Editorial L`énigme du mois Dompéridone et mort subite

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#98 • Mai 2015
du centre régional de pharmacovigilance
de Limoges
Dompéridone
et mort subite
P.1
Les
antagonistes
du calcium
Statines et
myopathie
nécrosante
à médiation
immune
P.2
P.2
Association fixe
fénofibrate /
simvastatine
Traiter des
malades et non
des paramètres
biologiques
P.3
P.3 et 4
Editorial
L’énigme
du mois
Chers lecteurs,
Nouvelle formule pour notre bulletin d’information en pharmacovigilance, car nouveau site
internet plus design, plus intuitif et plus pratique avec, enfin, la possibilité de déclarer en
ligne. Le site est consultable depuis vos tablettes et smartphones et vous offre la possibilité
de télécharger des photos ou tout autre document utile pour compléter votre déclaration.
Vous y trouverez également des informations sur les médicaments et leur bon usage, les
manifestations régionales autour de la Santé Publique et un petit quizz pour réviser la
pharmacologie de façon ludique. Bonne navigation sur notre nouveau site et n’hésitez pas à
nous donner vos impressions.
Au regard du sommaire, je vous fais part d’une petite réflexion personnelle. Août 2001, ma
première rencontre avec la pharmacovigilance mais aussi mon premier scandale sanitaire : la
cérivastatine est retirée du marché mondial par BAYER. La raison : des rhabdomyolyses dont
certaines mortelles ; la cérivastatine était prescrite à de trop fortes doses et en association
avec un fibrate (gemfibrozil). En 2014, une association fixe d’une statine avec un fibrate
(CHOLIB, simvastatine et fénofibrate) obtient une AMM, un avis favorable de la HAS, un
remboursement à 65% et un prix triple à celui des deux produits prescrits séparément !
Bientôt encore plus puissants et plus coûteux, des anticorps monoclonaux vont-ils
révolutionner la prise en charge des dyslipidémies ?
Est-il devenu
logique et du
coup licite
d’associer
un sulfamide
et un glinide
dans le
diabète de
type 2 ?
Dr Yves NOUAILLE
Avril 2015, « 231 morts avec la dompéridone ». On nous explique, statistiques savantes à
l’appui, que ce médicament qui tue doit être retiré du marché. Quels médicaments n’ont
jamais tué ? A-t-on un tel luxe d’antiémétiques ? Combien de morts sous VIAGRA et
médicaments de la même catégorie, alors que l’on a retiré du marché la tolcapone après
quelques hépatites fulminantes ? Mais prescrire un médicament de la dysfonction érectile est
plus important que prescrire un antiparkinsonien. Va-t-on interdire le paracétamol ? Va-t-on
interdire les voitures ? Il faut attirer l’attention, donner des résultats bruts, marquants, ce
qui plaît aux éditeurs de journaux, et surtout éviter de réfléchir.
A votre réflexion…
Bien à vous
Pr Marie-Laure LAROCHE
Dompéridone et mort subite
Dans notre bulletin d’information de novembre
2014, à la suite des effets indésirables cardiaques
graves observés avec la dompéridone (antiémétique,
antagoniste de la dopamine), nous avions déjà
évoqué les recommandations de bon usage. En effet,
la dompéridone peut être à l’origine d’un
allongement de l’intervalle QT, de torsades de
pointes, d’une arythmie ventriculaire grave voire de
mort subite avec un risque plus élevé chez les
patients de plus de 60 ans et chez ceux traités en
même temps par des médicaments pouvant allonger
l’intervalle QT et/ou par des inhibiteurs du CYP3A4.
Gardons notre esprit critique face à une publication à
la méthodologie contestable et aux conclusions
hasardeuses et rappelons simplement que la seule
indication de la dompéridone est le « soulagement
des symptômes de type nausées et vomissements »,
prescrite à dose efficace la plus faible possible, pour
une durée la plus courte possible ne devant pas
dépasser une semaine.
