Revue de presse Re vue de presse Douleur et hypnose

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Douleur et hypnose
Sorti en librairie début janvier, cet ouvrage collectif offre aux lecteurs les textes des communications du dernier congrès du GEAMH
(Groupement pour l’étude et les applications
médicales de l’hypnose), dont Didier Michaux
est le directeur scientifique.
Ça y est ! J’en connais déjà certains qui lèvent
les yeux au ciel en se demandant quels liens
pourraient exister entre la science et l’hypnose ! Ils ont raison : parler de l’hypnose, de
son intérêt dans le cadre de la prise en charge
de patients douloureux, c’est bien accepter de
sortir du cadre de la preuve dans le sens des
plus cartésiens d’entre nous.
D’ailleurs, c’est à Didier Bouhassira, neurophysiologiste, qu’est revenue la tâche si difficile de faire le point sur ce que nous savons, sur
ce que nous pourrions assurer quant aux mécanismes neurophysiologiques qui seraient mis en
jeu dans le cadre de l’état hypnotique. Eh bien,
il ne s’en sort pas trop mal, l’homme des neurosciences ! Bien sûr, il reste prudent, en mentionnant que le mode d’action demeure mystérieux
et en nous engageant à attendre de “nouvelles
études cliniques contrôlées”. Avec l’honnêteté du
sage, D. Michaux ne manquera pas de signaler
que nombre de chercheurs contestent l’existence
même de l’hypnose, développant là les travaux
théoriques de T.X. Barber et de N. Spanos.
Trente-cinq auteurs se sont réunis pour élaborer ce livre et tous n’ont pas le même mode
d’approche des patients. Certains, issus du
“somatique”, sont venus à la douleur et ont
rencontré la complexité de l’intrication somatopsychique et les limites de l’abord biomédical.
Ainsi, Laurent Balp, anesthésiste et algologue,
nous fait part de son expérience de l’hypnothérapie dans la prise en charge des douleurs
neuropathiques. Chantal Wood et Jacques
Alexandre développent leur propos autour de
l’hypnose et de la mise en route d’une analgésie
pour les soins douloureux, et Patrick Clarot
nous parle de sa pratique dans le cadre de l’endoscopie digestive chez l’enfant.
La technique hypnotique s’assoit sur une histoire, celle du “magnétisme animal” de François-Antoine Mesmer, et sur la clairvoyance du
marquis de Puységur, le premier à émettre l’hypothèse que le pouvoir est non celui du magnétiseur mais celui du patient. Ainsi, l’hypnotiseur aide l’autre à mettre en route des ressources
qui sont les siennes, et ce sont ces ressources
qui interviennent dans le mécanisme de l’analgésie. Si la première partie de cet ouvrage con-
cerne les aspects théoriques, historiques et anthropologiques, la deuxième est plus directement
centrée sur le traitement des douleurs organiques et psychogènes, laissant aux auteurs de
la troisième partie le soin de développer autour
de la thématique “hypnose et douleur morale”.
Chacun trouvera son compte dans cet ouvrage
majeur, qui doit figurer dans la bibliothèque de
tous ceux qui s’intéressent au traitement de la
douleur. À la fois théorique et aéré par des vignettes cliniques, par la multiplicité des auteurs
et des thèmes abordés, c’est là le premier ouvrage sur le sujet pour celui qui n’y connaît rien
et un sacré voyage pour les autres !
Une fois de plus, lorsque le sujet traité est vaste,
c’est la collégialité de ses auteurs qui fait la force
du livre.
Revue de presse
Revue de presse
M. Dousse
Michaux D. Douleur et hypnose. Paris : éditions
Imago, 2004.
Les douleurs chroniques
de membre fantôme :
essai d’antagonisation
du N-méthyl D-aspartate
Les douleurs de membre fantôme sont des douleurs chroniques, neuropathiques, à substratum
central (organisation, ou plutôt réorganisation
au niveau du cortex primaire somatosensoriel)
dont le soulagement reste difficile.
