 2002 institue,
comme droit, l’accès direct du patient à son “dossier médical”, comme
à toutes les informations concernant
sa santé. Elles peuvent être détenues
par des professionnels ou établissements de santé. Il peut s’agir d’informations “qui sont formalisées et
ont contribué à l’élaboration et au
suivi du diagnostic et du traitement
ou d’une action de prévention, ou
ont fait l’objet d’échanges écrits entre
professionnels de santé, notamment
des résultats d’examens, comptes
rendus de consultations, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles ou prescriptions thérapeutiques mis en
œuvre, feuilles de surveillance, correspondance entre professionnels de
santé à l’exception des informations
mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant
pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers”
(article de la récente loi figurant désormais à l’article L.1111-6 du Code
de la santé publique, CSP).
Le patient peut accéder à ces informations gratuitement, de façon directe ou par l’intermédiaire d’un médecin. Le délai de remise est court :
huit jours après la demande et deux
jours de réflexion. Il se trouve porté
à deux mois si le dossier date de plus
de cinq ans. Le médecin peut recommander la présence d’une tierce
personne lors de la remise du dossier. Le refus du patient de se faire
accompagner lors de la consultation
des informations ne fait pas obstacle
à leur communication.
Si le patient ne peut s’exprimer, la
possibilité lui est donnée de désigner une personne de confiance, qui
pourra être consultée au cas où elle
même serait hors d’état de s’exprimer (art. L.1111-1 du CSP).
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
La place des associations
Depuis quelques années, les membres d’associations de patients ou
d’usagers, représentant ces derniers,
siègent aux conseils d’administration des établissements. « Nous avons
effectué toutes les pressions possibles
pour que l’usager soit représenté au sein
de l’hôpital et que cela change, rappelle
Pierre Lascoumes. Nous avons dû demander quels étaient les critères de nomination des représentants des usagers.
Nous avons souligné la nécessité de leur
formation, de congés ou d’indemnités
de représentation. »
La loi du 4 mars 2002 renforce
le dispositif initié il y a quelques
années par la création des Commissions de conciliation dans les
hôpitaux. Les représentants des
patients et usagers siégeront, au niveau régional, dans les “Commissions régionales de conciliation et
d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes
et des infections nosocomiales”.
Pour siéger au sein de ces instances
du système de santé, les associations
devront recevoir un agrément.
« Cela s’explique, car, si les enjeux sont
importants, il existe une profusion d’associations, explique Nicolas Brun
membre du CISS pour l’UNAF
(Union nationale des associations
familiales). Certaines n’ont pas pour
origine l’initiative de malades ou d’usagers du système de santé, mais dépendent de laboratoires pharmaceutiques
ou de professionnels de santé. D’autres
associations peuvent relever de dérives
telles que les sectes, très présentes dans
ce domaine. Or, les institutions et établissements de santé doivent savoir à
qui s’adresser. Il ne s’agit pas d’empêcher l’initiative d’associations légitimes,
mais de prévenir les dérives. »
Ces associations devront donc satisfaire à quatre critères :
• réunir des membres actifs, réellement impliqués dans la défense du
droit des personnes ;
• organiser des actions de formation
et d’information de ses adhérents ;
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Droits des patients
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• satisfaire à l’examen de leur représentativité d’un point de vue local ou national ;
• rester indépendante du pouvoir
politique et institutionnel (Préfecture, direction de l’établissement de
santé, etc.), afin d’éviter une confusion des rôles.
L’indemnisation de l’aléa
Pour ce qui concerne l’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections
nosocomiales, la loi du 4 mars 2002
réaffirme que la responsabilité des
professionnels et des établissements
de santé repose sur la question classique de la faute. Elle stipule que
tous les professionnels de santé doivent souscrire une assurance garantissant leur responsabilité civile
ou administrative. Le manquement
à cette obligation sera puni d’une
amende de 45 000 euros.
S’il n’y a pas faute médicale, la solidarité nationale permet d’indemniser le dommage lorsque celui-ci
présente un niveau de gravité important. La demande d’indemnisation pourra s’appliquer quel que
soit le risque (produit de santé, médicament, acte chirurgical, acte de
soin, d’investigation ou de prévention). Les victimes devront justifier d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 25 %. La
procédure sera identique, que l’incident ou l’accident se produise
dans un hôpital, une clinique ou
un cabinet libéral.
A cet effet, la loi crée trois nouvelles
instances :
• la Commission régionale de
conciliation et d’indemnisation des
accidents médicaux, des affections
iatrogènes et des infections nosocomiales ;
• la Commission nationale des accidents médicaux ;
• l’Office national d’indemnisation
des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Une liste nationale d’experts en
matière d’accidents médicaux doit
être établie. C’est à la Commission
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régionale d’indemnisation, où siègent des représentants des collectivités locales et des usagers, de
choisir les experts sur cette liste nationale. Ils interviendront auprès
des Commissions d’indemnisation
avant qu’elles ne prononcent leur
jugement.