Dr C. FILLOUX et Dr H. GENIAUX
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prématuré (MAP) survient
entre 22 et 36 semaines
d’aménorrhée révolues et
se caractérise par l’association de modifications
cervicales
et
de
contractions utérines régulières et douloureuses qui
conduiront à l’accouchement prématuré en l’absence
d’intervention médicale. L’accouchement prématuré
spontané est fréquemment précédé d’une MAP.
dyspnée,
infarctus
du
myocarde,
douleur
précordiale, insuffisance cardiaque, hypotension
artérielle sévère) pour les
Une mise au point de pharmacovigilance a été
récemment faite :
Les effets indésirables (EI) maternels à type de
céphalées, flushs et hypotension artérielle, liés au
mécanisme d’action des antagonistes du calcium,
sont retrouvés avec la nifédipine et la nicardipine
Les complications cardiovasculaires maternelles
sont aussi rapportées (œdème aigu du poumon (OAP),
Dr Anne COUBRET
Statines et myopathie nécrosante à médiation immune
Les statines ou inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase
sont des médicaments hypolipémiants ; cinq statines
sont actuellement commercialisées en France : la
pravastatine, la simvastatine, l’atorvastatine, la
rosuvastatine, la
.
Les statines sont bien connues pour entraîner des
atteintes
musculaires
(myalgies,
faiblesse
musculaire, crampes, myosites et rhabdomyolyse). Il
s’agit d’effets dose-dépendants, qui peuvent
survenir après plusieurs années de traitement, en
particulier à l’occasion d’un changement de statine,
d’une modification de posologie, d’une interaction.
Classiquement, les signes cliniques disparaissent en
quelques jours après l’arrêt du traitement ; la
normalisation des enzymes musculaires peut prendre
plusieurs semaines voire quelques mois.
Depuis plusieurs années, des publications ont décrit
des cas de myopathie nécrosante à médiation
immune (IMNM) chez des patients traités par statine
(la première série de cas avait été publiée en 2007)
et une récente revue de la littérature rapportait
association
Ces publications récentes confirment un effet de
classe pour l’ensemble des statines, risque qui
n’avait pas été exclu lorsqu’en 2012, l’information
de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de la
spécialité Crestor® (rosuvastatine) avait été modifiée
pour mentionner ce risque. Cette information sur le
risque rare de survenue de myopathie nécrosante à
médiation immune va donc être ajoutée dans les
monographies et les notices de l’ensemble des
produits contenant une statine.
En pratique, chez un patient qui présenterait une
atteinte musculaire d’évolution défavorable et/ou
une élévation des CPK non régressive voire
s’aggravant à l’arrêt de la statine, la recherche
d’anticorps anti-HMGCoA réductase doit être
envisagée et l’hypothèse de myopathie nécrosante à
médiation immune dont le traitement repose sur des
immunosuppresseurs doit être évoquée.
Dr Hélène Géniaux
Bulletin des vigilances de l'ANSM. Numéro 65. Avril 2015
http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/
ebbc0fd1bb00f6cfa65ae91fd9a0f5b5.pdf
Babu S et al. Statin induced necrotizing autoimmune myopathy.
J Neurol Sci. 2015 15;351 : 13-17
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aucun pays européen à ce jour. On peut d’ailleurs
être surpris par cette décision car le coût de
l’association fixe est 3,5 fois plus élevé que celui des
2 génériques administrés séparément !!!
Il s’agit d’une association fixe de
fénofibrate et de simvastatine
indiquée en complément d’un
régime alimentaire et d’une activité physique chez
des patients à haut risque cardiovasculaire
présentant une dyslipidémie mixte.
La HAS considérant que CHOLIB n’apporte pas de
réponse à un besoin de santé publique, ne lui a pas
accordé d’amélioration du service rendu (ASMR V,
inexistante). Cependant le taux de remboursement
proposé est de 65% pour ce médicament de
3ème intention chez les patients stabilisés par la prise
séparée et concomitante des deux principes actifs
aux mêmes doses alors qu’il n’est pris en charge dans
Il est toutefois heureusement précisé que cette
association doit être réalisée avec prudence et
sous étroite surveillance de signe de toxicité
musculaire.
Le seul intérêt de CHOLIB pourrait être une
amélioration de l’observance chez les patients à haut
risque cardiovasculaire pour lesquels il est nécessaire
de réduire le taux de triglycérides et d’augmenter le
taux de HDL-C lorsque le taux de cholestérol LDL-C
est déjà contrôlé par la simvastatine en
monothérapie avec la même dose. Face à la pléiade
de génériques de la simvastatine et du fénofibrate à
différents dosages, une telle association est-elle
« révolutionnaire » dans la stratégie de prise en
charge de patients à haut risque cardiovasculaire ?