Cet essai tente d’évaluer le rôle des récepteurs
N-méthyl D-aspartate (NMDA) dans les modifications de la somatotopie corticale via une
antagonisation de ces récepteurs par la mémantine. De la réponse pourrait dépendre la possibilité de court-circuiter cette voie somesthésique
et, ainsi, de soulager ce type de douleurs.
Cet essai en double aveugle et cross-over est
réalisé chez 8 patients, en deux périodes de
4 semaines chacune : l’une avec traitement par
mémantine (30 mg), l’autre avec placebo.
Les paramètres considérés sont : 1. l’intensité
douloureuse, évaluée de façon horaire par
échelle visuelle analogique (EVA) et par rapport
au niveau initial de douleur ; 2. une étude fonctionnelle au niveau du cortex primaire somatosensoriel (projection somatique primaire) grâce
à l’imagerie par résonance magnétique.
Les résultats de cet essai, peu significatifs au vu
de la taille de l’échantillon notamment, sont
pauvres :
– aucun effet antalgique constaté avec la mémantine, comparativement à l’état de base ou
à la période placebo ;
Le Courrier de l’algologie (3), no 1, janvier/février/mars 2004
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Revue de presse
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– aucune modification au niveau cortical
concernant l’organisation fonctionnelle et la
plasticité neuronale.
De manière surprenante, bien que l’issue de
cet essai soit négative, le rôle des récepteurs du
NMDA a déjà été établi et qualifié de “substantiel”. Il semble donc que la seule conclusion de ce micro-essai soit celle-ci : la dose de
30 mg de mémantine est sans effet clinique ni
anatomofonctionnel.
A.C. Faucher, F. Lakdja
Wiech K, Kiefer RT, Topfner S et al. A placebo-controlled randomized crossover trial of the N-methyl-Daspartic acid receptor antagonist, memantine, in patients with
chronic phantom limb pain. Anesth Analg 2004 ; 98 (2) : 408-13.
Les ponctions veineuses :
un moyen simple de limiter
la douleur puncturale :
le cough trick
ou “astuce de la toux”
La manœuvre est simple et consiste à induire
une toux au moment même de la ponction veineuse ; le cough trick consiste donc en une
toux volontaire, à la demande. Ce petit artifice
est testé à l’occasion d’un essai randomisé,
réalisé chez 20 volontaires sains. Les candidats sont soumis à deux ponctions dans la
même veine, au niveau de la main, à trois semaines d’intervalle au moins, l’une selon la
technique du cough trick, l’autre sans.
Les paramètres pris en compte, outre la quantification de la douleur, étaient la sudation locale, le retrait de la main, la pression artérielle
et la fréquence cardiaque.
L’issue de ce test met en évidence une réduction
de l’intensité douloureuse lorsque la manœuvre
est pratiquée sans variation significative des
autres paramètres. Les mécanismes physiopathologiques de ce “phénomène” restent obscurs, mais l’effet sur la douleur est démontré,
tout au moins chez ces adultes sains et soumis
de façon volontaire à un geste généralement peu
apprécié, en particulier par les patients qui le
subissent de manière itérative.
Bien que l’explication physiopathologique ne
soit pas réellement connue, il semble que le fait
d’induire une toux au moment de la ponction en
réduise l’intensité douloureuse. Le procédé est
facilement utilisable et significativement efficace sur ce modèle de douleur aiguë iatrogène.
A.C. Faucher, F. Lakdja
Usichenko TI, Pavlovic D, Foellner S, Wendt M. Reducing
venipuncture pain by a cough trick : a randomized
crossover volunteer study. Anesth Analg 2004 ; 98
(2) : 343-5.
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Le Courrier de l’algologie (3), no 1, janvier/février/mars 2004
Les douleurs “intraitables” :
rôle de la “radiochirurgie” pituitaire
Depuis deux-trois décennies, la douleur cancéreuse est traitée par hypophysectomie chimique ou chirurgicale. De même, les douleurs
dites “centrales” ou encore “syndrome douloureux thalamique” ont aussi été approchées par
le procédé chimique d’hypophysectomie. La
plupart des patients sont soulagés par cette intervention mais, pour la majorité d’entre eux,
au prix de sévères effets secondaires : panhypopituitarisme, diabète insipide, dysfonctions visuelles, etc.