Lorsque la Commission régionale
estime que le dommage engage la
responsabilité du professionnel ou
de l’établissement, l’assureur doit
faire une proposition d’indemnisation dans les quatre mois. En cas de
responsabilité sans faute, l’Office national d’indemnisation se substitue
aux assureurs.
Pour l’usager, la demande d’indemnisation reste une procédure très
complexe. Des interrogations demeurent quant à son déroulement.
Elles seront dissipées à travers la
pratique et les décrets d’application
de cette loi.
L’hépatite C
Le chapitre de la loi sur les indemnisations de l’aléa thérapeutique
devait présenter une solution pour
celles des personnes contaminées
par l’hépatite C. Malades et associations y tenaient. Les questions
financières sont restées irrésolues.
« Nous avons toujours dit que ce dossier était mal instruit, dit Pierre Lascoumes. En fait, il n’a même pas été
ouvert. Des chiffres importants ont été
avancés quant au nombre de personnes contaminées. Puis le nombre
de cas estimés a été multiplié par l’indemnisation la plus élevée qui ait été
versée dans ce cas, selon la jurisprudence. Le total se chiffrait en milliards.
C’est un calcul du ministère des Finances, lequel demeure dans son rôle
en envisageant le financement de la
pire situation. Mais le ministère de la
Santé aurait dû jouer le sien. Il aurait
pu demander que l’estimation du
nombre des victimes soit vérifiée. Il
aurait pu souligner que ce n’est pas
parce qu’une population donnée peut
recevoir une indemnisation que chacun de ses membres la réclame. Ce
dossier méritait un débat pour trouver des solutions. Il n’a pas eu lieu. »
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
La “démocratie sanitaire”
La loi “Droits des malades et
qualité du système de santé” prévoit que la loi soit évaluée tous
les ans par des Conseils régionaux
de santé et par le Haut conseil de
santé, qui remplace le Haut comité
de santé publique (art. L.1411-1
du CSP). Elle modifie la composition des Conférences nationales de
santé pour y introduire des représentants des industries des produits de santé et des organismes
d’assurance maladie.
Pour les associations du CISS, le
fonctionnement de ce dispositif
reste difficile à comprendre. Il
rend malaisée la participation des
usagers. « Tout cela reste très flou,
et manque cruellement de méthode,
commente Pierre Lascoumes. Cet
empilement de structures va multiplier les institutions et les relations
entre organismes. Les objectifs restent
assez vagues. L’usager aura du mal
à s’y exprimer. »
Les patients
et l’Ordre des médecins
Si le patient pouvait auparavant saisir, c’est-à-dire informer, le Conseil
de l’Ordre des médecins, celui-ci
agissait à sa guise. L’usager n’était ni
entendu, ni informé du suivi de son
dossier. Il ne disposait d’aucune
possibilité de faire appel. La loi institue davantage de transparence
dans les procédures. Face à l’Ordre,
le patient aura désormais le statut
de partie dans les affaires disciplinaires en première instance et en
appel. Cette évolution accroît les
responsabilités des Conseils départementaux de l’Ordre en matière
de conciliation.
Le droits des patients
face aux assureurs
Les assureurs seront tenus de ne
pas tenir compte des résultats
de l’examen des caractéristiques
génétiques d’une personne qui
veut bénéficier d’une garantie de
risques d’invalidité ou de décès.
Ils ne pourront en tenir compte
même si ces résultats lui sont
transmis par la personne concernée ou avec son accord.
De la loi aux actes
Même incomplète à leurs yeux, la
loi du 4 mars 2002 constitue un important progrès pour les associations de patients et d’usagers. Ils attendent l’application de règles
censées rendre plus juste et plus démocratique notre système de santé.
C’est une des tâches du prochain
gouvernement, après les élections
législatives. « Il devra “faire tourner”
ce dispositif, dit Pierre Lascoumes.
Un temps de mise en place de trois ou
quatre ans sera nécessaire. » Si des
décrets d’application de cette loi ont
été publiés (2), beaucoup doivent
encore l’être pour que ses dispositions entre dans les faits.
« Nous avons voulu montrer comment ces collectifs, en s’organisant,
pouvaient participer à l’élaboration
de connaissances et de solutions
nouvelles, au même titre que les experts, explique Pierre Lascoumes
en se référant au récent livre auquel
il a collaboré : Agir dans un monde
incertain (3). Concrètement, cela
concerne les champs respectifs de pratiques telles que les débats publics et
les conférences citoyennes. Pour établir l’état des lieux, valider les savoirs
existants, chercher ceux qui font défaut, explorer des voies d’action nouvelles, il est insuffisant de solliciter les
seuls experts. Nous essayons de montrer comment des associations de
santé s’y sont pris pour se faire reconnaître et contribuer à la production de connaissances utiles, pour coproduire des politiques concrètes. »
M.B.
(1) Loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative
aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
(2) Décret no 2002-886 du 3 mai 2002 relatif aux Commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
(3) Lascoumes P., Callon M., Agir dans un
monde incertain : essai sur la démocratie
technique. Éditions du Seuil, Paris, 2001.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
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