Dr Claire FILLOUX
cholestérol est importante
en vue de réduire le taux
d’événements
cardiovasculaires graves. Dans
cette optique, les statines
sont les médicaments de choix. Elles sont bien
tolérées en général, même sur le long terme, du
moins tant que les doses ne sont pas trop élevées.
Elles sont néanmoins parfois d’une
insuffisante pour abaisser le taux de LDL.
efficacité
Dans ce cas, d’autres moyens pharmacologiques ont
été employés avec des succès mitigés :
La niacine, ou acide nicotinique, ou vitamine B3,
donnée sous forme retard en association au
laropiprant, dans l’essai HPS2-THRIVE s’est montrée
efficace dans l’abaissement du taux de LDL et de
triglycéride, ainsi que dans l’augmentation du taux
de HDL cholestérol par rapport à un placebo. Mais, la
niacine a été sans effet sur les événements
vasculaires graves, a entraîné de nombreux effets
indésirables (bien qu’étant sous forme retard) et a
même conduit à une élévation du nombre de décès
dans le groupe traité (1). Aussi, l’EMA a suspendu
l’AMM de cette association nicacine/laropiprant,
commercialisée depuis 2008 en Europe.
Le torcétrapib est un composé qui inhibe une
protéine de transport de divers lipides et conduit à
une baisse du taux de LDL avec une augmentation du
taux de HDL. Ce médicament ralentit le
développement de l’athérosclérose chez le lapin. Un
essai clinique intitulé opportunément ILLUMINATE
comparant les effets du torcétrapib et de
l’atorvastatine a montré des résultats biologiques
encourageants : élévation du taux de HDL de 72 %,
baisse du taux de LDL de 25 % et du taux de
triglycérides de 9 %. Mais, le risque de décès
d’origine cardiovasculaire ou non cardiovasculaire,
l’élévation de la pression artérielle, la rétention
sodée ont été plus élevés dans le groupe traité (2).
En revanche, un abord immunologique paraît
intéressant et deux essais utilisant des anticorps
monoclonaux proches, l’alirocumab et l’évolocumab,
financés par les laboratoires correspondants du New
England Journal of Medicine, ont montré des
résultats a priori encourageants :
L’alirocumab a réduit le taux de LDL chez les
malades sous statine. L’essai ODYSSEY a comparé
deux groupes de malades avec une hyperlipidémie et
un risque élevé d’accident cardiovasculaire, traités
par une statine à la dose maximale tolérée (3). L’un
des groupes recevait une fois par semaine
l’alirocumab, l’autre groupe un placebo. L’essai a
duré une année et demie. Dans le groupe
alirocumab, le taux de LDL a baissé à partir de la
4ème semaine pour atteindre et se maintenir à 40 %
environ de la valeur du groupe témoin. Le
médicament a donc été capable d’abaisser le taux de
LDL déjà diminué au maximum par une statine.
Parallèlement,
le
taux
d’événements
cardiovasculaires graves a été plus faible dans le
groupe alirocumab. Mais quelques effets indésirables
ont été observés : myalgies, troubles cognitifs,
troubles oculaires.
L’essai OSLER a concerné l’évolocumab (4). Ce
produit voisin de l’alirocumab à de même un effet
sur le LDL qu’il abaisse au cours d’un traitement
court. Cet essai a comparé sur une durée de 11 mois
un groupe traité par évolocumab et un groupe
placebo, les deux groupes recevant en plus
un hypolipémiant. L’effet sur le LDL a été
similaire à celui observé avec l’alirocumab.
3
3
Le taux d’événements cardiovasculaires au
bout d’un an a été plus faible dans le
groupe évolocumab. En ce qui concerne les
effets indésirables, il faut noter des effets
neurocognitifs et des réactions au niveau des points
d’injection.