Ce lourd constat a suggéré l’essai d’une méthode
d’hypophysectomie plus ciblée afin de tenter
de limiter les effets secondaires. La technique
de radiothérapie utilisant les rayons gamma à
hautes doses est très ciblée puisque la zone intéressée forme la limite entre tige et glande pituitaires, d’où son nom de Gamma knife surgery
ou “couteau chirurgical gamma”.
Les premières tentatives, dans le cadre des douleurs sévères rebelles, voient l’obtention d’un
soulagement prononcé, sans aucune des complications décrites jusque-là.
Une étude prospective multicentrique a été
conduite chez des patients traités à Prague,
Tokyo et Hong-Kong, afin d’évaluer l’efficacité et la sécurité de la technique à plus grande
échelle. Les patients étaient des douloureux
sévères : métastases osseuses de néoplasies
diverses, syndromes douloureux thalamiques
post-accident vasculaire cérébral. Les critères
d’inclusion étaient les suivants : échec des thérapeutiques antalgiques habituelles et patient
répondeur aux thérapeutiques morphiniques ;
bon état général (indice de Karnowsky
> 40 %) ; absence d’antécédent de radiothérapie cérébrale. Les doses maximales délivrées
au cours de la Gamma knife surgery étaient
fixées à 160 Gy chez 8 patients cancéreux et à
140 Gy chez 12 patients porteurs de syndromes
thalamiques. Le suivi a été assuré pendant
1 mois au moins pour 6 des 8 patients cancéreux et 6 mois au moins pour 8 des 12 patients
thalamiques.
Les résultats sont encourageants : réduction
significative des douleurs chez 100 % des cancéreux et 87,5 % des douloureux thalamiques ;
délai d’analgésie variant de plusieurs heures à
7 jours (48 heures en moyenne) ; pas de récurrence chez les patients cancéreux pendant le mois
de suivi. En revanche, on retrouve 71,4 % de
récurrence chez les douloureux thalamiques
au cours des 6 premiers mois. Aucune compli-
cation ni séquelle n’est constatée au cours de
cette observation. L’étude montre donc une efficacité et une sécurité relatives de la gammathérapie et un potentiel réel dans le contrôle des
douleurs sévères rebelles.
A.C. Faucher, F. Lakdja
Hayashi M, Taira T, Chernov M et al. Role of pituitary
radiosurgery for the management of intractable
pain and potential future applications. Stereotact Funct Neurosurg 2003 ; 81 (1-4) : 75-83.
Étude des taux plasmatiques
d’endorphines au cours de la gestion
de la douleur cancéreuse
Les β-endorphines sont des opioïdes endogènes
dérivés de la pro-opiomélanocortine (POMC),
polypeptide d’origine hypophysaire dont on présume qu’il a une corrélation quantitative inverse avec le niveau douloureux. Cet essai
prospectif compare les taux plasmatiques de βendorphines avant et après soulagement de la
douleur. Sont inclus des patients souffrant de
douleurs sévères, secondaires à des pathologies
abdominales cancéreuses de haute malignité
(néoplasies gastriques, hépatiques et pancréatiques). L’analgésie était obtenue selon une des
quatre modalités thérapeutiques suivantes :
morphine orale à libération continue, morphine
locorégionale (bolus par voie péridurale thoracique), alcoolisation du plexus cœliaque, bupivacaïne en perfusion pleurale. Les échantillons
sanguins étaient prélevés avant le soulagement
douloureux (mesuré par échelle visuelle analogique) au maximum de ce soulagement.
Un soulagement satisfaisant était obtenu avec
chacune des quatre modalités thérapeutiques,
avec une importante décroissance des scores
douloureux qui passaient de 7,3 + 1,27 (SD)
à 1,2 + 1,18 (SD) (p < 0,0001), à laquelle
s’associait de façon significative une augmentation des taux de β-endorphines. Le soulagement significatif correspond à un taux
plasmatique moyen de 18,9 ± 5,4 pg/ml
(13,2-67,9).
