é d i t o r i a l Après FIELD, quelle place reste-t-il pour le fénofibrate en prévention cardiovasculaire ? ■ M. Farnier* es essais cliniques utilisant des statines chez des patients diabétiques montrent de façon convaincante un bénéfice cardiovasculaire plus important que dans l’étude FIELD, réalisée avec le fénofibrate. Une statine doit être le traitement de première intention chez le diabétique de type 2. Quelle place reste-t-il alors pour le fénofibrate en pratique quotidienne ? Trois situations peuvent être envisagées : les patients avec intolérance aux statines, les patients avec hypertriglycéridémie majeure, et, enfin, les patients déjà traités par statine, à haut risque vasculaire, et pour lesquels le bilan lipidique reste non normalisé. L ✓ Pour les patients avec une intolérance prouvée aux statines, en prévention secondaire, les résultats de FIELD n’encouragent guère à proposer un traitement par fénofibrate : aucun bénéfice n’est apparu dans le sous-groupe de diabétiques en prévention secondaire. Pour un diabétique de type 2 ayant un LDL-cholestérol inférieur à 1 g/l, mais des triglycérides élevés et un HDL-cholestérol bas, le gemfibrozil est à utiliser de préférence en tenant compte des résultats de VA-HIT. Pour les patients avec une intolérance aux statines en prévention secondaire et ayant un LDL-cholestérol supérieur à 1 g/l, il faut choisir une autre stratégie d’abaissement du LDL-cholestérol, comme par exemple l’ézétimibe. Toujours chez un patient intolérant aux statines, en prévention primaire dans le diabète de type 2, le fénofibrate peut être utilisé, puisque c’est dans ce sous-groupe que le bénéfice est apparu significatif dans FIELD. Si, alors, le LDL-cholestérol n’est pas normalisé, il est logique d’envisager une stratégie complémentaire pour le faire baisser. ✓ La deuxième situation est celle des patients ayant une hypertriglycéridémie importante, en pratique des triglycérides supérieurs à 4 g/l, c’est-à-dire avec un LDL-cholestérol non calculable. Aucune étude de prévention ne permet de privilégier une stratégie par rapport à une autre pour ces cas particuliers. Un traitement par fibrate est indiqué, mais, très souvent, sous fibrate, persiste une élévation du LDL-cholestérol pouvant faire envisager secondairement une association avec une statine. Pour cette raison, le fénofibrate est à privilégier en première intention plutôt que le gemfibrozil, dans l’optique d’une éventuelle association médicamenteuse. Il faut toutefois rappeler que les mesures hygiénodiététiques sont capitales pour ces patients avec des triglycérides franchement augmentés et que, en dehors des formes familiales, peu de patients conservent des triglycérides supérieurs à 4 g/l lorsque les conseils diététiques sont bien suivis. * Point Médical, Dijon. ✓ La troisième situation est celle des patients à haut risque traités par statine et pour lesquels persistent des anomalies lipidiques. Ce sont toutes les hyperlipidémies mixtes ou combinées sévères avec, sous statine à posologie standard, la persistance d’une élévation des triglycérides, d’une baisse du HDL-cholestérol, et, souvent, un LDL-cholestérol atteignant à peine les objectifs. Faut-il alors plutôt utiliser des stratégies de statine à forte dose, ou Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2006 3 é d i t o r i a l proposer une association statine-fénofibrate ou d’autres associations thérapeutiques ? Aucune étude ne nous permet de répondre à cette question. Ces patients sont a priori de bons candidats à une association statine-fénofibrate, association qui a, semble-t-il, été bien tolérée dans FIELD, mais dont le bénéfice cardiovasculaire n’est pas prouvé. Les diabétiques de type 2 en prévention secondaire traités par statine sont également des patients dont le risque résiduel reste majeur dans les essais de prévention et pour lesquels une stratégie d’association avec le fénofibrate est possible. Une étude de prévention (ACCORD) est en cours de réalisation dans ce domaine. Il est certain que, dans les années à venir, des stratégies variées d’associations thérapeutiques avec une statine seront à notre disposition, et le choix risque d’être difficile en l’absence d’arguments cliniques. Le dernier problème, et non le moindre, est le suivant : ce qui vient d’être dit pour le fénofibrate doit-il s’étendre à l’ensemble de la classe des PPARα agonistes ? Cela n’est pas évident, en particulier en raison de la discordance dans les résultats des études VA-HIT, avec le gemfibrozil, et FIELD, avec le fénofibrate. Les PPARα sont très largement répandus dans notre organisme, et il est toujours possible d’évoquer des effets différents d’une molécule à l’autre. On considère généralement que, vis-à-vis de plusieurs propriétés biochimiques, le gemfibrozil est différent des autres fibrates disponibles. Le développement de nouveaux PPARα n’appartenant pas à la famille féno-, béza-, ciprofibrate paraît devoir être poursuivi, en particulier s’il est possible de sélectionner des molécules correspondant à des modulateurs sélectifs des PPARα. En résumé, de nombreuses questions se posent après la parution de FIELD, avec une seule certitude : chez le diabétique de type 2, une statine doit rester prioritaire, sauf cas particuliers, et la place du fénofibrate est maintenant plus restreinte. ■ 4 Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2006