RÉPONSE AU
Petit problème de pharmacovigilance
de mars 2015
Ces résultats amènent différents commentaires :
Si l’abaissement du taux de LDL est un élément
important dans la gestion de l’athérosclérose, il
n’explique pas tout. Des discordances entre la
biologie et la clinique ne sont pas rares en
médecine. Ici, on doit traiter des malades et non
traiter un paramètre biologique. Faire baisser à
tout prix le LDL est excessif et dangereux. Les
statines à haute dose peuvent, par leur
retentissement musculaire, devenir invalidantes.
L’immunothérapie avec ces anticorps monoclonaux
est une voie nouvelle à explorer avec intérêt mais
aussi circonspection dans le domaine de
l’hyperlipidémie, du fait des problèmes soulevés
par les anticorps monoclonaux en général.
QUESTION : Une patiente de 76 ans est traitée de
manière équilibrée depuis plusieurs années par
MODOPAR (lévodopa, bensérazide) pour une
maladie de Parkinson.
Pr Louis MERLE
REPONSE : Le BEROCCA est une association de
vitamines, dont la pyridoxine (vitamine B6), et de
minéraux.
1 – M J Landray et al for the HPS2-THRIVE Collaborative Group Effects of Extended-Release Niacin with Laropiprant in High-Risk
Patients. N Engl J Med, 2014, 371, 203 – 212.
2 - P J Barter et al - Effects of Torcetrapib in Patients at High
Risk for Coronary Events. N Engl J Med, 2007, 357, 2109 – 2122.
3 – J G Robinson et al – Efficacy and safety of alirocumab in
reducing lipids and cardiovascular events. N Engl J Med, 2015,
372, 1489-1499.
4 – M S Sabatine et al – Efficacy and safety of evolocumab in
reducing lipids and cardiovascular events. N Engl J Med, 2015,
372, 1500-1509.
Le Centre de Pharmacovigilance et
d’Information sur les médicaments a
pour mission de répondre à vos questions
sur les médicaments.
Les professionnels de santé doivent
déclarer au Centre Régional
de Pharmacovigilance tout effet
indésirable suspecté d’être dû
à un médicament dont ils ont
connaissance
(loi n°2011-2012 du 29 décembre 2011).
Quinze jours après avoir commencé un traitement
par BEROCCA (association de vitamines et
minéraux), elle présente une aggravation de sa
maladie. L’administration de BEROCCA est
interrompue et tout revient à la normale en
moins d’une semaine.
Avez-vous une explication à cette interaction
médicamenteuse ?
Il existe en effet une interaction médicamenteuse
entre la lévodopa et la pyridoxine (vitamine B6).
Une étude sur 25 patients traités par lévodopa, a
montré que de fortes doses de pyridoxine (750-1000
mg/j) inhibent les effets de la lévodopa en 3 à 4
jours. Des doses inférieures de l’ordre de 50-100
mg/j réduisent aussi les effets de la lévodopa et
entraînent une aggravation des symptômes de la
maladie de Parkinson.
En fait, la conversion de lévodopa en dopamine par
la dopa-décarboxylase nécessite la présence d’un
co-facteur, le pyridoxal-5-phosphate, qui est un
dérivé de la pyridoxine. Quand les apports en
pyridoxine, sont élevés (≥ 5mg/j, ce qui est le cas
pour Berocca® qui contient 10 mg par comprimé),
l’activité de la dopa-décarboxylase périphérique est
augmentée avec une moindre disponibilité de Ldopa pour le système nerveux central. En théorie, il
n’y a pas de conséquence clinique quand il y a
présence d’un inhibiteur de la dopadécarboxylase
comme la carbidopa ou le bensérazide contenu dans
Modopar®. Cette patiente a malgré tout présenté
les
effets
néfastes
de
cette
interaction
médicamenteuse, mais a retrouvé son état
antérieur 4 jours après l’arrêt du Berocca®.
Il faut donc se méfier des associations vitaminiques
même communes, chez les patients atteints de la
maladie de Parkinson et traités par lévodopa.
CONTACT
CRPV de Limoges Hôpital Dupuytren - CHU Centre de Biologie et de Recherche en santé
2, avenue Martin Luther King
87042 Limoges Cedex
Dr Claire FILLOUX
Dr Kamel MASMOUDI (CRPV Amiens)
Tél. : 05 55 05 67 43 - Fax : 05 55 05 62 98
Courriel : [email protected]
NOTRE SITE INTERNET : www.pharmacovigilance-limoges.fr
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