Bien que la physiopathologie du phénomène
mis en évidence reste mal connue, il existe une
réelle corrélation entre la hausse des taux plasmatiques de β-endorphines et l’amélioration de
l’intensité de la douleur. Le soulagement de la
douleur serait donc modulé par le taux de ces
endorphines, et réciproquement.
A.C. Faucher, F. Lakdja
El-Sheikh N, Boswell MV. Plasma beta-endorphin levels before and after relief of cancer pain. Pain
Physician 2003 ; 7 (1) : 67-70.
Revue de presse
Revue de presse
Douleur testiculaire
après chirurgie herniaire
La douleur due à une atteinte nerveuse après
cure de hernie inguinale peut être la conséquence
d’un névrome ou de l’englobement du nerf dans
une ligature, une agrafe ou une prothèse.
La douleur testiculaire est caractéristique de
l’atteinte du rameau génital du nerf génitocrural. Elle peut être invalidante par son caractère permanent et sa résistance aux traitements
médicaux. Chez la femme, la douleur est localisée au niveau de la grande lèvre, sans intéresser le vagin.
Avant d’entreprendre une exploration chirurgicale, il convient d’éliminer une pathologie testiculaire, épididymaire ou gynécologique au
cours d’une consultation spécialisée. En outre,
l’exploration chirurgicale ne doit être entreprise qu’après échec de six mois au moins de
traitement médical.
Afin de bien préciser le trajet du nerf, les auteurs ont procédé à la dissection de dix cadavres congelés. La dissection a montré que les
variations anatomiques sont fréquentes. Sur
20 dissections, le rameau génital était en situation inférieure et latérale par rapport au cordon spermatique dans 17 cas et en situation
plutôt postérieure dans 3 cas. La branche terminale principale innerve le scrotum, et quelques
petits rameaux vont à la partie haute de la face
interne de la cuisse. Le nerf ilio-inguinal chemine le long du cordon sur le crémaster, et des
anastomoses entre les deux nerfs sont possibles. En cas de douleur attribuée au rameau
génital (douleur testiculaire), l’intervention a
pour but de sectionner le nerf en position plus
centrale par rapport au siège de la lésion, c’està-dire le plus près possible de son trajet dans
l’espace sous-péritonéal.
L’intervention comporte un abord itératif du
canal inguinal. La dissection est faite à l’aide
d’instruments fins et d’une loupe binoculaire.
Le nerf est repéré au bord inférieur du cordon. Il est suivi, côté distal, jusqu’à la lésion
et, côté central, jusqu’à l’orifice inguinal profond, puis au-delà dans l’espace sous-péritonéal, où il est sectionné. La partie distale est
réséquée.
Les auteurs rapportent 4 cas traités avec succès, la douleur ayant disparu le soir même de
l’intervention.
E. Pélissier
Ducic I, Dellon AL. Testicular pain after inguinal
hernia repair : an approach to resection of the genital branch of genitofemoral nerve. J Am Coll Surg 2004 ;
198 : 181-4.
Analgésie morphinique :
y a-t-il des différences
de réponse en fonction
du sexe ? Agonistes µ
versus agonistes κ
L’essai, randomisé et en double
aveugle, inclut des individus
de sexe opposé (45 femmes,
49 hommes), recrutés dans un
département d’urgences et souffrant de douleurs aiguës, modérées à sévères, secondairement
à des blessures diverses. Les
patients sont traités par des agonistes des récepteurs m (sulfate
de morphine, 46 patients) ou k
(butorphanol, 48 patients), puis
le soulagement de la douleur est
évalué par échelle visuelle analogique (EVA) à 30 et 60 minutes.
À 60 minutes, les femmes
obtiennent de meilleurs scores
EVA avec le butorphanol qu’avec
la morphine (p = 0,046) et, inversement, les hommes semblent
mieux répondre à la morphine
que les femmes (p = 0,06).
A.C. Faucher, F. Lakdja
Miller PL, Ernst AA. Sex differencies in analgesia : a randomized trial of mu versus kappa opioid
agonists. South Med J 2004 ; 97 (1) : 35-41.
Le Courrier de l’algologie (3), no 1, janvier/février/mars 2004
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